Preuve du Contrat de travail : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/01369

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Preuve du Contrat de travail : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/01369
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20/10/2023

ARRÊT N°2023/391

N° RG 22/01369 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OXBU

FCC/AR

Décision déférée du 21 Mars 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse ( F 20/00293)

Section ENCADREMENT – BLON S.

[O] [B]

C/

E.U.R.L. URBA EARTH

confirmation totale

Grosse délivrée

le 20 10 2023

à Me Géraldine BOIGAS

Me Nicole LAFFUE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [O] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Géraldine BOIGAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

E.U.R.L. URBA EARTH

prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]

Représentée par Me Nicole LAFFUE, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Les 1er janvier et 1er avril 2018, la SARL Urba Earth sise à [Localité 4] et ‘la société…en formation…représentée par son gérant M. [O] [B]’ (sic), M. [B] étant alors domicilié à [Localité 6], ont signé un accord de confidentialité portant sur un projet d’étude de portail informatique.

M. [B] a intégré la coopérative d’entrepreneurs de Corse SC’OPARA sise à [Localité 5], et a signé avec cette coopérative des contrats d’appui au projet d’entreprise (CAPE) pour la création ou la reprise d’une activité économique des 8 janvier 2018, 8 juin 2018 et 8 juin 2019.

Le 17 septembre 2018, il a également conclu avec la SARL Urba Earth un contrat de prestation de services de produits Web, portant sur la période du 1er avril 2018 au 30 septembre 2018. Il facturait ses prestations à la SARL Urba Earth par l’intermédiaire de la coopérative SC’OPARA.

Par mail du 8 mars 2019, M. [B] a informé la SARL Urba Earth de ce que des tentatives de connexion depuis une adresse IP en Turquie avaient eu lieu et qu’afin d’éviter tout piratage, il avait désactivé la connexion au serveur par mot de passe SSH ; il a invité la société à prendre contact avec lui. La SARL Urba Earth dit avoir rétabli ses accès par l’intermédiaire de la société de prestations informatiques DBM technologies et elle a, par LRAR du 13 mars 2019, mis en demeure M. [B] de finir d’exécuter ses prestations sous quinzaine. Par mail du 18 mars 2019, M. [B] a estimé avoir exécuté ses prestations et s’est plaint du non paiement de ses deux dernières factures.

Par LRAR du 1er octobre 2019, adressée à la coopérative SC’OPARA, le conseil de la SARL Urba Earth s’est prévalu d’un préjudice de 32.640 € du fait de M. [B] et a mis en demeure la coopérative d’assurer le paiement par M. [B] de cette somme, ainsi que la restitution des codes d’accès au serveur et la destruction des éléments en lien avec la mission.

Par acte du 4 août 2020, la SARL Urba Earth a fait assigner M. [B] et la coopérative SC’OPARA devant le tribunal judiciaire d’Ajaccio ; par jugement du 1er septembre 2020, le tribunal judiciaire a déclaré la citation caduque.

Par acte des 19 et 22 février 2021, la SARL Urba Earth a fait assigner M. [B] et la coopérative SC’OPARA devant le tribunal de commerce d’Ajaccio ; par jugement du 14 novembre 2022, le tribunal de commerce a condamné solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 33.839 € au titre des indemnités contractuelles et des coûts pour remédier aux manquements contractuels. M. [B] a formé appel de ce jugement. La procédure d’appel est en cours.

Entre-temps, le 25 février 2020, M. [B] qui avait déménagé à Rouffiac-Tolosan a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse afin de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail avec la SARL Urba Earth et d’obtenir le paiement de salaires et primes, de congés payés, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, de l’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour défaut d’affiliation aux organismes sociaux, de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail, ainsi que la remise sous astreinte de documents sociaux.

La SARL Urba Earth a soulevé l’incompétence territoriale du conseil de prud’hommes de Toulouse au profit du conseil de prud’hommes d’Ajaccio ; au fond, elle a conclu à l’absence de contrat de travail et au débouté de M. [B] en ses demandes.

