Preuve du contrat de travail avec un entrepreneur de spectacles vivants
Preuve du contrat de travail avec un entrepreneur de spectacles vivants
Ce point juridique est utile ?

Selon les dispositions de l’article L. 7122-2 du code du travail « Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d’exploitation de lieu de spectacle, de production ou de diffusion de spectacles, seul dans le cadre de contrats conclus avec d’autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion publique ou privée à but lucratif ou non de ses activités (…) ».

Dans cette affaire, il n’était apporté aux débats aucun élément nouveau permettant de remettre en cause les motifs du juge départiteur, lequel faisant une analyse précise et détaillée des moyens soulevés par l’appelant a retenu que l’association la Fabrique Opéra ne répondait pas aux conditions des dispositions précitées puisqu’elle n’était pas un entrepreneur de spectacles vivants et que M. [L] ne démontrait pas que l’association Fabrique Opéra avait organisé le spectacle musical « la flûte enchantée » mis en scène, ni qu’il était sous sa subordination, de sorte que la relation de travail avec l’association la Fabrique Opéra devait être écartée et que seule l’association Fabrique Opéra [Localité 9] Provence avait la qualité d’employeur dès lors que l’artiste avait participé personnellement au spectacle musical organisé par cette dernière.

S’agissant du contrat de travail, les dispositions de l’article L.7121-3 du code du travail instituent en faveur des artistes du spectacle, dont font partie les metteurs en scène, une présomption légale de contrat de travail, sous réserve que l’artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

Il appartient à l’employeur de renverser cette présomption de contrat de travail.

En conséquence, c’est à bon droit que le juge départiteur a retenu l’absence de relation de travail avec la Fabrique Opéra et débouté M. [L] de ses demandes formées à son encontre mais a retenu l’existence d’un contrat de travail entre l’appelant et la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence dans le cadre du spectacle musical « la flûte enchantée ».

En effet, dans la convention de partenariat la Fabrique Opéra s’engage à ne délivrer à la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence qu’un savoir-faire et une méthodologie et à la soutenir par une avance de trésorerie remboursable la veille de la première représentation pour aider au démarrage du projet.

Si la structure nationale la Fabrique Opéra a des liens avec les structures adhérentes puisqu’elle est composée au vu de l’article 4 de ses statuts « des membres d’honneur, membres bienfaiteurs et des membres actifs ou adhérents», il est établit qu’elle ne s’immisce pas dans le fonctionnement des associations membres adhérente et qu’elle a ses propres ressources.

En effet, l’article 8 indique que « les ressources de l’association sont constituées par le montant des droits d’entrée et des cotisations, les subventions communales, départementales, nationales, du conseil général , de l’État, des dons en nature (…) L’association pourra apporter son soutien financier notamment via la redistribution de subventions à une autre association sous réserve que cette dernière ait le même objet social ou partage la même mission sociale (…) »,

La Fabrique Opéra [Localité 9] Provence a seule choisi M. [L] comme metteur en scène et géré la production de l’opéra « la flûte enchantée » (assurance, location de matériel, montage et démontage , décors, règlement des prestataires etc…) en encaissant les recettes.

Une autre association adhérente, la Fabrique Opéra Val de Loire, confirme l’indépendance des associations adhérentes vis-à-vis de l’association nationale « la Fabrique Opéra Val de Loire gère seule la relation contractuelle avec l’ensemble des intervenants sans immixtion de l’association nationale la Fabrique Opéra basée à [Localité 6] dont l’apport se limite au savoir-faire (…) » (pièces intimées 8, 10 à 17).


COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 13 OCTOBRE 2023



N° 2023/ 181



RG 19/12036

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEU7S







[R] [L]





C/



[J] [P]

Association AGS CGEA DE [Localité 9]

Association LA FABRIQUE OPERA













Copie exécutoire délivrée le 13 Octobre 2023 à :



-Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

V311



-Me Serge AYACHE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

V250



-Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 27 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01197.





