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Nos Conseils:
1. Sur les demandes au titre des heures supplémentaires accomplies et non rémunérées: 2. Sur la demande au titre de la prime sur objectifs: 3. Sur la demande de prise d’acte: |
→ Résumé de l’affaireM. [J] a été engagé par la société Azur Soft en tant qu’ingénieur de développement logiciel en octobre 2018. Après avoir été élu membre du CSE en janvier 2020, il a initié des démarches pour une rupture conventionnelle en février 2021, mais n’a pas signé le protocole de rupture. Il a ensuite pris acte de la rupture de son contrat de travail en mars 2021. Le conseil de prud’hommes de Nice a jugé que cette prise d’acte ne produisait pas les effets d’un licenciement. M. [J] a interjeté appel de cette décision, demandant la requalification de la prise d’acte en licenciement nul, ainsi que diverses indemnités pour des manquements de l’employeur. La société Azur Soft a demandé l’irrecevabilité des conclusions de M. [J] pour dépassement du délai de notification. Les parties ont des prétentions divergentes concernant les heures supplémentaires, les primes non versées, la vidéosurveillance, les différences de traitement, et l’entrave à l’exercice du mandat de représentant du personnel. La société Azur Soft demande également le paiement de l’indemnité de préavis non exécuté par M. [J].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2024
N°2024/
MAB/KV
Rôle N° RG 22/04693 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJEPX
[A] [J]
C/
S.A.S. AZUR SOFT
Copie exécutoire délivrée
le : 13/06/24
à :
– Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE
– Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 24 Février 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/00331.
APPELANT
Monsieur [A] [J], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.S. AZUR SOFT, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, et Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [A] [J] a été engagé par la société Azur Soft, en qualité d’ingénieur de développement logiciel à compter du 12 octobre 2018, par contrat à durée indéterminée.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de des bureaux d’étude techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils (SYNTEC) du 15 décembre 1987.
La société Azur Soft employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.
Le 27 janvier 2020, le salarié a été élu en qualité de membre titulaire du comité social et économique (CSE) de la société.
A compter du 12 février 2021 des démarches en vue d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail ont été initiées par M. [J].
Après approbation du projet de rupture par le CSE, au terme d’un entretien préalable à rupture conventionnelle le 24 février 2021, M. [J] n’a pas signé le protocole de rupture.
Le 5 mars 2021, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 8 mars 2021, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 20 mai 2021, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins d’obtenir que la prise d’acte de son contrat de travail produise les effets d’un licenciement nul, ainsi que de diverses demandes tant au titre de l’exécution que de la rupture de la relation contractuelle.
Par jugement rendu le 24 février 2022, le conseil de prud’hommes de Nice a :
– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne produit pas les effets d’un licenciement,
– débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société Azur Soft de sa demande reconventionnelle,
– condamné M. [J] à 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
M. [J] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
Par voie de conclusions d’incident déposées le 25 janvier 2023, la société Azur Soft a demandé l’irrecevabilité des conclusions notifiées le 24 janvier 2023 par M. [J], au motif qu’elles n’ont pas été notifiées dans le délai de trois mois suivant l’appel incident formé par la société, le 29 juillet 2022. Par arrêt de renvoi du 30 mars 2023, l’ordonnance de clôture prononcée le 26 janvier 2023 a été révoquée et la cause renvoyée à la mise en état. Par ordonnance d’incident rendue le 14 septembre 2023, le conseiller de a mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. [J] notifiées le 24 janvier 2023, sauf en ce qu’elles développent son appel principal.
Une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée le 29 février 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, l’appelant demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par M. [J], d’infirmer la décision et statuant à nouveau de :
– juger que la société Azur Soft a commis de nombreux manquement graves à l’encontre de M. [J],
– juger que M. [J] a effectué des heures supplémentaires sur demande de sa direction sans qu’elles ne lui soient rémunérées,
– juger que la société Azur Soft s’est abstenue de verser dans son intégralité les primes sur objectifs pour les années 2020 et 2021 à M. [J] sans justifier cette décision,
– juger que la société Azur Soft a porté atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles en violant la vie privée de M. [J] en l’exposant à un système de vidéosurveillance en permanence à son poste de travail de façon disproportionnée et sans son consentement,
– juger que M. [J] a fait l’objet d’une différence de traitement en raison de son statut protecteur,
– juger que la société Azur Soft a entravé l’action de M. [J] dans l’exercice de son mandat d’élu CSE,
En conséquence,
– juger que la rupture par M. [J] de son contrat de travail est motivée et justifiée par les manquements graves commis par la société Azur Soft,
– juger que la rupture par M. [J] de son contrat de travail est une prise d’acte de rupture aux torts exclusifs de la société Azur Soft,
– requalifier la prise d’acte de M. [J] en licenciement nul en raison de son statut de salarié protégé,
Partant,
– condamner la société Azur Soft à verser à M. [J] les sommes suivantes :
3 294,35 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
12 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
1 200 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,
25 000 euros à titre d’indemnité de licenciement nul,
120 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire sanctionnant la violation du statut protecteur,
– condamner en outre la société Azur Soft à procéder à la rectification de l’attestation Pôle emploi sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
A défaut de prise d’acte entraînant les conséquences d’un licenciement non causé :
– juger que la société Azur Soft a exécuté le contrat de travail de M. [J] de manière déloyale,
En conséquence,
– condamner la société Azur Soft à verser à M. [J] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
En tout état de cause,
– condamner la société Azur Soft à verser à M. [J] les sommes suivantes :
2 192,60 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires (absence de paiement de la 40ème heure de travail hebdomadaire) effectuées sur la période du 12 octobre 2018 au 1er avril 2020 et la somme de 219,26 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,
24 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
2 000 euros à titre de rappel de salaire sur prime sur objectif pour le premier semestre 2020,
1 775 euros à titre de rappel de salaire sur prime sur objectif pour le second semestre 2020,
980 euros à titre de rappel de salaire sur prime sur objectif pour le premier semestre 2021,
De plus,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Azur Soft de sa demande de paiement de l’indemnité de préavis,
– condamner la société Azur Soft à verser à M. [J] la somme de 2 500,00 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.
