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Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 14 JUIN 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/04561 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHIEZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2022 du Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J202200274
Nature de la décision : Rendue par défaut
NOUS, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Sonia DAIRAIN, Greffière lors des débats et de Cécilie MARTEL, greffière lors de la mise à disposition.
Vu les assignations en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEURS
S.A.S. RASE-MOTTES PRODUCTIONS
[Adresse 3]
[Localité 10]
Monsieur [J] [T], en qualité de dirigeant de la société RASE-MOTTES PRODUCTIONS
Dom. élu chez Me Roger DENOULET, avocat
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentés par Me Vincent LAI substituant Me Roger DENOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0285
à
DEFENDEURS
S.A.S. NO GRAVITY FILMS
[Adresse 1]
[Localité 7]
Non comparante ni représentée à l’audience
Monsieur [U] [L]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Non comparant ni représenté à l’audience
S.C.P. [P], prise en la personne de Me [B] [P], en qualité d’administrateur judiciaire de la société RASE-MOTTES PRODUCTIONS
[Adresse 5]
[Localité 6]
Non comparante ni représentée à l’audience
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 09 Mai 2023 :
Par jugement du 20 juin 2022 rendu entre d’une part la Sas Rase-Mottes Productions, et d’autre part M. [L] et la Sas No Gravity Films dans l’affaire 2020016317 et entre la Sas Rase-Mottes Productions et M. [T] dans l’affaire 2021012699, le tribunal de commerce de Paris a :
– joint les deux affaires enrôlées sous les RG 2020016317 et RG 2021012699
– débouté la SAS Rase-Mottes Productions de toutes ses demandes à l’encontre de M. [L] et de la SAS No Gravity Films;
– condamné la SAS Rase-Mottes Productions à payer à M. [L] la somme de 46 472,10 euros;
– dit la demande de M. [L] en dissolution de la SAS Rase-Mottes Productions recevable et bien-fondée;
– prononcé la dissolution judiciaire de la SAS Rase-Mottes Productions et désigné la SCP [P] prise en la personne de Me [P], administrateur judiciaire, avec mission de procéder aux opérations de liquidation amiable et de radiation de la SAS Rase-Mottes Productions;
– fixé la provision à verser à la SCP [P] prise en la personne de Me [P] à un montant de 1 500 euros, à la charge de M. [L] et la SAS No Gravity Films;
– dit que la copie de la présente décision sera annexée au Registre du Commerce et des Société par le greffier de ce tribunal;
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires;
– dit n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile;
– condamné la SAS Rase-Mottes Productions aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 euros dont 19,24 euros de TVA.
Par déclaration d’appel du 7 octobre 2022, la SAS Rase-Mottes Productions et M. [T] ont interjeté appel de cette décision.
La SAS Rase-Mottes Productions et M. [T] ont fait assigner en référé la SCP [P] prise en la personne de Me [P] par acte d’huissier du 15 mars 2023, la société No Gravity Films par acte d’huissier du 20 mars 2023, ainsi que M. [L] par acte d’huissier du 22 mars 2023 devant le premier président de cette cour afin d’arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu le 20 juin 2022 rendu par le tribunal de commerce de Paris compte tenu des moyens sérieux d’annulation ou de réformation et dès lors que l’exécution provisoire risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives, et de dire que les dépens du présent référé suivront le sort du principal.
La SAS Rase-Mottes Productions et M. [T] ont déposé de nouvelles conclusions lors de l’audience des plaidoiries du 9 mai 2023, où ils ont renouvelé leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 20 juin 2022 du tribunal de commerce de Paris, et ont demandé de dire que l’assignation en référé de Me [P] était recevable, de rejeter le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’assignation soulevée par Me [P], administrateur judiciaire en charge d’une mission de liquidation amiable de la SAS Rase-Mottes Productions, et de rejeter les demandes, fins et conclusions de M. [L] et de la société No Gravity. Ces conclusions dont il n’est pas justifié qu’elles aient été valablement signifiées aux défendeurs, non comparants à l’audience, ne seront pas retenues.
Ni M. [L] ni la SAS No Gravity Films n’ont déposé de conclusions, et n’étaient pas présents ni représentés lors de l’audience des plaidoiries du 9 mai 2023.
Me [P], administrateur judiciaire chargé de procéder aux opérations de liquidation amiable et de radiation de la société Rase-Mottes, a adressé un courrier qu’il n’a pas soutenu à l’audience de plaidoiries du 9 mai 2023 à laquelle il n’a pas comparu ni n’était représenté.
SUR CE,
En vertu de l’article 514-3 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur le 1er janvier 2020, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il ressort du texte précité que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que le premier président puisse suspendre l’exécution provisoire prononcée : il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision entreprise et l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l’espèce, l’assignation délivrée à M. [L] ainsi qu’à la société No Gravity Films devant le tribunal de commerce de Paris est du 13 mars ou du 17 avril 2020, et les dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile ont bien vocation à s’appliquer à la présent situation. La SAS Rase-Mottes Productions et M. [T] qui étaient comparants et représentés, ne rapportent aucune observation au sujet de l’exécution provisoire à leur encontre lors de l’audience des plaidoiries mais sollicitaient l’exécution provisoire en leur faveur. Il leur faut donc prouver que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélés postérieurement à la décision de première instance.
