Contexte de l’accidentLa S.A.S [5] a déclaré un accident du travail concernant M. [V] [M], directeur opérationnel, survenu le 10 décembre 2020. La caisse primaire d’assurance maladie du Loiret a pris en charge cet accident le 30 décembre 2020. M. [M] est décédé le 5 janvier 2021, et son décès a été reconnu comme lié à l’accident le 23 février 2021. Contestation de la prise en chargeLa société a contesté la prise en charge de l’accident et du décès, saisissant la commission de recours amiable en mars et avril 2021. Après un rejet le 1er juillet 2021, elle a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre le 30 août 2021. L’audience a eu lieu le 7 octobre 2024. Demandes de la S.A.S [5]La S.A.S [5] a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de prise en charge de l’accident et du décès, d’ordonner une expertise médicale pour établir un lien entre le décès et l’accident, et de débouter la caisse de toutes ses demandes. Demandes de la caisse primaire d’assurance maladieLa caisse primaire d’assurance maladie du Loiret a demandé de débouter la société de ses demandes, de confirmer l’opposabilité de la prise en charge de l’accident et du décès, et de condamner la société à 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Arguments sur la prise en charge de l’accidentLe tribunal a rappelé que l’accident du travail est présumé imputable au travail. La société a contesté l’existence d’un accident, arguant qu’il s’agissait d’un malaise cardiaque sans lien avec l’activité professionnelle. Cependant, le tribunal a constaté que l’accident s’était produit sur le lieu de travail pendant les horaires de travail, et que la lésion était concordante avec les circonstances de l’accident. Arguments sur la prise en charge du décèsConcernant le décès, la société a soutenu qu’il n’était pas survenu au temps et au lieu de travail et qu’il n’y avait pas de lien entre l’accident et le décès. La caisse a répliqué que le décès bénéficiait d’une présomption d’imputabilité, étant survenu après l’accident. Le tribunal a noté que la caisse devait établir le lien de causalité entre l’accident et le décès, ce qu’elle n’a pas fait. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré que la décision de la caisse reconnaissant le caractère professionnel de l’accident était opposable à la S.A.S [5], tandis que la décision concernant le décès était inopposable. La caisse a été déboutée de sa demande au titre de l’article 700 et condamnée aux dépens. |
Quelles sont les conditions pour qu’un accident soit reconnu comme un accident du travail ?
Pour qu’un accident soit reconnu comme un accident du travail, il doit répondre aux critères établis par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »
Cela signifie que toute lésion survenue au temps et sur le lieu de travail bénéficie d’une présomption d’imputabilité au travail.
Il appartient à la victime de prouver les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel, tandis que la caisse, subrogée dans les droits de la victime, doit établir la matérialité de l’accident.
Cette preuve peut être apportée par tous moyens, y compris des témoignages et des certificats médicaux. Dans le cas présent, la déclaration d’accident du travail et le certificat médical initial établissent un lien entre l’accident et le travail de M. [M].
Comment est déterminée l’imputabilité du décès à un accident du travail ?
L’imputabilité du décès à un accident du travail est régie par les mêmes principes que ceux qui s’appliquent à l’accident lui-même. Selon l’article R. 441-8 du Code de la sécurité sociale, la caisse doit établir un lien de causalité entre l’accident et le décès.
Dans le cas présent, la société a contesté la prise en charge du décès en arguant qu’il n’était pas survenu au temps et au lieu de travail, mais 26 jours après l’accident.
Cependant, la caisse a soutenu que le décès bénéficiait d’une présomption d’imputabilité, car il était survenu après un arrêt de travail prescrit par le médecin.
Il est important de noter que cette présomption ne s’applique que jusqu’à la consolidation ou guérison de la victime. Dans ce cas, le tribunal a conclu que la caisse n’avait pas établi le lien de causalité entre l’accident et le décès, car le décès n’était ni une guérison ni une consolidation.
Quelles sont les conséquences d’une décision de prise en charge inopposable ?
Lorsqu’une décision de prise en charge est déclarée inopposable, cela signifie qu’elle ne peut pas être appliquée à l’employeur. Dans le cas présent, le tribunal a déclaré inopposable la décision de prise en charge du décès de M. [M] au titre de la législation professionnelle.
Cela a pour conséquence que la société n’est pas tenue de supporter les charges financières liées à cette prise en charge.
En effet, l’article 696 du Code de procédure civile prévoit que la partie qui succombe dans ses prétentions peut être condamnée aux dépens. Dans ce cas, la caisse primaire d’assurance maladie du Loiret a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra payer les frais de la procédure.
Quels sont les droits de la caisse primaire d’assurance maladie en cas de contestation de la prise en charge ?
La caisse primaire d’assurance maladie a le droit de contester les décisions prises par l’employeur ou par la victime concernant la reconnaissance d’un accident du travail. Selon l’article 455 du Code de procédure civile, la caisse peut saisir la commission de recours amiable pour faire valoir ses droits.
