La jurisprudence a consacré, sur le fondement des dispositions des articles L. 2261-22 et L. 2271-1 du code du travail, un principe d’égalité de rémunération entre les salariés placés dans une situation identique.
Droit fondamental de la personne, le principe d’égalité, constitutionnellement garanti, l’est également en droit du travail par l’article L. 1121-1 du code du travail suivant lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Par conséquent, un employeur doit pouvoir justifier, en cas de contestation, par des éléments objectifs et vérifiables, les disparités salariales des salariés placés dans la même situation.
Le régime de la preuve est le même que celui prévu en matière de discrimination. Ainsi, en application de l’article L. 1134-1 du code du travail, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une inégalité de traitement et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
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COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 12 MARS 2021
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 16/08344 –��N° Portalis DBVX-V-B7A-KV4T
X
C/
S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES
S.E.L.A.R.L. N O
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D ANNECY
APPEL D’UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE du 27 Octobre 2016
RG : 15/00149
APPELANT :
K X
né le […] à […]
[…]
Représenté par Me Sophie GUILLAUD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nicolas ROGNERUD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES représentée par Me SAPIN, ès qualités de commissaire du plan de la société AZH
représentée par Me Marie-laure LANTHIEZ, avocat au barreau de LYON
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE :
S.E.L.A.R.L. N O représentée par Me François-Charles DESPRAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AZH
[…]
01003 BOURG-EN-BRESSE
Représentée par Me Marie-laure LANTHIEZ, avocat au barreau de LYON
PARTIE INTERVENANTE FORCÉE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D ANNECY
[…]
[…]
Représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Janvier 2021
Présidée par R MOLIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de P Q, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
— R S, président
— Sophie NOIR, conseiller
— R MOLIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 Mars 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par R S, Président et par P Q, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur K X a été embauché le 5 août 2005 en contrat à durée indéterminée par la société AZH en qualité d’agent technico-commercial sédentaire, niveau IV, coefficient 285.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la métallurgie de l’Ain.
Par jugement du 2 juillet 2014, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a placé la SAS AZH en procédure de sauvegarde et désigné la SELARL N O en qualité d’administrateur judiciaire.
Puis, par un jugement du 6 janvier 2016, le tribunal de commerce a adopté le plan présenté par la
société et désigné la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Après avoir été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce du 13 décembre 2017, un jugement de la même juridiction du 11 juillet 2018 a prononcé la liquidation judiciaire de la société AZH et désigné la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité de liquidateur.
Monsieur X a été placé en arrêt de travail le 3 novembre 2014, jusqu’au 4 février 2015.
Le salarié a fait l’objet d’un avertissement par courrier du 15 décembre 2014.
Le 5 janvier 2015, le médecin du travail a déclaré Monsieur X inapte à son poste de travail, ainsi qu’à tout poste de travail dans l’entreprise, après une seule visite de reprise, pour danger immédiat.
Le 19 mars 2015, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 3 avril 2015 et mis à pied à titre conservatoire.
Par un courrier recommandé avec avis de réception du 11 avril 2015, la société AZH a notifié à Monsieur X son licenciement pour faute grave.
Par requête parvenue au greffe le 18 mai 2015, Monsieur K X a saisi le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse afin d’obtenir, dans le dernier état de ses écritures et à l’audience, l’annulation de son licenciement pour harcèlement moral ou, subsidiairement, qu’il soit dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société AZH à lui verser différentes sommes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’annulation d’un avertissement, un rappel de salaire au titre de son repositionnement dans la convention collective, ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral et des dommages-intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité.
Par un jugement du 27 octobre 2016, le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse a, en présence de la SELARL AJ PARTENAIRES et de la SELARL N O :
— dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur K X était justifié ;
— débouté Monsieur K X de l’ensemble de ses demandes ;
— débouté la SAS AZH de sa demande reconventionnelle.
Le 24 novembre 2016, Monsieur K X a déclaré appel total de ce jugement.
Dans ses conclusions récapitulatives reçues au greffe par voie électronique le 21 décembre 2018, Monsieur K X demande à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
— fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AZH la somme de 5420,38 € à titre de rappel de salaire, suite à son repositionnement au coefficient 305 de la convention collective, outre 542,83 € au titre des congés payés afférents ;
— fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AZH les sommes de :
. 35’000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,
. 25’000 € à titre de dommages-intérêts en raison de la violation de l’obligation de sécurité de résultat par la société AZH ;
— dire le licenciement nul à raison du harcèlement subi, subsidiairement, dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
— en conséquence, à titre principal, sur la base du coefficient 305, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AZH les sommes de :
. 4635,14 € d’indemnité de licenciement,
. 4754 € d’indemnité compensatrice de préavis, outre 461,40 € au titre des congés payés afférents,
. 741,22 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, outre 74,12 € à titre de congés payés afférents,
. 44’000 € de dommages-intérêts correspondant à 20 mois de salaire ;
— à titre subsidiaire, sur la base du coefficient 285, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AZH les sommes de :
. 4426,49 € d’indemnité de licenciement,
. 4541 € d’indemnité compensatrice de préavis, outre 454,10 € au titre des congés payés afférents,
. 661,97 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, outre 66,19 € à titre de congés payés afférents,
. 44’000 € de dommages-intérêts correspondant à 20 mois de salaire ;
— en tout état de cause :
. fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, outre 2500 € au titre de l’instance d’appel,
. dire que les intérêts courront à compter de la date de la saisine du conseil de prud’hommes,
. ordonner la capitalisation des intérêts.
