Procédure de surendettement des particuliers : la question de la bonne foi

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Procédure de surendettement des particuliers : la question de la bonne foi

Résumé de l’affaire

M. [Y] et Mme [B] ont déposé une demande de surendettement pour la seconde fois, qui a été jugée recevable par la commission de surendettement. Celle-ci a recommandé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cependant, [36] a soulevé des éléments mettant en doute la sincérité des déclarations des débiteurs, notamment en ce qui concerne le nombre d’enfants au domicile et la situation professionnelle de Mme [B]. Lors de l’audience, les débiteurs ont tenté de justifier ces éléments, mais la SCI [41] a également demandé leur irrecevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement. D’autres créanciers ont également actualisé le montant de leurs créances. La décision finale sera rendue le 5 août 2024.

L’essentiel

Irrecevabilité de la demande de surendettement

La contestation d’[36] formée dans les formes et délais légaux est recevable. Cependant, la bonne foi du débiteur est présumée et il appartient au créancier qui excipe de sa mauvaise foi de la démontrer. La simple négligence ou imprévoyance du débiteur ne permet pas de caractériser sa mauvaise foi. La mauvaise foi du débiteur est caractérisée par la volonté systématique et irresponsable de recourir au crédit pour réaliser des dépenses somptuaires ou mener un train dispendieux. Elle s’apprécie tant au niveau procédural qu’au regard des circonstances qui ont conduit à l’endettement et suppose la preuve d’un élément intentionnel- à tout le moins d’une inconséquence assimilable à une faute- chez le débiteur visant dans le premier cas à tromper la commission et/ou le juge sur la réalité de sa situation personnelle et financière et dans le second à créer ou aggraver consciemment sa situation de surendettement ou essayer d’échapper à ses engagements en fraude des droits des créanciers. Une simple erreur négligence ou légèreté blâmable du débiteur sont des éléments insuffisants pour retenir sa mauvaise foi.

Appréciation de la bonne foi

La notion de bonne foi s’apprécie au travers de la personne de chacun des débiteurs. Ainsi la mauvaise foi d’un membre du couple ne peut justifier l’irrecevabilité de la demande de son conjoint. La bonne foi du débiteur s’apprécie au jour où le juge statue. Les faits constitutifs de la mauvaise foi antérieurs au dépôt du dossier de surendettement doivent être en lien direct avec la situation de surendettement. Une faute même intentionnelle du débiteur est impropre à caractériser sa mauvaise foi en l’absence d’un tel rapport direct.

Décision de la Cour

En l’espèce, il ressort des éléments constants du dossier que M. [Y] et Mme [B] qui étaient en difficulté économique ont loué plusieurs logements en même temps sans régler les loyers afférents. Ils ont ainsi trois créanciers bailleurs pour un montant d’endettement total sur ce point lors de l’état déclaré des dettes du 7 août 2023 de 41 946,45 euros sur un endettement total de 89 268,57 euros outre 1 889 euros de dettes hors procédure ; la dette locative du bailleur actuel est en augmentation passant de 1 949,69 euros au 7 août 2023 à la somme de 2 814,45 € au 20 juillet 2024. M. [I] n’a fourni aucune explication aux multiplications de logement et aux impayés de loyers récurrents. Par ailleurs, les documents produits par le couple et les déclarations effectuées par M. [I] à l’audience ne permettent pas de connaître précisément et avec certitude le nombre d’enfants au foyer, laissant douter de la sincérité de leurs déclarations : les avis d’impôt établi en 2023 portent pour M. [Y] 7 parts et pour Mme [B] 5 parts alors qu’à aucun moment ils n’ont déclaré avoir autant d’enfants à charge. En conséquence, il convient de dire que M. [I] et Mme [B] ne sont pas des débiteurs de bonne foi et de les déclarer irrecevables au bénéfice de la procédure de surendettement. Il y a lieu de laisser les dépens à la charge du Trésor public.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 août 2024
Tribunal judiciaire de Pontoise
RG
23/00232
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE
Chambre de proximité
Service Surendettement
[Adresse 25]
[Adresse 25]
[Localité 20]

☎ : [XXXXXXXX01]

[Courriel 43]

N° RG 23-00232 – N° Portalis DB3U-W-B7H-NL3N

N° Minute :

DEMANDERESSE :
[36]

Débiteur(s), trice(s) :
M. [Y] [F] et Mme [B] [M]

Copie délivrée le :
à :

Copie exécutoire délivrée le :

à :
JUGEMENT du 05 août 2024

DEMANDERESSE :
[36]
[Adresse 44]
[Adresse 44]
[Localité 13]
représentée par Me Christine GALLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P431

