Prise d’acte du salarié pour harcèlement moral
Prise d’acte du salarié pour harcèlement moral
Ce point juridique est utile ?

Un salarié peut procéder à une prise d’acte face à un harcèlement moral établi de son employeur.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, il lui appartient d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur, et ceux-ci doivent être d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La rupture est imputable à l’employeur lorsque celui-ci ne respecte pas la loi, la convention collective ou ses engagements contractuels.

Enfin, pour apprécier si la prise d’acte est ou non justifiée, les juges ne sont pas liés par les griefs énoncés dans la lettre qui la notifie et sont tenus d’examiner les manquements de l’employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans son écrit.

En l’espèce, Mme [H] a, par l’intermédiaire de son avocat, le 31 janvier 2019, pris acte de la rupture du contrat de travail la liant à la société au motif qu’ elle subissait des manquements graves imputables à cette dernière qui mettait en jeu sa santé.

A l’appui de cette rupture, elle faisait état d’un harcèlement moral, du défaut de règlement des heures supplémentaires, du défaut de régularisation de sa situation contractuelle malgré ses demandes et l’inadéquation de ses missions.


COUR D’APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE – SECTION A



————————–







ARRÊT DU : 20 SEPTEMBRE 2023







PRUD’HOMMES



N° RG 20/03784 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LXIG

















Madame [P] [Y] [V] [H]



c/



S.A.R.L LE PRESSOIR

















Nature de la décision : AU FOND





















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 septembre 2020 (R.G. n°F 19/00103) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 13 octobre 2020,





APPELANTE :

Madame [P] [Y] [V] [H]

née le 08 Juin 1988 à [Localité 7] ([Localité 7]) de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric DUMAS de la SELARL FREDERIC DUMAS, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉE :

SARL Le Pressoir, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 328 858 691

représentée par Me Julie MENJOULOU, avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 juin 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d’instruire l’affaire, et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère



Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,





ARRÊT :



– contradictoire



– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige














***





EXPOSE DU LITIGE



Madame [P] [H], née en 1988, a été engagée en qualité d’employée administrative commerciale non-cadre, catégorie III-coefficient 160, par la SARL Le Pressoir, par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, sur la base de 39 heures, à compter du 21 février 2018.



Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’hôtellerie de plein air.



En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [H] s’élevait à la somme de 1.866,88 euros.



Un avenant au contrat de travail de Mme [H] portant sur le poste de responsable administrative et commerciale, coefficient 225, a été préparé par le cabinet d’expertise comptable de l’employeur. M. [O], le dirigeant de la société Le Pressoir, n’a cependant pas signé ce contrat.



Le 20 novembre 2018, Mme [H] a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle, arrêt prolongé jusqu’à la fin de la relation contractuelle.

La CPAM de la Gironde a toutefois refusé la prise en charge de l’arrêt de travail de Mme [H] au titre de la législation professionnelle, par décision du 26 février 2019 .



Par lettre du 31 janvier 2019, Mme [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, par l’intermédiaire de son avocat, dans les termes suivants :

‘J’interviens au soutien des intérêts de Madame [P] [F] embauchée auprès de votre société par contrat de travail à temps complet à durée indéterminée, daté du 21 février 2018 à effet du même jour en qualité d’employée administrative commerciale, placée en accident du travail en date du 20 novembre 2018, renouvelée en l’état jusqu’à ce jour inclus.

Au regard des éléments portés à ma connaissance et des pièces justificatives produites, des conditions de travail imposées paraissant constituer un harcèlement moral au sens des dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, du défaut de règlement des heures supplémentaires effectuées, du défaut de régularisation de sa situation malgré demandes à ce titre, j’ai l’honneur par la présente de vous notifier au nom et pour le compte de ma cliente, prise d’acte de la rupture du contrat de travail’.



A la date de la fin du contrat, Mme [H] avait une ancienneté de 11 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.



Demandant que soient écartées les pièces de la société, Mme [H] a saisi le 29 juillet 2019 le conseil de prud’hommes de Libourne aux fins de :

– demander la requalification en licenciement nul de la rupture d’acte consécutive aux manquements de l’employeur et du harcèlement moral subi et diverses indemnités en découlant,

– solliciter des sommes compte tenu de la rectification de son statut et de ses attributions réelles ainsi que des rappels de salaire pour heures supplémentaires,



– réclamer l’indemnisation du préjudice subi pour le harcèlement en lui-même, des sommes au titre du travail dissimulé et au titre de l’indemnité kilométrique,

– écarter les demandes reconventionnelles de la société.



Par jugement rendu le 11 septembre 2020, le conseil des prud’hommes a :

– jugé recevables les pièces versées aux débats,

– dit que le contrat doit être requalifié au coefficient 160 de la convention collective,

– condamné la société Le Pressoir, prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :

* 1.359,23 euros brut au titre de la régularisation du coefficient 160,

* 2.168,10 euros au titre des heures supplémentaires,

– débouté Mme [H] de sa demande au titre d’indemnité kilométrique,

– débouté Mme [H] de sa demande au titre du travail dissimulé,

– dit que la société Le Pressoir n’a pas commis de manquement suffisamment grave à ses obligations contractuelles et notamment de se livrer par l’intermédiaire de son dirigeant à des agissements de harcèlement moral,

– dit que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission,

– débouté Mme [H] de ses demandes d’indemnité de préavis, indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, indemnité pour licenciement nul et indemnité forfaitaire pour le harcèlement moral,

– condamné Mme [H] à verser à la société Le Pressoir la somme de 1.799,10 euros brut, au titre de l’indemnité de préavis,

– dit que le jugement à intervenir ne sera pas opposable à l’AGS,

– débouté les parties au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu’elle a dû engager.



