Production Audiovisuelle : 14 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/00135

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Production Audiovisuelle : 14 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/00135

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 23/52

N° N° RG 23/00135 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TSH6

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l’article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l’appel par lettre recommandée postée le 02 Mars 2023 et reçue à la Cour d’appel le 6mars 2023, formé par :

M. [B] [P]

né le 15 Décembre 1973 à [Localité 5] (78)

[Adresse 4]

[Localité 1],

hospitalisé au Centre Hospitalier Spécialisé de [Localité 2] ([3])

ayant pour avocat Me Franziska MOSIMANN, avocat au barreau de RENNES

d’une ordonnance rendue le 27 Février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de SAINT-NAZAIRE qui a dit n’y avoir lieu à main-levée de son hospitalisation ;

En présence de [B] [P], régulièrement avisé de la date de l’audience, assisté de Me Franziska MOSIMANN, avocat

En l’absence de [K] [N], tiers demandeur, regulièrement avisé, (observations écrites)

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, (avis écrit)

En l’absence du représentant de l’établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 13 Mars 2023 à 14 H 00 l’appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE

Sur la base d’un certificat médical du Dr. [C] du 17 février 2023 décrivant un patient hospitalisé pour des troubles du comportement et une agressivité, un délire de persécution de mécanisme intuitif et interprétatif, avec une adhésion totale et une répercussion affective importante à type d’angoisse, un discours diffluent, sans organisation cohérente, un refus des soins en hospitalisation auxquels il n’est pas en mesure de consentir, et en vertu d’une décision du directeur du centre hospitalier [3] de [Localité 2] du même jour, M. [B] [P] a été admis en urgence en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d’un tiers, en l’occurrence son frère M. [K] [N].

Le certificat médical des 24 heures établi le 18 février 2023 par le Dr. [Y] mentionne une bizarrerie de contact et une désorganisation de la pensée, avec des idées délirantes de persécution à mécanisme interprétatif vis-à-vis de son beau-père, dans le déni de ses troubles et n’adhérant pas aux soins, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d’une hospitalisation complète et continue de M. [B] [P].

Le certificat médical des 72 heures établi le 20 février 2023 par le Dr. [Z] décrit un délire de persécution à mécanisme interprétatif imaginatif centré sur son beau-père et ses voisins, une probable hallucination auditive, un déni des troubles, une tendance à minimiser et banaliser son comportement ainsi qu’une opposition aux soins, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d’une hospitalisation complète et continue.

Le même jour, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de M. [B] [P] en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète.

Sur la base d’un certificat médical du Dr. [Z] du 23 février 2023 mentionnant un délire en réseau (beau-père, les voisins, la famille du beau-père’) avec thématique persécutive et mécanisme interprétatif et imaginatif (M. [B] [P] est convaincu que son beau-père, avec l’aide des voisins, a fait rentrer des rats dans les cloisons de sa maison pour le faire partir), une probable hallucination auditive, un discours hermétique avec paralogie, une adhésion totale à son délire, un déni des troubles et une opposition aux soins, le directeur du centre hospitalier a, par requête du même jour, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins de contrôle de la mesure d’hospitalisation complète.

Par ordonnance du 27 février 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l’hospitalisation complète de M. [B] [P].

Par lettre recommandée avec avis de réception postée le 2 mars 2023, M. [B] [P] a fait appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.

À l’audience du 13 mars 2023 à 14 heures, M. [B] [P] indique n’avoir jamais été violent avec son beau-père et ne pas avoir compris l’arrivée des gendarmes alors qu’il avait juste déclaré vouloir changer de médecin. Il s’étonne de l’intervention de son demi-frère qui ne vit pas avec eux, qui aime beaucoup l’argent et qui est potentiellement intéressé par les biens de sa mère, seule personne en qui il a confiance.

Son avocate sollicite l’infirmation de l’ordonnance et la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète de M. [B] [P]. Selon elle, il existe un conflit d’intérêt entre M. [B] [P] et son demi-frère qui est à l’origine de la demande d’hospitalisation. Par ailleurs, l’urgence n’est pas caractérisée, de sorte que la demande nécessitait en réalité deux certificats médicaux. Enfin, la décision d’admission n’a pas été transmise à la commission départementale des soins psychiatriques alors qu’elle peut demander la mainlevée, ce qui lui fait nécessairement grief.