Monsieur K X affirme avoir été victime d’un harcèlement collectif instauré par son supérieur hiérarchique, le directeur commercial de la société, Monsieur Y et avoir fait l’objet, dès le début de l’année 2010, de brimades et d’humiliations, d’atteintes à son intégrité physique, de dénigrements professionnels, d’une mise à l’écart et de sanctions injustifiées de la part de ses collègues et de son directeur commercial ; que malgré ses demandes, le directeur du groupe, Monsieur Z, n’a pris aucune mesure pour faire cesser ces comportements ; qu’après avoir fait l’objet d’une agression par son responsable le 25 juin 2014, il a écrit à l’inspection du travail le 23 juillet 2014 pour lui faire part de son isolement ; que ses conditions de travail sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et de son inaptitude. Par ailleurs, il invoque, au titre du harcèlement, un avertissement injustifié le 15 décembre 2015, ainsi que le refus persistant de l’employeur de lui attribuer la qualification correspondant à son emploi. Il répond à l’argumentation adverse que le harcèlement moral ne saurait être écarté au motif que le salarié aurait subi sans se plaindre ces agissements pendant plusieurs années et conteste avoir lui-même participé à cette ambiance particulière de travail.
Il ajoute que l’employeur, bien qu’informé de la situation depuis le début de l’année 2012, a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne prenant aucune mesure pour faire cesser le harcèlement ; qu’il a réagi après l’agression dont il a été victime le 25 juin 2014, prenant l’initiative de mener une
enquête qui s’est avérée partiale, Monsieur Z ayant pris fait et cause pour Monsieur Y ; qu’en outre, l’employeur n’a pas respecté ses obligations relatives à l’affiliation à la médecine du travail, le privant du bénéfice de la visite médicale d’embauche et des visites de contrôle.
Par ailleurs, Monsieur X sollicite l’annulation de l’avertissement du 15 décembre 2014, faisant valoir qu’il a été sanctionné pour avoir reproché à un collègue de travail, Monsieur A, de ne plus le saluer ; que ce comportement s’inscrivait dans le harcèlement dont il faisait l’objet ; qu’en outre, cette sanction est fondée exclusivement sur le témoignage de Monsieur Y, qui le harcelait ; qu’enfin, elle présente un caractère disproportionné.
Monsieur X, invoquant la règle «à travail égal, salaire égal», ainsi que la classification d’emplois de la convention collective, estime que son coefficient de rémunération aurait dû progresser au niveau 305, après l’évolution de ses missions vers davantage d’autonomie et de responsabilité à compter du mois de janvier 2012, ce d’autant qu’un de ses collègues de travail, Monsieur B, qui avait les mêmes fonctions, bénéficiait de ce coefficient.
Enfin, Monsieur X sollicite l’annulation de son licenciement, affirmant que son inaptitude est le résultat du harcèlement qu’il a subi dans le cadre de son travail.
Subsidiairement, il estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, exposant que l’employeur n’a procédé à aucune recherche de reclassement et ne lui a proposé aucun poste, le contraignant à accepter un autre emploi dans une autre entreprise ; que, faute de licenciement pour inaptitude, aucune violation de son obligation de loyauté ne peut lui être reprochée.
Dans ses conclusions reçues au greffe par voie électronique le 18 décembre 2018, la SELARL AJ PARTENAIRES, en qualité de commissaire à l’exécution du plan et la SELARL N O, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS AZH, intimées, demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a justifié le licenciement pour faute grave et rejeté l’intégralité des demandes de Monsieur X. Subsidiairement, elles sollicitent la réduction des dommages-intérêts demandés à de plus justes proportions.
Elles demandent en tout état de cause, la condamnation de Monsieur K X à verser à la SELARL N O la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les intimées contestent, en premier lieu, les faits de harcèlement moral, répondant que Monsieur X ne produit aucune pièce de nature à démontrer qu’il aurait fait l’objet de moqueries ou de dénigrement, d’atteintes physiques ou d’une mise à l’écart ; qu’après l’incident du 25 juin 2014, une enquête a été diligentée dont il est résulté que Monsieur X avait adopté un comportement agressif à l’égard de son supérieur hiérarchique ; qu’il a également été constaté l’existence de pratiques partagées au sein du service consistant en des plaisanteries et des moqueries, qui concernaient l’ensemble des salariés et auxquelles Monsieur X participait également ; qu’un rappel à l’ordre a été effectué auprès de l’ensemble des salariés du service pour adopter un comportement plus professionnel ; que l’inspection du travail, tenue informée des dispositions prises par l’employeur, n’a donné aucune suite ; que les collègues de travail de Monsieur X se sont, à cette occasion, plaints du comportement déplacé de ce dernier, justifiant un rappel à l’ordre le 11 août 2014 ; que les seules pièces versées par le salarié ne font que confirmer que ce dernier participait à l’ambiance de travail ; que les éléments médicaux qu’il produit ne permettent pas d’établir un lien entre son état de santé et des faits de harcèlement.