APPELANT



Monsieur [R] [L], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Martine DESOMBRE de la SCP MARTINE DESOMBRE & JULIEN DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE





INTIMES



Association LA FABRIQUE OPERA, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Serge AYACHE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Emilie GENEVOIS, avocat au barreau de MARSEILLE



Maître [J] [P], Liquidateur judiciaire de l’Association LA FABRIQUE OPERA [Localité 9] PROVENCE, demeurant [Adresse 7]

Défaillant



Association AGS CGEA DE [Localité 9], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE







*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant



Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d’une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 13 Octobre 2023



ARRÊT



CONTRADICTOIRE,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2023



Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige




***



FAITS ET PROCÉDURE



L’association la Fabrique Opéra a été créée en 2009 et a pour activité principale le soutien au spectacle vivant avec pour but ‘de développer toute mission d’intérêt général à caractère culturel dont l’action est consacrée à la démocratisation de l’art lyrique et d’accompagne les acteurs locaux porteurs d’un projet de production d’opéra’.



L’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence a été créé en janvier 2013 avec pour activité principale les arts du spectacle vivant et la production de spectacles vivants en vue de démocratiser l’art lyrique.



M. [R] [L] saisissait le 17 mai 2017 le conseil de prud’hommes de Marseille afin d’obtenir la condamnation solidaire de l’association la Fabrique Opéra et de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence à lui verser la somme de 30’000 € nets pour la production de l’opéra « La Flûte Enchantée » les 17, 18 et 19 avril 2015 au théâtre du [5] à [Localité 9].



L’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence était placée en liquidation judiciaire le 19 décembre 2017.



Par jugement du 27 juin 2019, le conseil de prud’hommes en sa formation de départage a statué comme suit :

« Déboute [R] [L] de toutes ses demandes formées à l’encontre de l’association la Fabrique Opéra en l’absence de relations de travail les unissant ;

Dit que [R] [L] a été lié par l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence par une relation de travail dans le cadre du spectacle musical « la flûte enchantée » présentée les 17, 18 et 19 avril 2015 au sein du théâtre du [5] à [Localité 9] ;

Déboute [R] [L] de toutes ses demandes formées à l’encontre de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence en l’absence d’éléments probants portant sur le travail fourni et la rémunération sollicitée ;

Déboute l’association la Fabrique Opéra de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée à l’encontre de [R] [L] ;



Condamne [R] [L] à verser à l’association la Fabrique Opéra la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [R] [L] aux entiers dépens de la procédure ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ».



Par acte du 23 juillet 2019, le conseil de M. [L] a interjeté appel de cette décision.

Moyens






PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 4 octobre 2022, M. [L] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement de départage du Conseil de prud’hommes de Marseille du 27 juin 2019 en ce qu’il a :

Dit que [R] [L] a été lié par l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence par une relation de travail dans le cadre du spectacle musical « La flûte enchantée » présenté les 17,18 et 19 avril 2015 au sein du théâtre du [5] à [Localité 9],

Débouté l’association La Fabrique Opéra de sa demande de dommages et interêts pour procédure abusive formée à l’encontre de [R] [L]

Infirmer le jugement de départage du Conseil de prud’hommes de Marseille du 27 juin 2019 en ce qu’il a :

Débouté Monsieur [L] de toutes ses demandes formées à l’encontre de l association la Fabrique Opéra en l absence de relation de travail les unissant

Débouté [R] [L] de toutes ses demandes formées à l’encontre de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence en l’absence d ‘éléments probants portant sur le travail fourni et la rémunération sollicitée.