Par jugement du 21 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse :

in limine litis,

– s’est déclaré compétent,

Sur le fond, a :

– jugé que la relation de travail entre M. [B] et la SARL Urba Earth n’est pas un contrat de travail,

– débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes découlant de l’exécution et de la rupture d’un contrat de travail,

– dit que M. [B] supporte les dépens,

– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [B] a relevé appel de ce jugement le 7 avril 2022, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions responsives notifiées par voie électronique le 28 juillet 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [B] demande à la cour de :

– infirmer / réformer le jugement,

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

– requalifier la relation contractuelle entre M. [B] et la SARL Urba Earth en contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein (en contrat à durée indéterminée de droit commun ou en application du statut de travailleur à domicile),

– condamner la SARL Urba Earth à payer à M. [B] les sommes suivantes :

* rappel de salaire (hors heures supplémentaires) – requalification temps plein : 17.850 €,

* congés payés sur rappel de salaire (hors heures supplémentaires) : 4.013 €,

* rappel de salaire sur heures supplémentaires : 2.737,88 €,

* congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires : 273,79 €,

* congés payés non rémunérés sur la rémunération effectivement versée : 2.505 €,

* dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale légale du travail : 1.500 €,

* majoration pour travail les dimanches et jours fériés : 2.347,02 €,

* congés payés sur majoration pour travail les dimanches et jours fériés : 234,70 €,

* prime conventionnelle de vacances : 570,78 €,

* indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 11.857,09 €,

* congés payés sur préavis : 1.185,71 €,

* indemnité légale de licenciement : 905,75 €,

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3.952,36 €,

* indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 3.952,36 €,

* dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et brutal : 5.000 €,

* indemnité pour travail dissimulé : 23.714,18 €,

* dommages et intérêts pour préjudice distinct résultant de la non-affiliation aux organismes sociaux : 5.000 €,

* dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 5.000 €,

* 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la remise par la SARL Urba Earth à M. [B] des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat conformément à la décision à venir sous astreinte de 50 € par jour de retard,

– fixer la rémunération mensuelle brute du salarié à 3.952,36 €,

– dire et juger que les sommes dues au titre des créances salariales et l’indemnité de licenciement porteront intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes, et que les sommes dues au titre des dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la mise à disposition de la décision à venir,

– condamner la SARL Urba Earth aux entiers dépens de l’instance,

– débouter la SARL Urba Earth de sa demande à l’encontre du salarié au titre de l’article 700 code de procédure civile.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 21 juillet 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Urba Earth demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– constater l’existence d’un contrat de prestation de services entre la SARL Urba Earth et M. [B],

– dire et juger que les critères définissant le contrat de travail ne sont pas remplis,

– constater l’absence de lien de subordination juridique,

– rejeter la demande de requalification du contrat de prestation en contrat de travail,

– débouter en conséquence M. [B] de ses demandes,

– condamner M. [B] aux entiers dépens de l’instance,

– condamner M. [B] à 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour constate qu’en cause d’appel, la SARL Urba Earth ne conteste plus la compétence territoriale du conseil de prud’hommes de Toulouse, de sorte que ce chef de jugement est définitif.

1 – Sur l’existence d’un contrat de travail :

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination et moyennant une rémunération ; l’existence du contrat de travail nécessite ainsi la réunion de trois conditions cumulatives : la fourniture d’un travail, le paiement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique caractérisé par l’exécution du travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

Même si l’accord de confidentialité mentionnait une société non dénommée en cours de création dont le gérant était M. [B], en réalité celui-ci n’a jamais créé sa société, ne s’est jamais fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés, et facturait en son nom personnel ses prestations par le biais de la SC’OPARA ; ainsi, la présomption de non-salariat édictée par l’article L 8221-6 du code du travail ne joue pas.

Par ailleurs, M. [B] soutient qu’il travaillait à domicile – ce qui n’est pas contesté par la SARL Urba Earth – de sorte qu’il est présumé salarié à domicile et qu’il appartient à la SARL Urba Earth de renverser la présomption de salariat. Toutefois, les articles L 7412-1 et suivants du code du travail se bornent à définir le travail à domicile, sans instaurer une présomption de salariat pour toute personne qui exerce une activité professionnelle à son domicile.

M. [B] ajoute que, le contrat de travail de prestations de services de produits Web conclu pour la période du 1er avril au 30 septembre 2018 stipulant que toute prolongation devait être effectuée exclusivement par un écrit sur volonté mutuelle des deux parties, et les parties n’ayant signé aucun renouvellement écrit, le contrat a pris fin de plein droit au 30 septembre 2018 et la relation contractuelle est nécessaiement un contrat de travail. Toutefois, la cour constate qu’aucun texte n’exige qu’un contrat de prestations de services soit écrit, que M. [B] a continué à émettre des factures à destination de la SARL Urba Earth après le 30 septembre 2018, et que l’absence de contrat de prestations de services écrit ne saurait en soi établir l’existence d’un contrat de travail. De surcroît, M. [B] a conclu avec la SC’OPARA des contrats d’appui au projet d’entreprise pour la création ou la reprise d’une activité économique (CAPE) ; or, l’article L 127-1 du code de commerce dispose que le contrat CAPE est conclu avec une personne physique non salariée à temps complet, ce qui exclut la possibilité pour une personne de conclure un CAPE dans le cadre de son activité salariée.