Par déclaration du 13 octobre 2020, Mme [H] a relevé appel de cette décision, notifiée le 15 septembre 2020.

Moyens




Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 juin 2021, Mme [H] demande à la cour de :

– réformer le jugement du conseil des prud’hommes de Libourne du 11 septembre 2020,

– dire que le contrat doit être requalifié au coefficient 225 de la convention collective,

– condamner la société Le Pressoir à lui verser après rectification de son statut et de ses attributions réelles, la somme de 5.576, 16 euros au titre de rappel de salaires,

A titre subsidiaire,

– confirmer la requalification au coefficient 160 de la convention collective et condamner la société Le Pressoir à lui verser la somme de 1.763,56 euros à titre de rappel de salaires,

– condamner la société Le Pressoir au versement à Mme [F] au titre des heures supplémentaires :

* sur une base coefficient 130 : 7.425,96 euros,

* sur une base coefficient 160 : 8.084.33 euros dont 5.536,60 arrêtés au 13 juillet 2018,

* sur une base coefficient 225 : 9.514,65 euros dont 6.516.45 euros arrêtés au 13 juillet 2018,



– condamner la société Le Pressoir à lui verser la somme de 3.430,15 euros au titre de ses indemnités kilométriques,

– requalifier en licenciement nul la rupture d’acte provoquée par elle, consécutive aux graves manquements de son employeur et au harcèlement moral subi,

En conséquence,

– condamner la société Le Pressoir au versement à Mme [F] au titre d’indemnité de préavis :

* sur une base coefficient 130 : 3.737 euros,

* sur une base coefficient 160 : 4.071 euros,

* sur une base coefficient 225 : 7.191,96 euros,

– condamner la société Le Pressoir à lui verser au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis les sommes de :

* 373.70 euros pour un coefficient 130,

* 407.10 euros pour un coefficient 160,

* 719.20 euros pour un coefficient 225,

– condamner la société Le Pressoir à lui verser au titre de l’indemnité pour licenciement nul :

* 11.211 euros sur la base de 6 mois de salaire pour un coefficient 130,

* 12.213 euros sur la base de 6 mois de salaire pour un coefficient 160,

* 14.383.92 euros sur la base de 6 mois de salaire pour un coefficient 225,

– condamner la société Le Pressoir à lui verser indépendamment de l’indemnité forfaitaire prévue par la loi, l’indemnisation du préjudice subi par le harcèlement en lui-même, d’une somme de 8.000 euros,

– condamner la société Le Pressoir à lui verser au titre du travail dissimulé les sommes de :

* 11.211 euros sur la base de 6 mois de salaire pour un coefficient 130,

* 12.213 euros sur la base de 6 mois de salaire pour un coefficient 160,

* 14.383,92 euros sur la base de 6 mois de salaire pour un coefficient 225,

– dire que la société Le Pressoir sera condamnée au versement d’une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de première instance, outre 6.000 euros en application des mêmes dispositions en cause d’appel,

– condamner la société Le Pressoir aux dépens.



Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 mars 2023, la société Le Pressoir demande à la cour de’:

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Libourne le 11 septembre 2020 en ce qu’il a :

* dit qu’elle n’a pas commis de manquement suffisamment grave à ses obligations contractuelles et notamment de se livrer par l’intermédiaire de son dirigeant à des agissements de harcèlement moral,

* dit que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission,

* débouté Mme [H] de sa demande au titre d’indemnité kilométrique, au titre du travail dissimulé, de ses demandes d’indemnités de préavis, d’indemnité pour licenciement nul et d’indemnité forfaitaire pour le harcèlement moral,

* condamné Mme [H] à lui verser une somme au titre du préavis non effectué,

* débouté Mme [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,





A titre d’appel incident,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Libourne le 11 septembre 2020 en ce qu’il a :

* dit que le contrat doit être requalifié au coefficient 160 de la convention collective et condamné la société au paiement de la somme de 1.359,23 euros bruts au titre de la régularisation du coefficient 160 et de la somme de 2.168,10 euros au titre des heures supplémentaires,

* limité la condamnation de la salariée à la somme de 1.799,10 euros bruts correspondant à un mois de préavis,

* débouté la société Le Pressoir de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

Statuant à nouveau :

– débouter Mme [H] de toutes ses demandes, y compris celles tendant à l’obtention d’un rappel de salaire et d’heures supplémentaires sur la base du coefficient 160,

A titre subsidiaire sur les rappels de salaires, faire droit aux calculs subsidiaires établis par elle en fonction des hypothèses suivantes :