L’appelant soutient que :
– la prise d’acte de son contrat de travail aux torts de son employeur est bien-fondée eu égard aux graves manquements de l’employeur :
* la société Azur Soft n’a pas respecté son temps de travail contractuel et ne lui a pas rémunéré ses heures supplémentaires, alors qu’il a effectué un horaire de 40 heures hebdomadaires selon l’horaire collectif de travail en vigueur, en dépit des termes de son contrat qui fixait sa durée de travail à 39 heures par semaine ;
* il n’a pas perçu l’intégralité de sa prime d’objectif en 2020 et 2021, alors que l’employeur ne justifie pas de cette absence de complet paiement et ne lui a pas transmis le mode de calcul de cette prime ;
* son employeur a violé sa vie privée par le non-respect des règles d’informations et d’utilisation de la vidéosurveillance ;
* la société Azur Soft a opéré une différence de traitement en prenant des mesures injustifiées à son seul égard, telles que son placement en télétravail et en activité partielle, des reproches injustifiés, ou encore le refus de prise de congés ;
* son employeur est responsable d’un délit d’entrave dans l’exécution de son mandat de représentant du personnel ;
– eu égard à son statut de salarié protégé, il est bien-fondé à demander que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul et à réclamer les indemnités subséquentes.
– A titre subsidiaire, si la prise d’acte est requalifiée en démission, au vu des manquements de l’employeur il est bien-fondé à solliciter des dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– il est légitime à solliciter un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées, au titre de la prime d’objectif de 2020 et 2021, ainsi qu’une indemnité au titre du travail dissimulé dans la mesure où l’employeur a sciemment dissimulé les heures supplémentaires effectuées de manière habituelle.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 février 2023, l’intimée demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] de ses prétentions,
– débouter M. [J] de l’ensemble de ses prétentions,
Sur appel incident :
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Azur Soft de sa demande de paiement de l’indemnité de préavis fondée sur l’article 15 de la Convention collective des bureaux d’études techniques,
– condamner M. [J] à payer à la société Azur Soft une indemnité égale à 3 mois de salaire, soit 12 000 euros,
– condamner M. [J] au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’intimée et appelante à titre incident fait valoir que :
– la prise d’acte doit produire les effets d’une démission :
* les multiples griefs allégués par M. [J] ne sont pas fondés, et, au demeurant ils sont anciens et insuffisamment graves pour justifier que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement.
* la réalisation d’heures supplémentaires par M. [J] n’est pas établie,
* il est rempli de ses droits au titre de la prime d’objectif eu égard à ses conditions de versement ;
* les griefs relatifs à la vidéosurveillance sont infondés dans la mesure où les caméras de télésurveillance ne sont pas orientées en direction de son bureau et que les autres caméras présentes dans son bureau constituent uniquement des outils de travail dans le cadre de son activité de développement de logiciels de télésurveillance ;
* le salarié n’a subi aucune inégalité de traitement dans les décisions prises le concernant, ces dernières sont justifiées par l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur et par des nécessités de l’entreprise ;
* les reproches portant sur le délit d’entrave sont anciens et ne sont pas justifiés, M. [J] invoquant à son seul profit des faits et fondements juridiques qui relèvent de l’intérêt collectif des salariés ;
– aucune indemnité ne lui est due au titre de la rupture du contrat de travail, ni au titre de ses demandes en exécution de la relation contractuelle, les manquements allégués étant infondés.
Au titre de son appel incident, la société Azur Soft, soutient que le salarié n’ayant pas réalisé le préavis prévu dans le cadre de sa démission, elle est fondée à solliciter la somme correspondant à la durée du préavis non-exécuté, soit 3 mois de salaire.
Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail
Sur la demande au titre des heures supplémentaires accomplies et non rémunérées
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le juge ne peut rejeter une demande en paiement d’heures supplémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande. Il ne peut se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande, mais doit examiner les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés et que l’employeur est tenu de lui fournir.
Parce que le préalable pèse sur le salarié et que la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, le salarié n’a pas à apporter des éléments de preuve mais seulement des éléments factuels, pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais revêtant un minimum de précision afin que l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement.
Il ressort des dernières conclusions de M. [J] qu’il allègue avoir réalisé des heures supplémentaires, à hauteur de 76 heures pour la période du 12 octobre 2018 au 1er avril 2020 et sollicite le paiement de la somme de 2 192,60 euros et 219,26 euros au titre des congés payés afférents.