Condamné [R] [L] à verser à l association La Fabrique Opéra la somme de 500 euros au titre de l article 700 du Code de procédure civile

Condamné [R] [L] aux entiers dépens de la procédure

Et Statuant À Nouveau,

A titre principal :

Condamner l’association La Fabrique Opéra [Localité 9] Provence, prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [J] [P] et la Fabrique Opéra à verser solidairement à Monsieur [R] [L] la somme de 30.000 euros nets au titre du rappel de salaire

A titre subsidiaire :

Condamner l’association La Fabrique Opéra [Localité 9] Provence, prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [J] [P] et la Fabrique Opéra à verser solidairement à Monsieur [R] [L] la somme de 18.000 euros nets au titre du rappel de salaire (35.100€ bruts)

En tout état de cause :

Fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire de l’association La Fabrique Opéra [Localité 9] Provence

Déclarer la décision à intervenir commune et opposable au CGEA- AGS

Dire que ces sommes produiront intérêts de droit à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes

Ordonner la délivrance d’un certificat de travail et d’une attestation pôle emploi

Débouter l’association Fabrique Opéra , la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence, prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [J] [P], l’AGS CGEA de toutes leurs demandes, fins et conclusions

Condamner association Fabrique Opéra , la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence, prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [J] [P], à verser à Monsieur [L] la somme de 2.500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ».



Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 19 décembre 2019, l’association la Fabrique Opéra demande à la cour de :

« Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Marseille du 27 juin 2019 en ce qu’il a :

Dit qu’aucun contrat de travail n’unissait Monsieur [R] [L] à l’association la Fabrique Opéra ,

Débouté en conséquence Monsieur [R] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamné Monsieur [R] [L] à verser à l’association La Fabrique Opéra la somme de 500€ au titre des frais irrépétibles de première instance (art. 700 du Code de procédure civile),

Condamné Monsieur [R] [L] aux entiers dépens,



Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Marseille du 27 juin 2019 en ce qu’il a débouté l’association La Fabrique Opéra de sa demande de dommages-et-intérêt pour procédure abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamner Monsieur [R] [L] à verser à l’association La Fabrique Opéra la somme de 2.500 € au titre de des frais irrépétibles en cause d’appel (article 700 du Code de procédure civile),

Condamner Monsieur [R] [L] à verser à l’association La Fabrique Opéra la somme de 2.000 € à titre de dommages-et-intérêt pour procédure abusive, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ».



Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 22 novembre 2022, l’L’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 9] délégation AGS CGEA de [Localité 9] demande à la cour de :

« Réformer le Jugement rendu le 27 juin 2019 par le conseil des prud’hommes de Marseille en ce qu’il a jugé que Monsieur [L] était lié avec l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence par un contrat de travail,

Dire et juger qu’il n’existe aucun lien de subordination entre l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence et Monsieur [L],

Dire et juger que Monsieur [L] n’a pas le statut de salarié de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence.

Mettre purement et simplement hors de cause l’AGS CGEA et en tout état déclarer inopposable au concluant le montant des sommes susceptibles d’être allouées à Monsieur [L].

Dire et juger que la demande de co emploi sera rejetée,

Débouter Monsieur [L] de toutes ses demandes,

En tout état, déclarer irrecevables les demande de condamnation solidaire,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire le statut de salarié de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence était reconnue à Monsieur [L],

Débouter M. [L], de sa demande tendant à obtenir la somme de 30.000 euros nets ou subsidiairement 18 000 euros nets à titre de salaire, en l’absence de tout justificatif probant sur le montant réclamé,

En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus juste proportions les indemnités susceptibles d’être allouées à M. [L],

Débouter Monsieur [R] [L] de toute demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens et en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposables à l’AGS CGEA.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [R] [L] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafonds qui inclus les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du code général des impôts,

Dire et juger que les créances fixées, seront payables sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.

Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du Code de Commerce ».



La déclaration d’appel a été signifiée le 2 octobre 2019 à Me [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence, puis il a été assigné par l’appelant en intervention forcée le 11 octobre 2022 (remise à personne habilitée), avec signification des dernières conclusions et pièces, mais n’a pas constitué avocat, les conclusions lui ayant été régulièrement signifiées respectivement le 10 janvier 2020 par l’association Fabrique Opéra et le 1er décembre 2022 par l’AGS CGEA.



Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

Motivation






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur l’existence du contrat de travail



L’appelant soutient que c’est à tort que le conseil des prud’hommes n’a pas retenu l’existence d’une relation de travail avec l’association la Fabrique Opéra.



Il indique que le juge départiteur s’est fondé sur l’existence d’une convention de partenariat signée entre les deux associations le 10 octobre 2014, soit six mois avant les représentations alors que le projet avait démarré dès l’année 2013 sous l’impulsion de la Fabrique Opéra.

Il soutient que la Fabrique Opéra et la Fabrique Opéra ([Localité 6]) ont concouru à la production du même opéra, cette dernière ayant même le rôle de donneur d’ordre et d’instigateur du projet puisqu’elle s’est assurée de son concours en vue de la mise en scène de «La flûte enchantée» au [5] de [Localité 9] dans les conditions déterminées par ladite association dès 2013.

Il fait valoir que le budget type pour un metteur en scène mentionne une somme de 18’000 € nets et non une rémunération de 9000 € nets comme retenue à tort par le juge départiteur.



L’association la Fabrique Opéra réplique que n’ayant pas d’activité de production, ni de diffusion de spectacle et ne détenant pas de licence de spectacles, aucune présomption de contrat de travail ne peut s’appliquer et que les deux associations la Fabrique Opéra et la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence sont totalement indépendantes juridiquement et qu’il n’y a aucune confusion d’intérêts d’activité et de direction entre les deux associations.

Elle rappelle que le porteur de projet créé une association autonome et indépendante dont l’objet est d’assumer la production du spectacle et qu’ensuite une convention de partenariat est signée avec la Fabrique Opéra qui se limite à apporter à l’association locale la méthodologie le savoir-faire, sans aucune contrepartie financière et qu’ainsi ont été créées d’autres associations similaires telle que la Fabrique Opéra Val de Loire. Elle précise concernant l’avance de trésorerie de 5000 € faite par elle, que celle-ci devait être remboursée au plus tard la veille de la première représentation et que M. [L] ne peut en déduire une confusion de patrimoine entre les deux associations.

Elle souligne que seule la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence a encaissé l’intégralité des recettes et assumé l’intégralité de la comptabilité de la production de ce spectacle.



L’AGS CGEA conteste la qualité de salarié de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence dans la mesure où M. [L] ne produit pas de contrat de travail, ni même une quelconque lettre d’engagement, précisant qu’il serait passé par l’intermédiaire de l’association la Fabrique Opéra [Localité 6].

L’AGS CGEA souligne que [R] [L] n’était pas placé sous l’autorité d’un quelconque responsable de l’association Fabrique Opéra [Localité 9] Provence et qu’il n’y avait pas de lien de subordination puisqu’aucune personne de l’association n’avait le pouvoir de le sanctionner et qu’aucun horaire, dates de congés ou autres ne lui avait été imposés. Il précise que le budget type produit par l’appelant ne concerne pas l’opéra visé et indique deux metteurs en scène.



Selon les dispositions de l’article L. 7122-2 du code du travail « Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d’exploitation de lieu de spectacle, de production ou de diffusion de spectacles, seul dans le cadre de contrats conclus avec d’autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion publique ou privée à but lucratif ou non de ses activités (…) ».



Il n’est apporté aux débats aucun élément nouveau permettant de remettre en cause les motifs exacts et pertinents du juge départiteur, lequel faisant une analyse précise et détaillée des moyens soulevés par l’appelant a retenu que l’association la Fabrique Opéra ne répondait pas aux conditions des dispositions précitées puisqu’elle n’était pas un entrepreneur de spectacles vivants et que M. [L] ne démontrait pas que l’association Fabrique Opéra avait organisé le spectacle musical « la flûte enchantée » mis en scène, ni qu’il était sous sa subordination, de sorte que la relation de travail avec l’association la Fabrique Opéra devait être écartée et que seule l’association Fabrique Opéra [Localité 9] Provence avait la qualité d’employeur dès lors que l’artiste avait participé personnellement au spectacle musical organisé par cette dernière.



