N° Q 15-80.090 F-D
J 13-88.633
N° 163
SC2
1ER MARS 2016
REJET
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
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Mme [C] [Q], épouse [O],
La société Pro TV,
– contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 29 octobre 2013, qui, dans la procédure suivie contre elles du chef d’infractions à la réglementation relative au contrat de travail à durée déterminée, a prononcé sur leur demande de nullité de pièces de procédure ;
– contre l’arrêt de la même juridiction, en date du 9 décembre 2014, qui, des chefs susvisés, a condamné, la première, à 1 500 euros d’amende, la seconde, à 5 000 euros d’amende avec sursis ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 12 janvier 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAGAUCHE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte des arrêts attaqués, du jugement confirmé et du procès-verbal de l’inspecteur du travail, base des poursuites, que la société Pro TV, qui produit l’émission « Trente millions d’amis », a employé des techniciens du secteur de l’audiovisuel sans contrat écrit alors qu’il faisaient, selon Mme [Q], la gérante de la société, l’objet de contrats à durée déterminée d’usage ; qu’à la suite du procès-verbal établi par l’inspecteur du travail, qui avait été saisi par plusieurs salariés, les prévenues ont été citées devant le tribunal correctionnel des chefs, d’une part, d’embauche de salarié pour une durée déterminée sans contrat de travail écrit conforme, et d’autre part, de conclusion de contrat de travail à durée déterminée pour un emploi durable et habituel ; que les premiers juges les ont retenues dans les liens de la prévention ; qu’elles ont relevé appel de cette décision ;
En cet état :
I – Sur les pourvois formés contre l’arrêt du 29 octobre 2013 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, L. 8113-7 du code du travail, 551 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt avant-dire droit, en date du 29 octobre 2013, a rejeté l’exception de nullité des citations délivrées aux prévenues et l’arrêt au fond, en date du 9 décembre 2014, a condamné les prévenues des chefs de recours illicite à des contrats à durée déterminée et d’embauche de salariés pour une durée déterminée sans contrat de travail écrit ;
« aux motifs qu’aux termes de l’article 551 du code de procédure pénale, « la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime » ; que la nullité de la citation peut être prononcée lorsque l’irrégularité invoquée a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne concernée, notamment, en ne lui permettant pas de préparer les moyens de défense ; que, même l’article 6, § 3, a, de la Convention européenne des droits de l’homme pose le principe que le prévenu a droit d’être informé d’une manière détaillée de la nature et la cause de l’accusation portée contre lui ; qu’est donc nulle la citation qui ne contient que la qualification juridique du ou des faits sans s’y référer précisément ; qu’en l’espèce, la société Pro TV et Mme [O] sont poursuivies selon mandement de citation pour avoir à [Localité 1], en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, entre le 1er juillet 2009 et le 31 janvier 2010, conclu des contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir des emplois durables de techniciens liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise « Pro TV », faits prévus et réprimés par les articles L. 1248-1, alinéa 1, et 1242-1 du code du travail et pour avoir embauché des salariés pour une durée déterminée sans contrat de travail écrit conforme à la législation en vigueur, faits prévus et réprimés par les articles L. 1248-6, alinéa 1, et 1242-12, alinéa 1, du code du travail et réprimés par l’article L. 1248-6, alinéa 1, du code du travail ; qu’il est contant que les citations à comparaître critiquées comme insuffisamment précises ont été précédées d’une inspection contradictoire de l’inspection du travail ayant fait l’objet d’un échange nourri de courriers recommandés entre l’inspecteur du travail M. [S] [G] et les prévenues ; qu’il ressort du procès-verbal, en date du 19 août 2010, que, le 24 février 2010, l’inspection du travail saisie de réclamations de plusieurs salariés de la société de production audiovisuelle Pro TV a effectué un contrôle dans ses locaux, au cours duquel il a été constaté que la société avait employé au cours du second semestre 2009 six journalistes sous contrat à durée indéterminée, ainsi que des techniciens, opérateur vidéo, opérateur son, monteur, assistant montage et réalisateur, représentant ensemble l’équivalent de six temps plein ; que l’inspecteur du travail a relevé, d’une part, que ces techniciens