Procès-verbal de conformité de site internet

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Procès-verbal de conformité de site internet

En matière de location de site internet, le procès-verbal de conformité conditionne  l’exigibilité des créances du prestataire. Le client qui ne proteste pas à la réception des factures du prestataire ni lorsque les échéances ont commencé à être prélevées, ne peut faire valoir la non-conformité du site loué.   

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MARS 2022

N° RG 19/01210 –��N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4ZN

SARL FUTUR DIGITAL

c/

SAS DTSM 33

Nature de la décision : AU FOND

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 février 2019 (R.G. 2017F00698) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 04 mars 2019

APPELANTE :

SARL FUTUR DIGITAL, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentée par Maître Lutèce BIGAND, substituant Maître Frédéric CAVEDON de la SELARL ADEKWA – SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Jeremi PONTONNIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS DTSM 33, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentée par Maître Philippe-adrien BONNET de la SELARL ADRIEN BONNET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 02 février 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente, Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société DTSM 33 SAS a conclu le 07 juin 2016 avec la société Futur Digital SARL un contrat de licence d’exploitation de site internet moyennant 48 mensualités de 420 euros.

Par exploit d’huissier en date du 28 juin 2017, la société DTSM 33 a fait assigner la société Futur Digital devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir prononcer la nullité ou, à titre subsidiaire, la résolution du contrat de licence d’exploitation du site internet.

Par jugement contradictoire du 08 février 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– condamné la société Futur Digital à payer à la société DTSM 33 la somme de 2 910,97 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 02 mars 2017,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– rejeté la demande indemnitaire de la société DTSM 33,

– condamné la société Futur Digital à payer à la société DTSM 33 la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Futur Digital aux dépens.

La société Futur Digital a relevé appel du jugement par déclaration du 04 mars 2019 énonçant les chefs du jugement expressément critiqués, intimant la société DTSM 33.

Le 05 avril 2019, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties qui l’ont refusée.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 25 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Futur Digital demande à la cour de :

– infirmer le jugement,

– constater l’exécution du contrat par elle,

– constater l’absence de dol,

– constater l’absence de manquement de sa part,

– en conséquence,

– débouter la société DTSM 33 de l’ensemble de ses prétentions,

– condamner la société DTSM 33 à lui porter et payer la somme de 13 020 euros au titre de l’exécution du contrat pour les impayés de mars 2017 à mai 2019 (420 euros x 31 mois), à parfaire jusqu’à la date de l’arrêt,

– condamner la société DTSM 33 à remplir ses obligations contractuelles et reprendre le paiement des mensualités,

– condamner la société DTSM 33 à lui porter et payer la somme de 5 000 euros à titre indemnitaire au regard de son extrême mauvaise foi et de l’inexécution de ses obligations contractuelles,

– en toute hypothèse,

– condamner la société DTSM 33 à lui porter et payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamner la société DTSM 33 aux entiers dépens.

La société Futur Digital fait notamment valoir que le dol allégué est mal-fondé ; qu’elle a respecté ses obligations contractuelles et n’a commis aucun manquement ; que la société DTSM 33 n’apporte pas de preuve au soutien de ses prétentions : que la société DTSM 33 est de mauvaise foi et que sa responsabilité contractuelle doit être engagée du fait de son inexécution.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 juin 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société DTSM 33 demande à la cour de :

– déclarer irrecevable et mal-fondée la société Futur Digital en son appel,

– confirmer purement et simplement le jugement en ce qu’il a condamné la société Futur Digital à lui payer la somme de 2 910,97 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2017 et 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, et ordonné l’exécution provisoire,

– infirmer partiellement le jugement en ce qu’il rejeté sa demande indemnitaire,

– prononcer la résolution du contrat de licence d’exploitation de site internet conclu entre elle et la société Futur Digital le 07 juin 2016,

– à titre subsidiaire, prononcer la nullité du contrat de licence d’exploitation de site internet conclu entre elle et la société Futur Digital le 07 juin 2016,

– condamner la société Futur Digital à lui payer la somme de 2 910,97 euros correspondant aux frais techniques facturés en juin 2016 et aux échéances prélevées du mois d’août 2016 au mois de février 2017 inclus, outre intérêts,

– statuant à nouveau, condamner la société Futur Digital au paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts,

– en tout état de cause, débouter purement et simplement la société Futur Digital de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

– condamner la société Futur Digital à la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Futur Digital aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance et d’appel avec pour ces derniers distraction au profit de la SELARL Adrien Bonnet en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société DTSM 33 fait notamment valoir que la société Futur Digital a manqué à ses obligations contractuelles et qu’en conséquence le contrat doit être résolu ; qu’à titre subsidiaire, son consentement a été vicié par un dol et le contrat est nul ; que les sommes versées doivent lui être remboursées ; qu’elle justifie d’un préjudice résultant de l’inexécution du contrat et que sa demande de réparation est justifiée.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 24 novembre 2021, et le dossier fixé à l’audience du 02 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur les demandes principales :

Le tribunal, bien qu’ayant omis de le mentionner dans son dispositif, a prononcé la résolution du contrat au motif que la société Futur Digital aurait dû mettre ses compétences et ses conseils à la disposition de la société DTSM 33, et qu’elle était défaillante dans l’exécution de ses obligations contractuelles.

Les parties ont signé le 07 juin 2016 deux documents :

– une fiche d’information précontractuelle de contrat de licence d’exploitation de site internet qui prévoit notamment :

– à l’article 6, que « la société Futur Digital doit développer le produit conformément au cahier des charges et en fonction des contenus fournis par le client, et qu’elle assiste le client et met à sa disposition toute son expérience et ses conseils’,

– à l’article 7, que les parties « ont régularisé une fiche technique définissant les caractéristiques graphiques et techniques du produit ainsi que les délais et modalités de réalisation et de mise en ligne »

– et à l’article 7.5, que « la livraison du site est opérée par sa mise en ligne. Elle est matérialisée par la signature par le client d’un procès verbal de conformité par lequel il reconnaît tant la prise de possession que la conformité du site internet à sa commande, au cahier des charges et à ses besoins » ;

– et un contrat de licence d’exploitation de site internet.