Au soutien de son allégation, le salarié produit en cause d’appel :
– son contrat de travail du 8 octobre 2018 fixant une durée de travail à 169 heures mensuelles, soit 39 heures hebdomadaires, réparties selon l’horaire collectif applicable dans l’entreprise,
– le tableau d’affichage des horaires de travail, à savoir 8h-12h et 14h-18h du lundi au vendredi,
– un ordre du jour daté du 26 février 2020 en vue d’une réunion du CSE mentionnant ’40ème heure non payée’, et l’accusé de réception par mail de M. [G], directeur administratif et financier le 4 mars 2020,
– le procès-verbal de la réunion du CSE du 17 juillet 2020 : ‘Question sur les horaires de travail au sein des locaux de [Localité 3] :
La question posée est la suivante : lors de la réunion CSE du 17 juin, il a été indiqué que les questions concernant la durée de travail sont en cours d’étude dans le cadre de la fusion des entités du groupe AzurSoft. Cependant, est-ce que les salariés de [Localité 3] doivent continuer à effectuer 40h de travail par semaine ou doivent-ils faire 39 heures ‘
Réponse : Après investigation, la Direction indique tout d’abord qu’elle ne possède aucun document écrit matérialisant une obligation aux salariés d’effectuer un horaire de 40 heures par semaine. Elle précise également que l’horaire affiché de 40 heures sur le panneau d’affichage est un horaire collectif indiquant une période de travail (ou plage horaire) durant laquelle les salariés doivent effectuer leur mission (cf article D3171-1 du code du travail) et non pas une durée de travail à accomplir. L’horaire collectif n’impose pas aux salariés d’effectuer 40 heures par semaine.
Une communication sera prochainement envoyée aux salariés en leur rappelant qu’ils sont tenus d’accomplir leur temps de travail de 39h conformément à leurs contrats de travail.
Cependant, la direction s’engage à rémunérer les heures supplémentaires déjà réalisées. Pour ce faire, la société doit procéder à une vérification des heures effectuées par chacun. Cette régularisation sera effectuée avec un effet rétroactif sur les 3 dernières années.
Question de M. [J] : comment sera organisée la baisse d’une heure sur le temps de travail’
Réponse : Rien n’est encore décidé, la communication qui sera envoyée prochainement aux salariés précisera ce point.’,
– un mail adressé par M. [G], directeur administratif et financier, à l’ensemble des salariés le 17 juillet 2020 : ‘Nous vous rappelons que vous êtes tenu d’accomplir votre temps de travail de 39h conformément à votre contrat de travail. L’horaire affiché de 40 heures sur le panneau d’affichage est un horaire collectif indiquant une période de travail durant laquelle vous devez effectuer votre mission (article D3171-1 du code du travail) et non pas une durée de travail à accomplir.
Nous vous invitons donc d’ores et déjà à partir de lundi prochain d’accomplir votre temps de travail de 39h par semaine en respectant les horaires suivants :
lundi au jeudi : 8h-12h et 14h-18h
vendredi : 9h-12 et 14h-18h
Nous reviendrons rapidement vers chacun de vous pour régulariser les heures supplémentaires accomplies après une vérification des heures effectuées par chacun.’
– un protocole d’accord transactionnel proposé par la société Azur Soft à M. [J] le 29 juillet 2020 et non signé par M. [J], pour le paiement de la somme de 1 731 euros bruts au titre du rappel de salaires, en paiement des heures supplémentaires réalisées au cours des trois années précédentes,
– un mail de M. [J] du 17 février 2021 adressé à M. [G] pour expliquer son refus de signer le protocole transactionnel : ‘Je n’ai pas signé ce document pour deux raisons :
Je ne vois pas pourquoi je devrais signer un document pour être payé de ce qui m’est dû.
Je ne comprends pas pourquoi tu décomptes toutes les semaines pour lesquelles j’ai été partiellement absent. Certes dans ce cas-là, ce ne sont plus des heures supplémentaires, mais cela reste des heures travaillées qui doivent être payées’,
– les courriers de la société Azur Soft relatifs à la mise en place d’une activité partielle, à hauteur de 20 heures hebdomadaires, à compter du 1er avril 2020, en raison du contexte de pandémie.
Ainsi, au regard des pièces produites, M. [J] apporte des éléments suffisamment précis pour que l’employeur soit en mesure d’y répondre.
En réplique, la société Azur Soft soutient que M. [J] ne démontre pas avoir travaillé effectivement durant 40 heures par semaine, le panneau d’affichage ne précisant qu’une plage horaire durant laquelle la durée de travail contractualisée devait être accomplie.
Il ressort toutefois des pièces produites que l’employeur admettait dans ses échanges, que ce soit lors de la réunion du CSE du 17 juillet 2020, dans son mail adressé à l’ensemble du personnel le même jour, ou encore dans le protocole transactionnel proposé au salarié, que M. [J] avait réalisé des heures supplémentaires, en travaillant 40 heures par semaine, dans le respect des horaires affichés, au lieu des 39 heures hebdomadaires prévues par son contrat. La société Azur Soft se proposait d’ailleurs de rémunérer ces heures supplémentaires, qui n’avaient pas été réglées, à hauteur de 1 731 euros bruts. Dans ses conclusions, la société Azur Soft se montre silencieuse sur ces différentes pièces, se contentant de soutenir que M. [J] ne rapporte pas la preuve de l’accomplissement d’une 40ème heure par semaine.
Par conséquent, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir l’accomplissement d’heures supplémentaires accomplies et non rémunérées.
Il résulte cependant des échanges de mail entre M. [J] et M. [G] que la société, dans son protocole transactionnel, a déduit du décompte les semaines durant lesquelles le salarié était partiellement absent, ce que le salarié conteste. Or, les heures supplémentaires ne peuvent être comptabilisées qu’à la condition qu’elles constituent un dépassement de la durée de travail contractuellement prévue. Ainsi, M. [J] n’a pas pu matériellement travailler plus de 39 heures les semaines, durant lesquelles il était partiellement absent. C’est donc à bon droit que la société Azur Soft a calculé les heures supplémentaires en procédant à cette déduction.
Il y a lieu d’évaluer, après analyse des pièces produites, la créance de M. [J] à 1731euros au titre du rappel d’heures supplémentaires réalisées outre 173,10 euros au titre des congés payés afférents et de condamner la société Azur Soft au paiement de ces sommes, par infirmation du jugement querellé.