n’avaient pas de contrats de travail écrits alors qu’ils faisaient, selon la directrice, Mme [O], l’objet de contrats de travail à durée déterminée d’usage, d’autre part, que leurs emplois étaient liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise, laquelle produit habituellement plus de soixante minutes d’émission audiovisuelle hebdomadaire ; qu’avant de dresser son procès-verbal de constat des délits prévus respectivement par les articles L. 1242-12 et L. 1248-6, L. 1242-1, L. 1248-1, L. 1242-10 et L. 1242-11 du code du travail, consistant en l’embauche de salariés pour une durée déterminée sans contrat de travail écrit conforme et en la conclusion de contrat de travail à durée déterminée pour un emploi durable habituel imputables à Mme [O], l’inspecteur du travail avait envoyé le 3 mars 2010 à cette dernière un courrier rappelant les infractions qu’il avait relevées et les observations qu’il avait recueillies de l’employeur à l’occasion du contrôle ; que, par courrier du 12 avril 2010, Pro TV et Mme [O] ont indiqué à l’inspecteur du travail avoir, depuis le contrôle, préparé des contrats-types écrits à l’égard des salariés concernés, mais ne pas partager son analyse sur les possibilités de requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrats à durée indéterminée ; que, par courrier du 7 juin 2010, l’inspecteur du travail, nullement convaincu par les analyses de l’employeur, a repris ses constatations initiales et conclu qu’il ressortait de son enquête un usage abusif des contrats de travail à durée déterminée d’usage et l’existence d’infractions aux articles susvisés du code du travail, adressant à Mme [O] deux courriers relatifs aux procès-verbaux qu’il avait l’intention de rédiger à son encontre ; que, sans réponse de la société, il l’a encore informée, par lettre du 18 juin 2010, de son intention de relever les deux infractions susvisées et lui a demandé de lui faire connaître les éléments d’identité du dirigeant et l’organigramme de la société pour le 1er juillet ; que, le 8 novembre 2010, dans le cadre de l’enquête préliminaire, Mme [O] a reconnu ne pas avoir établi, jusqu’au contrôle de l’inspection du travail, de contrats de travail écrits pour les salariés en contrats à durée déterminée, ce qui a été corrigé depuis lors ainsi qu’il aurait été constaté par l’inspecteur du travail ; qu’elle a en revanche, persisté dans son analyse de l’usage des contrats à durée déterminée d’usage, invoquant au surplus, son ignorance de la réglementation et ses rapports amicaux avec les salariés, autant journalistes que techniciens, justifiant de les maintenir en contrat de travail à durée déterminée et ne pas rédiger, jusqu’alors de contrat écrit ; qu’il résulte de ces constatations et énonciations que la société Pro TV et Mme [O] ont été informées des faits servant de base à la prévention conformément aux exigences de l’article 551 du code de procédure pénale, les circonstances de temps et de lieu relatives aux faits reprochés étant circonscrites avec suffisamment de clarté et de précision dans les citations qui énoncent au surplus correctement les textes du code du travail applicables, eu égard à la connaissance qu’elles avaient eue en temps réel du contenu du procès-verbal transmis par l’inspecteur du travail au procureur de la République, ainsi que de ses annexes consistant en des tableaux récapitulatifs de l’activité des techniciens entre juillet 2009 et janvier 2010, établis à partir des documents remis par l’employeur lui-même ; que les prévenues ont ainsi été à même de préparer leurs moyens de défense ;
« 1°) alors qu’est nulle en raison de son imprécision la citation mentionnant des faits de recours illicite à des contrats à durée déterminée et d’embauche de salariés pour une durée déterminée sans contrat de travail écrit ainsi que l’entreprise et la période en cause sans indiquer le nombre et l’identité des emplois et des salariés concernés ; que cette imprécision ne peut être palliée par le contenu du procès-verbal dressé par l’inspection du travail préalablement à la délivrance de cette citation ou par les échanges de correspondances avec l’employeur lors du contrôle qui l’a précédé que si ces documents sont annexés ou référencés dans la citation ; qu’en retenant que sont suffisamment précises les citations mentionnant la qualification juridique des faits servant de base à la prévention ainsi que les circonstances de temps et de lieu desdits faits dans la mesure où les prévenues avaient eu en temps réel connaissance, au moyen notamment des échanges de correspondances avec l’inspection du travail, du contenu du procès-verbal transmis par cette administration au procureur de la République ainsi que de ses annexes contenant des tableaux récapitulatifs de l’activité des salariés concernés, là où ces documents ne sont ni annexés, ni référencés à la citation, de sorte que rien ne permet de retenir que le ministère public a entendu délimiter les faits poursuivis par référence à ces documents, la cour d’appel a violé les textes précités ;