Dans le cas présent, la caisse a demandé au tribunal de confirmer l’opposabilité de la décision de prise en charge de l’accident et du décès.
Elle a également le droit de demander des dommages-intérêts au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet à une partie de demander le remboursement de ses frais d’avocat et autres frais liés à la procédure. Cependant, dans ce cas, la demande de la caisse a été rejetée, car elle a succombé dans ses prétentions.
Quelles sont les implications de la présomption d’imputabilité dans le cadre d’un accident du travail ?
La présomption d’imputabilité est un principe fondamental dans le droit du travail, qui protège les travailleurs en leur permettant de bénéficier d’une prise en charge rapide en cas d’accident. Selon l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, toute lésion survenue au temps et sur le lieu de travail bénéficie d’une présomption d’imputabilité.
Cela signifie que, sauf preuve du contraire, un accident survenu dans ces conditions est présumé être lié au travail.
Dans le cas de M. [M], la présomption d’imputabilité a été appliquée, car l’accident s’est produit pendant ses heures de travail et sur son lieu de travail. Cependant, pour le décès, la présomption a été contestée, car il est survenu 26 jours après l’accident, ce qui a conduit le tribunal à conclure que la caisse n’avait pas établi le lien de causalité nécessaire pour justifier la prise en charge du décès.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE NANTERRE
■
PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
13 Novembre 2024
N° RG 21/01480 – N° Portalis DB3R-W-B7F-W5IR
N° Minute : 24/01602
AFFAIRE
S.A.S. [5]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU LOIRET
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Benjamin WIART, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 622
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU LOIRET
Accidents du travail
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Mme [B] [R], munie d’un pouvoir régulier
*
L’affaire a été débattue le 07 Octobre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Patricia TALIMI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats et du prononcé : Stéphane DEMARI, Greffier.
JUGEMENT
Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
La S.A.S [5] a établi, le 14 décembre 2020, une déclaration d’accident du travail concernant M. [V] [M] exerçant en qualité de directeur opérationnel pour un accident survenu le 10 décembre 2020. La caisse primaire d’assurance maladie du Loiret a pris en charge l’accident déclaré au titre de la législation relative aux risques professionnels le 30 décembre 2020. M. [M] est décédé le 5 janvier 2021 et le 23 février 2021, le décès a été pris en charge au titre de l’accident du travail survenu le 10 décembre 2020.
Contestant la prise en charge de l’accident et du décès, la société a saisi la commission de recours amiable, par courriers des 4 mars 2021 et 21 avril 2021. A la suite d’un avis de rejet lors de sa séance du 1er juillet 2021, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre par requête enregistrée le 30 août 2021.
L’affaire a été appelée à l’audience du 7 octobre 2024, date à laquelle les parties représentées ont comparu et pu émettre leurs observations.
Aux termes de ses dernières conclusions, la S.A.S [5] demande au tribunal:
– à titre principal, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge par la caisse de l’accident et du décès de M. [M] au titre de la législation sur le risque professionnel ;
– à titre subsidiaire, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du décès de M. [M] intervenu 26 jours après le sinistre initial et hors du temps et lieu du travail,
– à défaut, d’ordonner une expertise médicale afin de déterminer si le décès est imputable à l’accident et de renvoyer l’affaire à une date ultérieure pour qu’il soit débattu du caractère professionnel du décès,
– En tout état de cause, débouter la caisse de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et la condamner aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, la caisse primaire d’assurance maladie du Loiret sollicite du tribunal :
-de débouter la société de l’ensemble de ses demandes,
-de confirmer l’opposabilité à l’égard de la société la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident de M. [M] survenu le 10 décembre 2020 et son décès survenu le 5 janvier 2021,
– de condamner la société à la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées pour l’audience du 7 octobre 2024 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Il ne sera pas répondu dans les présents motifs aux demandes de constat qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 768 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.
Sur la prise en charge de l’accident
Il résulte des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Il en ressort que toute lésion survenue au temps et sur le lieu de travail bénéficie d’une présomption d’imputabilité au travail.
Il appartient à celui qui prétend avoir été victime d’un accident du travail d’établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel. La caisse, subrogée dans les droits de la victime, doit établir la matérialité de l’accident. Cette preuve peut être apportée par tous moyens.
En l’espèce, la société soutient que la caisse ne justifie pas l’existence d’un fait accidentel, mais seulement un malaise cardiaque, soit une lésion qui peut résulter d’une pathologie sans rapport avec l’activité professionnelle
En réplique, la caisse soutient que la matérialité de l’accident est établie, l’accident étant survenu aux temps et lieu du travail. Elle précise que l’assuré se trouvait bien sous la subordination de son employeur, qui n’a d’ailleurs émis aucune réserve ni dans la déclaration d’accident du travail, ni dans un courrier distinct.