2- Sur la demande au titre du travail dissimulé
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L8223-1 du même code ajoute : En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
En l’espèce, il ne résulte pas des pièces produites une intention de dissimulation de la part de l’employeur, qui découvre lors de la préparation et de la réunion du CSE du 17 juillet 2020, la confusion qui s’est installée dans l’organisation du temps de travail des salariés entre la durée de travail prévue dans les contrats de travail et les horaires collectifs affichés et qui s’engage immédiatement à rémunérer les heures accomplies non réglées.
Il convient donc, par confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [J] de cette demande.
3- Sur la demande liée à la prime sur objectifs
Il ressort de la jurisprudence, que lorsque le contrat de travail prévoit une prime de performance sur laquelle l’employeur ne communique aucun élément, le salarié peut prétendre au paiement de la prime calculée selon les mêmes critères que les années précédentes. Lorsque les objectifs fixés sont irréalisables, le juge doit fixer la part de rémunération variable en fonction des critères fixés auparavant ou des données de la cause.
Repose dès lors sur l’employeur la charge de la preuve du respect des modalités de calcul de la rémunération variable et du caractère réalisable des objectifs.
M. [J] se fonde sur son contrat de travail signé le 8 octobre 2018 qui dispose sur la partie rémunération : ‘A cette partie fixe, s’ajoutera une prime variable annuelle d’un montant maximum de 5 000 euros brut versé selon une périodicité semi-annuelle et calculée proportionnellement selon la réalisation d’objectifs.
En cas de départ en cours d’année, la prime sera calculée au prorata temporis du temps de présence.
Périodiquement les objectifs (nature et quantum) ainsi que les modalités de calcul de la prime seront révisés et arrêtés par la direction, en accord avec M. [A] [J]. (…)’, pour solliciter le versement de 2 000 euros pour le premier semestre 2020, 1 775 euros pour le second semestre 2020 et 980 euros pour le premier semestre 2021.
Il fait valoir que l’employeur ne lui a alors apporté aucune réponse à ses sollicitations, pour connaître les raisons du non-paiement de l’intégralité de la prime et verse :
– son mail du 16 juillet 2020 demandant l’ajout à l’ordre du jour de la réunion du CSE du 17 juillet 2020 de la question suivante : ‘Quelles sont les règles de calcul utilisées pour les primes sur objectifs du premier semestre 2020 ”,
– son mail du 15 juillet 2020 adressé à M. [M] [Z], directeur de l’innovation : ‘J’ai quelques questions : Comment sera mesurée la réalisation des différents objectifs ‘ En cas de réalisation partielle d’un objectif, est ce que la prime correspondante est versée proportionnellement ‘ Idem, en cas de dépassement d’un objectif ‘ Le bonus de 500 euros que tu mentionnes correspond-il à ma prime sur objectifs du premier semestre 2020 ”.
Pour justifier du choix du montant des primes versées, l’employeur rétorque qu’au premier semestre 2020, le salarié devait travailler sur le développement d’un nouveau produit dénommé API vidéo / web service vidéo, qui n’a jamais fonctionné, ainsi que le développement de la solution MyVideoSuite qui a reçu un accueil critique des clients. Il verse :
– un mail de M. [J] du 17 janvier 2020 intitulé ‘compte rendu S03’, dans lequel le salarié indique comme tâche pour la semaine suivante : ‘poursuivre les spécifications de l’API vidéo’,
– un mail de M. [V], directeur technique, du 14 avril 2020 informant que le ‘dev de streaming vidéo’ est non fonctionnel,
– un mail de M. [Z], ingénieur développement, du 1er mai 2020 : ‘Nous avons malheureusement rencontré des difficultés majeures dans le service vidéo que tu as mis à disposition le 15 avril. (…)’, ‘En ce sens et comme ta priorité dès lundi comme nous en avons discuté est de te concentrer à la mise à disposition des développements vidéo My Vidéo Suite commandés par Delta. [O] et moi avons pris la décision de réécrire dans son intégralité le module vidéo en C++’,
– un mail de M. [N], responsable IT monitoring de Chubb Delta, du 8 mars 2021 ‘Depuis plusieurs jours, le système MVS est instable. Nous sommes appelés pendant la période d’astreinte. Le reboot du serveur répare temporairement la situation. (…) Merci de résoudre au plus vite ces dysfonctionnements sinon je devrais revoir à la baisse le coût de nos contrats’.
Pour le deuxième semestre de l’année 2020, la société Azur Soft affirme avoir fixé à M. [J] des objectifs par écrit, versant un document intitulé ‘Objectifs 2ème semestre 2020’, précisant les objectifs suivants :
‘1er objectif : Suivi / résolution des tickets MyVidéoSuite : il convient d’assurer un suivi régulier des tickets ouverts, de prendre connaissance rapidement des tickets nouvellement affectés, de considérer l’urgence des problèmes signalés, d’apporter une solution au problème dans un délai tel que défini par le manager, de relancer les clients lorsqu’un ticket reste en attente trop longtemps, de tracer les actions entreprises dans l’outil Maintlog.
2ème objectif : Evolutions de MyVidéoSuite : prendre en compte les remontées des clients pour faire évoluer le produit, le faire gagner en robustesse et améliorer l’expérience client. Mise à jour de la documentation associée du produit. Faire les tests nécessaires afin de garantir la qualité du code livré aux clients.