DÉFENDEURS :
Madame [M] [B]
[Adresse 40]
[Adresse 40]
[Localité 21]
non comparante, ni représentée

Monsieur [F] [Y]
[Adresse 40]
[Adresse 40]
[Localité 21]
comparant en personne

[42] [Localité 38]
[Adresse 7]
[Localité 14]
non comparante, ni représentée

[45]
[Adresse 32]
[Localité 8]
non comparante, ni représentée

[46] CENTRE HOSP
[Adresse 26]
[Adresse 26]
[Localité 19]
non comparante, ni représentée

[35]
[Adresse 4]
[Localité 12]
non comparante, ni représentée

SGC [Localité 27]
[Adresse 30]
[Adresse 30]
[Localité 16]
non comparante, ni représentée

TRESORERIE VAL D’OISE AMENDES
[Adresse 2]
[Localité 18]
non comparante, ni représentée

[28]
[Adresse 6]
[Localité 21]
non comparante, ni représentée

LA [24]
Service surendettement
[Localité 15]
non comparante, ni représentée

[42] [Localité 27]
[Adresse 5]
[Localité 17]
non comparante, ni représentée

S.C.I. [41]
Chez M. [R] [E]
[Adresse 3]
[Localité 11]
non comparante, ni représentée

[34] – Secteur Surendettement
[Adresse 31]
[Adresse 31]
[Localité 9]
non comparante, ni représentée

[33]
Chez [37]-surendettement
[Adresse 22]
[Localité 10]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SAUVE Florence
Greffier : PASCAL Stéphane

DÉBATS :

Audience publique du : 24 juin 2024

Après que les formalités des articles 430 et suivants du code de procédure civile eurent été respectées, le Tribunal a rendu le jugement suivant :

au nom du peuple français :

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [F] et Mme [B] [M] ont saisi la [29] du Val d’Oise afin de bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers le 9 mai 2023 pour la seconde fois.

La commission de surendettement a déclaré leur demande recevable le 30 mai 2023 puis, considérant que les débiteurs se trouvaient dans une situation irrémédiablement compromise, la commission a recommandé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire lors de sa séance du 25 juillet 2023.

Cette décision a été notifiée aux débiteurs et à leurs créanciers et notamment à [36] par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 2 août 2023.

Par courrier recommandé avec accusé réception adressé à la [23] le 2 août 2023, [36] a soulevé la mauvaise foi des débiteurs qui avaient eu deux baux en même temps, qui percevaient une prime d’activité non déclarée et dont le nombre d’enfants déclarés ne correspondait pas au nombre d’enfants réels.

Les débiteurs et leurs créanciers ont été convoqués à l’audience du 24 juin 2024 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, adressée quinze jours avant l’audience.

A l’audience, [36], représentée par son conseil, a rappelé que par jugement du 7 mars 2022, le tribunal de céans avait déclaré les débiteurs irrecevables au bénéfice de la procédure de surendettement en raison du nombre de dettes de loyers existantes et que sur certaines périodes ils avaient deux logements en même temps ; elle a soulevé la mauvaise foi des débiteurs qui ont fait doubler leur dette de loyer en deux années ayant ainsi aggravé sciemment leur passif, qui louaient en même temps un appartement à la SCI [41].
Elle a questionné la sincérité des déclarations des débiteurs quant au nombre d’enfants au domicile, l’existence d’une prime d’activité pour Mme [B] qui se déclare pourtant au chômage.
Subsidiairement, elle réfute que leur situation soit qualifiée d’irrémédiablement compromise. Elle a actualisé sa créance à la somme de 15 187,06 euros.

M. [Y] a expliqué que cinq enfants étaient au domicile mais que deux étaient en réalité en Côte d’Ivoire pour une année, qu’un autre majeur avait quitté le domicile. Il est en accident de travail et perçoit 1 600 à 1 700 euros d’indemnités journalières.
Mme [B], absente, effectuerait une formation professionnelle mais perçoit actuellement une somme de 160,52 euros de la part de la caisse d’allocations familiales.

La SCI [41] a, par écrit, demandé que les débiteurs soient déclarés irrecevables au bénéfice de la procédure de surendettement compte tenu du flou relatif au nombre d’enfants au domicile et ainsi à la véracité de leurs déclarations et de leur situation réelle, rappelé que le montant de sa créance s’élève à la somme de 24 738,92 euros, sollicité le remboursement prioritaire de sa créance en sa qualité de bailleur.