Par ailleurs, les intimées estiment que la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité a le même objet que celle présentée au titre du harcèlement moral ; qu’en tout état de cause, l’employeur, après avoir été alerté par le salarié de l’incident du 25 juin 2014, a pris les
mesures nécessaires pour répondre à la situation ; qu’en particulier, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mis en oeuvre une mesure de médiation, qui n’a pas un caractère obligatoire, ou de ne pas avoir saisi le CHSCT, l’entreprise n’en disposant pas ; qu’il est, par ailleurs, justifié de l’affiliation de l’entreprise au service de la médecine du travail.
S’agissant du bien fondé de l’avertissement du 15 décembre 2014, la SELARL AJ PARTENAIRES et la SELARL N O estiment que la preuve des faits sanctionnés est rapportée par la plainte d’un autre salarié et que cette sanction est sans rapport avec les faits de harcèlement dénoncés ; qu’en outre la sanction n’apparaît pas disproportionnée au regard de la faute invoquée.
S’agissant de la demande de reclassification, les intimées font valoir que les fonctions du salarié n’ont pas évolué en 2012, le seul changement intervenu étant le remplacement du commercial itinérant qui travaillait en binôme avec Monsieur X ; que ses fonctions correspondaient bien au coefficient prévu par son contrat de travail ; qu’il ne saurait davantage se comparer à Monsieur B, qui a obtenu le coefficient 305 en raison de son ancienneté et de l’importance de son portefeuille clients.
Enfin, s’agissant du licenciement, les intimées font valoir que sa nullité ne saurait être prononcée, le salarié n’ayant pas été licencié pour inaptitude ; que le licenciement pour faute grave est justifié, l’employeur ayant appris le 6 mars 2015 que Monsieur X avait été embauché par une société concurrente le 9 février 2015 en qualité d’acheteur et de technico-commercial en violation des dispositions de son contrat de travail et de son obligation de loyauté ; que, contrairement à ce qu’affirme l’appelant, la société AZH a entrepris des démarches pour le reclassement du salarié dès le 9 janvier 2015 et lui répondait le 9 février 2015 qu’il était en train de procéder à l’étude des possibilités de reclassement conformément aux préconisations du médecin du travail.
Subsidiairement, elle estime que l’indemnité légale de licenciement ne saurait être supérieure à la somme de 3631,47 €, l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3823 €, correspondant à deux mois de salaire, et que faute de rapporter la preuve d’un préjudice effectif, les dommages-intérêts au titre d’un éventuel licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sauraient être supérieurs à la somme de 11’469 €, correspondant à six mois de salaire.
Dans ses conclusions reçues au greffe par voie électronique le 26 février 2019, l’association UNEDIC, délégation AGS CGEA d’Annecy, sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Monsieur X de l’intégralité de ses demandes.
Elle demande, en tout état de cause :
— qu’il soit dit et jugé que l’article 700 du code de procédure civile est hors garantie de l’AGS ;
— qu’il soit dit et jugé que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-15 et L. 3253-17 du code du travail ;
— qu’il soit dit et jugé que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
L’AGS s’en remet, s’agissant du harcèlement moral, aux écritures du mandataire judiciaire. Elle ajoute, à titre subsidiaire, que le salarié ne justifie pas du quantum de dommages-intérêts dont il sollicite réparation et ne peut demander, s’agissant du manquement à l’obligation de sécurité, la réparation d’un même préjudice sur deux fondements juridiques distincts.
S’agissant du rappel de salaire conventionnel, elle fait valoir que l’employeur a procédé à un rappel de salaire suite à la réclamation du salarié de nature à le désintéresser.
S’agissant du licenciement, elle reprend, en substance, l’argumentation des intimées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2020 et l’affaire fixée pour plaidoirie au 8 janvier 2021.
MOTIFS
Sur le rappel de salaire
La jurisprudence a consacré, sur le fondement des dispositions des articles L. 2261-22 et L. 2271-1 du code du travail, un principe d’égalité de rémunération entre les salariés placés dans une situation identique.
Droit fondamental de la personne, le principe d’égalité, constitutionnellement garanti, l’est également en droit du travail par l’article L. 1121-1 du code du travail suivant lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Par conséquent, un employeur doit pouvoir justifier, en cas de contestation, par des éléments objectifs et vérifiables, les disparités salariales des salariés placés dans la même situation.