Le centre hospitalier ne comparaît pas mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 8 mars 2023 par le Dr. [H] mentionnant la finalisation d’un traitement adapté, l’orientation des soins en hôpital de jour afin de permettre un retour de M. [B] [P] à son domicile dans de bonnes conditions et la remise en état de son logement, la persistance d’éléments délirants de tonalité persécutoire, situation nécessitant la poursuite de l’hospitalisation complète et continue afin de limiter les risques de passage à l’acte hétéro-agressifs contre son beau-père et sa mère.

M. [K] [N], tiers demandeur, ne comparaît pas mais a écrit pour solliciter le maintien des soins sous contrainte, le dosage des médicaments restant à définir et M. [B] [P] ne pouvant pas rentrer à la maison en l’état.

Le ministère public requiert la confirmation de l’ordonnance.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l’appel

Aux termes de l’article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance.

Selon l’article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l’heure.

En l’espèce, M. [B] [P] a formé le 2 mars 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 27 février 2023.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

1 – le dévoiement de la procédure de soins à la demande d’un tiers en urgence :

Aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, ‘une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1.

Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission (notamment) lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu’elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l’égard d’un majeur protégé, d’une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci’.

L’article L. 3212-1 dispose encore que ‘la décision d’admission (à la demande d’un tiers) est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.

Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade’.

L’article L. 3212-3 prévoit qu’ ‘en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts’.

En l’espèce, M. [B] [P] ne produit aucun élément tangible permettant de douter de la qualité de son demi-frère, M. [K] [N], tiers demandeur, à agir pour son bien.

Par ailleurs, M. [B] [P] a été admis en urgence en hospitalisation complète sans son consentement sur la base d’un certificat médical du Dr. [C] du 17 février 2023 décrivant un patient hospitalisé pour des troubles du comportement et une agressivité, un délire de persécution de mécanisme intuitif et interprétatif, avec une adhésion totale et une répercussion affective importante à type d’angoisse, un discours diffluent, sans organisation cohérente et un refus des soins en hospitalisation auxquels il n’est pas en mesure de consentir.

Il ressort de cette description que M. [B] [P] était susceptible de se mettre gravement en danger, ce qui autorisait l’usage de la procédure d’urgence.

Le moyen doit donc être écarté comme étant inopérant.

2 – l’absence de transmisssion de la décision d’admission à la commission départementale des soins psychiatriques :

L’article L. 3223-1 du code de la santé publique prévoit que ‘la commission (départementale des soins psychiatriques) (…) est informée, dans les conditions prévues aux chapitres II et III du titre Ier du présent livre, de toute décision d’admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins’.

Compte tenu des prérogatives offertes à la commission départementale des soins psychiatriques, l’absence de notification d’une décision d’admission fait nécessairement grief au patient.

En l’espèce, il ressort de la décision d’admission du 17 février 2023 qu’une copie a été adressée à la commission départementale des soins psychiatriques le 20 février 2023.

Le moyen doit donc être écarté comme étant inopérant.

Sur le fond

Aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, ‘une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1’.

L’article L. 3211-12-4 prévoit que ‘l’ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 , L. 3211-12-1 ou L. 3222-5-1 est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l’article L. 3211-12-2, à l’exception du dernier alinéa du I’.

(…) Lorsque l’ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l’article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l’établissement d’accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d’appel au plus tard quarante-huit heures avant l’audience’.

En l’espèce, le certificat médical de situation établi le 8 mars 2023 par le Dr. [H] mentionne la finalisation d’un traitement adapté, l’orientation des soins en hôpital de jour afin de permettre un retour de M. [B] [P] à son domicile dans de bonnes conditions et la remise en état de son logement, la persistance d’éléments délirants de tonalité persécutoire, situation nécessitant la poursuite de l’hospitalisation complète et continue afin de limiter les risques de passage à l’acte hétéro-agressif contre son beau-père et sa mère.

Si ce certificat médical est éloigné de l’audience de cinq jours, il a été établi entre le 2 mars 2023 (date de l’appel) et le 11 mars 2023 (date limite d’envoi à la cour d’appel).

La nécessité de la poursuite de l’hospitalisation est donc avérée.

Il s’ensuit que l’ordonnance sera confirmée.

Sur les dépens

Les dépens d’appel seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Recevons M. [B] [P] en son appel,

Confirmons l’ordonnance entreprise,

Laissons les dépens d’appel à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 14 Mars 2023 à 14 h

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [B] [P] , à son avocat, au CH, au tiers demandeur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier

 


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