En effet, dans la convention de partenariat la Fabrique Opéra s’engage à ne délivrer à la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence qu’un savoir-faire et une méthodologie et à la soutenir par une avance de trésorerie remboursable la veille de la première représentation pour aider au démarrage du projet.

Il y a lieu d’ajouter que si la structure nationale la Fabrique Opéra a des liens avec les structures adhérentes puisqu’elle est composée au vu de l’article 4 de ses statuts « des membres d’honneur, membres bienfaiteurs et des membres actifs ou adhérents», il est établit qu’elle ne s’immisce pas dans le fonctionnement des associations membres adhérente et qu’elle a ses propres ressources.

En effet, l’article 8 indique que « les ressources de l’association sont constituées par le montant des droits d’entrée et des cotisations, les subventions communales, départementales, nationales, du conseil général , de l’État, des dons en nature (…) L’association pourra apporter son soutien financier notamment via la redistribution de subventions à une autre association sous réserve que cette dernière ait le même objet social ou partage la même mission sociale (…) »,

La Fabrique Opéra [Localité 9] Provence a seule choisi M. [L] comme metteur en scène et géré la production de l’opéra « la flûte enchantée » (assurance, location de matériel, montage et démontage , décors, règlement des prestataires etc…) en encaissant les recettes.

Une autre association adhérente, la Fabrique Opéra Val de Loire, confirme l’indépendance des associations adhérentes vis-à-vis de l’association nationale « la Fabrique Opéra Val de Loire gère seule la relation contractuelle avec l’ensemble des intervenants sans immixtion de l’association nationale la Fabrique Opéra basée à [Localité 6] dont l’apport se limite au savoir-faire (…) » (pièces intimées 8, 10 à 17).



S’agissant du contrat de travail, les dispositions de l’article L.7121-3 du code du travail instituent en faveur des artistes du spectacle, dont font partie les metteurs en scène, une présomption légale de contrat de travail, sous réserve que l’artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

Il appartient à l’employeur de renverser cette présomption de contrat de travail.



Or, le mandataire liquidateur de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence n’a jamais comparu, ni ne s’est fait représenté et aucun élément n’a été produit démontrant que [R] [L] exerçait son travail dans les conditions impliquant son inscription au registre du commerce ou qu’il bénéficiait de l’autonomie dont fait état l’AGS CGEA.



En conséquence, c’est à bon droit que le juge départiteur a retenu l’absence de relation de travail avec la Fabrique Opéra et débouté M. [L] de ses demandes formées à son encontre mais a retenu l’existence d’un contrat de travail entre l’appelant et la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence dans le cadre du spectacle musical « la flûte enchantée ».



La cour confirme la décision déférée de ces chefs.



Sur le travail fourni et la rémunération



L’appelant établit la réalité de son travail et justifie qu’il a mis en scène «la flûte enchantée» le vendredi 17, samedi 18 et dimanche 19 avril 2015 au [5] de [Localité 9] mais également qu’il a participé en novembre 2014 à des interventions dans des classes du diplôme supérieur d’art appliqué design du lycée technologique [8] et au lycée [4] en février 2015, plusieurs lycées travaillant en collaboration à la réalisation des différents éléments de mise en scène et d’organisation du dit spectacle, sous l’égide du metteur en scène. Il a également organisé des réunions et des auditions au théâtre [10] pour constituer le c’ur de la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence (pièces appelant 2, 4, 9, 10, 14,15 et16).



C’est donc à tort que le juge départiteur a estimé qu’il n’y avait pas eu fourniture de travail de sa part.