* pas d’heures supplémentaires au-delà du forfait de 17,33 euros mais requalification au coefficient 160 : limiter le rappel de salaires à la somme de 1.149,94 euros bruts (montant incluant le rappel sur les heures à 15% sur toute la période contractuelle),

* rappel d’heures supplémentaires sur la base du coefficient 130 : limiter le rappel de salaires à la somme de 1 577,43 euros bruts pour les heures supplémentaires prétendument accomplies au-delà du forfait de 17,33 heures,

* rappel d’heures supplémentaires et requalification au coefficient 160 : limiter le rappel de salaires à la somme de 2.087,31 euros bruts (montant incluant le rappel sur les heures à 15% sur toute la période contractuelle),

– condamner Mme [H] au paiement de la somme de 3.737 euros au titre du préavis non effectué,

Y ajoutant,

– condamner Mme [H] au paiement d’une indemnité de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel outre les entiers dépens en ce compris les frais éventuels d’exécution,

– débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes.



L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 6 juin 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

Motivation






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la qualification



Mme [H] soutient que le contrat qu’elle a signé avec la société Le Pressoir visait le coefficient 160 pour un emploi d’employée administrative commerciale, ce qui ne correspond pas à la grille de la convention collective et



qu’à compter du bulletin de salaire d’avril 2018, le coefficient indiqué n’était plus que de 130.

Elle argue aussi du fait que le poste occupé correspondait au coefficient 225 de la convention collective et à un statut cadre, eu égard à l’étendue des tâches et à l’autonomie dont elle disposait, coefficient mentionné dans l’avenant établi par le cabinet comptable, même s’il n’a pas été signé par M. [O].

Elle explique aussi qu’elle s’attendait, en postulant à l’offre d’emploi diffusée, à un poste de cadre de direction du camping.



La société répond que l’appelante ne pouvait prétendre à un coefficient de 225 dès le début de la relation contractuelle.

Par la suite, l’avenant établi sur la base de ce coefficient de 225 n’a jamais été signé et n’est jamais entré en vigueur dans la mesure où il n’a été ni à l’initiative de cette évolution professionnelle ni en accord avec cet avenant.

L’intimée soutient que le coefficient 255 correspond à un poste de dirigeant du camping, ce qui n’a jamais été le cas de Mme [H], une autre personne étant embauchée en tant que responsable de site aux côtés de M. [O] lui même, très impliqué dans la gestion de son entreprise.

La société Le Pressoir conclut à l’adéquation du coefficient 130 tant par rapport aux missions de Mme [H] que par rapport au salaire convenu au contrat de travail, la mention du coefficient 160 n’étant qu’une erreur non créatrice de droit.



Ni offre d’emploi ni promesse d’embauche ne sont versées aux débats.



La relation de travail est régie en l’espèce par le contrat de travail, signé par les parties le jour de l’embauche de Mme [H].

Ce contrat, signé le 21 février 2018 prévoit, en son article 4, un emploi d’employée administrative-commerciale sur la base de la classification non cadre-catégorie 3-coefficient 160.

Il y est précisé que Mme [F] sera chargée de l’ensemble des tâches correspondant à son emploi et ainsi que toute autre tâche liée à ses fonctions et demandée par la Direction.

Les bulletins de salaire de février et mars 2018 font état d’un emploi d’employée administrative-commerciale cadre-catégorie 3-coefficient 160. Les bulletins suivants font référence au même emploi et à la même classification mais le coefficient renseigné est de 130.



Il résulte de la convention collective nationale de l’hôtellerie de plein air que l’employée de troisième catégorie dénommée employée administrative est ainsi définie : ‘possède une formation d’employé(e) spécialisé(e) connaît l’organisation de l’établissement ; tient la caisse ; effectue les travaux de transcription et classement ; assure le suivi de la correspondance ; travaille selon les directives du responsable ; effectue les réservations’ et son coefficient hiérarchique est compris entre 120 et 150.



Le coefficient 160 peut être attribué à d’autres emplois de cette troisième catégorie, à savoir le personnel d’accueil minimum trilingue, le personnel d’animation, l’employé(e) qualifié(e) affecté(e) à l’activité bar-restauration et commerces annexes, le cuisinier, la maître-nageur plagiste ou encore l’ouvrier d’entretien qualifié.



Enfin, le coefficient 225 se réfère aux emplois de cadres dirigeants ou non dirigeants de cinquième ou sixième catégorie.

Il s’agit soit :

– du cadre confirmé exerçant des fonctions de cadre administratif, cadre commercial ou cadre technicien exigeant encadrement et commandement, prévisions et contrôle d’activité. Cadre assurant dans ses fonctions des responsabilités complètes, avec large délégation de pouvoirs, notamment pour l’application et le respect de l’ensemble des obligations réglementaires auxquelles sont soumis les établissements de l’HPA (urbanisme, santé publique, hygiène, sécurité, police intérieure) et pour la direction et l’animation d’une équipe de manière régulière ;

– du cadre dirigeant un établissement de moins de 200 emplacements auquel sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.



Il résulte du registre du personnel et de l’attestation de Mme [X] qu’un responsable de site, cadre, a toujours été présent dans les effectifs de la société, pendant la relation contractuelle liant la société Le Pressoir à Mme [F] [D]. Ce poste a été occupé par Mme [A] du 2 octobre 2017 au 1er février 2018 puis par Mme [E] du 13 février 2018 au 31 mars 2018 puis par Mme [X] du 2 mai 2018 au 6 novembre 2018.