Il en résulte qu’il appartient à M. [B], qui se prévaut d’une relation de travail salariée, de la prouver.

Il est constant que M. [B] a exécuté des prestations pour le compte de la SARL Urba Earth, même si cette dernière affirme que ces prestations ont été mal exécutées et de manière incomplète, et qu’il a reçu une rémunération par le biais de ses factures. Le litige porte uniquement sur l’existence d’un lien de subordination.

Les digressions de M. [B] sur la situation personnelle et professionnelle de M. [F] [P], fils du gérant de la SARL Urba Earth M. [D] [P], pour tenter de remettre en cause le contrat de prestations de services signé entre M. [B] et la SARL Urba Earth, sans sont intérêt au regard du litige sur l’existence d’un contrat de travail, étant d’ailleurs rappelé que la question de la validité du contrat de prestations de services ne relève pas de la juridiction prud’homale mais de la juridiction consulaire.

Pendant qu’il exécutait des prestations pour la SARL Urba Earth entre avril 2018 et mars 2019, M. [B] ne s’est jamais prévalu de l’existence d’un contrat de travail ; ce n’est que lorsqu’il a saisi le conseil de prud’hommes le 25 février 2020 qu’il l’a fait pour la première fois.

M. [B] souligne que le contrat de prestations de services prévoyait une tarification de 2.400 € HT mensuels pour un forfait de 16 jours par mois avec un tarif journalier de 150 € HT, les jours de travail étant du lundi au vendredi ; il en déduit qu’il avait des jours de présence imposés par l’employeur.

Toutefois, la fixité convenue de la rémunération ne suffit pas à caractériser un contrat de travail, d’autant que, si M. [B] facturait 2.400 € HT certains mois, parfois il facturait des montants autres, par exemple 3.450 € HT en mai 2018, 4.800 € HT en novembre 2018, 1.350 € HT en mars 2019 ou 3.750 € HT en août 2019.

De plus, le contrat ne prévoyait qu’un volume de jours de travail, sans définir des jours où M. [B] aurait été obligé de travailler pour la SARL Urba Earth ; il n’obligeait pas M. [B] à travailler tous les jours du lundi au vendredi – ce qui l’aurait d’ailleurs conduit à dépasser les 16 jours par mois – mais il lui laissait la possibilité de choisir quels jours il souhaitait travailler. Aucune des pièces versées au dossier ne permet d’affirmer que la SARL Urba Earth imposait certaines journées de travail, contrôlait les horaires ou exigeait de connaître les jours de congés de M. [B]. Les quelques mails que produit M. [B] où M. [P] lui demandait l’état d’avancement de son travail ne caractérisent pas le contrôle que peut exercer un employeur sur le travail de son salarié et les directives qu’il peut donner, mais l’information que peut légitimement attendre un client dans le cadre d’une prestation de services. D’ailleurs, les propos de M. [B] dans ses mails traduisaient son autonomie dans l’organisation de son travail : il disait avoir reçu toute latitude sur les choix techniques et technologiques, annonçait quels jours il travaillerait ou non sans demander une autorisation en ce sens, quels jours il serait en déplacement, à quel moment il serait disponible pour échanger – dans un mail il indique revenir de la plage. Il ne démontre pas que la SARL Urba Earth exigeait de lui une disponibilité permanente comme il l’affirme dans ses conclusions.

Enfin, il ne fournit aucun élément sur la possibilité qu’avait la SARL Urba Earth d’exercer sur lui un pouvoir disciplinaire.

Ainsi, l’existence d’un contrat de travail entre la SARL Urba Earth et M. [B] ne sera pas retenue, et la cour confirmera le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes afférentes, tant sur l’exécution que sur la rupture d’un contrat de travail.

2 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

M. [B] qui perd au principal supportera les entiers dépens et ses frais irrépétibles, ainsi que les frais exposés par la SARL Urba Earth en cause d’appel soit 1.000 €.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne M. [O] [B] à payer à la SARL Urba Earth la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Déboute M. [O] [B] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Y] [B] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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