Le régime de la preuve est le même que celui prévu en matière de discrimination. Ainsi, en application de l’article L. 1134-1 du code du travail, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une inégalité de traitement et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de son contrat de travail que les fonctions de Monsieur X consistaient, entre autres, à :
— collaborer étroitement avec un commercial itinérant avec lequel il travaillera en binôme ;
— assurer la liaison entre les clients pour lesquels il intervient et les différents services filiale d’AZH ;
— assurer une prospection téléphonique de nouveaux clients sur le secteur géographique rattaché au commercial pour lequel il collabore ;
— assurer par téléphone la promotion maximale de la vente des produits et services des filiales d’AZH sur le secteur géographique rattaché au commercial pour lequel il collabore ;
— participer à l’élaboration des prix, des tarifs des prestations proposées et à la gestion des dossiers commerciaux ;
— réaliser les devis auprès des clients des secteurs géographiques rattachés au commercial pour lequel il collabore ;
— prendre tous les renseignements nécessaires concernant le crédit client, suivre les ordres passés et intervenir auprès des clients en cas de difficultés de paiements ;
— participer à la résolution de tout litige entre les filiales d’AZH et leurs clients.
La rémunération du salarié était fixée à la somme de 18’000 € annuels bruts pour 38 heures hebdomadaires, outre des commissions mensuelles sur vente de 0,10 % du chiffre d’affaire mensuel hors taxe facturé, réalisé sur les secteurs géographiques confiés.
Au mois de janvier 2012, date à partir de laquelle Monsieur X sollicite un rappel de salaire, sa rémunération brute mensuelle de base était de 1551,98 €, outre 55,39 € de prime d’ancienneté. Il a bénéficié d’une augmentation à compter du 1er octobre 2013, son salaire de base passant à 1703,95 € bruts mensuels.
Il n’est pas discuté que Monsieur B, qui exerçait, comme Monsieur X, les fonctions de commercial sédentaire, bénéficiait du coefficient 305 de la convention collective et d’une rémunération supérieure.
Au 1er janvier 2012, Monsieur B percevait, suivant ses fiches de paie, une rémunération mensuelle de base de 1657,90 € bruts et une prime d’ancienneté de 123,65 €, puis au 1er octobre 2013, d’un salaire mensuel de 1691,06 € et d’une prime d’ancienneté de 151,33 €.
Ces éléments suffisent à présumer l’existence d’une inégalité de traitement.
Dès lors, il appartient à l’employeur de justifier cette inégalité par des éléments objectifs.
Il ressort de ses bulletins de paie que Monsieur B est passé du coefficient 285 au coefficient 305 au mois de mai 2012 et qu’il disposait d’une ancienneté supérieure à celle de Monsieur X, étant entré dans l’entreprise le 2 décembre 2002.
En tenant compte de la différence d’ancienneté, Monsieur X aurait dû bénéficier, en appliquant exclusivement le critère de l’ancienneté, d’un repositionnement au coefficient 305 à compter du mois de janvier 2015.
En outre, l’employeur démontre, sans être contredit sur ce point, en produisant les tableaux comparés des chiffres d’affaires réalisés par les deux salariés depuis le début de leur entrée dans l’entreprise, établis pour le calcul de la part variable de leur rémunération, ainsi que le tableau de répartition des chiffres d’affaires entre les deux commerciaux, que Monsieur B gérait un chiffre d’affaires deux à trois fois supérieur à celui de Monsieur X, ce qui représentait, en outre, un nombre de clients facturés sensiblement supérieur.
La différence de rémunération entre les deux salariés apparaît objectivement justifiée par l’ancienneté du salarié et sa part dans le chiffre d’affaire réalisé par la société.
Dans ces conditions, Monsieur X ne saurait bénéficier d’un rappel de salaire sur la base du coefficient 305 de la convention collective, étant précisé que cette convention ne prévoit pas d’évolution automatique en fonction de l’ancienneté.
Par ailleurs, la convention collective définit le troisième échelon du niveau IV de l’agent de maîtrise correspondant au coefficient 285 comme un agent dont la responsabilité s’exerce sur les personnes assurant des travaux faisant appel à des solutions diversifiées et nécessitant des adaptations. Il est associé aux études d’implantation et de renouvellement des moyens et à l’établissement des programmes, à l’élaboration des modes, règles et normes d’exécution.
Le coefficient 305, qui correspond au premier échelon du niveau V de la convention collective, comprend la définition suivante : Agent de maîtrise responsable du personnel assurant les travaux diversifiés mais complémentaires. Il est amené, pour obtenir les résultats recherchés, à décider de solutions adaptées et à les mettre en oeuvre ; il interviendra dans l’organisation et la coordination des activités.
Monsieur X, qui ne conteste pas l’application du coefficient 285 lors de la signature du contrat de travail, affirme qu’à compter de janvier 2012, ses missions ont évolué vers plus d’autonomie dans la gestion de ses dossiers et des clients, puisqu’il réalisait des devis, négociait des offres commerciales, des prix avec les fournisseurs et se chargeait du suivi logistique, en particulier du respect des délais.