« 2°) alors qu’en retenant que les prévenues avaient eu connaissance du contenu du procès-verbal contenant la description des faits poursuivis « en temps réel », lors des opérations de contrôle, et donc avant que ce procès-verbal ne soit dressé, la cour d’appel n’a pas constaté que les prévenues avaient pu avoir accès au document décrivant les faits visés par la prévention, et a violé les textes précités » ;
Attendu que pour écarter l’exception de nullité de la citation prise de son imprécision, faute pour elle de préciser le nombre et l’identité des salariés concernés par les infractions relevées, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui font ressortir que les prévenues ont été mises en mesure de préparer leur défense, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que l’article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale, exige seulement que la citation délivrée au prévenu énonce le fait poursuivi et vise le texte prévoyant l’incrimination ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
II – Sur les pourvois formés contre l’arrêt du 9 décembre 2014 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 1242-1, L. 1242-2, alinéa 3, L. 1248-1, L. 1248-6 et D. 1242-1 du code du travail, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
« en ce que l’arrêt, en date du 9 décembre 2014, a condamné Mme [O] et la société Pro TV des chefs de recours illicite à des contrats à durée déterminée Pro TV et d’embauche de salariés pour une durée déterminée sans contrat de travail écrit à des amendes de 1 500 euros et de 5 000 euros ;
« aux motifs que la SAS Pro TV, dont Mme [O] est la gérante, produit depuis 1982 des émissions de télévision et, notamment, l’émission « 30 millions d’amis » ; que l’entreprise bénéficie depuis 2007 d’un contrat de production avec France 3, chaîne de service public, lui permettant de produire de façon hebdomadaire deux émissions de trente minutes, l’une de ces émissions aurait-elle pris fin dernièrement ; que, pour la réalisation de ses reportages, la société dispose d’équipes comprenant un de ses six journalistes bénéficiant d’un contrat de travail à durée déterminée, outre un réalisateur, un opérateur son et un opérateur image, le montage étant par la suite assuré par un monteur et un assistant monteur, lesquels font l’objet de contrat de travail à durée déterminée représentant six « équivalent temps plein » ; que, le 24 février 2010, l’inspection du travail saisie de réclamations de plusieurs salariés de la société de production audiovisuelle Pro TV a effectué un contrôle dans les locaux de cette société, au cours duquel il a été constaté que celle-ci avait employé au second semestre 2009 six journalistes sous contrat à durée indéterminée, ainsi que des techniciens, opérateur vidéo, opérateur son, monteur, assistant montage et réalisateur, représentant ensemble l’équivalent de six temps plein ; qu’il ressort du procès-verbal de l’inspection du travail en date du 19 août 2010, d’une part, que ces techniciens n’avaient pas de contrats écrits alors qu’ils faisaient, selon la directrice Mme [O], l’objet de contrats de travail à durée déterminée d’usage, d’autre part, que leurs emplois étaient liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise, laquelle produit habituellement plus de soixante minutes d’émission audiovisuelle hebdomadaire ; que Mme [C] [O] a déclaré à l’inspection du travail que le recours à des « CDD d’usage » était justifié par la spécificité des compétences techniques mises en oeuvre selon le type d’émission, qu’il s’agisse de tournages en intérieur ou en extérieur, ainsi, surtout, que par « l’aspect provisoire de l’activité et son caractère incertain », l’aléa résultant du fait que l’émission « 30 millions d’amis » est produite dans le cadre d’un contrat de la chaîne de télévision, que ce contrat expire au plus tard à la fin de la « saison télévisuelle » (c’est-à-dire à chaque changement de grille) et n’est pas susceptible de reconduction automatique, comporte une clause d’audience qui permet à la chaîne de résilier sans indemnité si les scores d’audience réalisés par l’émission n’atteignent pas un niveau jugé suffisant par la chaîne ; que chaque saison audiovisuelle, la société Pro TV négocie avec la chaîne, sans pouvoir présumer du résultat, la signature d’un contrat de commande ; qu’ainsi, selon la prévenue, l’activité