Il est établi par les pièces produites que Mme [H] était en lien plusieurs fois par jour avec le responsable de site et M. [O], qu’elle n’assurait pas la direction de l’établissement, qu’elle ne disposait pas de responsabilités complètes avec large délégation de pouvoirs tel que le prévoit la convention collective pour les cadres au coefficient 225.



Toutefois, si Mme [H] connaissait l’organisation de l’établissement, tenait la caisse, effectuait les travaux de transcription et classement, assurait le suivi de la correspondance et travaillait selon les directives du responsable, les pièces et attestations produites démontrent que M. [O] lui laissait prendre des initiatives se rapportant aux tâches qui lui étaient confiées et qu’elle était autonome dans son organisation sous l’autorité et la responsabilité de ce dernier.

Dès lors, la classification des agents de maîtrise de quatrième catégorie est plus adaptée à la réalité des tâches exercées par Mme [H].



En effet, l’agent de maîtrise, dont le coefficient hiérarchique est compris entre 171 et 185, est un agent d’encadrement intermédiaire entre les cadres, d’une part, et les ouvriers et employés, d’autre part. Il a en charge un collectif de travail constitué principalement d’employés et/ou d’ouvriers. Ses fonctions comportent à la fois des fonctions d’expertise technique, notamment d’organisation du travail sous l’autorité de sa hiérarchie, et des fonctions sociales d’intermédiaire hiérarchique et d’animation d’un groupe ou d’une équipe d’ouvriers et/ou d’employés. Il prend les initiatives se rapportant aux tâches qui lui sont confiées et il est autonome dans son organisation sous l’autorité et la responsabilité de sa hiérarchie.



Au 1er échelon, cet agent de maîtrise, titulaire au minimum d’un CAP, BEP, bac professionnel et/ou expérience professionnelle équivalente (VAE…), possède une capacité de prise d’initiative et d’exécution des travaux sous l’autorité de sa hiérarchie, mais sans la totale maîtrise et technicité de son métier.



Les échanges de messages et attestations établissent une certaine autonomie de Mme [H] et la nécessité de prendre des initiatives dans certaines situations relevant des missions confiées par Mme [O] mais toujours sous l’autorité de sa hiérarchie qu’elle sollicite par ailleurs pour se voir confirmer certaines façons de procéder au quotidien.



Dès lors, Mme [H] relevait d’un coefficient strictement supérieur à 170.

Eu égard à la grille conventionnelle, un rappel de salaire lui sera alloué sur la base du coefficient 175.

Par conséquent, infirmant le jugement dont appel, la société Le Pressoir sera condamnée à verser à l’appelante la somme de 2.135,57 euros à titre de rappel de salaire.



Sur les heures supplémentaires



Mme [H] sollicite un rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées restées impayées.



Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Lorsqu’il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu du détail de son calcul, l’importance de celles-ci et les créances salariales s’y rapportant.



L’appelante soutient avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires et verse aux débats les pièces suivantes :

– une capture d’écran du site internet du camping indiquant les horaires d’ouverture soit de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures du mois de septembre au mois de juin et de 8 heures à 20 heures sur les mois de juillet et août,

– un relevé informatique des heures de travail établi par l’appelante contenant les heures d’embauche et de débauche ainsi que la pause déjeuner. Ce tableau totalise la somme de 143,4 heures majorées à 15%, 132,6 heures majorées à 25% et 216 heures majorées à 50%,

– une impression des messages datés que Mme [H] adressait à son époux quand elle arrivait au travail ou en partait,

– la liste des appels, messages et courriels échangés entre Mme [H] et son employeur,

– des courriels que l’appelante a adressés, au-delà de sa plage horaire de travail, dans le cadre de ses missions.



Mme [H] produit ainsi des documents suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant les horaires effectivement réalisés.



La société répond qu’une rémunération forfaitaire des heures supplémentaires avait été convenue, Mme [H] travaillant 39 heures hebdomadaires contractuellement. La répartition de ses horaires habituels était : 9 heures – 13 heures et 14 heures – 18 heures, 17 heures le vendredi, et correspondait à l’horaire collectif de travail.

L’intimée ajoute que cette amplitude lui permettait d’effectuer le travail demandé et qu’à partir du mois d’avril 2018, un décompte individuel a été mis en place.

La société soutient n’avoir jamais demandé à Mme [H] d’effectuer des heures supplémentaires, que cette dernière n’a évoqué ce sujet que lors d’une conversation le 13 juillet 2018 à la suite de laquelle, M. [O] a demandé à la salariée d’en justifier pour les lui faire récupérer et mis en place une règle pour l’avenir.



A l’appui de ses allégations, la société produit :

– le décompte individuel de Mme [H] du mois d’avril au mois d’octobre 2018, décompte signé par l’appelante,

– un courriel du 13 juillet 2018 dans lequel M. [O] écrit à Mme [H] : ‘A partir de maintenant, sans accord écrit de ma part, tu n’es pas autorisée à faire des heures supplémentaires’ ainsi que le courriel en réponse de l’appelante : ‘Je n’effectuerai plus d’heures supplémentaires sans demande écrite de ta part’,

– un relevé des incohérences relevées entre les différents documents produits par l’appelante et les relevés qu’elle a signés,



La cour relève différentes incohérences dans les éléments produits aux débats.