Dans un courrier adressé à son employeur le 3 décembre 2014, il sollicitait son repositionnement au coefficient 305 de la convention collective estimant avoir acquis de nombreuses compétences, en particulier : «chiffrage de nomenclatures, conseils et recommandations techniques, calcul MO de l’affaire, gestion des marchés et prévisionnels clients».
Monsieur X produit aux débats quatre messages électroniques datés des 15 janvier 2013, 20 février 2013, 31 janvier 2014 et 17 février 2014 qui montrent qu’il était en charge des relations avec les clients, en particulier du suivi des commandes et du respect des délais, mais sont insuffisants à confirmer que ses missions auraient évolué à compter du mois de janvier 2012 par rapport à celles visées dans le contrat de travail.
En l’absence d’élément nouveau depuis la signature du contrat de travail, le salarié ne démontre pas que ses fonctions ne correspondaient plus au niveau IV échelon 3 de la convention collective, mais au niveau V échelon 1.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande de rappel de salaire à ce titre.
Sur le harcèlement moral
Il résulte de l’article L. 1152-1 du code du travail, que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 du même code (dans sa version applicable au litige) énonce que, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article qui précède, le salarié établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces textes que lorsque le salarié présente des éléments matériels constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral, et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il convient, dans un premier temps, d’apprécier la réalité des faits invoqués par le salarié.
– Sur les éléments matériels présentés par le salarié :
Monsieur X se plaint, en premier lieu, d’avoir subi des brimades et des humiliations dès l’année 2010.
Il produit différents photomontages transmis par messages électroniques à l’ensemble des salariés du service commercial :
— un message transmis par un autre commercial, Monsieur B, à Monsieur X le 4 juin 2010 (les deux autres salariés du service commercial étant destinataires joints), le représentant en personnage du film Star Wars, avec un intitulé en objet : «jedi des pâques juives» ;
— un message transmis le 4 juin 2010 à ses collègues, y compris Monsieur X, par le même Monsieur B, représentant Monsieur X en voyante, ainsi que son binôme, Monsieur C, dans une boule de cristal, avec un message humoristique évoquant la «prédiction commerciale» ;
— deux messages adressés le 9 juillet 2010 par Monsieur Y aux autres commerciaux du service, y compris Monsieur X, auxquels étaient annexés deux photographie de ce dernier, avec l’intitulé suivant en objet : «notre prisonnier» ;
— un message transmis le 9 juillet 2010 par Monsieur B à ses collègues avec un photomontage représentant Monsieur X sur une affiche de western «wanted»’;
— le 29 octobre 2012, dans les mêmes conditions, un photomontage dans lequel le visage de Monsieur X est inséré sur une boîte de céréales, ayant pour objet : «cho cho chocapic»
— un message électronique envoyé le 2 avril 2013 par Monsieur Y à l’ensemble de ses collègues commerciaux, dont l’objet est intitulé : «miam miam ! qu’elle aire joviale qu’as-tu fait ce week-end», représentant une photographie du visage grossi de Monsieur X.
Il produit également un message électronique envoyé par Monsieur E à ses collègues commerciaux le 18 octobre 2012, dans lequel ce dernier, imitant une démonstration mathématique, déclare : «après 10 mois de travail chez AE, j’en arrive à la conclusion suivante : X = PROBLEMES».
Enfin, dans deux messages électroniques du 3 avril 2013, Monsieur Y refuse les congés sollicités par Monsieur E et Monsieur X, dans les termes suivants :
— à destination de Monsieur E : «Tu n’as pas le droit à des congés prioritaires car tu viens de sortir déjà de 7 semaines de congés tu penses bien que c’est déjà beaucoup et assez, en plus tu es en retard par rapport à ton objectif ; j’attends celle de X Tudor ; on verra après 4 000 000 de cde ; à plus» ;
— à destination de Monsieur X «X tu n’as plus de jour tu les prends ou ‘ Et ta s’ur elle bat le beurre et en plus comme j’ai dit à ton sbire vous êtes en retard de chiffre ; à plus».
Monsieur X précise qu’il a souhaité évoquer ces brimades avec le directeur de la société, Monsieur Z, en sollicitant par un message électronique du 24 juillet 2012 une demande de rencontre hors la présence de Monsieur Y, ce que Monsieur Z a refusé. Toutefois, la seule lecture de cet échange de messages ne permet pas d’affirmer que cette rencontre avait pour objet le harcèlement dont il aurait été victime.
Par ailleurs, Monsieur X produit aux débats un carnet rempli par ses soins dans lequel, pour ce que la cour en a compris, l’écriture étant difficilement déchiffrable, sont notamment évoqués les faits suivants :
— le 9 octobre 2012 : les brimades qu’il déclare subir,
— le 29 octobre 2012, les déclarations de Monsieur Z, qui aurait dénigré le travail de Monsieur X dans les termes suivants : «il est payé à quoi faire ‘»,
— le 25 juin 2014 : Monsieur Y lui braillant dessus,
— le 24 octobre 2014 : il est ignoré par ses collègues de travail,
— le 27 octobre 2014, les insultes subies de la part de Monsieur E dans les termes suivants : «fils de pute».
