Sommaire Contexte du litigeMonsieur [T] [C] a introduit un recours devant le Tribunal contre la décision de la Commission de Recours Amiable (CRA) de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme. Cette décision confirmait le rejet de la prise en charge intégrale de ses frais de transport pour des séances de rééducation pelvi-périnéale entre le 19 mai 2022 et le 31 janvier 2023. Demandes de Monsieur [T] [C]Monsieur [T] [C] sollicite l’annulation de la décision de la CRA, le remboursement d’un montant de 378 €, ainsi qu’une indemnité de 400 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il justifie sa demande en affirmant qu’il a dû se rendre chez un kinésithérapeute à [Localité 3], le plus proche de son domicile, car les autres professionnels de santé disponibles n’étaient pas formés pour les soins nécessaires. Arguments de la CPAMLa CPAM du Puy-de-Dôme a contesté le recours, affirmant que le médecin conseil avait précisé que les kinésithérapeutes étaient habilités à réaliser des traitements de rééducation périnéo-sphinctérienne. Elle soutient que plusieurs kinésithérapeutes plus proches du domicile de Monsieur [T] [C] auraient pu lui fournir les soins requis, ce qui justifie le rejet de sa demande de remboursement. Analyse du TribunalLe Tribunal a noté qu’il n’était pas compétent pour annuler la décision de la CRA, qui n’avait pas de caractère juridictionnel. Il a rappelé que les frais de transport pour des traitements prescrits dans le cadre d’une affection longue durée sont remboursés, mais que ce remboursement est limité à la distance entre le domicile du patient et la structure de soins la plus proche. Évaluation des structures de soinsLe Tribunal a examiné les attestations fournies par Monsieur [T] [C], qui indiquaient que les kinésithérapeutes de [Localité 5] et [Localité 6] n’étaient pas en mesure de réaliser les soins nécessaires. Cependant, il a conclu que ces professionnels étaient habilités à effectuer de tels soins, mais avaient choisi de ne pas s’équiper pour cela. Par conséquent, le kinésithérapeute de [Localité 3] ne pouvait pas être considéré comme la structure de soins appropriée la plus proche. Décision finale du TribunalEn conséquence, le Tribunal a débouté Monsieur [T] [C] de son recours et de toutes ses demandes, le condamnant aux dépens. Il a également rappelé que les parties avaient la possibilité de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la compétence du Tribunal concernant la décision de la Commission de Recours Amiable (CRA) ?Le Tribunal n’est pas compétent pour annuler la décision rendue par la CRA, car celle-ci n’a aucun caractère juridictionnel. En effet, selon l’article R141-1 du code de la sécurité sociale, la CRA a pour mission d’examiner les recours formés par les assurés sociaux contre les décisions des caisses d’assurance maladie. Cette instance administrative a un rôle de médiation et non de juridiction, ce qui signifie que ses décisions ne peuvent pas être contestées devant un tribunal. Ainsi, le Tribunal doit se limiter à examiner les éléments de fait et de droit qui lui sont soumis sans pouvoir remettre en cause la décision de la CRA. Quels sont les critères de prise en charge des frais de transport par la CPAM ?La prise en charge des frais de transport par la CPAM est régie par l’article R322-10 du code de la sécurité sociale, qui stipule que les frais de transport liés aux traitements ou examens prescrits dans le cadre d’une affection longue durée sont pris en charge. Cependant, l’article R322-10-5 précise que le remboursement de ces frais est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche. Cela signifie que pour qu’un transport soit remboursé, il doit être justifié par la nécessité de se rendre à la structure de soins la plus proche, ce qui implique une évaluation de la proximité et de l’adéquation des soins. Comment la jurisprudence influence-t-elle la prise en charge des soins en kinésithérapie ?La jurisprudence, notamment celle de la chambre sociale de la Cour de cassation, a établi que les juges du fond doivent rechercher si, en l’absence de spécialité en kinésithérapie, le cabinet du masseur-kinésithérapeute consulté constitue la structure de soins appropriée à l’état de l’assuré la plus proche de son domicile. Cette recherche doit être effectuée au besoin après mise en œuvre d’une expertise médicale, bien que cette exigence ait été modifiée par la loi n°2019-1446 du 24 décembre 2019, qui a abrogé les dispositions de l’article L141-1. Ainsi, le Tribunal doit s’appuyer sur les pièces produites par les parties pour déterminer si le kinésithérapeute consulté est bien la structure de soins appropriée. Quelles sont les implications de l’article R4321-5 du code de la santé publique dans ce litige ?L’article R4321-5 du code de la santé publique stipule que le masseur-kinésithérapeute est habilité à participer aux traitements de rééducation périnéo-sphinctérienne dans les domaines urologique, gynécologique et proctologique. Cela signifie que les kinésithérapeutes, même sans spécialité reconnue, ont la formation nécessaire pour effectuer des soins de rééducation périnéale, tant masculine que féminine. Dans le cas présent, la CPAM a soutenu que les kinésithérapeutes de [Localité 5] et [Localité 6] étaient habilités à réaliser ces soins, mais qu’ils avaient choisi de ne pas le faire, ce qui a conduit à la décision de ne pas prendre en charge les frais de transport de Monsieur [T] [C]. Quelles sont les conséquences de la décision du Tribunal pour Monsieur [T] [C] ?Le Tribunal a débouté Monsieur [T] [C] de son recours et de l’intégralité de ses demandes, ce qui signifie qu’il ne recevra pas le remboursement des frais de transport ni la somme demandée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En outre, Monsieur [T] [C] est condamné aux dépens, ce qui implique qu’il devra supporter les frais de justice liés à cette procédure. Il est également rappelé que chaque partie peut se pourvoir en cassation contre la décision du Tribunal dans un délai de deux mois, mais ce pourvoi doit être formé par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, conformément à l’article R142-15 du code de la sécurité sociale. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/00094 –
N° Portalis DBZ5-W-B7I-JNAV
CPS
MINUTE N° :
M. [T] [C]
CONTRE
CPAM DU PUY-DE-DOME
Copies :
Dossier
[T] [C]
CPAM DU PUY-DE-DOME
la SELARL AUVERJURIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CLERMONT-FERRAND
Pôle Social
Contentieux Général
LE DOUZE DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
dans le litige opposant :
Monsieur [T] [C]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Anne-Claire MALARD de la SELARL AUVERJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND,
DEMANDEUR
ET :
CPAM DU PUY-DE-DOME
[Localité 1]
représentée par Mme [B] [L], munie d’un pouvoir,
DEFENDERESSE
LE TRIBUNAL,
composé de :
Cécile CHERRIOT, Vice-Présidente près le Tribunal judiciaire de CLERMONT- FERRAND, chargée du Pôle Social,
Sandrine OLIVIER, Assesseur représentant les employeurs,
Anthony GOYOT, Assesseur représentant les salariés,
assistés de Marie-Lynda KELLER, greffière, lors des débats et lors de la mise à disposition de la présente décision.
*
Après avoir entendu les conseils des parties à l’audience publique du 17 octobre 2024 et les avoir avisés que le jugement serait rendu ce jour par mise à disposition au greffe, le tribunal prononce le jugement suivant :
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 24 janvier 2024, Monsieur [T] [C] a saisi le présent Tribunal d’un recours contre la décision explicite de rejet de la Commission de Recours Amiable (CRA) de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme confirmant la décision de la caisse de ne pas prendre en charge intégralement les frais de transport du 19 mai 2022 au 31 janvier 2023.
Monsieur [T] [C] demande au Tribunal :
– d’annuler la décision de la CRA,
– d’ordonner le remboursement, à son profit, de la somme de 378 €,
– de condamner la CPAM du Puy-de-Dôme au paiement de la somme de 400 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il expose qu’il s’est fait prescrire des séances de rééducation pelvi périnéale à faire réaliser par un kinésithérapeute et que, pour ce faire, il s’est rendu auprès du kinésithérapeute de [Localité 3], celui le plus proche de son domicile, car le kinésithérapeute de [Localité 5] n’était pas formé pour la réalisation de tels soins. Il estime, en outre, que l’article cité par la CPAM du Puy-de-Dôme (article R4321-5 du code de la santé publique) ne vise que la rééducation féminine et non la rééducation périnéale masculine dont il devait bénéficier. Il ajoute que la kinésithérapeute de [Localité 3], Madame [G] [O], atteste qu’elle est la seule à réaliser cet examen dans le secteur le plus proche de son domicile et que les masseurs kinésithérapeutes de [Localité 5] attestent tous ne pas avoir la formation, ni les compétences ni le matériel. Il en est de même des masseurs kinésithérapeutes de [Localité 6]. Il considère, par conséquent, que la décision de la caisse est contraire à l’obligation de soins dont doit pouvoir bénéficier chaque assuré social et repose sur un manque de discernement et de pragmatisme dans le traitement de ce dossier.
La CPAM du Puy-de-Dôme conclut au rejet du recours.
Elle soutient qu’elle a interrogé le médecin conseil et que celui-ci a indiqué qu’aux termes de l’article R4321-5 du code de la sécurité sociale, le masseur kinésithérapeute est habilité à participer aux traitements de rééducation périnéo-sphinctérienne dans les domaines urologique, gynécologique et proctologique, y compris du post-partum à compter du quatre-vingt-dixième jour après l’accouchement, de sorte que ces traitements de rééducation sont inscrits dans sa formation initiale. Ce praticien en a donc déduit que les soins de Monsieur [T] [C] pouvaient être réalisés par n’importe quel kinésithérapeute, d’autant qu’il n’existe aucune spécialité reconnue chez ces professionnels de santé. Elle estime, de ce fait, que plusieurs professionnels de santé plus proches du domicile de Monsieur [T] [C] pouvaient soigner celui-ci, à savoir : Madame [X] [E] à [Localité 5] (3,8 kms), Madame [P], Monsieur [U], Madame [Y], Madame [D] et Monsieur [K] à [Localité 6] (6,5 kms).
Il convient de relever, à titre liminaire, que le présent Tribunal n’est pas compétent pour annuler la décision rendue par la CRA ; celle-ci n’ayant aucun caractère juridictionnel.
