Production audiovisuelle : 1 avril 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 07/16421

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Production audiovisuelle : 1 avril 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 07/16421
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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 01 AVRIL 2010

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/16421

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2006014417

APPELANTES

SA ECLAIR GROUP, agissant poursuites et diligences de son représentant légal.

ayant son siège : [Adresse 4]

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Véronique LARTIGUE plaidant pour la société d’avocats LARTIGUE-TOURNOIS-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R 005,

SAS ECLAIR LABORATOIRES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal.

ayant son siège : [Adresse 3]

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Véronique LARTIGUE plaidant pour la société d’avocats LARTIGUE-TOURNOIS-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R 005,

SA GTC, agissant poursuites et diligences de son représentant légal.

ayant son siège : [Adresse 1]

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Véronique LARTIGUE plaidant pour la société d’avocats LARTIGUE-TOURNOIS-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R 005,

INTIMEE

SA QUINTA COMMUNICATIONS

ayant son siège : [Adresse 2]

représentée par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe CAVARROC plaidant pour la SCP CARBONNIER LAMAZE RASLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P298,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mars 2010, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, et Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère chargée d’instruire l’affaire .

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, président

Madame Agnès MOUILLARD, conseiller

Monsieur Michel ROCHE, conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Colette PERRIN, président et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SA Eclair Group détient d’une part, la SAS Eclair Laboratoires, laboratoire photochimique spécialisé dans le développement négatif, l’étalonnage, la post-production son et image, le traitement vidéo et la réalisation de DVD, le tirage de copies, et le stockage de films, d’autre part, la société Teloa et la société G2M qui détient elle-même la société GTC, prestataires techniques spécialisés dans la post-production cinématographique et télévisuelle.

Reprochant à la société Quinta Communications (devenu récemment partenaire du géant mondial Thomson Technicolor) et à ses filiales, les sociétés Dataciné Group, et LTC, spécialisées dans l’industrie technique cinématographique, de commettre des actes de concurrence déloyale consistant en un débauchage sélectif de ses forces vives, et un démarchage systématique de sa clientèle en proposant des prix anormalement bas, les sociétés Eclair Group, Eclair Laboratoires et GTC les ont assignées à bref délai, les 16 et 17 février 2006, devant le tribunal de commerce de Paris, pour obtenir :

– qu’il soit retenu qu’elles avaient commis des actes de concurrence déloyale,

– qu’il leur soit ordonné de produire des documents et des précisions -qu’elles énuméraient- sur les contrats de travail conclus avec onze de leurs salariés,

– qu’une expertise soit ordonnée pour déterminer les conditions du débauchage dans l’hypothèse où les documents demandés ne seraient pas produits, les conditions tarifaires appliquées par le groupe Quinta aux post-productions qui auraient dû être faites par elles, et le bénéfice qui était susceptible d’en être dégagé,

– une provision de 6 343 000 € à valoir sur la réparation de leur préjudice,

– une indemnité de 140 000 € en réparation de leur préjudice consécutif aux tentatives de débauchage.

Les sociétés Quinta Communications, Dataciné Group, et LTC, faisant valoir que Quinta Communications n’exerce aucune activité opérationnelle dans le secteur des industries techniques du cinéma, seule activité visée dans l’assignation des sociétés du groupe Eclair, ont, in limine litis, demandé la mise hors de cause de Quinta Communications et soulevé l’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal de commerce de Nanterre, eu égard au siège social des deux autres sociétés assignées.

Par jugement du 12 mai 2006, le tribunal de commerce de Paris a mis hors de cause la société Quinta Communications et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre, déboutant les défenderesses du surplus de leurs demandes.

LA COUR :

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 25 septembre 2007 par les sociétés Eclair Group, Eclair Laboratoires, et GTC, contre la société Quinta Communications uniquement ;

Vu les conclusions signifiées le 18 février 2010 par lesquelles les appelantes poursuivent l’infirmation du jugement et demandent à la cour de juger que Quinta Communications a violé les dispositions de l’article 10 du code civil, de la condamner en conséquence à leur verser 300 000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que 70 474,74 € en réparation des frais directement liés à ses manoeuvres, et sans préjudice de l’amende civile prévue à l’article 32-1 du code de procédure civile, outre 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 17 février 2010 par lesquelles Quinta Communications poursuit la confirmation du jugement et le débouté des appelantes, à qui elle réclame 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE :

Considérant qu’il résulte des documents produits par les appelantes, obtenus à la faveur de l’expertise ordonnée par la cour d’appel de Versailles, et du pré-rapport déposé par l’expert, que deux des salariés visés dans l’assignation du 16 février 2006 des sociétés du groupe Eclair, M. [G] [C] et M. [G] [P], respectivement directeur de la production depuis 30 ans et directeur commercial, ont été recrutés par la société Quinta Communications en vertu de contrats de travail à durée indéterminée, le premier, le 30 septembre 2005, comme directeur de la production audiovisuelle du groupe Quinta pour ‘assurer la direction technique des activité audiovisuelles de l’ensemble des secteurs couverts par le groupe’, et le second, le 30 octobre 2005, comme directeur commercial du groupe Quinta, pour ‘assurer la conception, l’exécution et le suivi de la commercialisation de l’ensemble des services et des produits offerts par le groupe Quinta’ ; qu’au vu des bulletins de salaire produits, il apparaît que M. [C] a été rémunéré par la société Quinta Communications d’octobre 2005 à mars 2006, percevant en outre un complément de salaire de la société Dataciné, puis, à compter d’avril 2006 uniquement par la société Quinta Industries, nouvelle dénomination de Dataciné Group depuis le 9 mars précédent ; que M. [H] a reçu des bulletins de salaire de Quinta Communications de novembre 2005 à février 2006, en mars 2006 de la société Dataciné Group puis, à partir d’avril 2006, de la société Quinta Industries ;

Considérant que c’est donc avec une mauvaise foi caractérisée que Quinta Communications, à qui précisément de tels actes étaient reprochés dans l’assignation, a prétendu, au soutien de sa demande de mise hors de cause, qu’elle n’était pas concernée par les pratiques dénoncées, n’étant que la société mère des autres sociétés assignées et n’exerçant aucune activité opérationnelle dans le secteur des industries techniques, seule activité visée dans l’assignation ; qu’elle a agi ainsi parce qu’elle savait que les demanderesses ne disposaient que d’articles de presse relatant que ses salariés avaient été recrutés par une société Quinta Industries, qui n’existait pas alors, (Dataciné Group ne prendra cette dénomination que le 9 mars 2006) et qu’elles n’étaient pas en mesure de démontrer que cette appellation pouvait antérieurement désigner une autre société du groupe, ainsi que le tribunal l’a relevé ; qu’elle est ainsi parvenue à égarer le tribunal et à obtenir une décision qui, à tort, la met hors de cause et déclare le tribunal de commerce de Paris incompétent ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, d’une part, que la décision doit être infirmée, d’autre part que Quinta Communications doit répondre de ses agissements, dès lors qu’ils sont établis ;

Considérant, sur le premier point, qu’aux termes de l’article 79 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d’appel dans l’ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente ; qu’il suit de là que le jugement doit être réformé tant en ce qu’il déclare le tribunal incompétent qu’en ce qu’il met la société Quinta Communications hors de cause ; que les parties n’ayant pas conclu autrement au fond, il doit être sursis à statuer sur les demandes des appelantes, l’affaire étant renvoyée à cette fin à la mise en état ;

Considérant, sur le second point, qu’en agissant comme elle l’a fait, la société Quinta Communications a méconnu les exigences à la fois de l’article 10 du code civil, selon lequel chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité, à peine notamment de dommages et intérêts, et de l’article 32-1 du code de procédure civile, aux termes duquel celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3 000 €, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés ;

Que les agissements de Quinta Communications, tendant à travestir la vérité, ont eu pour effet de nuire à l’image des demanderesses, de retarder l’issue du procès, qui a dû être soumis à nouveau au tribunal de Nanterre, de dissocier devant deux juridictions l’examen d’agissements qui, s’ils étaient avérés, seraient susceptibles d’impliquer collectivement les sociétés du groupe Quinta, et d’obliger les sociétés appelantes à multiplier des frais de procédure qui auraient pu être évités ; qu’outre l’amende de 3 000 € prévue par l’article 32-1 du code de procédure civile, la société Quinta Communication doit donc être condamnée à indemniser les sociétés appelantes des préjudices subis, qui seront justement réparés par l’allocation d’une somme globale de 100 000 € ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que le tribunal de commerce de Paris était compétent pour connaître des demandes formées contre la société Quinta Communications,

Et, sur le fond,

Dit n’y avoir lieu à mise hors de cause de la société Quinta Communications,

Sursoit à statuer sur les demandes des sociétés Eclair Group, Eclair Laboratoires, et GTC, y compris celles formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 20 mai 2010, à 13 heures,

Vu l’article 32-1 du code de procédure civile, condamne la société Quinta Communications à payer une amende civile de 3 000 €, et une indemnité de 100 000 € aux sociétés Eclair Group, Eclair Laboratoires, et GTC,

Réserve les dépens.

Le Greffier

A. BOISNARD

Le Président

C. PERRIN

 


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