Pour le surplus, ce carnet évoque, principalement au cours de l’année 2014, une ambiance de travail tendue et une mésentente entre les membres du service commercial de la société.
Toutefois, à l’exception des moqueries confirmées par les photomontages versés aux débats, aucun élément extrinsèque ne vient corroborer les évènements notés par Monsieur X, en particulier l’existence d’atteintes à l’intégrité physique ou un dénigrement professionnel.
Les trois attestations produites par l’appelant, dont deux sont établies par d’anciennes salariées de la société, reprennent principalement les doléances de Monsieur X, les témoins n’ayant constaté aucun fait par elles-mêmes, à l’exception de Madame G, qui affirme que le 18 juillet 2014, elle a entendu ses collègues de travail fouiller dans l’ordinateur de Monsieur X en son absence. Ce fait ne saurait toutefois être établi par cet unique témoignage.
Par ailleurs, Madame H, qui a engagé une procédure devant le conseil de prud’hommes contre son ancien employeur ayant abouti à un jugement du conseil de prud’hommes le 20 mai 2010 déclarant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, dresse un portrait à charge de Monsieur Y, décrit comme odieux, menaçant, faisant pression.
Dans un courrier du 25 juin 2014, Monsieur X dénonçait à la direction de la société l’agression verbale qu’il aurait subie le même jour de la part de Monsieur Y. Il se plaignait également d’un dénigrement de son travail et était placé en arrêt maladie le 28 juin 2014.
Dans un nouveau courrier du 7 juillet 2014, le salarié déclarait continuer de subir les brimades et caricatures de Monsieur Y.
Suite à ces courriers, le directeur de la société, Monsieur Z, procédait à l’audition des personnes présentes lors de l’altercation du 25 juin 2014, à savoir Monsieur X, Monsieur Y, Monsieur E et Monsieur B.
L’employeur établissait un questionnaire écrit comprenant les réponses de chacune des personnes entendues.
Il résulte de ces documents qu’une remarque de Monsieur B sur le retard de Monsieur X après sa pause déjeuner a dégénéré, entraînant un échange verbal tendu entre les deux salariés et l’intervention de Monsieur Y.
Monsieur X affirme avoir alors été agressé verbalement par Monsieur Y, qui aurait insinué qu’il ne faisait rien et qu’il était un problème pour tout le monde. À cette occasion, Monsieur X déclare avoir demandé à Monsieur Y d’arrêter de le caricaturer et de se moquer de lui.
Monsieur Y déclare, de son côté, être intervenu en demandant à Monsieur X de s’occuper de son travail et pas des affaires des autres, que ce dernier se serait alors énervé, le pointant du doigt, lui disant qu’il ne savait pas manager et qu’il n’était pas digne d’un responsable commercial.
Messieurs B et E ont confirmé la version de Monsieur Y, mettant en cause l’agressivité de Monsieur X.
A la suite de ces investigations, l’employeur établissait une synthèse le 11 août 2014 estimant qu’à la suite d’une plaisanterie mal interprétée, Monsieur X s’était énervé de manière injustifiée. Par ailleurs, il concluait à l’absence de harcèlement moral de la part de Monsieur Y, précisant que les faits antérieurs à l’incident du 25 juin constituaient des plaisanteries partagées par l’ensemble du service, ne nécessitant qu’un rappel à l’ordre à l’ensemble de l’équipe. Il établissait une note de service demandant au personnel d’adopter un comportement professionnel et d’éviter les attitudes agressives.
Ces éléments permettent de caractériser une dégradation de l’ambiance de travail, mais pas l’existence d’un dénigrement professionnel ou d’une mise à l’écart.
Enfin, le 15 décembre 2014, Monsieur X faisait l’objet d’un avertissement pour s’en être pris à un autre salarié, Monsieur A, ce dernier s’étant plaint de se faire appeler «A», manifestant le manque de respect de Monsieur X à son égard, ainsi que d’avoir subi les remarques et l’agressivité de Monsieur X, qui lui a reproché, de manière injustifiée, de ne pas le saluer, de manquer d’éducation et d’être irrespectueux.
Monsieur X ne conteste pas ces faits, mais explique qu’il croyait que A était le prénom de son collègue et que ce dernier refusait de le saluer, confirmant ainsi l’isolement dont il faisait l’objet de la part de ses collègues de travail.
– Sur la dégradation de l’état de santé du salarié :
Monsieur X a été placé en arrêt de travail le 27 juin 2014 par son médecin traitant pour une «agression verbale au travail et harcèlement moral». Le 18 juillet 2014, il faisait l’objet d’un nouvel arrêt de travail pour «souffrance au travail», le 2 octobre 2014 pour un «syndrome anxio-dépressif», puis du 3 novembre 2014 au 4 février 2015 pour le même syndrome et une «souffrance au travail».
Monsieur X produit également :
— un certificat médical de son médecin du 21 novembre 2014 évoquant un «état anxieux depuis deux ans en rapport avec un problème de travail».
