Prise de contrôle exclusif du groupe Altice Média par CMA CGM

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Prise de contrôle exclusif du groupe Altice Média par CMA CGM
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L’Arcom a été saisie par les sociétés Altice France et CMA CGM d’un projet de changement de contrôle de la société Altice Média, au profit du groupe CMA CGM.

Cession de l’intégralité du capital et des droits de vote d’Altice Média

L’opération envisagée consisterait en la cession de l’intégralité du capital et des droits de vote d’Altice Média, actuellement détenus par la société Altice France, à une société détenue conjointement par la société CMA CGM (à hauteur de 80 %) et par la société Merit France Investissements (à hauteur de 20 %), chacune étant contrôlée par la société Merit France, holding détenue par la famille Saadé. À l’issue de l’opération, la société CMA CGM détiendrait le contrôle exclusif, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, de la société Altice Média et des sociétés qu’elle contrôle.

Cette société est dénommée à ce stade « AudiovisualCo ». L’acquéreur précise que CMA CGM et Merit France Investissements seront amenés à conclure un pacte d’associés en vue de fixer les modalités de gouvernance de la société AudiovisuelCo, étant précisé qu’en tout état de cause, CMA CGM détiendra le contrôle de AudiovisualCo.

L’Autorité est saisie d’une demande d’agrément de ce changement de contrôle sur les fondements des dispositions de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986.

Le périmètre de l’opération comprend Altice Média et l’ensemble des sociétés qu’elle détient (cf. organigramme à l’annexe 1), à l’exception de la société SportscoTV, qui édite et commercialise des chaînes de télévision payantes sous la marque RMC SPORT (RMC SPORT 1 et RMC SPORT 2). Cette entité fera l’objet d’un détourage préalable à la réalisation de l’opération.

Par ailleurs, deux sociétés du groupe Altice Média, BFM Alsace SAS et BFM Lyon Métropole SA, disposent d’autorisations pour la diffusion des chaînes locales BFM Alsace et BFM Lyon Métropole qui ont été accordées dans un délai inférieur à cinq ans1 calculé en fonction de la date prévisionnelle de réalisation de l’opération. A ce titre, ces services ne peuvent faire l’objet d’un changement de contrôle, conformément au premier alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 19862. L’acquéreur et le vendeur indiquent dans leurs documents datés du 15 mars que les deux autorisations en question feront l’objet d’une demande d’abrogation adressée à l’Arcom.

La réalisation de l’opération est subordonnée à la levée de deux conditions suspensives :

i) l’obtention d’une autorisation de l’Autorité de la concurrence au titre du contrôle des concentrations ;
ii) la délivrance d’un agrément par l’Arcom, comme cela a été indiqué, conformément aux dispositions de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986

L’acquisition de l’intégralité des droits de vote et du capital d’Altice Média sera réalisée par l’intermédiaire d’une société créée spécialement pour les besoins de l’opération et qui serait détenue par Merit France Investissements et par CMA CGM, dénommée provisoirement MediaCo.

L’acquéreur entend ainsi distinguer les activités qu’elle exercerait dans l’audiovisuel et dans la presse écrite des autres activités de CMA CGM. Au sein de « MediaCo », les titres de presse seront placés dans la société « NewspressCo » (nouvelle dénomination de Whynot Media SAS, regroupant les titres de presse La Tribune, La Provence, Corse Matin), tandis que MediaCo contrôlera également 80 % de la société dénommée provisoirement « AudiovisualCo » (nouvelle dénomination du groupe Altice Média). La société Merit France Investissements SAS détiendra les 20 % restants d’AudiovisualCo.

Les conséquences de l’opération

L’opération, si elle se réalise, verrait « émerger un groupe d’information pluri-médias particulièrement puissant ». En cas de réalisation de l’opération, la place de CMA CGM dans les médias serait effectivement significativement renforcée, avec notamment une présence radio/TV/presse dans certaines zones. Cette situation appelle à conforter les garanties d’indépendance des rédactions, notamment vis-à-vis des intérêts des actionnaires.

Les propositions formulées par CMA CGM, et rappelées ci-dessus, doivent donc se traduire par des engagements formels. Ceux-ci pourraient notamment consister en la signature d’une charte d’indépendance éditoriale et de déontologie concernant les rédactions des services audiovisuels du groupe CMA CGM par la direction de celui-ci. Cette charte serait construite de façon symétrique à celles en voie de conclusion pour les titres de presse du groupe CMA CGM. De la même façon, CMA CGM pourrait s’engager à ce que la gouvernance des sociétés éditrices reflète la préoccupation accordée à la déontologie et à l’indépendance de l’information, à l’instar de l’administrateur référent en matière de déontologie et d’indépendance de l’information introduit dans de récentes conventions de chaînes autorisées.