3ème objectif : Enrichir l’offre des protocoles vidéo en intégrant de nouveaux protocoles: Safire, P2P Dahua, P2P HikVision, etc. Analyser les demandes client en termes de nouveaux protocoles : analyser les SDK concernés, produire un chiffrage et une spécification d’intégration, réaliser l’intégration.’
et détaillant pour le calcul de la prime : ‘Le montant de la prime prévue au contrat du salarié est versée dans le cas d’une réalisation à 100% des objectifs de l’année selon une périodicité semi-annuelle. Le bonus de 2nd semestre 2020 sera donc égal à 50% du montant de la prime annuelle prévue au contrat selon les conditions suivantes :
Pour la réalisation à 100% du 1er objectif, le salarié percevra 20% du montant de la prime prévue au contrat,
Pour la réalisation à 100% du 2ème objectif, le salarié percevra 15% du montant de la prime prévue au contrat,
Pour la réalisation à 100% du 3ème objectif, le salarié percevra 15% du montant de la prime prévue au contrat.’
Pour démontrer que les objectifs du deuxième semestre 2020 n’étaient pas atteints, la société Azur Soft verse un mail adressé par M. [Z] à M. [J] le 30 septembre 2020 : ‘Il faut traiter en urgence les points suivants (…). Le nombre de tickets MVS supportés par [B] est en train d’exploser : il faut faire un point avec elle et stabiliser le produit. Par ailleurs, abandonne le développement du projet RTSP, [H] l’a réalisé en 3 jours’.
La société Azur Soft soutient également que le nombre d’erreurs repérées informatiquement, dites ‘ticket’, a nettement diminué après le départ de M. [J], passant de 342 en 2020 à 162 en 2021. Elle verse le récapitulatif des tickets pour l’ensemble de la société et le listing détaillé pour les années 2020 et 2021, ainsi qu’un mail de M. [V], directeur technique, adressé le 29 avril 2020 à M. [Z], sur les problèmes vidéo rencontrés sur les différents logiciels.
La société Azur Soft produit également une attestation de M. [L] [T], ingénieur développement logiciel, du 18 juin 2021, qui a repris le suivi des travaux de M. [J], après son départ lors de sa prise d’acte : ‘ (…) Les demandes de support et l’insatisfaction de certains clients se sont immédiatement fait sentir. En effet, une modification récente de M. [J] sur l’un des composants du logiciel a provoqué une incompatibilité entre MyVidéoSuite et les pilotes permettant d’utiliser les différentes caméras vidéos. Cette incompatibilité n’était pas visible immédiatement et plusieurs clients ont donc manifesté un mécontentement grandissant suite aux mises à jour défectueuses de MyVidéoSuite. Les mises à jour ont donc été abandonnées et une régression immédiate et chronophage vers la version stable précédente a été décidée pour tous les clients insatisfaits. A ce jour, le logiciel est stabilisé, cependant le problème de compatibilité évoqué précédemment est assez lourd à gérer car il complexifie énormément toute correction sur le logiciel chez nos clients. En effet, il est désormais obligatoire de réinstaller la totalité des logiciels de la suite ainsi que tous les pilotes de caméras, ce qui est bien évidemment bien plus coûteux en termes de temps qu’une correction classique.
Un problème important était toujours en cours de résolution chez un client, Chubb Delta ticket 77122, lors de la reprise du logiciel. Un des composants de MyVidéoSuite, Myvidéosocketstreamer, semblait provoquer une saturation importante des ressources mémoire machine, se soldant pas un plantage du serveur vidéo. (…).
En réplique sur les critiques émises par la société Azur Soft sur la qualité de son travail, M. [J] reproche une trop grande sévérité à l’employeur, faisant valoir qu’il n’est pas anormal qu’un logiciel d’innovation ne soit pas exempt de défauts pendant la phase de développement. Il assure avoir apporté des correctifs dès le 15 avril 2020 sur le module de streaming vidéo, produisant un mail en ce sens adressé à cette date à M. [V], ainsi que l’estimation de sa charge de travail sur plusieurs semaines de l’année 2020.
S’agissant des plaintes du client Chubb Delta sur le logiciel MyVidéoSuite, il relève que le mail produit par la société Azur Soft date de 2021 et ne pouvait donc fonder en juillet 2020 une réduction de la prime à laquelle il pouvait prétendre. Il produit également un message adressé par un responsable de projets de cette société du 23 mars 2020, qui le remercie pour sa réactivité suite à la résolution d’anomalies sur le logiciel. Il verse en outre une recommandation sur l’application Linkedin de Mme [D] [R], qui serait une ancienne collaboratrice d’une autre société utilisatrice de ce logiciel, pour assurer que les clients de la société Azur Soft étaient satisfaits de son travail.
Concernant le récapitulatif des tickets fourni par la société Azur Soft, M. [J] rétorque que certains dysfonctionnements ne concernaient pas les produits sur lesquels il intervenait. Il verse en réponse un autre listing, récapitulant les tickets pour lesquels il est le responsable et les tickets sur lesquels il est intervenu.
Il rappelle que dans un mail du 28 juillet 2020, M. [Z], directeur de l’innovation, lui précisait que la mesure des objectifs serait faite ‘en fonction d’une part des retards de tickets vs le nombre de tickets traités dans les délais et d’autre part en fonction des retours positifs vs retours négatifs des clients’ et souligne qu’aucun document relatif à cette mesure n’a été fourni.
M. [J] soutient enfin, s’agissant du 3ème objectif fixé pour le deuxième semestre 2020, à savoir l’intégration de quatre protocoles, qu’il a réalisé cette tâche intégralement, comme en attestent ses plannings hebdomadaires entre le 27 juillet 2020 et le 18 décembre 2020.
Enfin, pour l’année 2021, pour la période couvrant du 1er janvier 2021 au 5 mars 2021, date de la prise d’acte de M. [J], le salarié relève qu’aucune prime n’a été versée, sans explication de la part de la société Azur Soft.