Par exemple, Mme [H] indique :

– avoir débauché à 19 heures le 23 février 2018 alors qu’elle écrit à son époux, ce jour-là, là 17:57 : ‘oui, enfin fini’,

– avoir travaillé sans interruption le 19 juillet de 7h30 à 20h30 alors même qu’elle écrit à son époux à 12:07 : ‘je rentre’. Il en est de même le 14 et le 23 août 2018,

– avoir pris son poste à 7h30 le 28 août 2018 alors qu’elle écrit à son mari à 8:09 : ‘arrivée’,

– dans le relevé qu’elle a elle même signé, il est indiqué qu”elle a été de repos le 12 et le 19 avril 2018 alors qu’elle mentionne une journée de 9 heures sur son relevé d’heures pour ces deux jours,

– le 15 mai 2018, Mme [H] a mentionné dans sa feuille de présence avoir travaillé 7 heures, or elle se décompte une journée de 10 heures pour ce même jour dans le relevé qu’elle produit postérieurement. Il en est de même pour le 19 juin : la salariée avait indiqué avoir quitté son travail à 17 heures or elle note 19h30 sur son relevé.



Au vu de ces éléments, le quantum des heures supplémentaires doit être fixé à hauteur de 182 heures supplémentaires sur la période du 21 février 2018 au 20 novembre 2018.

En conséquence, la société Le Pressoir sera condamnée à verser à Mme [H], sur la base d’un coefficient de 175 tel que susvisé, la somme de 3.172,40 euros au titre des heures supplémentaires accomplies.

Sur le quantum alloué à ce titre, le jugement entrepris sera donc infirmé.



Sur l’indemnité kilométrique



Mme [H] prétend que son lieu de travail réel était situé à [Localité 5] dans des locaux loués par la société et distants de 10 kilomètres du camping dans lequel elle se rendait quasiment quotidiennement pour récupérer les factures et courriers, notamment, effectuer des astreintes ou remplacer des salariés absents.

Elle ajoute qu’il lui était arrivé également de se rendre sur un troisième site, le [Adresse 9] à [Localité 3].

Utilisant son véhicule personnel pour ces déplacements professionnels pour lesquels elle estime avoir réalisé 6.039 kilomètres, elle sollicite une indemnité correspondant à la somme de 3.430,15 euros.



La société soutient que Mme [H] était domiciliée à [Localité 6] et que son contrat de travail précise qu’elle devait travailler au camping sur la commune de [Localité 8] et [Localité 4], à 14,6 kilomètres de son domicile.

Il n’était pas prévu qu’elle travaille exclusivement sur ce lieu et elle a été amenée à travailler dans des locaux que la société louait et qui étaient situés à [Localité 5], distant de 4,6 kilomètres de son domicile. cette ville était donc plus proche de son domicile. Au surplus, l’appelante devait nécessairement passer par [Localité 5] pour se rendre au camping.

L’intimée précise que Mme [H] travaillait au même endroit toute la journée et qu’il ressort des messages textes téléphoniques qu’elle rentrait chez elle déjeuner.

Dès lors, des déplacements dans la journée ne sont aucunement justifiés.

Enfin, si elle a été amenée une fois à se déplacer au [Adresse 9], un véhicule de société avait été mis à sa disposition.



L’employeur doit obligatoirement prendre en charge les frais engagés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de son employeur.

Ainsi, lorsque le salarié est contraint d’utiliser son véhicule personnel pour ses déplacements professionnels, l’employeur peut le rembourser des frais réellement exposés ou lui verser une indemnité kilométrique afin de le rembourser de ses frais.

Doivent être indemnisés les frais de déplacements engagés par un salarié lorsque les conditions suivantes sont réunies :

– le contrat de travail spécifiait que le salarié était rattaché au siège de la société

– l’intéressé avait toujours été affecté à des sites variés dont la distance était très supérieure à la distance entre son domicile et le siège de la société ;

– les nombreux déplacements de courte durée mais à des distances considérables du siège de l’employeur ne permettaient pas l’utilisation des transports en commun ;

– les déplacements du salarié, inhérents à son emploi, étaient effectués pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur.



En l’espèce, Mme [H] réside sur la commune de [Localité 6] et il est stipulé à l’article 3 de son contrat de travail qu’elle exercera ses fonctions au siège de la société à [Localité 8] et [Localité 4].

La commune de [Localité 5], se trouve proche du domicile de l’appelante et sur la route qui mène de [Localité 6] à [Localité 8] [Localité 4].

Dès lors, il n’est pas justifié que Mme [H] était affectée sur des sites variés dont la distance était très supérieure à la distance entre son domicile et le siège de la société.



Dans sa liste de déplacements en pièce 10, Mme [H] décompte un trajet à indemniser lorsqu’elle part de [Localité 5] pour se rendre au siège de la société pour des motifs variés (remplacement, déplacement camping sans autre précision, récupération des factures…).