Au demeurant, plusieurs répondants (SNJ, groupe TF1, SIRTI) ont exprimé leurs inquiétudes à l’occasion de la consultation publique menée par l’Arcom quant aux enjeux de pluralisme interne. De tels engagements seraient à même d’y répondre comme l’indique le SNJ dans sa réponse à la consultation lancée par l’Arcom : « une telle charte enverrait également un signal rassurant au régulateur de l’audiovisuel et au grand public, dans un contexte de défiance grandissante vis-à-vis des médias et de leur manque supposé d’indépendance. Elle constituerait une première dans un groupe audiovisuel français ». Le SNJ rappelle également que « le futur actionnaire du groupe s’est montré ouvert à la rédaction d’une telle charte ».

La poursuite, sans changement majeur de stratégie, des activités publicitaires liées aux chaînes de télévisions gratuite (la chaîne BFM Business tirant ne tirant ses revenus de la publicité qu’à la marge), aux radios ainsi qu’aux services de médias audiovisuels à la demande du groupe Altice Média ne devrait pas emporter d’effet majeur sur le marché publicitaire national.

Sur le marché local dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Bouches- du-Rhône et du Vaucluse, le rapprochement au sein d’un même groupe d’un important titre de la presse quotidienne régionale (PQR), en l’occurrence La Provence, avec plusieurs chaînes de télévision locale pourrait conduire à la mise en place d’offres couplées. Ces offres seraient susceptibles de renforcer l’attractivité des offres publicitaires locales du groupe Altice Média, mais ne devraient cependant pas avoir d’effets majeurs sur le marché publicitaire audiovisuel dans cette zone.

Tout d’abord, il n’existe pas de chaînes de télévision concurrentes aux chaînes locales d’Altice Média, l’opération n’est donc pas susceptible d’avoir un impact négatif sur un concurrent télévisuel. En état de cause, le marché de la publicité en télévision locale sur l’aire urbaine de Marseille-Aix en Provence demeure limité, comparativement à celui de la presse, de la radio ou de l’affichage, par exemple.39 En 2022, les dépenses de publicité des acteurs locaux dans les médias (hors médias propriétaires) étaient dirigées à 6 % vers la presse quotidienne régionale et à 2 % vers la télévision et le cinéma.40 En ce sens, le risque de voir l’offre locale du groupe CMA CGM concentrer les dépenses locales de communication apparaît modéré.

CMA CGM prévoit le « lancement, dans le respect de sa convention, d’une offre de fiction audiovisuelle », sans pour autant que le volume prévisionnel de ce genre de programme pour les exercices 2024 et 2025 n’évolue. Il semble donc qu’il souhaite plutôt renouveler l’offre de fiction actuelle. En outre, l’acquéreur envisage de reprendre la diffusion d’œuvres cinématographiques en 2025, mais « à la marge, [avec] moins de 52 œuvres par an »

Position de l’ARCOM

En conclusion, l’Arcom estime que l’opération étudiée n’est pas de nature à altérer le format des chaînes de télévision hertziennes nationales gratuites BFM TV, RMC Découverte et RMC Story, des chaînes hertziennes locales BFM Régions, des chaînes payantes et des services de radio édités par le groupe Altice Média.

Toutefois, la place accrue de CMA CGM dans le domaine des médias appelle à un renforcement des mesures assurant une indépendance des rédactions, notamment vis- à-vis des intérêts des actionnaires. Il est attendu des engagements formels de la part de l’acquéreur, qui pourraient notamment consister en la signature d’une charte d’indépendance éditoriale et de déontologie concernant les rédactions.

Le groupe Altice Média

Pour rappel, le groupe Altice Média édite trois services de télévision à vocation nationale, autorisés pour une diffusion par voie hertzienne terrestre, sans condition d’accès (« gratuits ») :

BFM TV (société BFM TV), autorisée en 2005 : service consacré à l’information, notamment économique et financière, dont la programmation, réactualisée en temps réel, couvre tous les domaines de l’actualité ;
RMC Découverte (société RMC Découverte), autorisée en 2012 : service consacré à la découverte et à la connaissance, à travers une large part de documentaires ;

RMC Story (société Diversité TV France), autorisée en 20123 : service reflétant la diversité de la société française qui propose une programmation ouverte sur le monde.

Les sociétés BFM TV, RMC Découverte et Diversité TV France sont détenues à 100 % par la SAS NextRadioTV, filiale à 100 % de la SAS Altice Média.

• dix services de télévision locale, autorisés pour une diffusion par voie hertzienne :

BFM Paris Île-de-France (société BFM Paris) : Ile-de-France ;
BFM Lyon Métropole (société BFM Lyon Métropole) : zones de Lyon, Villefranche- sur-Saône et Vienne ;
BFM Côte d’Azur (société Azur TV) : zone de Nice, Menton, Saint- Raphaël, Cannes, Grasse et du Mercantour ;
BFM Marseille (société Azur TV) : zone de Marseille ;
BFM Var (société Azur TV) : zone de Toulon-Hyères ;
BFM DICI (société D!CI TV): zones de Gap, Digne-les-Bains – Serres – Sisteron et de Château-Arnoux ;
BFM Alsace (société A. Télé) : zones de Strasbourg et de Mulhouse ;
BFM Normandie (société BFM Normandie) : zone de Rouen – Neufchâtel-en-Bray ;
BFM Grand Littoral (société Grand Lille TV) : zone de Boulogne-sur-Mer – Dunkerque ;
BFM Grand Lille (société Grand Lille TV) : zone de Lille.