— un certificat médical établi le 9 décembre 2014 par un psychiatre faisant état d’un syndrome anxio-dépressif lié à des difficultés professionnelles, de nature à justifier une inaptitude ;
— un extrait du dossier médical tenu par le service de santé au travail en date du 15 septembre 2014 mentionnant l’existence d’un conflit avec le directeur commercial et ses collègues : «mails, moqueries de ses collègues».
Lors d’une unique visite de reprise le 5 janvier 2015, le salarié était déclaré inapte à son poste et à tout poste dans l’entreprise, avec impossibilité de tout reclassement dans l’entreprise, pour danger immédiat.
– Sur la présomption de harcèlement moral :
Au total, les éléments matériels produits par le salarié permettent d’établir l’existence d’une ambiance de travail « potache » au sein de l’entreprise depuis de nombreuses années, l’employeur produisant aux débats différents photomontages et l’attestation d’un ancien commercial de la société, Monsieur J, qui démontrent que Monsieur X n’était pas le seul concerné par ces plaisanteries.
Ces plaisanteries et moqueries n’ont manifestement, pour celles qui ont été soumises à la cour, aucun caractère insultant ou humiliant.
Il peut être également relevé la familiarité du ton employé par les salariés.
En outre, il apparaît qu’au cours de l’année 2014, les relations au sein du service commercial se sont détériorées et que c’est seulement à partir de cette période que l’état de santé mentale du salarié s’est dégradé.
Enfin, le salarié a fait l’objet d’un avertissement le 15 décembre 2014 à la suite d’un incident qui n’est pas contesté, chacun des protagonistes en donnant une interprétation différente. Il est cependant impossible de faire un lien entre cette sanction et les autres faits de harcèlement invoqués par Monsieur X, ce d’autant que Monsieur A, arrivé dans la société le 7 avril 2014, ne peut avoir participé aux faits de harcèlement des dénoncés depuis l’année 2010.
Ces seuls éléments, même pris dans leur ensemble, ne permettent de présumer des agissements répétés ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du travail du salarié susceptibles d’avoir porté atteinte à ses droits et à sa dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur les manquements de l’employeur à l’obligation de sécurité
L’article L.4121-1 du code du travail dispose que’:
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent:
1o Des actions de prévention des risques professionnels ;
2o Des actions d’information et de formation ;
3o La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L.4121-2 du même code précise’:
L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Il résulte de ces dispositions que pèse sur l’employeur une obligation de sécurité, portant sur la santé et la sécurité tant physiques que mentales des personnes qui travaillent pour son compte, et que c’est à lui qu’incombe la charge d’établir qu’il a rempli ladite obligation, étant précisé que tel est le cas lorsqu’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 précités.
En l’espèce, Monsieur X reprend les mêmes griefs que ceux invoqués au titre du harcèlement moral et ajoute que l’employeur ne lui a jamais fait bénéficier de suivi par la médecine du travail, avant son affiliation au service de santé au travail à compter du 6 août 2014, ce qui n’est pas discuté.
Il résulte des développements du paragraphe précédent que l’employeur n’a été informé de l’existence de difficultés relationnelles au sein du service commercial de la société qu’après l’incident du 25 juin 2014 ; qu’il a pris les mesures adaptées en entendant tous les protagonistes de l’incident et en demandant aux salariés, dans leur ensemble, d’adopter une attitude plus professionnelle et plus respectueuse. Il n’est d’ailleurs évoqué aucun incident après les mesures prises par l’employeur au mois d’août 2014.
Par ailleurs, en l’absence de harcèlement moral, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris les mesures nécessaires.
Par conséquent, aucune faute en lien avec l’état de santé du salarié n’est établie.
S’agissant du manquement de l’employeur au suivi du salarié par la médecine du travail, Monsieur X n’invoque, ni ne démontre avoir subi un préjudice résultant de l’absence de visite médicale d’embauche ou de visite médicale de contrôle.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement.
Sur l’annulation de l’avertissement du 15 décembre 2014
Monsieur X ne reprenant pas, dans le dispositif de ses conclusions, la demande d’annulation de l’avertissement du 15 décembre 2014, la cour, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, n’en est pas saisie. Il n’y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
Sur la validité du licenciement
– Sur la nullité du licenciement :
En l’absence de harcèlement moral, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du licenciement et débouté Monsieur X de ses demandes consécutives à un licenciement nul.
– Sur la validité du licenciement pour faute grave :
Aux termes de l’article L1235-1 du Code du travail le juge a pour mission d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l’employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.
En outre, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 11 avril 2015 est motivée de la manière suivante : «Au cours d’un échange avec la société NEOS TECHNOLOGIE le 6 mars 2015, nous avons appris que vous faisiez partie des effectifs de cette société.
Il nous a été confirmé par la suite, par le représentant de la société NEOS TECHNOLOGIE, que vous aviez été embauché par cette société en qualité d’acheteur et de technico-commercial pour son bureau de Lyon selon contrat à durée indéterminée à temps plein en date du 9 février 2015, en déclarant être libre de tout engagement.