Alors que M. [J] avait perçu l’intégralité de la prime pour l’année 2019, soit 2500 euros à chaque semestre, il n’a perçu au premier semestre 2020 qu’une prime de 500 euros. Il ressort des pièces versées que des anomalies sont effectivement apparues à cette période, notamment sur le service API vidéo / web service vidéo, qui n’a jamais fonctionné et qui a nécessité une réécriture informatique par d’autres salariés. Si la réduction de la prime versée était justifiée par les carences relevées par l’employeur, celui-ci n’apporte pour autant aucun élément explicatif sur les modalités de calcul de la prime et justifiant qu’il a respecté ces modalités pour parvenir à la somme de 500 euros.
Pour le deuxième semestre 2020, si les modalités de calcul de la prime et des objectifs écrits ont été notifiés à M. [J], la société Azur Soft se montre défaillante pour expliquer le mode de mesure de chacun des objectifs et le détail du calcul de la prime finalement versée à hauteur de 725 euros, au lieu de la somme maximale de 2 500 euros.
Enfin, pour le premier semestre 2021, une somme proratisée pour la période allant jusqu’au 5 mars 2021 aurait dû être calculée, conformément au contrat de travail. La société Azur Soft se montre silencieuse sur les objectifs fixés, les résultats du salarié et les motifs de l’absence de toute prime pour cette période.
Il en résulte que la société Azur Soft, sur qui repose la charge de la preuve du respect des modalités de calcul de la rémunération variable et du caractère réalisable des objectifs, ne met pas en mesure la cour de vérifier si les sommes finalement versées ont été correctement calculées.
Il s’ensuit que par infirmation du jugement querellé, il convient de condamner la société Azur Soft à verser à M. [J] les sommes de 2 000 euros pour le premier semestre 2020, 1 775 euros pour le second semestre 2020 et 900 euros pour le premier semestre 2021.
Sur la demande de prise d’acte
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement de l’employeur d’une telle gravité qu’ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
Il appartient au salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, et il convient d’examiner tous les manquements de l’employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés par écrit.
Si les manquements de l’employeur invoqués par le salarié sont d’une telle gravité qu’ils empêchent la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la rupture de celui-ci au jour de la décision sauf si celui-ci a déjà été interrompu. Cette rupture produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au bénéfice pour le salarié de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d’une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et d’une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés sur préavis.
M. [J] invoque les manquements suivants et sollicite que la rupture emporte les effets d’un licenciement nul en raison de son statut de salarié protégé :
– le non-respect de l’horaire collectif,
– le non-paiement des primes sur objectifs,
– la violation de sa vie privée,
– une différence de traitement à son égard,
– un délit d’entrave à ses fonctions de représentant du personnel.
* Sur le non-respect de l’horaire collectif
M. [J] reproche à l’employeur d’avoir soumis les salariés à un horaire collectif de 40 heures hebdomadaires alors que les contrats de travail ne fixaient le volume horaire qu’à 39 heures, et de ne pas avoir donné de réponse claire à ses salariés pour connaître la durée hebdomadaire de travail. Il évoque également l’absence de règlement de la 40ème heure accomplie.
S’il ressort des pièces produites en procédure, que la société Azur Soft a pris toutes les mesures pour régulariser la difficulté liée à ce décalage, dès qu’il en a été discuté lors de la réunion du CSE le 17 juillet 2020, en modifiant les horaires collectifs prévus et en proposant le règlement des heures supplémentaires réalisées sur les trois années précédentes, le manquement est caractérisé.
* Sur l’absence d’information relative au non-paiement des primes sur objectifs
Dans sa lettre de prise d’acte du 5 mars 2021, M. [J] reproche à l’employeur le non-paiement intégral de sa prime sur objectifs du premier semestre 2020 et l’absence de justification concernant le non-paiement intégral de la prime sur objectifs du second semestre 2020.
La cour a retenu que ce manquement était caractérisé.
* Sur la violation de sa vie privée
M. [J] soutient que la société Azur Soft a mis en place un système de vidéosurveillance de son poste de travail sans autorisation.
Il rappelle d’une part que l’utilisation de tout dispositif de contrôle doit avoir été portée préalablement à la connaissance des salariés par l’employeur et que le CSE aurait dû être informé et consulté par écrit, en application de l’article L2312-38 du code du travail et d’autre part qu’il ne peut être recouru à un dispositif de vidéosurveillance qu’à la condition qu’il soit justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.
Il affirme en l’espèce que 4 caméras avaient été mises en place au sein de son bureau, deux dirigées vers l’extérieur et deux vers l’intérieur, à savoir vers la porte du bureau pour une caméra et en direction de son poste de travail pour l’autre.
Il produit :
– des photographies de bureaux datées de février 2021, issues de caméras de vidéosurveillance,
– une photographie du poste de travail de M. [J] datée du 17 février 2021,
– l’ordre du jour qu’il a adressé le 26 février 2020 en vue d’une procédure réunion du CSE, mentionnant : ‘caméra dans les bureaux filmant directement les postes de travail et les personnes. (Déclaration Cnil ‘)’,
– un mail de M. [M] [Z], directeur de l’innovation, du 8 septembre 2020 : ‘Je t’ai demandé hier de réinstaller ton bureau tel qu’il était à l’origine, je te demande donc de le faire sans plus attendre’, alors qu’il aurait déplacé son bureau pour ne plus être dans le champ de la caméra.
En réplique, la société Azur Soft fait valoir que dans le cadre de ses fonctions, et notamment du développement du logiciel MyVidéoSuite, destiné à des sociétés de télésurveillance, M. [J] utilisait des caméras installées dans d’autres établissements. Dans ses propres locaux, des caméras étaient installées, dans le cadre d’un contrat de télésurveillance avec la société Fiducial, mais ce contrat précise qu’aucune caméra n’est orientée sur les bureaux. S’agissant de la photographie représentant M. [J], l’employeur soutient qu’elle n’est pas issue des caméras installées dans les locaux, mais d’une caméra posée sur un rebord pour les besoins de la cause.