La programmation de ces services est consacrée à l’information locale ou régionale.

La société BFM Paris, éditrice de la chaîne BFM Paris Île-de-France, est détenue à 100 % par la SAS NextRadioTV, filiale à 100 % de la SAS Altice Média. Les six sociétés éditrices des neuf autres chaînes locales sont contrôlées de façon directe par Altice Média.

• quatre services de télévision conventionnés en application des dispositions de l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 :

BFM Business (société Business FM) : service consacré à l’information économique, financière et internationale ;
BFM TV (Suisse) (société BFM TV) : reprise intégrale de la chaîne BFM TV à destination du territoire suisse ;

RMC Sport 1 (société Sportsco TV) : service consacré au sport qui propose des retransmissions d’événements sportifs, des magazines et documentaires. Ce service comporte une déclinaison nommée RMC Sport 1 Access ;
RMC Sport 2 (société Sportsco TV) : service consacré au sport et destiné à un public familial.4

Les sociétés Business FM, BFM TV et Sportsco TV sont détenues à 100 % par la SAS NextRadioTV, filiale à 100 % de la SAS Altice Média.

Le groupe Altice Média édite, à travers trois sociétés distinctes, trois services de radios :

  • –  RMC, service généraliste à vocation nationale de catégorie E édité par la SA de droit monégasque Radio Monte-Carlo, dont la programmation est essentiellement axée sur l’information (politique et société) et le sport dans un format « info, talk, sport » 100 % parlé. RMC propose ainsi, du lundi au vendredi, 11 heures et 30 minutes d’informations chaque jour ainsi que 8 heures quotidiennes consacrées au sport (et un total de 28 heures de sport le week-end) ;
  • –  BFM Business, service thématique à vocation nationale de catégorie D édité par la SAS Business FM axée sur l’information économique et financière. Radio 100 % parlée, à l’instar de RMC, BFM Business informe de l’actualité économique, sociale et internationale à travers ses journaux, des interviews d’entrepreneurs et des émissions de débats ;
  • –  BFM Radio, service thématique à vocation nationale de catégorie D édité par la SAS BFM TV. Radio d’information en continu, BFM Radio reprend la partie audio du signal de BFM TV (hors écrans publicitaires). 72 % de sa programmation est ainsi consacrée aux journaux d’information et 14 % à la diffusion de magazines (le reste du temps d’antenne étant consacré à la diffusion de publicités ou de bandes annonces). Les sociétés Radio Monte-Carlo, Business FM et BFM TV sont détenues à 100 % par la SAS NextRadioTV, filiale à 100 % de la SAS Altice Média.

En dehors des filiales précitées, éditrices de services audiovisuels, Altice Média détient quatre sociétés développant des activités connexes, qui sont également incluses dans le périmètre de l’opération :

  • –  RMC Sport : cette société, qui a le statut d’agence de presse, fait office de service des sports pour l’ensemble des médias d’Altice Média (chaînes de télévision, radio, sites internet et applications). Les contenus d’information sportive qu’elle produit sont notamment diffusés par la société Nextinteractive SAS ;
  • –  Nextinteractive : cette entité regroupe les sites internet, applications et services de médias audiovisuel à la demande ou services autres du groupe autour de quatre pôles : RMC BFM Play, RMC Sport, BFM TV.com et Tech&Co ;
  • –  Next Média Solutions : régie publicitaire qui commercialise les différentes marques du groupe sur tous les supports audiovisuels et numériques ;
  • –  RMC Production : société de production de documentaires et de programmes de flux. Selon l’organigramme d’Altice Média, BFM TV SA détient sa propre filiale de production, Nextprod SAS.

Le groupe CMA CGM

CMA CGM est contrôlée à 72,61 % par la société Merit France, holding contrôlée à 100 %, directement et indirectement, par des membres de la famille Saadé (cf. organigramme simplifié de CMA CGM à l’annexe 2). Le groupe est présent historiquement dans les activités de logistique, de commissionnement et de transport. Il s’est récemment diversifié dans la presse et dans l’audiovisuel.

CMA CGM est actif dans le secteur de la presse écrite depuis l’acquisition du groupe La Provence en octobre 2022. À travers deux filiales, le groupe édite les quotidiens régionaux La Provence et Corse-Matin ainsi que des sites internet liés à ces titres. Il gère également les activités de régie publicitaire pour ces quotidiens et ces sites internet.

Depuis juillet 2023, le groupe contrôle à 100 % le groupe HIMA, qui comprend le groupe La Tribune, éditeur d’un quotidien numérique, d’une publication imprimée hebdomadaire (La Tribune Dimanche) et de hors-séries régionaux.

CMA CGM détient des participations minoritaires dans la société Métropole Télévision (10,25 %) et celle éditant le média en ligne Brut (15,2 %).

Il ne détient (directement ou indirectement) aucune autorisation d’émettre des services de télévision ou de radio par voie hertzienne terrestre.


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