Production audiovisuelle : 15 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 11/02280

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Production audiovisuelle : 15 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 11/02280
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 1

ARRÊT DU 15 Juin 2011

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/02280

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2011 par le conseil de prud’hommes de PARIS RG n° 09/12623

APPELANTE

Madame [W] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne,

assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substituée par Me Sophie MISIRACA, avocat au barreau de PARIS, toque : B 53

INTIMEE

Société FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aline JACQUET DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2080

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Yves GARCIN, président

Madame Marie-Bernadette LE GARS, conseillère

Madame Claire MONTPIED, conseillère

Greffier : Madame Sandie FARGIER, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Yves GARCIN, président et par Madame Sandie FARGIER, greffier.

La cour est saisie de l’appel interjeté par Mme [W] [T] du jugement rendu le 17 février 2011 par le Conseil des Prud’hommes de Paris (départage), lequel a:

– requalifié les contrats à durée déterminée conclus entre l’appelante et la société FRANCE TELEVISIONS en contrats à durée indéterminée, ceci à compter du 11 juin 1988 et jusqu’au 24 octobre 2010, dernier jour travaillé à l’échéance de l’ultime CDD au jour de la clôture des débats devant le conseil, valant cessation de la relation de travail requalifiée,

– condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Mme [W] [T] les sommes de :

* 4.000 € à titre d’indemnité de requalification,

* 3.312,78 € au titre de la prime de fin d’année,

– ordonné l’exécution provisoire,

– débouté Mme [W] [T] du surplus de ses demandes,

– condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Mme [W] [T] la somme de 900 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Faits et demandes des parties :

A compter du 11 juin 1988 Mme [W] [T] a été embauchée par FRANCE 2, devenue en 2009 la société FRANCE TELEVISIONS, en qualité de chef monteur dans le cadre d’une succession de contrats à durée déterminée dont le dernier à la date de clôture des débats devant le Conseil des Prud’hommes était conclu pour la période du 18 au 24 octobre 2010.

Mme [W] [T] a saisi le Conseil des Prud’hommes le 2 octobre 2009 aux fins de requalification des CDD en CDI et aux fins de rappel de primes sur la base d’un salaire brut qu’elle demandait d’arrêter à 2.962 €, contexte dans lequel est intervenu le jugement dont appel.

°°°

Devant la cour, dans le cadre de son appel, Mme [W] [T] demande de :

– confirmer le jugement du Conseil des Prud’hommes en ce qu’il a requalifié ses CDD EN CDI à compter du 11 juin 1988 et en ce qu’il a condamné la société FRANCE TELEVISIONS à lui payer 900 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

elle poursuit la réformation du jugement pour le surplus et requiert de :

– dire que la relation de travail requalifiée en CDI se poursuit,

– condamner, en conséquence, la société FRANCE TELEVISIONS à lui payer :

* 20.000 € à titre d’indemnité de requalification,

* 57.086 € à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps plein,

* 26.818 € à titre de rappel de prime d’ancienneté, somme ramenée à 21.004 € à titre subsidiaire,

* 14.147 € à titre de rappel de prime de fin d’année,

* 7.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société FRANCE TELEVISIONS, qui expose que Mme [W] [T] avait le statut d’intermittent du spectacle, soulève in limine litis la prescription quinquenale des demandes de l’intéressée (estimant que la prescription extinctive concerne non seulement l’action en justice mais aussi le droit substantiel afférent au fond du droit) et conclut en conséquence au rejet de l’intégralité des prétentions portant sur la période antérieure au 2 octobre 2004,

Sur le fond, elle demande, à titre principal, au visa des articles L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail, de l’accord collectif national de télédiffusion relatif aux salariés employés sous CDD ‘d’usage’ du 22 décembre 2006, de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle, de :

– constater que la société FRANCE TELEVISIONS a respecté les dispositions légales de l’accord collectif,

– constater que Mme [W] [T] a le statut d’intermittent du spectacle,

– débouter Mme [W] [T] de sa demande de requalification et de ses demandes de rappel de primes,

à titre subsidiaire,

– dire que Mme [W] [T] collaborait avec la société FRANCE TELEVISIONS à temps partiel et que son salaire de référence s’établit à 2.053,44 €,

– débouter Mme [W] [T] de sa demande de prime d’ancienneté et fixer l’indemnité de requalification à 1 mois de salaire,

– évaluer la prime de fin d’année à 3.312,78 €.

