Preuve de la qualité de débiteur et obligations des tiers saisis dans le cadre des procédures civiles d’exécution

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Preuve de la qualité de débiteur et obligations des tiers saisis dans le cadre des procédures civiles d’exécution

Le tribunal de grande instance d’Aix en Provence a, par jugement du 6 juin 2021, condamné la SCI Le Domaine du Pont du Gard et MM. [S] et [O] à verser des sommes à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc (CRCA) pour des prêts impayés et un solde de compte courant. Cette décision a été signifiée le 7 juillet 2011. Un commandement de payer a été dressé en janvier 2013, suivi d’une cession de créances à Intrum Debt Finance AG en septembre 2019. En mai 2022, un nouveau commandement de payer a été émis, et une saisie attribution a été réalisée en juillet 2022. Intrum a assigné la SCI en mars 2023 pour le paiement des sommes dues. Le jugement du 8 juin 2023 a débouté Intrum de sa demande, entraînant un appel de sa part. Intrum a contesté la décision, arguant que la SCI n’avait pas prouvé que MM. [O] étaient créanciers. La cour d’appel a confirmé le jugement initial et a condamné Intrum à verser des frais à la SCI.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
23/08190
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2024

N° 2024/ 497

Rôle N° RG 23/08190 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPPR

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

C/

S.C.I. WLJ

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sonia OULED-CHEIKH

Me Laurent MARTIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution d’AIX-EN-PROVENCE en date du 08 Juin 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01577.

APPELANTE

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

Société de droit Suisse, immatriculée au RCS de ZUG sous le numéro CHE 100.023.266, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié à en cette qualité au siège social sis [Adresse 3] (SUISSE)

représentée en FRANCE par la société INTRUM CORPORATE, S.A immatriculée au RCS de NANTERRE sous les numéro 797 546 769, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège,

venant aux droits de LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC,

représentée par Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jean-Pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES,

INTIMÉE

S.C.I. WLJ

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié à en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Laurent MARTIN de la SCP AIXCELSIOR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 04 Septembre 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024,

Signé par Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES’:

Par jugement en date du 6 juin 2021, le tribunal de grande instance d’Aix en Provence a’condamné solidairement la SCI Le Domaine du Pont du Gard et MM. [S] et [X] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc (ci-après : la CRCA), la somme de 193 921,90 euros, outre intérêts, la somme de 130 286,50 euros, outre intérêts, au titre de deux prêts impayés, et la somme de 2 614,58 euros au titre du solde d’un compte courant, a ordonné la capitalisation des intérêts et a condamné la SCI et MM. [O] aux dépens.

Cette décision a été signifiée à la SCI et à MM. [O] le 7 juillet 2011.

Un commandement de payer aux fins de saisie vente a été dressé le 23 janvier 2013 à l’encontre de MM. [O].

Une cession de créances est intervenue le 20 septembre 2019 au profit d’Intrum Debt Finance AG (ci-après : Intrum).

Un commandement de payer aux fins de saisie vente et signification de la cession de créances a été dressé le 5 mai 2022 à l’encontre de MM. [O].

Un procès verbal de saisie attribution de droits d’associés et de parts sociales a été dressé le 25 juillet 2022 par la SAS Huissiers réunis, à la demande d’Intum venant aux droits de la CRCA, entre les mains de la SCI WLJ sur les droits d’associés ou valeurs mobilières appartenant à [X] [O] pour la somme au principal de 193 921,90 euros, outre intérêts, frais et acomptes reçus, soit la somme de 165 055,55 euros.

Un certificat de non contestation a été établi le 2 novembre 2022.

Par assignation en date du 13 mars 2023, Intrum a demandé la condamnation de la SCI au paiement de ces sommes.

Par jugement en date du 8 juin 2023, le juge de l’exécution d’Aix en Provence a’:

– débouté Intrum de sa demande de condamnation de la SCI au paiement des causes de la saisie attribution pratiquée le 25 juillet 2022 entre ses mains, pour la somme de 165 350,21 euros, outre de sa demande en capitalisation des intérêts,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Intrum aux entiers dépens.