Nous vous rappelons que vous êtes salarié de la société AZH suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein date du 5 août 2005 en qualité d’agent technico-commercial.
Depuis votre déclaration d’inaptitude par la médecine du travail en date du 5 janvier 2015, l’entreprise procède à des recherches de poste au titre de son obligation de reclassement, étant précisé que l’entreprise a repris le paiement de votre salaire à compter du 5 février 2015 conformément aux dispositions légales.
Nous vous avions informé à ce sujet par LRAR en date du 9 février 2015, en réponse à votre LRAR du 6 février 2015.
Le fait d’avoir régularisé en contrat de travail avec une autre société, qui plus est concurrente, sans l’autorisation de la société AZH, constitue un manquement à vos obligations contractuelles et plus généralement un manquement à l’obligation d’exécuter loyalement votre contrat de travail.
Ce comportement constitue une faute grave qui rend impossible la poursuite de votre contrat de travail au sein de la SA AZH.
Par courrier reçu par la SA AZH le 20 mars 2015, vous avez eu l’outrecuidance de reprocher à M. Z L, directeur général délégué, d’avoir «mené une action dans le but de (vous) nuire en appelant le gérant de la société (NEOS TECHNOLOGIE)», d’avoir tenu des «propos négatifs à votre sujet et surtout la menace d’une action contre lui (gérant de la société NEOS TECHNOLOGIE)», de vous «avoir ruiné la santé», de vous «pourrir la vie et faire durer le plaisir» et de vous traiter comme «un jouet».
Ces reproches parfaitement infondés et déplacés.
Nous sommes donc contraints de prononcer à votre égard un licenciement pour faute grave.»
Il n’est pas discuté que Monsieur X a été embauché le 9 février 2015 par la société NEOS TECHNOLOGIE, en violation des dispositions prévues au contrat de travail conclu avec la société AZH, qui prévoit expressément que le salarié ne pourra pas exercer d’activité professionnelle complémentaire de quelque nature que ce soit sans autorisation expresse de l’entreprise.
Monsieur X invoque le fait justificatif suivant : le non-respect par l’employeur de son obligation de reclassement, suite à la décision d’inaptitude du 5 janvier 2015.
Toutefois, la société AZH, qui a repris le paiement du salaire le 5 février 2015, conformément aux dispositions légales, justifie des démarches de reclassement suivantes :
— un courrier adressé le 9 janvier 2015 à la médecine du travail pour obtenir des informations complémentaires sur les aménagements/transformations de postes envisageables et les aptitudes résiduelles du salarié, le médecin du travail répondant le 15 janvier 2015 qu’aucune proposition de reclassement n’était envisageable ;
— des courriers adressés les 29 et 30 janvier 2015 aux quatre sociétés du groupe, les interrogeant sur les possibilités de reclasser Monsieur X ; deux sociétés ont répondu les 5 et 10 février 2015 pour indiquer qu’elles ne disposaient d’aucun poste ; la société AZ ELECTRONIC a répondu le 10 février 2015 pour indiquer que le seul emploi disponible était un poste de monteur en électronique ;
— un courrier adressé au médecin du travail le 3 mars 2015 lui soumettant le poste proposé par la société AZ ELECTRONIC, auquel ce dernier a répondu le 10 mars 2015 pour lui indiquer qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur ce poste de reclassement.
L’employeur étant tenu, suivant les dispositions légales applicables avant l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, à une obligation de reclassement, même en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise, il ne saurait lui être reproché d’avoir effectué les démarches susvisées.
Par ailleurs, le salarié ne s’est inquiété de son reclassement qu’en adressant un courrier à son employeur le 6 février 2015, ce dernier lui répondant le 9 février 2015 que la procédure de reclassement était en cours, alors qu’il savait nécessairement qu’il était sur le point de signer un nouvel engagement le 9 février 2015, caractérisant ainsi sa mauvaise foi.
Dès lors, Monsieur X ne peut invoquer de fait justificatif.
En s’engageant avec une autre société sans solliciter l’accord de son employeur, alors qu’il était toujours tenu par son contrat de travail, le salarié a commis une faute justifiant son licenciement, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner le second grief invoqué dans le lettre de licenciement.
L’employeur ayant découvert par hasard que Monsieur X était engagé auprès d’une autre société, il ne pouvait, à l’évidence, maintenir le salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a validé le licenciement pour faute grave et débouté Monsieur X de ses demandes consécutives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes accessoires
Monsieur X succombant à l’instance sera condamné aux dépens d’appel, ainsi qu’à verser la
somme de 1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour le même motif, jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il convient de condamner Monsieur X aux dépens de première instance, le premier juge ayant omis de statuer de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement rendu le 27 octobre 2016 par le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse en toutes ses dispositions.
Y ajoutant :
Condamne Monsieur K X à verser à la S.E.L.A.R.L. N O, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS AZH, la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur K X aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président