de production se caractérise par la précarité des contrats de commande et ne répond pas aux critères de l’activité normale et permanente de l’entreprise, que le caractère permanent de l’émission n’est nullement caractérisé par la succession de contrats de commandes dès lors que l’émission peut s’arrêter du jour au lendemain et que rien n’oblige la chaîne à passer commande d’une nouvelle collection d’émissions la saison télévisuelle suivante ; qu’au reste, selon la société, aucun salarié ne pourrait bénéficier du statut conventionnel de « collaborateur de longue durée » ; qu’il apparaît alors que certains des quarante salariés de la société ayant travaillé sur des postes de techniciens en contrat à durée déterminée n’ont plus été réembauchés à la suite de leur demande, présentée à l’inspection du travail, tendant au respect de la législation du travail, que d’autres, ainsi que l’a rapporté à l’audience M. [M], nouveau représentant de la SAS Pro TV, ont fait connaître leur satisfaction de travailler sous le régime du « CDD d’usage » ; qu’il ressort des constatations de l’inspecteur du travail ayant fait l’objet du procès-verbal susvisé ainsi que de ses annexes consistant en des tableaux récapitulatifs de l’activité des techniciens entre juillet 2009 et janvier 2010, établis à partir des documents remis par l’employeur lui-même, que la société a eu en moyenne recours tous les mois à 106 heures 17 de travail sur les postes de chef-opérateur visuel et opérateur visuel, avec un écart type (correspondant au nombre d’heures couramment utilisé) équivalent à 85 heures 57 par mois, 110 heures 17 de travail sur les postes de chef opérateur son et opérateur son, avec un écart type (correspondant au nombre d’heures couramment utilisé) équivalent à 88 heures 41 par mois, 338 heures 42 de travail sur les postes de chef monteur, monteur et assistant monteur, avec un écart type (correspondant au nombre d’heures couramment utilisé) équivalent à 236 heures 13 par mois ; qu’en outre, l’inspecteur du travail a relevé que la société Pro TV avait recours aux mêmes salariés et leur proposait de façon mensuelle un nombre d’heures équivalent ; qu’ainsi, sur la période comprise entre juillet 2009 et janvier 2010, il a été constaté que la société Pro TV a eu recours à deux chef-opérateurs « visuel », onze opérateurs « visuel », quatre chef-opérateurs « son », cinq opérateurs « son », trois chef-monteurs, treize monteurs et deux assistants monteurs ; que le contrôle de l’inspection du travail a donc permis d’établir que les salariés occupant les postes d’opérateur vidéo, opérateur son, monteur, assistant monteur et réalisateur étaient exclusivement employé sous contrat à durée déterminée et que la société Pro TV avait recours aux mêmes salariés et leur proposait de façon mensuelle un nombre d’heure équivalent ; qu’en l’état de ces constatations, dont il résulte que Mme [O] a conclu des contrats à durée déterminée d’usage pour pourvoir des emplois liés à l’activité normale et permanente de la société Pro TV, l’infraction prévue par l’article L. 1248-1 du code du travail, de conclusion de contrats à durée déterminée ayant pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente d’une entreprise en méconnaissance des articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3°, et D. 1241-1, 6°, est caractérisé en tous ses éléments ; qu’en effet, les prévenues, qui pouvaient conclure un contrat de travail à durée déterminée pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire concernant les emplois du secteur de l’audiovisuel où il est d’usage et constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de l’emploi en cause, ne justifient pas le recours à des contrats de travail à durée déterminée conclus avec des salariés ayant exercé les fonctions de réalisateur, opérateur et opérateur, monteur, assistant-monteur et chef-monteur, et délibérément renouvelés pendant plusieurs mois, sinon plusieurs années, par des raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire des emplois en cause ; que, si la société exerce indiscutablement une activité aléatoire, étant soumise aux choix des téléspectateurs, partant, au caractère plus ou moins favorable de ses contrats avec la chaîne publique France 3, il apparaît que cette activité a été pérenne et constante, bien au-delà de la période étudiée par les services de l’inspection du travail, entre juillet 2009 et janvier 2010 ; qu’elle ne démontre, par ailleurs, pas que le caractère artistique de sa production audiovisuelle nécessite de recourir à des emplois de techniciens dotés d’une sensibilité artistique particulière ;