Vu la déclaration d’appel d’Intrum en date du 21 juin 2023,

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 juillet 2023, Intrum sollicite qu’il plaise à la cour d’appel, vu les articles L123-1, L211-3, R211-4, et R211-5 du code des procédures civiles d’exécution, et l’article 700 du code de procédure civile, de réformer le jugement rendu le 8 juin en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– la juger recevable et bien fondée en ses demandes,

– condamner la SCI au paiement des causes de la saisie-attribution pratiquée le 25 juillet 2022, à savoir la somme de 165’350, 21 euros ventilée comme suit’:

* Principal’: 193 921,90 euros,

* Intérêts acquis au 25 juillet 2022 (5,15%)’: 55 343,96 euros,

* Frais d’exécution TTC’: 1 803,78 euros,

* Emolument proportionnel’: 321, 35 euros,

* Frais de procédure’: 279,35 euros,

* Coût de l’acte’: 116, 07 euros,

* A déduire, les acomptes reçus’: 86 436,20 euros,

outre intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2023, date de l’assignation initiale,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– débouter la SCI WLJ de toutes ses demandes, conclusions, fins et prétentions,

– la condamner au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et 3 000 euros à hauteur de Cour ainsi qu’aux entiers frais et dépens des deux instances.

Intrum fait reproche au premier juge d’avoir considéré qu’elle n’apportait pas la preuve que MM. [O] étaient créanciers de la SCI, dès lors que cette qualité découle nécessairement de la qualité d’associé du tiers saisi. Ils ont, en effet, procédé à des apports en numéraires à hauteur de 100 euros chacun.

Elle considère que le montant de la saisie recherchée importe peu puisque le simple fait pour la SCI d’être débitrice de MM. [O] est suffisant à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L211-3 du Code des procédures civiles d’exécution. Il lui appartenait de préciser au créancier poursuivant l’étendue de ses obligations à l’égard de MM. [O], ce qu’elle même ne pouvait pas deviner. En outre, la détention de parts sociales au sein du capital d’une société entraîne nécessairement pour son titulaire des droits pécuniaires d’associés au rang desquels le droit aux bénéfices, lesdits bénéfices constituant une créance de l’associé sur la société. Il en est de même s’agissant des comptes-courants détenus par les associés en les livres de la société.

Elle soutient que la SCI s’est montrée défaillante dans la communication à la SAS Huissiers réunis des renseignements requis par l’article L211-3 du Code des procédures civiles d’exécution et que, sans raison légitime, elle s’est abstenue de déclarer l’étendue de ses obligations à l’égard de MM. [O].

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.

Vu l’ordonnance d’incident en date du 2 juillet 2024 déclarant irrecevables les conclusions de la SCI en date du 9 novembre 2023,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 6 août 2024,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la preuve de la qualité de débiteur de la SCI :

Aux termes de l’article L211-3 du Code des procédures civiles d’exécution : « Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations, nantissements ou saisies antérieures. »

Conformément à l’article R211-4 du même code, ces renseignements ainsi que les pièces justificatives y afférentes doivent être fournis par le tiers-saisi au commissaire de justice instrumentaire « sur le champ. »

A défaut, l’article R211-5 prévoit que :« Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.»

L’article L123-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose pourtant que « les tiers ne

peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l’exécution ou de la conservation des

créances. Ils y apportent leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. »

La jurisprudence de la Cour de cassation pose comme principe qu’il appartient au créancier d’apporter la preuve que le tiers saisi est effectivement débiteur de son débiteur. La charge de la preuve ne pèse pas sur le tiers saisi. (civ. 2, 10 février 2011, n° 10-30.008)

Intrum prétend avoir démontré que la SCI est débitrice des consorts [O] par le versement d’un extrait du registre du commerce et des sociétés aux termes duquel ces derniers sont associés de ladite SCI. Selon elle, le fait qu’ils aient chacun fait un apport en numéraire de 100 euros au sein de la SCI est suffisant à apporter la preuve exigée d’elle.

Cependant, la qualité de tiers saisi ne découle pas simplement de la relation existant entre le tiers et le débiteur, la qualité d’associé au sein d’une SCI conférant un droit à une fraction des bénéfices proportionnelle au nombre de parts détenues, mais ne conférant aucun droit au versement des bénéfices. En effet, il est nécessaire pour cela que l’organe social ait pris une délibération déterminant quelle part doit être attribuée à chaque associé. Seule cette délibération consacre à l’actionnaire un droit de créance.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté Intrum de sa demande de condamnation de la SCI au paiement des causes de la saisie attribution.

Sur les demandes accessoires:

Succombant à l’action, en application de l’article 696 du code de procédure civile, Intrum sera condamnée aux entiers dépens d’appel, outre une indemnité à payer à la SCI sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions telles qu’elles ont été déférées devant la cour d’appel,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc, et représentée par la société Intrum Corporate à payer à la SCI WLJ la somme de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc, et représentée par la société Intrum Corporate aux entiers dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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