Il ressort des pièces versées par l’employeur que les caméras installées au sein de ses locaux n’étaient pas censées être dirigées, comme l’affirme M. [J], en direction de son poste de travail et de sa personne. Au contraire, les photographies versées issues de ces caméras laissent entrevoir des couloirs et des zones de passage, ce qui est confirmé par les photographies des lieux sur lesquelles les caméras en question sont visibles.
Parmi les photographies versées par M. [J], au soutien de ses affirmations, force est de constater que l’une de celles-ci provenait du travail qu’il était en train de réaliser, comme en atteste un échange de mails avec M. [Z] le 19 février 2021, dans lequel il lui transmet une photographie similaire, en lui demandant de procéder à des correctifs.
S’agissant de la photographie produite par M. [J], le représentant à son poste de travail, sa provenance n’est en l’état pas certaine.
Il s’ensuit que ce manquement n’est pas caractérisé.
* Sur la différence de traitement à son égard
M. [J] soutient avoir subi une différence de traitement en comparaison de ses collègues, notamment en ayant été le seul salarié à ne plus bénéficier de l’activité partielle à compter du 1er mai 2020 et avoir été contraint d’effectuer 39 heures hebdomadaires en télétravail, durant la période de confinement.
Il produit :
– le procès-verbal de la réunion du CSE du 23 avril 2020 mentionnant que le dispositif d’activité partielle est envisagé du 1/04/2020 au 30/09/2020 pour l’ensemble des salariés,
– un courrier que lui a adressé la société Azur Soft le 23 avril 2020 : ‘Dans le cadre de cette activité partielle, nous envisageons à nouveau, uniquement pour votre poste, d’augmenter la durée de travail de 20 heures par semaine précédemment, à une nouvelle durée de travail. En effet, votre poste et vos compétences sont indispensables pour la finalisation du développement du projet Delta en lien avec le produit MyVidéoSuite. A partir du 1er mai 2020 et jusqu’au 31 mai 2020, votre durée de travail sera de 39 heures par semaine conformément à votre contrat de travail. (…)’,
– un courrier de la société Azur Soft du 26 mai 2020, informant de l’arrêt du dispositif de l’activité partielle à compter du 1er juin 2020,
– une attestation de son médecin, le Dr [S] [Y], du 26 mai 2020, certifiant qu’en raison des recommandations sanitaires, M. [J] doit respecter une consigne d’isolement le conduisant à ne pas pouvoir se rendre sur son lieu de travail,
– un courrier de la société Azur Soft du 2 juin 2020, l’informant qu’il est finalement placé en activité partielle à compter de ce jour, conformément au décret du 5 mai 2020 définissant les critères permettant d’identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection au vire SARS-CoV-2, à hauteur de 0 heure par semaine,
– un courrier de la société Azur Soft du 11 juin 2020, l’informant de l’arrêt du dispositif de l’activité partielle à partir du 14 juin 2020 au soir, au profit d’une activité en télétravail à hauteur de 39 heures hebdomadaires, jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire,
– un mail de M. [G], directeur administratif et financier, du 1er septembre 2020, informant M. [J] que suite à la parution du nouveau décret du 29 août, il doit se rendre dans les locaux pour effectuer son travail quotidient à compter du 2 septembre 2020, et la réponse de M. [J] sollicitant de pouvoir continuer à bénéficier du télétravail.
Il évoque également un refus de la part de la société Azur Soft d’un congé au mois de septembre 2020 et d’un départ anticipé le soir le 15 septembre 2020.
Il conclut que ‘la différence de traitement subie par M. [J] doit s’analyser au regard de ce qui a été concédé à ses collègues de travail’.
En réplique, la société Azur Soft rappelle la période de confinement traversée et la fluctuation dans les règles alors applicables. Elle ajoute que les décisions prises, quant à la mise en place du télétravail ou encore le refus de congés, ont été dictées par les nécessités de l’entreprise, qui traversait une période financière délicate, en raison du confinement national.
Il ressort des pièces versées de part et d’autre que les choix opérés par la société Azur Soft à l’égard de M. [J], que ce soit les modalités d’exécution du travail, l’autorisation de congés ou encore l’autorisation à quitter son poste de travail de manière anticipée, relevaient de son pouvoir de direction. S’agissant de la différence de traitement avec les autres salariés, la charge de la preuve repose sur M. [J], qui invoque ce manquement au soutien de la prise d’acte. Or, aucun élément ne permet ici de conclure qu’il a subi une différence de traitement de la part de la société Azur Soft.
Il s’ensuit que ce manquement n’est pas établi.
* Sur le délit d’entrave à ses fonctions de représentant du personnel
M. [J] reproche enfin à la société Azur Soft d’avoir entravé son action dans l’exercice de son mandat d’élu au CSE, par son attitude répétée, et notamment :
– en ne l’informant pas de la réunion du 16 octobre 2020, alors qu’il était placé en arrêt de travail,
– en ne respectant pas le nombre de réunions du CSE, fixé à un rythme mensuel par l’article L 2315-21 du code du travail,
– en refusant d’inscrire à l’ordre du jour des questions qu’il avait posées les 16 juillet 2020 et 18 février 2021,
– en l’écartant de la résolution d’un litige interne avec un autre salarié.
En réplique, la société Azur Soft indique avoir adressé la convocation à M. [J] en vue de la réunion du 16 octobre 2020, qu’en raison de son arrêt maladie, ses mails avaient été automatiquement redirigés vers la boîte mail de son supérieur pour traitement. Elle verse également le mail de convocation adressé sur la boîte générique du CSE que le salarié avait la possibilité de consulter.