« et aux motifs que Mme [O] a reconnu dès son audition, du 8 novembre 2010, dans le cadre de l’enquête préliminaire qu’elle n’avait pas établi de contrats de travail écrits pour les salariés en contrats à durée déterminée, mais qu’elle avait, depuis le contrôle de l’inspection du travail, corrigé la situation et préparé des contrats-types écrits à l’égard des salariés concernés ; que la prévenue a, cependant, tenu à se prévaloir de son ignorance de la réglementation et de ses rapports amicaux avec les salariés, autant journalistes que techniciens, justifiant selon elle de ne pas rédiger de contrat écrit ;
« 1°) alors qu’un programme télévisuel, lorsqu’il est soumis aux aléas d’accords à durée limitée passés avec des chaînes de télévision, revêt un caractère précaire ce dont il résulte que l’emploi qui y est lié est par nature temporaire ; qu’ayant constaté que l’activité de la société Pro TV se limitait à la production de deux émissions de télévision dont l’une avait pris fin dernièrement et que cette activité présentait un caractère aléatoire, la cour d’appel, en retenant que les emplois de techniciens audiovisuels liés à la production de cette émission n’avait pas une nature temporaire, n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a méconnu les textes précités ;
« 2°) alors qu’en retenant tout à la fois que l’activité à laquelle les emplois étaient liés était aléatoire et permanente, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs ;
« 3°) alors que le caractère permanent ou temporaire de l’activité s’apprécie au regard de la nature de cette activité et des conditions dans lesquelles elle est exercée à la date de la conclusion du contrat de travail, et non en fonction du caractère permanent dont elle a fait preuve au cours d’une période antérieure ou dont il pourrait être constaté, rétrospectivement, qu’elle faisait preuve à la date de la prévention ; qu’ayant constaté, dans le prolongement des conclusions des prévenues qui soulignaient le caractère précaire du cadre contractuel dans laquelle la société exerçait son activité, que cette dernière présentait un caractère aléatoire, la cour d’appel en se fondant, pour finalement retenir que cette activité était permanente, sur la constance de l’émission dans les années ayant précédé la période visée par la prévention et au cours de cette dernière, a méconnu les dispositions précitées ;
« 4°) alors que la seule circonstance que les emplois liés à une activité de production d’une émission de télévision, soumise aux aléas d’accords à durée limitée passés avec des chaînes de télévision, soient occupés par les mêmes salariés, et que l’employeur propose à ces derniers de façon mensuelle un nombre d’heures équivalent ne prive pas l’activité concernée de son caractère par nature temporaire ; qu’en se déterminant au regard de ces circonstances, quand elle constatait par ailleurs que la société Pro TV avait pour activité la production d’une émission de télévision et présentait un caractère aléatoire, la cour d’appel a méconnu les textes précités » ;
Attendu que, pour déclarer les prévenues coupables du délit de conclusion de contrat de travail à durée déterminée pour un emploi durable et habituel, la cour d’appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que les contrats à durée déterminée en cause, qui avaient été délibérément renouvelés pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, par les personnes poursuivies, n’étaient pas justifiés par des raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, la cour d’appel a justifié sa décision ;
Qu’en effet, même lorsqu’il est conclu dans l’un des secteurs d’activité visés par les articles L. 1242-2, 3°, et D. 1242-1 du code du travail, au nombre desquels figure l’audiovisuel, le contrat à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte des arrêts attaqués, du jugement confirmé et du procès-verbal de l’inspecteur du travail, base des poursuites, que la société Pro TV, qui produit l’émission « Trente millions d’amis », a employé des techniciens du secteur de l’audiovisuel sans contrat écrit alors qu’il faisaient, selon Mme [Q], la gérante de la société, l’objet de contrats à durée déterminée d’usage ; qu’à la suite du procès-verbal établi par l’inspecteur du travail, qui avait été saisi par plusieurs salariés, les prévenues ont été citées devant le tribunal correctionnel des chefs, d’une part, d’embauche de salarié pour une durée déterminée sans contrat de travail écrit conforme, et d’autre part, de conclusion de contrat de travail à durée déterminée pour un emploi durable et habituel ; que les premiers juges les ont retenues dans les liens de la prévention ; qu’elles ont relevé appel de cette décision ;
En cet état :
I – Sur les pourvois formés contre l’arrêt du 29 octobre 2013 :