La société FRANCE TELEVISIONS requiert la condamnation de Mme [W] [T] à lui payer 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la prescription soulevée in limine litis par la société FRANCE TELEVISIONS :

Considérant qu’aux termes du nouvel article 2224 du code civil, tel qu’issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’ ; que la société FRANCE TELEVISIONS se prévaut de cet article pour voir juger que l’action prud’homale ainsi que les créances salariales et indemnitaires réclamées par Mme [W] [T] sont prescrites pour la période antérieure de 5 ans à la saisine par elle du Conseil des Prud’hommes, soit pour la période antérieure au 2 octobre 2004 ;

Mais considérant qu’il ressort de l’article 26-II de la loi du 17 juin 2008 que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que Mme [W] [T] fondant sa demande sur le CDD initial du 11 juin 1988, son délai d’agir était initialement de 30 ans, soit jusqu’au 11 juin 2018 ; qu’en suite des nouvelles dispositions applicables au 17 juin 2008 le droit d’agir est porté à 5 ans soit au 11 juin 2013, ce dont il résulte qu’en saisissant le Conseil des Prud’hommes le 2 octobre 2009 Mme [W] [T] a agi dans le délai de la prescription ;

Sur la nature de la relation de travail :

Considérant qu’aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi liè à l’activité normale et permanente de l’entreprise ; que l’article précité précise en son alinéa 2 qu’un tel contrat ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche temporaire et, notamment, pour remplacer un salarié absent, pour un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise ou dans le cadre d’emplois à caractère saisonnier ou dans les secteurs d’activité définis par décret, par convention ou accord collectif de travail étendu où il est d’usage de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée ; que le contrat de ce type (CDD) doit être établi par écrit et comporter la définition précise du motif, à défaut de quoi le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée ;

Considérant, concernant Mme [W] [T], qu’il est établi qu’elle a travaillé de 1988 à octobre 2010 dans le cadre de CDD successifs motivés soit par la nécessité de ‘renfort’, ou de ‘remplacement’ d’un salarié absent ou par un ‘accroissement temporaire d’activité’ ou encore dans le contexte de l’article L.122-3-4 du code du travail soit des contrats dits ‘d’usage’ ;

Qu’à l’audience devant la cour, Mme [W] [T] justifie travailler encore pour la société FRANCE TELEVISIONS dans le cadre d’un nouveau CDD ;

Considérant qu’il est constant que la salariée figurait régulièrement sur les plannings des chefs monteurs au même titre que des collègues statutaires et suivait les mêmes formations internes que ces derniers en fonction de l’évolution des technologies nouvelles ; qu’il est également justifié qu’elle a sollicité, en vain, à 3 reprises, le bénéfice d’un emploi statutaire ;

Que les déclarations de revenus de Mme [W] [T] illustrent qu’elle a travaillé de façon continue pendant 22 ans pour la société FRANCE TELEVISIONS (anciennement FRANCE 2), ceci pour répondre à un besoin structurel et permanent de personnel, et non à une activité temporaire, et sans obtenir la fourniture d’un CDI pourtant réclamé par elle à 3 reprises étant observé, de surcroît, que son emploi, à savoir chef monteur, figure expressément dans la nomenclature des emplois listés à la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle comme devant être pourvu par un contrat de travail à durée indéterminée ;

Considérant qu’il convient, au vu des observations précitées de requalifier les CDD de Mme [W] [T] en un seul CDI à compter du premier jour de la relation contractuelle, soit à compter du 11 juin 1988 et, ce, jusqu’à aujourd’hui ;

Considérant que la requalification ouvre droit au versement de l’indemnité prévue à l’article L.1245-2 du code du travail pour un montant minimal correspondant à un mois de salaire ;

Qu’au vu des circonstances de la cause (durée de travail de 22 ans dans un cadre précaire, absence de bénéfice des droits du personnel statutaire en termes de progression de salaire et d’évolution professionnelle, incidence sur la retraite), la cour fixera le montant de cette indemnité à 8.000 € ;

Sur la demande de rappel de salaire réclamé par Mme [W] [T] sur la base d’un temps plein :

Considérant que si la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée modifie la nature de la relation de travail elle n’a pas pour effet de remettre en cause le montant contractuellement fixé de la rémunération, les salariés pouvant, cependant, prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées entre plusieurs contrats s’ils se sont tenus à la disposition de leur employeur pour effectuer un travail ;