S’agissant de la rémunération, l’appelant verse aux débats le témoignage de M. [G], ancien directeur artistique de la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence qui indique « (…) Mon choix s’est porté sur [R] [L] directeur du théâtre [10] . Ce choix a été validé et [R] [L] a accepté la proposition pour un salaire de 30’000 € nets. Ce salaire a correspondu pour lui à plusieurs mois de travail depuis la première réunion, le 13 avril 2013 les rencontres avec les lycées professionnels, le casting, des jours entiers de répétitions jusqu’aux spectacles qui ont eu lieu après mon départ pour démission en janvier 2014. Ce salaire a bien été budgété par l’association » (pièce appelant 1).

Il produit également en pièce 6 le budget type (choix forfait) qui contrairement à ce qui est soutenu par l’AGS CGEA concerne bien «la flûte enchantée» puisque les personnages Tamino, Papageno, la reine de la nuit et Pamina sont ceux de l’opéra de Mozart.



En comparant les différents postes (dépenses artistiques, hébergement, matériel technique et scénographie transport matérielle pédagogique location de salles etc…) il s’avère que ce budget est un tableau indiquant les salaires nets des intervenants, le nombre de services de répétitions ainsi que la charge financière représentée pour l’association.

Il a ainsi été compté deux services de répétitions pour le metteur en scène et sa rémunération correspondait à 2 x 9000 euros nets, soit 18’000 € nets et représentait une charge financière de 31’848 € pour l’employeur (et non 35’100 € bruts telle que mentionnée sur le budget).

Par ailleurs, il ne ressort pas de ce document, qui n’est contredit par aucune pièce, qu’il y aurait eu deux metteurs en scène.





Il pèse sur l’employeur la charge de justifier du paiement des salaires et aucune pièce n’est produite aux débats en ce sens.

En conséquence, il y a lieu de fixer à la somme de 18’000 € net le montant de la rémunération dûe à M. [L], le montant brut indiqué par ce dernier n’étant pas exact.



Les intérêts au taux légal sur la somme brute sont dûs à compter de la date de convocation de l’employeur (présentation de la lettre recommandée) à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure jusqu’au jugement de liquidation qui a arrêté le cours des intérêts légaux conformément aux dispositions de l’article L.622-28 du code de commerce.



Sur la garantie de l’AGS CGEA



L’AGS CGEA de [Localité 9] doit sa garantie tant pour les sommes dues au titre de l’exécution du contrat de travail que pour celles résultant de la rupture.



Sur les autres demandes



Me [P] ès qualités devra remettre au salarié un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.



L’association la Fabrique Opéra ne justifie pas du caractère abusif de l’action de M. [L] qui n’a fait qu’user de son droit de faire valoir ses moyens en appel.

Cependant, il y a lieu de faire droit partiellement à sa demande concernant ses frais irrépétibles en appel.



L’association en liquidation qui succombe doit s’acquitter des dépens de la procédure.

Les circonstances de la cause justifient d’écarter les demandes de M. [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant à l’égard de la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence que de la Fabrique Opéra .




Dispositif

PAR CES MOTIFS



La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,



Confirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives au travail fourni et à la rémunération de M. [L], à l’égard de l’association La Fabrique Opéra [Localité 9] Provence;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Dit que M. [L] a fourni le travail relatif à la mise en scène de « la flûte enchantée »;



Fixe la créance de M. [R] [L] au passif de la procédure collective de l’association La Fabrique Opéra [Localité 9] Provence, représentée par Me [P], ès qualité de mandataire liquidateur, à la contre-valeur en brut de la somme de 18’000 € net ;



Dit que les intérêts au taux légal sur cette somme sont dûs du 18/05/2017 au 19/12/2017;



Dit que l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 9] est tenue à garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail en l’absence de fonds disponibles ;



Dit que Me [P] ès qualités devra délivrer à M. [L], un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, conformes à la présente décision ;



Condamne M. [R] [L] à payer à l’association la Fabrique Opéra, la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de l’association la Fabrique Opéra [Localité 9] Provence, représentée par Me [P], ès qualité de mandataire liquidateur.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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