La société DTSM 33, qui, devant le tribunal, soutenait en premier chef la nullité du contrat, demande désormais à titre principal la confirmation du jugement en faisant valoir que les prestations ne correspondent pas à l’engagement puisqu’aucun cahier des charges ni aucune fiche technique définissant les caractéristiques graphiques et techniques du site n’ont été établis, et qu’aucun procès-verbal de conformité n’a été valablement régularisé ; que le document dont se prévaut la société Futur Digital a été établi le 07 juin 2016, date de la seule visite de la société Futur Digital, et que la date du 12 août 2016 qui y figure n’est pas de la main de son gérant M. X.

La société Futur Digital oppose que la société DTSM 33 a bien renseigné une fiche technique qui figure d’ailleurs au nombre des pièces produites par l’intimée (sa pièce 1). Bien que ce document soit renseigné de manière rudimentaire, il en résulte que les rubriques prévues concernaient 1 ) l’accueil ; 2) la présentation ; 3) les prestations ; 4) les réalisations et 5) le contact, la société DTSM 33 devant fournir le logo numérique, le texte numérique, des photos et la plaquette.

Si aucun cahier des charges n’est produit, il ne ressort pas des termes du contrat qu’il devait faire l’objet d’un document écrit, l’appelante pouvant utilement soutenir que l’objectif recherché, consistant dans la détermination des besoins du client, a été atteint par le brief réalisé le 27 juin qui lui a permis de concevoir une maquette qu’elle a adressée le 09 août à la société DTSM 33 (pièce 21 de l’appelante).

Quant au procès-verbal de conformité (pièce 6 de l’appelante), c’est sans en rapporter la preuve que la société DTSM 33 soutient qu’il a été signé le 07 juin 2016. Le fait que la date du 12 août 2016 ait été portée par une autre personne que son gérant ne permet pas d’en déduire que le document a été établi à une autre date que celle mentionnée, alors que la société DTSM 33, qui ne conteste pas l’avoir signé, n’était pas en mesure, le 07 juin 2016, de valider les mentions qu’il comporte, aux termes desquelles elle a déclaré « avoir vérifié la conformité du site, en avoir vérifié la mise en ligne, le bon fonctionnement, avoir obtenu la justification des demandes de référencement et l’accepter en conséquence. » De même, le fait que le mail adressé le 12 août 2016 par la société Futur Digital fasse état d’un entretien téléphonique du même jour ne permet pas d’exclure qu’une rencontre ait aussi eu lieu.

Alors que ce procès-verbal de conformité conditionnait l’exigibilité des créances, l’intimée n’a d’ailleurs pas protesté lorsque la facture lui a été adressée le 23 août 2016 ni lorsque les échéances ont commencé à être prélevées.

Le manquement de la société Futur Digital à ses obligations contractuelles n’est donc pas caractérisé.

Il ressort par ailleurs des mails échangés au cours des mois suivants, entre août 2016 et mars 2017 (pièces 9 à 18 de l’appelante) que la société DTSM 33 a communiqué en novembre 2016 seulement les textes qu’elle souhaitait mettre sur le site. Les parties ont ensuite continué à échanger et à travailler ensemble, la société Futur Digital justifiant avoir réalisé des rapports de positionnement mensuels, et répondu aux demandes de l’intimée. Ces circonstances ne permettent pas de retenir une défaillance de l’appelante à ses obligations d’assistance et de conseil contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.

Le jugement qui a prononcé la résolution du contrat et condamné Futur Digital à rembourser la somme de 2 910,97 euros perçue dans le cadre du contrat sera donc infirmé.

La demande de nullité du contrat sera aussi rejetée, les faits de l’espèce permettant encore moins de caractériser des manoeuvres constitutives d’un dol.

Aucune faute n’étant retenue à l’encontre de la société Futur Digital, il convient de confirmer le jugement qui, bien que pour d’autres motifs, a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société DTSM 33.

sur les demandes reconventionnelles de la société Futur Digital :

Le contrat n’ayant pas été résolu, la société DTSM 33 reste redevable des échéances impayées à compter de mars 2017. Elle sera condamnée à payer à la société Futur Digital la somme de 13 020 euros arrêtée à mai 2019, à parfaire, sans qu’il y ait lieu de la condamner à reprendre le paiement des échéances, le contrat ayant désormais pris fin puisque conclu pour une durée de 48 mois.

La société Futur Digital sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, la preuve n’étant pas rapportée d’un préjudice distinct de l’absence de paiement, indemnisée par l’allocation d’intérêts.

sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Futur Digital les sommes exposées par elle dans le cadre de l’appel et non comprises dans les dépens. Le jugement qui l’a condamnée au paiement d’une indemnité à ce titre sera infirmé, et la société DTSM 33 sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société DTSM 33 sera condamnée aux entiers dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 08 février 2019 par le tribunal de commerce de Bordeaux

Statuant à nouveau,

Déboute la société DTSM 33 de toutes ses demandes à l’encontre de la société Futur Digital

Condamne la société DTSM 33 à payer à la société Futur Digital la somme de 13 020 euros correspondant aux échéances impayées de mars 2017 à mai 2019 à parfaire

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires

Condamne la société DTSM 33 à payer à la société Futur Digital la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société DTSM 33 aux entiers dépens de la procédure.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par Monsieur Goudot, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


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