Considérant que Mme [W] [T] a travaillé pour la société FRANCE TELEVISIONS le nombre de jours suivants :

– 2005 : 93 jours,

– 2006 : 72 jours,

– 2007 : 99 jours,

– 2008 : 92 jours,

– 2009 : 109 jours,

– 2010 : 82 jours,

soit toujours à temps partiel, le temps travaillé correspondant, en moyenne, à un tiers de temps plein ;

Que dans les périodes non travaillées elle a perçu les allocations chômage ;

Considérant que l’employeur ne justifie cependant pas, ni même ne l’allègue, que Mme [W] [T] a travaillé pour d’autres employeurs que lui ; qu’il ne justifie pas non plus de la répartition de la durée du travail entre les jours de semaine ou les jours du mois, Mme [W] [T] exposant sans être contredite, qu’elle avait connaissance le vendredi du planning journalier et horaire relatif à la semaine suivante ; qu’il convient de déduire de cette situation que Mme [W] [T] se tenait à disposition de son employeur pendant les périodes non travaillées et est donc en droit de prétendre à un rappel de salaire sur ces périodes déduction faite des indemnités de chômage perçues et, éventuellement, des rémunérations qu’elle aurait perçues de la part d’autres employeurs, ce dont il n’est pas justifié en l’état du dossier ;

Considérant que, sur ce point, la cour renverra les parties à faire contradictoirement leurs comptes sur une base de salaire horaire rapportée au mois, tel que contractuellement prévu, ceci dans les limites de la prescription quinquennale relative aux salaires ;

Sur la prime de fin d’année ;

Considérant que la prime de fin d’année est versée aux salariés statutaires de l’entreprise au prorata du temps de présence ; que les CDD de Mme [W] [T] ayant été requalifiés en CDI elle est en droit de revendiquer cette prime ;

Que c’est par de justes motifs, que la cour adopte, que les premiers juges ont, en se fondant sur le nombre de jours travaillés de Mme [W] [T], arrêté cette prime de fin d’année à la somme de 3.312,78 € ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la prime d’ancienneté :

Considérant qu’en vertu de la convention collective applicable au cas d’espèce la prime d’ancienneté est intégrée dans le salaire mensuel ; qu’elle est fixée à 0,8 % par année jusqu’à 20 ans et à 0,5% de 21 à 30 ans sans pouvoir dépasser 21 % ; que l’ancienneté s’entend bien des services effectifs, avec l’observation que dans l’hypothèse d’une requalification de CDD en CDI, les périodes d’interruption de travail entre plusieurs CDD qui n’ouvrent pas droit à salaire, produisent sur l’ancienneté les effets d’une suspension de contrat de travail ;

Considérant qu’il s’ensuit, qu’au vu des jours travaillés de Mme [W] [T] tels qu’énumérés ci-dessus, la salariée ne justifie pas d’une ancienneté de services effectifs de 16 ans à compter du mois d’octobre 2004, point de départ de la période non prescrite ;

Que c’est, en conséquence, par des motifs pertinents que le premier juge a rejeté sa demande à ce titre ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Considérant que l’équité commande de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Mme [W] [T] une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement du Conseil des Prud’hommes de Paris du 17 février 2011 en ce qu’il a :

– requalifié les contrats à durée déterminée conclus entre l’appelante et la société FRANCE TELEVISIONS en contrats à durée indéterminée, ceci à compter du 11 juin 1988 et jusqu’au 24 octobre 2010, dernier jour travaillé à l’échéance de l’ultime CDD au jour de la clôture des débats devant le conseil, valant cessation de la relation de travail requalifiée;

– condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Mme [W] [T] les sommes de :

* 3.312,78 € au titre de la prime de fin d’année,

* 900 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouté Mme [W] [T] de sa demande au titre de la prime d’ancienneté ;

Ajoutant au jugement,

– dit que la relation de travail liant Mme [W] [T] à la société FRANCE TELEVISIONS se poursuit sous la forme d’un CDI ;

– dit que Mme [W] [T] est fondée à solliciter un rappel de salaires ;

– renvoie sur ce point les parties à faire contradictoirement leurs comptes sur une base de salaire horaire rapportée au mois, tel que contractuellement prévu, ceci dans les limites de la prescription quinquennale relative aux salaires ;

Réformant le jugement,

– condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Mme [W] [T] une indemnité de requalification de 8.000 € ;

En cause d’appel,

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Mme [W] [T] une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS aux entiers dépens .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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