Il ressort des pièces produites aux débats que M. [T] et M. [L] ont constitué à parts égales le 9 mars 2012 une société par action simplifiée dénommée Rase-Mottes Productions, ayant pour activité la production audiovisuelle, la réalisation, la post-production ainsi que la prise de vues grâce à un ULM ou des drones. Le 7 février 2014, M. [L] a apporté la somme de 46 472,10 euros en compte courant d’associé et avec cet argent la SAS Rase-Mottes Productions a fait l’achat d’un ULM le 18 mars suivant. En pratique, M. [T], président de la société, filmait, et M. [L], directeur général, pilotait. A partir de la fin de l’année 2016, des dissensions de plus en plus importantes sont apparues entre les associés, et M. [L] a démissionné le 15 juin 2018, puis est devenu associé de la société No Gravity Films le 31 août 2018. Il a mis alors en demeure la SAS Rase-Mottes Productions de lui rembourser son compte courant d’associé, et s’est vu autorisé à pratiquer, pour garantie du remboursement, une saisie conservatoire de l’ULM, demeurée infructueuse. La SAS Rase-Mottes Productions l’a alors mis en demeure de lui restituer le matériel professionnel de la société en sa possession.
C’est ainsi que le 17 avril 2020, la SAS Rase-Mottes Productions a saisi le tribunal de commerce d’une action en concurrence déloyale et dénigrement à l’encontre de M. [L] et de la société No Gravity Films, lesquels ont formé une demande reconventionnelle en concurrence déloyale et dénigrement à l’encontre de M. [T] outre pour M. [L] d’une demande en remboursement de son compte courant d’associé, de dissolution judiciaire de la SAS Rase-Mottes Productions avec la liquidation judiciaire en résultant.
Le tribunal de commerce de Paris a alors, entre autres, rejeté les demandes en concurrence déloyale, a condamné la société rase-Mottes à rembourser le compte courant d’associé de M. [L], et prononcé la dissolution judiciaire de la société Rase-Mottes Productions.
Sur le moyen sérieux de réformation de la décision de première instance :
M. [T] et la SAS Rase-Mottes Productions considèrent qu’ils disposent de moyens sérieux de réformation du jugement entrepris car la dissolution de la société l’empêcherait alors de faire valoir ses droits devant la cour d’appel, mais aussi de faire valoir ses droits de partie civile dans l’instance pénale en cours au pôle financier de tribunal judiciaire de Paris. M. [L], a été mis en examen des chefs d’abus de biens sociaux, vol, abus de confiance et recels de ces délits commis au préjudice de la société Rase-Mottes Productions le 17 février 2023, ce qui contredit le raisonnement du jugement de première instance.
Il est ainsi produit aux débats que M. [L] a effectivement été mis en examen le 17 février 2023 des chefs d’abus de biens sociaux, abus de confiance,vol et recel de ces délits dans le cadre de son activité professionnelle au sein de la société Rase-Mottes et que cette information judiciaire est en voie d’achèvement puisqu’un avis de fin d’information a été rendu en avril 2023. C’est ainsi que le magistrat instructeur a considéré qu’ily avait des indices graves et concordants qui laissaient à penser que M. [L] avait commis des fautes de nature pénale dans l’exercice de son activité professionnelle au sein de la société Rase-Mottes et ces fautes sont relatives aux manquements avancés par les demandeurs devant le tribunal de commerce de Paris et notamment la demande de remboursement du compte courant d’associé.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que M. [T] ainsi que la société Rase-Mottes Productions présentent un moyen sérieux de réformation du jugement entrepris.
Sur les conséquences manifestement excessives du prononcé de l’exécution provisoire :
M. [T] ainsi que la société Rase-Mottes Productions font valoir que la dissolution judiciaire de la société entraînerait des conséquences manifestement excessives. En effet, la société Rase-Mottes Productions est une entreprise qui exerce toujours une activité professionnelle, avec une hausse de son chiffre d’affaire en 2021 et 2022, et qui respecte les formalités sociales et administratives auxquelles elle est légalement tenue. Ils indiquent notamment une intervention en 2022 pour une prestation pour le Musée National de la Malmaison.
Il ressort ainsi des pièces versées aux débats que la société Rase-Mottes Productions exerce toujours une activité et continue de développer cette dernière, ce qui est attesté par la production du bilan comptable de la société Rases-Mottes Productions pour l’année 2021 et d’un bon de commande auprès de la société du 11 mars 2022. La poursuite de l’activité de la SAS Rase-Mottes Productions n’est d’ailleurs pas valablement contestée par M. [L] qui n’a pas versé le montant de la consignation permettant à l’administrateur judiciaire de débuter sa mission de liquidation amiable de la société.
En outre, la liquidation amiable immédiate priverait cette entreprise de la possibilité de faire valoir ses droits en appel et devant la juridiction répressive en sa qualité de partie civile, élément intervenu en avril 2023.
C’est pourquoi, il y a lieu de considérer que l’exécution provisoire attachée au jugement du 20 juin 2022 du tribunal de commerce est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives pour la société Rase-Mottes Productions, et son président, M. [T], en raison de la situation irréversible qu’elle créerait.
Dans ces conditions, les deux conditions cumulatives prévues par l’article 514-3 du code de procédure civile sont réunies, et l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision de première instance frappée d’appel sera ordonné.
Il est inéquitable de laisser à la charge de la SAS Rase-Mottes Productions et de M. [T] leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens, et une somme de 1 500 euros leur sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront laissés à la charge de M. [L], in solidum avec la société No Gravity Films.
PAR CES MOTIFS,
Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce du 20 juin 2022 sollicité par la Sas Rase-Mottes Production et M. [T] ;
Condamnons in solidum M. [L] et la société No Gravity Films à verser à la Sas Rase-Mottes Productions et à M. [T] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laissons in solidum à M. [L] et à la société No Gravity Films la charge des dépens.
ORDONNANCE rendue par M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président