Il résulte, par ailleurs, de l’article R322-10 du code de la sécurité sociale que les frais de transport liés aux traitements ou examens prescrits dans le cadre d’une affection longue durée sont pris en charge.
Toutefois l’article R322-10-5 du même code précise que le remboursement de ces frais de transport est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche.
Il est, en outre, de jurisprudence constante en la matière (notamment chambre sociale du 10 octobre 1996, pourvoi n°94-18.799 et du 27 mars 1997, pourvoi n°95-17.395) que les juges du fond doivent rechercher si, en l’absence de spécialité en kinésithérapie, le cabinet du masseur-kinésithérapeute consulté ne constitue pas la structure de soins appropriée à l’état de l’assuré la plus proche du domicile de ce dernier.
Certes, cette jurisprudence a précisé que cette recherche devait s’effectuer, “au besoin après mise en oeuvre d’une expertise médicale dans les formes de l’article L141-1 du code de la sécurité sociale”. Il s’avère, toutefois, que les dispositions de cet article L141-1 ont été abrogées par la loi n°2019-1446 du 24 décembre 2019, de sorte que l’expertise technique visée par cette jurisprudence n’existe plus.
Dès lors, il appartient au présent Tribunal de rechercher, par tout autre moyen que l’expertise technique et, notamment, au regard des pièces qui lui sont produites par les parties, si, en l’absence de spécialité en kinésithérapie reconnue par l’assurance maladie, le cabinet du kinésithérapeute situé à [Localité 3] (63) constitue, ou non, la structure de soins appropriée à l’état de Monsieur [T] [C] la plus proche du domicile de ce dernier.
En l’occurrence, Monsieur [T] [C] produit des attestations établies par deux kinésithérapeutes situés à [Localité 5], commune la plus proche de son domicile, certifiant qu’ils ne disposent ni de la formation ni des compétences ni du matériel nécessaire pour réaliser de la rééducation périnéale masculine.
Il produit également une attestation établie par des kinésithérapeutes installés à [Localité 6] dans laquelle ceux-ci déclarent “ne pas être en mesure d’effectuer les soins de rééducation périnéo-sphinctérien […] faute de formation” et dans laquelle ils précisent qu’“aucun kinésithérapeute travaillant à [Localité 6] n’est formé à cette spécialité”.
Or, dans la mesure où il est reconnu par l’assurance maladie et par la jurisprudence de la Cour de cassation qu’il n’existe aucune spécialité chez les kinésithérapeutes, il ne peut être affirmé que la rééducation périnéale masculine est une spécialité nécessitant une formation spéciale ; d’ailleurs, Madame [G] [O], kinésithérapeute située à [Localité 3] auprès de laquelle s’est rendu Monsieur [T] [C] confirme cette analyse puisqu’elle n’évoque pas la nécessité d’une quelconque formation spécifique ni d’une quelconque spécialité. Elle indique juste qu’elle est “la seule à réaliser cet examen dans le secteur le plus proche” du domicile du demandeur.
En outre, l’article R4321-5 2° c du code de la santé publique dispose que “le masseur-kinésithérapeute est habilité à participer aux traitements de rééducation […] périnéo-sphinctérienne dans les domaines urologique, gynécologique et proctologique, y compris du post-partum à compter du quatre-vingt-dixième jour après l’accouchement”. Il en résulte que le masseur kinésithérapeute dispose de la formation nécessaire pour effectuer de la rééducation périnéale féminine, notamment dans un cadre gynécologique, et de la rééducation périnéale masculine notamment dans un cadre urologique et proctologique. Il apparaît donc que la réalisation d’une rééducation périnéale masculine résulte de la seule volonté des masseurs-kinésithérapeutes de réaliser cet examen ou non et de s’équiper pour ce faire.
Il s’avère, dès lors, que les masseurs-kinésithérapeutes de [Localité 5] et de [Localité 6], professionnels de santé les plus proches du domicile de Monsieur [T] [C], étaient habilités à effectuer de la rééducation périnéale masculine mais qu’ils ont décidé de ne pas pratiquer un tel examen et de s’équiper pour ce faire. De ce fait, la CPAM du Puy-de-Dôme a, à bon droit, limité la prise en charge des frais de transport de Monsieur [T] [C]; le kinésithérapeute de [Localité 3] n’étant pas la structure de soins appropriée la plus proche de son domicile.
Il conviendra, par conséquent, de débouter Monsieur [T] [C] de son recours.
Monsieur [T] [C] succombant, il ne saurait prétendre à l’allocation d’une quelconque indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, il conviendra de le condamner aux dépens.
Le Tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire, en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
DÉBOUTE Monsieur [T] [C] de son recours et de l’intégralité de ses demandes,
CONDAMNE Monsieur [T] [C] aux dépens,
RAPPELLE que dans les deux mois de réception de la présente notification, chacune des parties peut se pourvoir en cassation contre la décision du Tribunal Judiciaire – Pôle Social et que ce pourvoi est exclusivement formé par ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation (article R142-15 du code de la sécurité sociale).
En foi de quoi le présent jugement a été signé par la Présidente et la Greffière,
La Greffière La Présidente