Par ailleurs, la société Azur Soft rappelle qu’en vertu du règlement intérieur, qu’elle produit, des questions peuvent être ajoutées à l’ordre du jour, si elles sont envoyées plus de sept jours avant la date de la réunion. C’est la raison pour laquelle les questions posées par M. [J] les 16 juillet 2020 et 18 février 2021 n’ont pas été intégrées dans les débats des réunions des 17 juillet 2020 et 22 février 2021.
Il s’ensuit que s’agissant de la réunion du 16 octobre 2020, la société Azur Soft démontre avoir adressé les convocations, notamment sur l’adresse générique du CSE que M. [J] pouvait consulter. Seule une négligence de la société Azur Soft peut expliquer que M. [J], alors en arrêt maladie, n’ait pas été touché sur sa boîte mail professionnelle propre.
Concernant les questions adressées par M. [J] pour compléter l’ordre du jour de réunions du CSE, force est de constater que le salarié élu n’a pas respecté le délai posé dans le règlement intérieur.
La lecture des échanges de mails entre M. [G], directeur administratif et financier de la société Azur Soft, et M. [P] sur la question des astreintes non rémunérées fait effectivement ressortir que M. [J] a été supprimé des destinataires en copie lors de ses réponses. Il ne s’agit cependant nullement d’une entrave au fonctionnement régulier du CSE de la société, telle que prévu par le délit d’entrave sur lequel se fonde M. [J] pour développer les reproches adressés à la société Azur Soft.
Enfin, l’absence de réunion mensuelle du CSE entre avril 2020 et octobre 2020 puis au mois de novembre 2020 doit être relativisée, en raison de la période confinement total qui s’est prolongée jusqu’en mai 2020 puis des aménagements progressifs qui se sont succédés ensuite au gré de la situation sanitaire en période de pandémie. En tout état de cause, un éventuel manquement de l’employeur à l’organisation de réunions régulières du CSE ne saurait constituer un manquement dont peut se prévaloir M. [J] à titre individuel pour remettre en cause la poursuite de son contrat de travail.
Il s’ensuit que le manquement de la société Azur Soft à ses obligations relatives au fonctionnement du CSE et au respect du mandat de M. [J] n’est pas établi.
* Sur la gravité des manquements
La cour a donc retenu un manquement de l’employeur, s’agissant des horaires de travail et des heures supplémentaires accomplies et non réglées, ainsi que concernant le versement de la prime sur objectifs.
Sur les heures supplémentaires, la société Azur Soft a réagi dans de très brefs délais, dès qu’elle a pris conscience du décalage entre la durée de travail contractualisée et les horaires collectifs affichés, a modifié ces horaires collectifs et pris en charge le règlement des heures supplémentaires réalisées sur les trois années précédentes. Le manquement de l’employeur a donc été régularisé dans les plus brefs délais et n’a nullement empêché la poursuite de la relation de travail durant plusieurs mois.
Sur le versement de la prime, si l’employeur n’a pas apporté les éléments permettant de mesurer précisément la réalisation des objectifs fixés et de calculer le montant de la prime à laquelle M. [J] avait droit, il résulte des pièces versées que des insuffisances avaient bien été relevées dans le travail accompli par le salarié, de telle sorte que le manquement de l’employeur n’est pas suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.
Il s’ensuit que le jugement entrepris qui a jugé que la prise d’acte ne produisait pas les effets d’un licenciement et débouté M. [J] de ses demandes au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de l’indemnité pour licenciement nul et de l’indemnité forfaitaire sanctionnant la violation du statut protecteur, sera confirmé, la prise d’acte produisant ici les effets d’une démission.
Sur les autres demandes
1- Sur la demande subsidiaire de M. [J] au titre de l’exécution déloyale
A titre subsidiaire, M. [J] fait valoir que la société Azur Soft a exécuté le contrat de travail de manière déloyale, en s’abstenant de payer les heures supplémentaires, en s’abstenant de verser la prime sur objectifs sans justificatif, en violant sa vie privée, en pratiquant une différence de traitement dans le bénéfice de l’activité partielle, en lui indiquant que ses congés futurs risqueraient d’être refusés, en lui reprochant un retard de cinq minutes, en refusant un départ anticipé le 15 septembre 2020, en entravant son action dans l’exercice de son mandat d’élu au CSE.
Or, la cour n’a retenu que deux seuls manquements de la part de la société Azur Soft, celui relatif aux heures supplémentaires réalisées et celui relatif à l’absence d’informations sur le mode de calcul des primes, concernant lesquels M. [J] ne justifie d’aucun préjudice.
Il s’ensuit que la demande subsidiaire de M. [J] d’une condamnation de la société Azur Soft à lui verser la somme de 25 000 euros doit être rejetée, par confirmation du jugement querellé.
2- Sur la demande reconventionnelle de la société Azur Soft au titre de l’indemnité pour préavis non exécuté
Lorsque la prise d’acte produit les effets d’une démission, le salarié est redevable du montant de l’indemnité compensatrice de préavis même en l’absence de préjudice pour l’employeur.
La prise d’acte du 5 mars 2021 ayant produit les effets d’une démission, M. [J] est redevable à la société Azur Soft d’une indemnité d’un montant correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis.
Or, l’article 15 de la convention collective applicable prévoit un préavis d’une durée de trois mois.
Par infirmation du jugement entrepris, M. [J] sera condamné à verser à la société Azur Soft la somme de 12 000 euros au titre de l’indemnité pour préavis non exécuté, d’un montant correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis.
3-Sur la remise de documents
Cette demande est sans objet, au vu de ce qui a été décidé par la cour.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, M. [J] sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1 800 euros.
Par conséquent, M. [J] sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure.