Preuve et Validité des Relevés d’Heures dans le Cadre des Relations Commerciales entre Entreprises

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Preuve et Validité des Relevés d’Heures dans le Cadre des Relations Commerciales entre Entreprises

La SARL Bernard Papin, spécialisée dans les travaux de plâtrerie, a fait appel à la SAS Artus Intérim pour des missions d’intérim entre octobre 2016 et février 2017, demandant la mise à disposition de huit plaquistes. Des contrats ont été signés, et les intérimaires devaient remplir des relevés d’heures hebdomadaires, validés par la SARL Bernard Papin. La SAS Artus Intérim a facturé un total de 108 200,23 euros TTC pour ces prestations, dont un acompte de 17 000 euros a été versé. La SARL Bernard Papin a contesté des créances pour un montant de 63 492,02 euros, arguant que certains relevés d’heures étaient erronés ou non signés. Après des tentatives de résolution amiable infructueuses, la SAS Artus Intérim a assigné la SARL Bernard Papin en justice pour obtenir le paiement des factures impayées. Le tribunal de commerce du Mans a initialement débouté la SAS Artus Intérim de ses demandes. En appel, la cour a infirmé ce jugement, condamnant la SARL Bernard Papin à payer la somme contestée, ainsi que des intérêts de retard et des frais de recouvrement, tout en rejetant la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel d’Angers
RG
19/01532
COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/LD

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/01532 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ERNY

Jugement du 12 Juillet 2019

Tribunal de Commerce du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 2018 06942

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

S.A.S. ARTUS INTERIM [Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Sophie FINOCCHIARO de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Me Christophe BESSEDE, avocat plaidant au barreau de COUTANCES/AVRANCHES

INTIMEE :

SARL BERNARD PAPIN

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19143 et par Me Mélinda FOSSEY, avocat plaidant au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 21 Mai 2024 à

14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant

M. CHAPPERT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 10 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

La société (SARL) Bernard Papin, qui est spécialisée dans les travaux de plâtrerie, faisait appel, lors de surcroît d’activité, à des intérimaires de la société (SAS) Artus Intérim [Localité 2], entreprise de travail temporaire.

Courant 2016, la SARL Bernard Papin, dans le cadre de divers chantiers situés au Mans, a demandé à la SAS Artus Intérim [Localité 2] la mise à disposition de huit plaquistes en intérim.

Des contrats de mises à disposition d’intérimaires et des contrats de missions temporaires ont été conclus pour des missions s’étalant entre octobre 2016 et février 2017.

A l’occasion de chacune de leurs missions, chaque intérimaire devait remplir un relevé d’heures hebdomadaire qu’il signait et qu’il devait soumettre à la contre-signature de l’entreprise utilisatrice, la SARL Bernard Papin, pour validation.

La SAS Artus Intérim [Localité 2] a facturé ses prestations de services auprès de la SARL Bernard Papin sur la période du 3 octobre 2016 au 28 février 2017, pour chacun des huit intérimaires, soit ainsi :

– 7 factures concernant M. [E] du 31 octobre 2016 au 31 janvier 2017, pour un montant total de 12 632,41 euros TTC,

– 8 factures concernant M. [Z] du 31 octobre 2016 au 28 février 2017, pour un montant total de 19 852,36 euros TTC,

– 7 factures concernant M. [H] du 31 octobre 2016 au 28 février 2017, pour un montant total de 20 555,86 euros TTC,

– 3 factures concernant M. [P] du 31 octobre 2016 au 20 novembre 2016, pour un montant total de 4 417,78 euros TTC,

– 5 factures concernant M. [C] du 31 octobre 2016 au 31 janvier 2017, pour un montant total de 13 482,04 euros TTC,

– 5 factures concernant M. [X] du 31 octobre 2016 au 31 janvier 2017, pour un montant total de 13 981,89 euros TTC,

– 6 factures concernant M. [M] du 31 octobre 2016 au 31 janvier 2017, pour un montant total de 13 169,39 euros TTC,

– 5 factures concernant M. [U] du 31 octobre 2016 au 31 décembre 2016, pour un montant total de 10 108,50 euros TTC.

Les factures mentionnaient le nombre d’heures, les primes de panier, de trajet et d’outillage, avec un total représentant une somme de 108 200,23 euros TTC.

Un acompte a été versé le 17 mai 2017 par la SARL Bernard Papin pour un montant de 17 000 euros.

La SAS Artus Intérim [Localité 2], n’ayant pas été payée du solde de ses factures s’élevant à 91 200,23 euros TTC, s’est rapprochée du service recouvrement de la COFACE, auprès de laquelle elle avait souscrit une garantie, afin d’en obtenir le règlement.

La SARL Bernard Papin a contesté ces créances à hauteur de 63 492,02 euros correspondant à 83 relevés d’heures hebdomadaires qui auraient été erronés pour certains et/ou qui n’étaient pas signés ou ne comportaient pas la signature du dirigeant de la société Bernard Papin, ni le cachet de l’entreprise.

Par lettre du 24 octobre 2017, la SAS Artus Intérim [Localité 2] a rappelé à la COFACE que sa société travaillait avec la SARL Bernard Papin depuis 2010 et n’avait jamais été confrontée à un refus de paiement de sa part, alors que la procédure d’établissement des factures était restée la même et qu’ainsi la SARL Bernard Papin avait réglé des factures sans que des relevés d’heures n’aient été signés.

Le 25 avril 2018, la SARL Bernard Papin a déposé un chèque de 28 008,21 euros à l’ordre de la CARPA correspondant à un montant qu’elle ne contestait pas au titre du solde des factures émises.

Les tentatives de résolution amiable du litige ont échoué pour le solde que la SAS Artus Intérim [Localité 2] estimait lui être dû.

Par acte d’huissier du 27 juin 2018, la SAS Artus Intérim [Localité 2] a fait assigner la SARL Bernard Papin devant le tribunal de commerce du Mans, aux fins de voir, en l’état de ses dernières écritures, condamner la SARL Bernard Papin à lui payer une somme de 63 492,02 euros TTC, pour solde des factures impayées avec intérêts contractuels, soit à hauteur de 1% par mois de retard à compter de l’échéance de chacune des factures impayées, outre une somme de 1 840 euros (46 factures à 40 euros) au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

En défense, la SARL Bernard Papin a sollicité du tribunal au vu de l’article 1103 du code civil, qu’il dise que la demanderesse n’établit pas la réalité des heures exécutées et qu’elle lui a facturées pour un montant de 63 492,02 euros TTC, qu’en conséquence, il la déboute de l’ensemble de ses demandes.

Par jugement du 12 juillet 2019, le tribunal de commerce du Mans a :

– débouté la SAS Artus Intérim [Localité 2] envers la SARL Bernard Papin de ses demandes en paiement

– dit qu’il n’y a pas lieu de verser des dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamner la SAS Artus Intérim [Localité 2] à payer à la SARL Bernard Papin la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter les parties de toutes leurs autres demandes,

– condamner la SAS Artus Intérim [Localité 2] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 24 juillet 2019, la SAS Artus Intérim [Localité 2] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il l’a déboutée envers la SARL Bernard Papin de toutes ses demandes, l’a condamnée à payer à la SARL Bernard Papin la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’a condamnée aux entiers dépens de l’instance ; intimant la SARL Bernard Papin.

La SAS Artus Intérim [Localité 2] et la SARL Bernard Papin ont conclu.

Une ordonnance du 6 mai 2024 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS Artus Intérim [Localité 2] demande à la cour de :

vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1217, 1231-1 et suivants du code civil,

– réformer le jugement du tribunal de commerce du Mans en date du 12 juillet 2019 en toutes ses dispositions,

– condamner la SARL Bernard Papin à lui payer une somme de 63 492,02 euros TTC, pour solde des factures impayées,

– condamner la SARL Bernard Papin aux intérêts contractuels, soit à hauteur de 1% par mois de retard à compter de l’échéance de chacune des factures impayées,

– condamner la SARL Bernard Papin à lui payer une somme de 1 840 euros (46 factures à 40 euros) au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,

– condamner la SARL Bernard Papin à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamner la SARL Bernard Papin à lui payer une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu’en cause d’appel,

– condamner la SARL Bernard Papin aux dépens de première instance et d’appel.

La SAS Artus Intérim [Localité 2], qui expose que les factures contestées reprennent scrupuleusement les heures effectuées par les intérimaires pour le compte de l’entreprise utilisatrice telles qu’elles sont indiquées par les intérimaires sur les relevés d’heures et dont l’exactitude est établie par l’attestation sur l’honneur de deux d’entre eux, soutient rapporter la preuve des heures effectuées au profit de la SARL Bernard Papin par les différents relevés d’heures hebdomadaires établis par les intérimaires, la pratique suivie entre les parties depuis 2010, les contrats de mise à disposition et les contrats de mission temporaire.

Elle constate qu’hormis les cas d’absence de signature ou de signature par une autre personne que le responsable de l’intimée, le tableau produit par l’intimée et censé attester d’irrégularités renvoie à un nombre d’heures conforme à ce qui a été convenu aux contrats de mise à disposition litigieux.

Elle fait valoir que ses conditions générales concernant la signature des relevés d’heures hebdomadaires, ne conditionnent pas le paiement des factures émises, ne s’agissant que d’une procédure ad probationem et non ad validitatem. Elle observe qu’il suffirait sinon à l’intimée de ne pas signer les relevés hebdomadaires présentées par les intérimaires pour échapper au règlement des factures établies sur la base de relevés qu’elle s’abstiendrait de contresigner.

Elle souligne que la SARL Bernard Papin a déjà réglé des prestations identiques à celles faisant l’objet des factures litigieuses et concernant les mêmes intérimaires, sur des périodes antérieures, alors que certains des relevés d’heures n’étaient pas signés par son représentant légal, dépourvus de toute signature et du cachet de la SARL Bernard Papin. Elle se prévaut d’une attestation de sa propre assistante comptable confirmant que la pratique contractuelle était jusqu’alors d’élaborer la facturation des prestations d’intérim en cas de relevés d’heures non signés lors d’échanges téléphoniques avec les responsables de la SARL Bernard Papin.

La SARL Bernard Papin demande à la cour de :

vu l’article 1103 du code civil,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce du Mans en toutes ses dispositions,

– juger que la société Artus Intérim n’établit pas la réalité des heures exécutées et qu’elle lui a facturées pour un montant de 63 492,02 euros TTC,

– débouter la société Artus Intérim de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Artus Intérim [Localité 2] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Artus Intérim [Localité 2] aux entiers dépens.

La SARL Bernard Papin, excipant de sa bonne foi, souligne avoir acquitté les factures pour lesquelles les heures avaient été régulièrement assurées par les intérimaires au vu des relevés d’heures contresignés par elle. Elle prétend que pour le surplus, la société Artus Intérim [Localité 2] ne justifie pas, comme elle soutient qu’il lui incombe, de la réalité du nombre heures exécutées fondant sa facturation.

Elle considère que les contrats de mise à disposition de salariés et les avenants produits par l’appelante ne suffisent pas à justifier de l’exécution effective des heures réalisées par l’intérimaire. Elle relève, en outre, que, signés en ‘PO’, ils ne l’ont pas été par une personne identifiée et qu’ils ne comportent pas son cachet. En tous les cas, elle note qu’ils précisent que les horaires sont ‘variables selon besoins’.

Elle affirme que ce sont les relevés d’heures qui fondent la facturation de l’appelante et que sans document régulièrement validé, il est impossible d’établir la moindre facturation faute d’établir l’exécution des heures de travail effectuées. Elle fait valoir que les relevés d’heures qu’elle conteste ne sont pas signés par son responsable, ni par le chef de chantier, que soit ils ne sont pas du tout signés, soit ils ne le sont que de l’intérimaire sans cachet de l’entreprise ; qu’ainsi, la SAS Artus Intérim [Localité 2] ne respecte pas les règles qu’elle a elle-même fixées, entendant ainsi opposer à celle-ci ses conditions générales de vente en vertu desquelles la facturation est établie au vu du relevé d’heures signé par le représentant de l’entreprise utilisatrice. Elle estime inopérantes les attestations d’intérimaires versées comme ne permettant pas de déterminer un nombre exact d’heures d’exercice des missions.

Elle explique que les factures d’heures non contresignées qu’elle a payées et auxquelles se réfère l’appelante datent d’une période antérieure à l’arrivée de sa nouvelle secrétaire comptable à qui elle a confié le soin de procéder à des vérifications au regard de la multiplication d’irrégularités pour des montants significatifs.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

– le 22 octobre 2019 pour la SAS Artus Intérim [Localité 2],

– le 13 janvier 2020 pour la SARL Bernard Papin.

MOTIFS DE LA DECISION

La simple émission de factures ne suffit pas, à elle seule, à justifier l’exécution des heures de travail des intérimaires au profit de la SARL Bernard Papin, dès lors qu’elles sont contestées par celle-ci.

Pour ce faire, la preuve étant libre entre commerçants conformément aux dispositions de l’article L. 110-3 du code de commerce, les factures doivent être étayées par d’autres éléments.

Cette règle de la liberté de la preuve ne peut être écartée du seul fait que les factures contestées ont été établies d’après des relevés d’heures non contresignés par l’entreprise utilisatrice ou non signés par l’intérimaire concerné et ce, même si aux termes des conditions générales de la société Artus Intérim [Localité 2]’le contrôle des heures de travail est effectué au moyen de relevés d’heures établies sur une base hebdomadaire. Ce relevé doit mentionner le nombre d’heures effectuées chaque jour, ainsi que le total hebdomadaire en toutes lettres. La signature et le cachet du client apposés sur le relevé d’heures certifient l’exactitude des éléments qui y sont consignés et l’exécution du travail confié au personnel temporaire détaché.’ Le moyen selon lequel à défaut de justifier des relevés d’heures conformément aux stipulations du contrat, la preuve des heures réellement effectuées par les intérimaires n’est pas rapportée, ne peut qu’être écarté.

Mais si l’irrégularité formelle affectant des relevés d’heures n’empêche pas l’entreprise de travail temporaire de pouvoir rapporter la preuve que les heures qu’elle a facturées correspondent aux heures de travail du salarié qu’elle a mis à disposition de la société utilisatrice, cette preuve doit être rapportée.

A cet égard, la cour relève, d’abord, que la SARL Bernard Papin, si elle fait état ‘d’irrégularités’ des relevés d’heures, se borne en réalité à relever l’absence de signature de l’intérimaire et/ou de son représentant légal ou de son chef de chantier, ce que fait également ressortir le tableau qu’elle a établi, qui, reprenant pour chacun des huit intérimaires semaine par semaine un nombre d’heures, ne fait apparaître comme seul motif d’irrégularité que celui se rapportant à l’absence de signature des relevés d’heures correspondant.

Ce faisant, la cour observe que la SARL Bernard Papin s’abstient de dire quel serait, selon elle, le nombre exact d’heures de travail effectués par chacun des intérimaires à son profit alors qu’elle ne conteste pas avoir employé ces intérimaires sur les périodes considérées, à savoir entre le 1er octobre 2016 et le 31 janvier 2017.

D’ailleurs, la société Artus Intérim [Localité 2] produit les contrats de mise à disposition signés semaine après semaine pour chacun des salariés, faisant figurer, chacun, les chantiers de la SARL Bernard Papin auxquels l’intérimaire était affecté et les motifs du recours à l’intérim. Si le premier contrat de mise à disposition pour chacun des huit intérimaires, pour la seule semaine du 1 au 7 octobre 2016, comporte une signature non identifiée avec la mention ‘P.O.’ sans cachet de l’entreprise, dont la SARL Bernard Papin n’invoque pas la nullité, tous les autres comportent une signature d’une personne dont il n’est pas prétendu qu’elle n’aurait pas été habilitée à l’égard des tiers à s’engager au nom de l’entreprise, revêtue du tampon de l’entreprise ou ont été signés électroniquement.

A chacun de ces contrats de mise à disposition correspond un contrat de mission temporaire signé entre l’entreprise de travail temporaire et l’intérimaire comportant les mêmes indications tant sur la durée hebdomadaire de 35 heures que sur le chantier de la SARL Bernard Papin auquel il était affecté.

Ensuite, les prestations ont été facturées tous les mois, en fin de mois, soit entre le 31 octobre 2016 et le 31 janvier 2017, de façon très détaillées, les factures comportant semaine par semaine, salarié par salarié, le nombre d’heures réclamé, sans que ces factures n’aient donné lieu à réaction de la SARL Bernard Papin avant d’être relancée par un service recouvrement au mois de septembre 2017.

Or, jusque-là, la SARL Bernard Papin avait toujours accepté de payer les factures en dépit de l’irrégularité formelle des relevés d’heure tenant à l’absence de contre-signature de sa part, ce dont il est justifié par la production des factures et relevés d’heures correspondants pour la période antérieure, ce qui est d’ailleurs admis par elle. Il ressort de l’attestation, régulière en la forme, de l’assistante comptable de la société Artus Intérim [Localité 2] que dans ce cas, la validation pouvait avoir lieu par téléphone, ce qui n’est pas utilement contredit.

Le fait que la SARL Bernard Papin ait désiré changer cette pratique non conforme aux stipulations contractuelles mais établie de longue date ne pouvait se faire sans prévenir la société d’intérim. En tous cas, il ne saurait autoriser la société utilisatrice à ne pas payer les heures travaillées par les intérimaires dans le cadre de contrats qu’elle reconduisait de semaine en semaine.

Deux intérimaires ont bien voulu attester que le nombre d’heures qu’ils avaient fait figurer sur les relevés correspondaient bien au nombre d’heures travaillées sur les chantiers de la SARL Bernard Papin. Rien ne vient mettre en doute leur véracité, ce qui démontre que les contestations de la SARL Bernard Papin ne sont pas fondées sur l’absence de réalité des heures facturées mais seulement sur l’absence de validation formelle de sa part des heures relevées par les intérimaires.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la réalité du nombre d’heures de mise à disposition des intérimaires ressort à la fois des relevés d’heures sur la base desquels les factures ont été établies sans protestation de la part de la société utilisatrice à leur réception et conformément à la pratique jusqu’alors observée par les parties qui n’exigeaient pas une validation écrite de la société utilisatrice sur les relevés des heures et de la reconduite semaine après semaine des relations contractuelles sans que l’entreprise utilisatrice ne se formalise de ne pas avoir signé les relevés d’heures.

Le jugement sera donc infirmé et la société Bernard Papin sera condamnée à payer la somme de 63 492,02 euros TTC, correspondant au solde restant dû sur les factures en cause.

La société Artus Intérim [Localité 2] demande que cette somme porte intérêts au taux contractuel de 1% par mois de retard à compter de l’échéance de chacune des factures impayées et réclame en outre le paiement de la somme de 1 840 euros (46 factures à 40 euros) au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Les factures prévoient que le retard de paiement des factures, stipulées payables comptant, entraîne l’application d’un taux d’intérêt de 1 % par mois outre une indemnité de 40 euros fixée conformément à l’article D. 441-5 du code commerce.

En l’absence de contestation de l’application de ces dispositions, il y a lieu de faire droit à ces demandes.

A défaut de justifier de l’existence d’un préjudice indépendant du simple retard dans le paiement des factures et même d’en alléguer l’existence, la société Artus Intérim [Localité 2] n’est pas fondée en sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, d’autant moins que les premiers juges ont écarté ses prétentions.

Partie perdante, la société Bernard Papin sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Artus Intérim [Localité 2] la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau,

Condamne la société Bernard Papin à payer à la société Artus Intérim [Localité 2] la somme de 63 492,02 euros T.T.C., correspondant au solde restant dû sur les factures en cause, avec intérêts de retard au taux de 1 % par mois et la somme de 1 840 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Artus Intérim [Localité 2] pour résistance abusive.

Condamne la société Bernard Papin à payer à la société Artus Intérim [Localité 2] la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette la demande de la société Bernard Papin au même titre.

Condamne la société Bernard Papin sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


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