Or, le lieu convenu de travail de Mme [H] dans le contrat de travail est le siège de la société de sorte que ces déplacements ne peuvent faire l’objet d’une indemnité kilométrique.

La cour relève également que l’appelante décompte à de nombreuses reprises deux trajets aller-retour dans la même journée sans l’expliquer. Si Mme [H] rentrait déjeuner à son domicile, il n’incombe pas à l’employeur d’indemniser de tels trajets.



Toutefois, Mme [H] a été amenée à effectuer des achats ou des déplacements à [Localité 3] pour lesquels la société intimée ne justifie pas avoir mis de véhicule à sa disposition, en dehors de la seule photocopie de la carte grise d’un véhicule de la société.



Sur cette base, la cour évalue à 1.441,10 le nombre de kilomètres correspondant à des déplacements, inhérents à l’emploi de l’appelante, qui ont été effectués pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur.

En conséquence, la société Le Pressoir sera condamnée à verser à Mme [H] la somme de 818,54 euros. Sur ce point le jugement dont appel sera infirmé.



Sur le harcèlement moral



Selon les dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



L’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Il revient au juge de dire si les éléments de fait, pris dans leur ensemble, en ce compris les documents médicaux, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.



Au soutien de ses prétentions, Mme [H] explique qu’ elle a subi un harcèlement de la part de M. [O] qui la sollicitait sans cesse, qu’elle subissait une pression constante et qu’il en a résulté une dégradation de son état de santé.



Elle communique notamment les pièces suivantes :

– les messages textes téléphoniques échangés avec son époux : ‘j’en ai marre des magouilles des uns et des autres’ (21 mars 2018 12:46), ‘Pfff [B] veut encore que je fasse le week end au pressoir’, j’ai pas mon mardi’ (9 avril 2018 12:23), ‘je vais pas pouvoir m’en sortir mon patron s’en fou, il en rajoute’ (13 avril 2018 9:54), ‘sais-tu qu’il me casse les pieds . Je n’en peux plus’ (14 mai 2018 16:50), ‘je vais craquer, là c’est bon la girouette’ (22 mai 2018 12:20), ‘j’ai du travail, moi j’arrête pas et il me harcèle ce matin, je vais pleurer’ (2 juillet 2018 11:48), ‘c’est relou de se battre contre un patron lunatique’ (13 juillet 9:11), ‘j’ai appris qu’il avait interdit à mes collègues de m’appeler’ (28 août 2018 10:22), ‘je vais rentrer si ça continue je vais pas me laisser traiter comme un chien parce qu’il croit que ses employés travaillent pas’ (11 septembre 2018 10:01), ‘patron imbuvable’ (19 septembre 2018 12:47), ‘ça n’a pas raté il a été exécrable’ (11 octobre 2018 12:07), ‘Non mais j’en ai marre qu’on me prenne pour une conne et d’être traitée d’incapable’ (30 octobre 2018 12:57),



– la liste des appels, courriels et messages que M. [O] a émis sur le téléphone de Mme [H].

M. [O] écrivait à Mme [H] des messages en dehors de ses heures de travail afin qu’elle en prenne connaissance plus tard, lorsqu’elle prendrait son service par exemple.

Il ressort de certains échanges que M. [O] a aussi appelé ou sollicité l’appelante durant ses jours de congés dans l’objectif d’avoir une réponse rapide (6 octobre 2018, 2 juin 2018) ou bien en dehors des horaires qu’il indique lui même être ceux de la salariée (3 mai 2018 20:21, 19 juin 2018 18:37, 22 juin 2018 08:11, 12 octobre 2018 18:23, 23 octobre 2018 8:22, 30 octobre 2018 08:34).

Les pièces produites mettent en avant que M. [O] a émis 20 messages successifs le 2 juillet 2018 entre 10 heures et 12 heures, 12 messages le 10 septembre 2018 entre 12:30 et 14h00, 5 messages le 2 novembre entre 8:20 et 8:30 et que M. [O] passait de nombreux appels à Mme [H] dans une même journée : 12 appels le 21 juin, 15 appels le 29 juin 2018, 12 appels le 22 octobre ou le 31 octobre,



– l’attestation Mme [C], collègue de travail, qui décrit avoir vu [P] en état de stress, en pleurs, elle travaillait sans compter ses heures pour satisfaire les nombreuses exigences de M. [O] mais l’insatisfaction perpétuelle de M. [O] amenait une pression constante. M. [O] persistait à dire qu’elle avait le temps de tout gérer, pour lui c’était inconcevable de ne pas faire ce qu’il demandait. Il changeait tout le temps d’avis au point de remettre sa parole en doute. Malgré la ténacité d'[P] à vouloir exécuter le travail et la surcharge, elle a tenue bon mais à quel prix,



– l’attestation de Mme [X], collègue de travail, précisant avoir été témoin des dizaines de fois de faits de harcèlement de M. [O] envers Mme [H] : ‘il lui faisait raccrocher sa communication téléphonique ou interrompre un entretien pour répondre à ses besoins, plus importants’, et ce plusieurs fois par rendez-vous, il pouvait l’appeler plusieurs fois par heure’. ‘Des fois, il lui a demandé d’appeler en face de lui un interlocuteur pour être sûr de ce qu’elle pouvait dire’, ‘plusieurs fois, il nous a dénigré et rabaissé auprès de collaborateur, intervenants extérieurs, clients et collègues’, ‘alors qu’elle était en congé, j’ai dû appeler [P] à la demande de M. [O]. La veille de son mariage elle a donc dû se rendre au bureau pour régler des problèmes que M. [O] avait avec sa carte bancaire’, ‘au mois de septembre, M. [O] nous a traité d’incompétentes, il n’a pas hésité à dire à ses collaborateurs qu’il était désolé d’avoir une directrice et une secrétaire qui n’étaient pas capables de gérer une telle charge de travail’, ‘il nous a sciemment laissées seules face à des individus agressifs’, ‘J’ai vu M. [O] présenter [P] comme étant l’atout majeur de ses entreprises puis le lendemain, la réduire au rang de secrétaire personnelle incompétente, menteuse et fainéante’, ‘il l’a accusée des mauvais chiffres du restaurant et du camping’,



– l’attestation de M. [D], le mari de l’appelante, qui écrit que depuis que sa femme travaille pour les sociétés de M. [O], elle n’est plus la même, elle est stressée, tendue, nerveuse, ses nuits sont agitées’. Il ajoute, ‘j’ai assisté à des conversations dans lesquels M. [O] disait ‘tu ne sers à rien’, ‘dès que le téléphone professionnel ou personnel sonnait, elle devait répondre dans la minute au risque de se voir envoyer des sms de type ‘raccroche’, ‘rappelle’, ‘pourquoi j’arrive pas à te joindre’,



– l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 17 mai 2017 ayant condamné la société Le Pressoir à des dommages et intérêts pour exécution déloyale, à des rappels de salaire et à diverses sommes consécutives à la requalification de la prise d’acte d’un ancien salarié, M. [I], en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,



– le courrier de M. [G], ancien salarié faisant part des raisons à l’origine de la rupture de sa période d’essai (harcèlement téléphonique, non défraiement des déplacements, classification dans la convention collective…).



Enfin, il résulte des éléments médicaux que Mme [H] a versé à son dossier que :

– l’arrêt de travail initial du 20 novembre 2018, établi par le Docteur [T], mentionne un ‘conflit au travail, harcèlement moral, épuisement moral’ ainsi que les prolongations qui ont suivi faisant état de ‘harcèlement au travail’, ‘syndrome anxio dépressif’,

– dans le courrier que le Docteur [T] adresse à son confrère, il est indiqué : ‘syndrome anxio dépressif suite harcèlement au travail’,

– dans le courrier de Mme [J], psychologue, celle-ci écrit : ‘La situation de Mme [H] me semble correspondre à un vécu de harcèlement moral avec humiliations répétées sur ses capacités et son investissement professionnel, le non-respect des temps de repos et de nombreuses incitations à ne pas respecter le code du travail et la fiscalité la mettant en conflit éthique. Cette situation est aggravée par une surcharge de travail permanente et des signes évidents d’un début d’épuisement professionnel avec troubles du sommeil et crises d’angoisse. Il semble capital de la protéger de cette entreprise et de lui permettre de se reposer’.



En l’état des pièces et explications fournies, Mme [H] présente des éléments de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.



La société conteste tout harcèlement moral et fait valoir que les échanges de messages textes sont tronqués, que l’intégralité des conversations n’est pas retranscrite et qu’ils n’ont pas été authentifiés par huissier de justice.

Par ailleurs, elle argue du fait que les situations d’autres salariés ne peuvent en rien démontrer une situation de harcèlement à l’égard de Mme [H], que la moyenne des appels sur la base des documents produits est de 5 appels par jour et qu’en dehors de la journée du 18 mars 2018, isolée, les échanges ont eu lieu sur des jours travaillés par l’appelante.

Enfin, la société oppose que certaines des attestations émanent de salariés qui ont saisi le conseil de prud’hommes, que le mari de l’appelante n’a pas pu être présent sur le lieu de travail pour attester de propos échangés entre M. [O]



et Mme [H] et que les attestations du médecin traitant et de la psychologue sont contraires à la déontologie.



Les éléments produits par l’employeur ne démontrent pas que les faits présentés par Mme [H] sont justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement.



En conséquence, le harcèlement moral est établi et le jugement du conseil de prud’hommes de Libourne en date du 11 septembre 2020 sera infirmé sur ce point.



Sur la rupture du contrat de travail



Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, il lui appartient d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur, et ceux-ci doivent être d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La rupture est imputable à l’employeur lorsque celui-ci ne respecte pas la loi, la convention collective ou ses engagements contractuels.

Enfin, pour apprécier si la prise d’acte est ou non justifiée, les juges ne sont pas liés par les griefs énoncés dans la lettre qui la notifie et sont tenus d’examiner les manquements de l’employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans son écrit.



En l’espèce, Mme [H] a, par l’intermédiaire de son avocat, le 31 janvier 2019, pris acte de la rupture du contrat de travail la liant à la société au motif qu’ elle subissait des manquements graves imputables à cette dernière qui mettait en jeu sa santé.

A l’appui de cette rupture, elle faisait état d’un harcèlement moral, du défaut de règlement des heures supplémentaires, du défaut de régularisation de sa situation contractuelle malgré ses demandes et l’inadéquation de ses missions.



Il résulte des développements précédents que la société Le Pressoir a été condamnée à verser à Mme [H] un rappel de salaire en lien avec sa classification conventionnelle ainsi qu’un rappel d’heures supplémentaires. Par ailleurs, la cour a reconnu une situation de harcèlement à l’encontre de Mme [H].



Dès lors, la prise d’acte de l’appelante de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur en date du 31 janvier 2019, compte tenu du harcèlement moral subi, doit produire les effets d’un licenciement nul.



Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail



Le salarié dont la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit d’une part, aux indemnités de rupture, et d’autre part, à une indemnité dont le montant doit être au moins égal à celui prévu par l’article L.1235-3-1 du code du travail, le barème obligatoire prévu à l’article L. 1235-3-2 ne s’appliquant pas dans ce cas.











– Sur l’indemnité compensatrice de préavis



Mme [H] ayant été positionnée sur la quatrième catégorie des agents de maîtrise de la convention collective de l’hôtellerie de plein air, la durée de préavis fixée par l’article 5.2.2 de cette convention collective, pour les agents ayant une ancienneté de plus de six mois et jusqu’à deux ans de service continu, est de 2 mois et 15 jours de date à date.



Aussi, l’indemnité compensatrice de préavis due à Mme [H] correspond à la somme de 5.297,47 euros et à celle de 529,75 euros au titre des congés payés afférents.



– Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail



Compte tenu de son âge (30 ans) au moment de la rupture du contrat de travail, de son ancienneté dans l’entreprise, du montant de sa rémunération, des conditions de la rupture du contrat, de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 12.713,94 euros de dommages et intérêts.



Sur les dommages et intérêts pour le préjudice subi lié au harcèlement



Mme [H], sollicite l’indemnisation du préjudice subi par le harcèlement lui même et demande la condamnation de la société au paiement de la somme de 8.000 euros à ce titre.



L’octroi de dommages et intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne fait pas obstacle à une demande distincte de dommages et intérêts pour préjudice moral.



Les seules attestations émanant du mari de l’appelante et d’anciennes collègues ne suffisent pas à établir un préjudice moral distinct.



Seules les pièces produites au dossier relatives aux arrêts de travail de Mme [H] et aux éléments médicaux en lien avec le préjudice allégué permettent d’évaluer le préjudice subi par la salariée.

Le harcèlement a eu des conséquences notables sur la santé de la salariée, et a abouti in fine à la rupture de la relation contractuelle de sorte que la société sera condamnée à lui verser la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice moral subi lié au harcèlement moral.



Sur le travail dissimulé



Mme [H] soutient que M. [O] l’a sollicitée au-delà des horaires qu’il avait lui même définis de sorte que l’élément intentionnel est caractérisé.



La société indique, quant à elle, qu’il n’y avait aucune volonté de dissimulation de sa part puisqu’elle n’a jamais demandé à l’appelante de dépasser le forfait convenu contractuellement d’heures supplémentaires et qu’elle a en outre rappelé qu’elle ne souhaitait aucune autre heure supplémentaire.







En vertu des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l’accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche, soit à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.



L’article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



Il appartient au salarié qui sollicite le bénéfice de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de rapporter la preuve du caractère intentionnel de celui-ci.



En l’espèce, la cour a constaté que la société avait mis en place un système de relevé d’heures mensuelles ainsi qu’un nombre d’heures supplémentaires par mois (17h33).

Il n’est par ailleurs pas contesté que M. [O] avait demandé à l’appelante de ne pas réaliser d’heures supplémentaires sans son accord.

En outre, il n’est fait droit que partiellement aux prétentions de Mme [H], au terme d’un long débat judiciaire.



Aussi, le caractère intentionnel de la dissimulation n’étant pas établi, Mme [H] sera par conséquent déboutée de sa demande à ce titre, le jugement étant confirmé de ce chef.



Sur les autres demandes



La société intimée, partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel ainsi qu’à verser à Mme [H] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.




Dispositif

PAR CES MOTIFS



La cour,



Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Libourne du 11 septembre 2020 sauf en ce qu’il a débouté Madame [P] [H] de sa demande au titre du travail dissimulé,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Dit que Madame [P] [H] doit être positionnée au coefficient 175 de la convention collective de l’hôtellerie de plein air,



Dit établi le harcèlement moral à l’encontre de Madame [P] [H],





Dit que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul,



Condamne la société Le Pressoir à verser à Madame [P] [H] les sommes suivantes :

– 2.135,57 euros à titre de rappel de salaire en lien avec la classification conventionnelle,

– 3.172,40 euros au titre d’un rappel d’heures supplémentaires,

– 818,54 euros à titre d’indemnité kilométrique,

– 5.297,47 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 529,75 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

– 12.713,94 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice causé par la rupture du contrat de travail,

– 1.500 euros au titre du préjudice subi en lien avec le harcèlement moral,

– 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société Le Pressoir aux dépens de la procédure d’appel.





Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


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