[35] a actualisé sa créance à la somme de 2 814,45 euros au 20 juillet 2024.

La trésorerie de [Localité 39] centre hospitalier a actualisé sa créance à la somme de 508,86 €.

La [24] et le [42] de [Localité 27] ont rappelé le montant de leur créance par courrier.

L’affaire a été mise en délibéré au 5 août 2024, la décision étant prononcée par mise à disposition au greffe de la juridiction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la contestation d’[36]

La contestation d’[36] formée dans les formes et délais légaux est recevable.

Sur la notion de bonne foi

L’article 711-1 du code de la consommation prévoit que « Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement.

La bonne foi du débiteur est présumée et il appartient au créancier qui excipe de sa mauvaise foi de la démontrer. La simple négligence ou imprévoyance du débiteur ne permet pas de caractériser sa mauvaise foi. La mauvaise foi du débiteur est caractérisée par la volonté systématique et irresponsable de recourir au crédit pour réaliser des dépenses somptuaires ou mener un train dispendieux. Elle s’apprécie tant au niveau procédural qu’au regard des circonstances qui ont conduit à l’endettement et suppose la preuve d’un élément intentionnel- à tout le moins d’une inconséquence assimilable à une faute- chez le débiteur visant dans le premier cas à tromper la commission et/ou le juge sur la réalité de sa situation personnelle et financière et dans le second à créer ou aggraver consciemment sa situation de surendettement ou essayer d’échapper à ses engagements en fraude des droits des créanciers. Une simple erreur négligence ou légèreté blâmable du débiteur sont des éléments insuffisants pour retenir sa mauvaise foi.

La notion de bonne foi s’apprécie au travers de la personne de chacun des débiteurs. Ainsi la mauvaise foi d’un membre du couple ne peut justifier l’irrecevabilité de la demande de son conjoint.

La bonne foi du débiteur s’apprécie au jour où le juge statue.

Les faits constitutifs de la mauvaise foi antérieurs au dépôt du dossier de surendettement doivent être en lien direct avec la situation de surendettement. Une faute même intentionnelle du débiteur est impropre à caractériser sa mauvaise foi en l’absence d’un tel rapport direct.

En l’espèce, il ressort des éléments constants du dossier que M. [Y] et Mme [B] qui étaient en difficulté économique ont loué plusieurs logements en même temps sans régler les loyers afférents.
Ils ont ainsi trois créanciers bailleurs pour un montant d’endettement total sur ce point lors de l’état déclaré des dettes du 7 août 2023 de 41 946,45 euros sur un endettement total de 89 268,57 euros outre 1 889 euros de dettes hors procédure ; la dette locative du bailleur actuel est en augmentation passant de 1 949,69 euros au 7 août 2023 à la somme de 2 814,45 € au 20 juillet 2024.
M. [I] n’a fourni aucune explication aux multiplications de logement et aux impayés de loyers récurrents.

Par ailleurs, les documents produits par le couple et les déclarations effectuées par M. [I] à l’audience ne permettent pas de connaître précisément et avec certitude le nombre d’enfants au foyer, laissant douter de la sincérité de leurs déclarations : les avis d’impôt établi en 2023 portent pour M. [Y] 7 parts et pour Mme [B] 5 parts alors qu’à aucun moment ils n’ont déclaré avoir autant d’enfants à charge.

En conséquence, il convient de dire que M. [I] et Mme [B] ne sont pas des débiteurs de bonne foi et de les déclarer irrecevables au bénéfice de la procédure de surendettement.

Il y a lieu de laisser les dépens à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Judiciaire, statuant par jugement réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe à la date indiquée aux parties et en premier ressort:

DECLARE recevable la contestation formée par [36] à l’encontre de la recommandation du 25 juillet 2023 par la commission de surendettement du Val d’Oise et la dit bien fondée ;

ACTUALISE la créance d’[36] à la somme de 15 187,06 euros ;

ACTUALISE la créance d’[35] à la somme de 2 814,45 euros au 20 juillet 2024 ;

ACTUALISE la créance de la trésorerie de [Localité 39] centre hospitalier à la somme de
508,86 euros ;

INFIRME la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement le 30 mai 2023 ;

DECLARE M. [Y] [F] et Mme [B] [M] irrecevables au bénéfice de la procédure de surendettement ;

RENVOIE le dossier de M. [Y] et Mme [B] à la commission de surendettement du Val d’Oise pour clôture ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit immédiatement exécutoire ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public.

Fait et jugé au Tribunal judiciaire, le 05 août 2024;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Stéphane PASCAL Florence SAUVE


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