Il résulte de la déclaration d’accident du travail que M. [M] a eu un arrêt cardiaque. L’accident est décrit comme étant survenu sur son lieu de travail occasionnel, le 10 décembre 2020, à 15 heures, donc pendant les horaires de travail qui étaient ce jour-là de 08h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00. Le Directeur d’agence d'[Localité 4] est mentionné comme témoin du fait et l’employeur qui a déclaré le 14 décembre 2020 n’a émis aucune réserve.
Le certificat médical initial établi le 11 décembre 2020, mentionne un arrêt cardiaque et respiratoire sur infarctus du myocarde. La lésion mentionnée sur le certificat est donc concordante avec les circonstances de l’accident.
Contrairement à ce que soutient la société, dès lors que le salarié a consulté un médecin dans un temps proche de l’accident, qu’il y a lieu un témoin, que la lésion s’est révélée concordante avec les dires du salarié, et que l’employeur en a été informé très rapidement, la présomption d’accident du travail ne peut que s’appliquer.
Par ailleurs, la société ne démontre aucunement que l’origine de la lésion serait totalement étrangère au travail.
Il s’ensuit que ce moyen sera rejeté.
Sur la prise en charge du décès
La société fait valoir d’une part que la caisse a motivé sa décision en considérant la présomption d’imputabilité au sinistre initial alors que le décès n’est pas intervenu au temps et au lieu du travail, mais survenu 26 jours après le sinistre initial et que les causes du décès étant inconnues, il n’existe pas de lien entre l’activité professionnelle et le décès. D’autre part, elle soutient que la caisse a violé les dispositions de l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale en ne diligentant pas une enquête avant de se prononcer sur le caractère professionnel du décès.
En réplique, la caisse fait valoir que le décès survenu le 5 janvier 2021 bénéficie pleinement d’une présomption d’imputabilité à l’accident, compte tenu de l’arrêt de travail prescrit sur le certificat médical initial jusqu’au 25 janvier 2021. Le décès étant survenu postérieurement à la décision de prise en charge de l’accident du travail, elle soutient qu’elle n’était pas tenue d’engager des investigations, que l’autopsie n’aurait pas pu détruire cette présomption d’imputabilité du décès et qu’elle ne pouvait en solliciter une, compte tenu de l’information du décès qui lui est parvenue le 23 février 2021.
Il est établi que M. [M] est décédé le 5 janvier 2021 à 13h55 au centre hospitalier d'[Localité 4], où il était hospitalisé depuis le 10 décembre 2020, date de son arrêt cardiaque sur son temps et lieu de travail.
Il est aussi démontré que la caisse ne conteste pas avoir été informée du décès de M. [M] à réception de l’acte de décès établi le 21 janvier 2021, soit postérieurement à la décision de prise en charge de l’accident du travail à titre professionnel du 30 décembre 2020. Elle a pris en charge le décès en date du 23 février 2021 au titre de la législation professionnelle.
Cependant, si le certificat médical initial prescrivant un arrêt de travail emporte présomption d’imputabilité, cela ne vaut que jusqu’à consolidation ou guérison. Or le décès n’est ni l’un, ni l’autre.
Dès lors, si la caisse n’avait pas obligation de diligenter une autopsie, elle devait pour le moins s’assurer de ce que le décès était bien consécutif aux conséquences de l’accident, et pour cela, interroger son médecin conseil.
A défaut de pouvoir en justifier, on ne peut considérer qu’elle établit le lien de causalité entre l’accident et le décès survenu 26 jours après.
Dès lors, les conditions de prise en charge ne sont pas établies et il y a de déclarer inopposable à l’employeur la décision de prise en charge du décès de M. [M] survenu le 5 janvier 2021.
Sur les mesures accessoires
Compte tenu de la nature de la décision, il convient de débouter la caisse de sa demande au titre l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la caisse primaire d’assurance maladie du Loiret aux dépens de l’instance, dès lors qu’elle succombe.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE que la décision de la caisse primaire d’assurance maladie du Loiret du 30 décembre 2020 reconnaissant le caractère professionnel de l’accident dont a été victime M. [V] [M] le 10 décembre 2020 est opposable à la S.A.S [5] ;
DÉCLARE que la décision de la caisse primaire d’assurance maladie du Loiret du 23 février 2021 reconnaissant le caractère professionnel du décès, dont a été victime M. [V] [M] le 5 janvier 2021 est inopposable à la S.A.S [5] ;
DÉBOUTE la caisse la caisse primaire d’assurance maladie du Loiret de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes les autres et plus amples demandes contraires ;
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie du Loiret aux dépens.
Et le présent jugement est signé par Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente et par Stéphane DEMARI, Greffier, présents lors du prononcé.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,