Preuve de la publicité comparative par photographies

Preuve de la publicité comparative par photographies

conseil juridique IP World

Tenter de prouver l’existence d’une publicité comparative à l’aide de photographies est risqué, notamment en raison de l’absence de date certaine.

L’article L 122.5 du code de la consommation

Si l’article L 122.5 du code de la consommation dispose que «’L’annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité’», encore convient-il que la preuve de la diffusion d’une telle publicité soit établie.

Question de la date certaine des photographies

Or, en l’espèce, si les photos versées aux débats sont recevables, force est de constater qu’elles sont soit illisibles, soit ne permettent pas d’établir la date et le lieu de leur diffusion effective.

Par ailleurs, s’il résulte de la sommation interpellative dressée que des publicités comparatives avec les magasins de l’enseigne Monoprix sont présentes dans le magasin Simply, aucune précision n’est donnée sur une publicité comparative précise pouvant être discutée.

Preuve défaillante

En conséquence, les sociétés Monoprix échouant à rapporter la preuve d’une publicité comparative précise, ne peuvent qu’être déboutées de leurs demandes de réparation fondées sur les publicités comparatives illicites qu’elles imputent à la société Auchan, notamment le dénigrement de l’enseigne Monoprix et le détournement de clientèle.


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 5 JUILLET 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/07397 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7VRY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2019 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2017050605

APPELANTES

SAS MONOPRIX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quelité audit siège,

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 552 018 020,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 4]

SAS MONOPRIX EXPLOITATION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quelité audit siège,

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 552 083 297,

Dont le siège social est situé

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentées par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant,

Assistées de Me Gilles BUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0070, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS AUCHAN SUPERMARCHÉ, anciennement dénommée la société ATAC, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quelité audit siège,

Immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 410 409 015,

Dont le siège social est situé [Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Assistée de Me Jean-louis GUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1626, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Marie-Laure Dallery, présidente de chambre au pôle 5 chambre 4, chargée du rapport, et de Monsieur Julien Richaud, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4,

Madame Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre,

Monsieur Julien Richaud, conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte Fenouil

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4 et par Monsieur MARTINEZ, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Les sociétés Monoprix Exploitation, Monoprix à laquelle se substitue en appel Monoprix Holding (ensemble «’les sociétés Monoprix’») sont des sociétés exploitant des magasins de centre-ville qui disposent de surfaces de vente alimentaire et non alimentaire.

La société Auchan, anciennement dénommée ATAC, exploite des supermarchés en France et notamment à [Localité 5] et dans la région parisienne. La plupart de ces supermarchés étaient exploités sous l’enseigne Simply Market jusqu’en 2017.

Les responsables de plusieurs magasins Monoprix de [Localité 5] ont observé en 2016 et 2017 dans les magasins Simply Market de [Localité 5] de nombreuses publicités comparatives visant les magasins Monoprix situés dans la même zone de chalandise.

Le 2 mars 2017, les sociétés Monoprix ont été autorisées par le Président du tribunal de commerce de Paris à faire procéder à des constats portant sur ces publicités comparatives dans un certain nombre de magasins à l’enseigne Simply Market, exploités par la société Auchan Supermarché. De nouveaux constats ont été effectués le 21 juin 2017.

Reprochant à la société Auchan Supermarché de pratiquer un détournement de clientèle dans ses magasins en utilisant des moyens illicites et déloyaux constitués par des publicités comparatives mensongères et par le recours à un dénigrement systématique, les sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation, par acte du 1er septembre 2017 ont assigné la société Auchan Supermarché devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la cessation de ces pratiques ainsi que la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de ces procédés qualifiés d’illicites et déloyaux.

Par acte du 2 mars 2017, la société Auchan Supermarché a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris d’une demande de rétractation de l’ordonnance rendue au bénéfice des sociétés Monoprix qui a statué par une ordonnance du 4 juillet 2018.

Par un arrêt définitif du 5 avril 2019, cette Cour a :

– infirmé l’ordonnance du 4 juillet 2018 qui avait rejeté la demande de rétractation,

– ordonné la rétractation de l’ordonnance du 2 mars 2017 ayant autorisé les mesures d’instruction mises en ‘uvre par les sociétés Monoprix,

– constaté la perte de fondement juridique des mesures d’instruction qui avaient été mises en ‘uvre par les huissiers mandatés par les sociétés Monoprix,

– constaté la nullité des procès-verbaux relatant ces mesures d’instruction et condamné les sociétés Monoprix au paiement à la concluante d’une indemnité de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 février 2019 le tribunal de commerce de Paris a :

– Rejeté la demande de la société Auchan Supermarché (anciennement dénommée société ATAC) de surseoir à statuer,

– Dit que la sommation interpellative signifiée le 21 juin 2017 est nulle et que la pièce correspondante n°4 de Monoprix est écartée des débats ;

– Dit que les publicités comparatives objet du litige présentent un caractère licite ; déboute Monoprix de sa demande allant en sens inverse ainsi que de celle en réparation associée

– Débouté Monoprix de sa demande visant à interdire la poursuite de telles campagnes publicitaires ;

– Débouté Monoprix de sa demande de constater le dénigrement de l’enseigne Monoprix résultant de ces publicités et de toute réparation à ce motif ;

– Débouté Monoprix de sa demande de constater un détournement de sa clientèle résultant de ces publicités et de toute réparation à ce motif ;

– Condamné la société Monoprix Exploitation (ou Monoprix MPX) et la société Monoprix à payer in solidum à Auchan Supermarché la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 CPC ;

– Ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– Condamné in solidum la société Monoprix Exploitation (ou Monoprix MPX) et la société Monoprix aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,08 € dont 16,47 € de TVA.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 5 avril 2019 les sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation ont interjeté appel de ce jugement.

La société Auchan Supermarché a soulevé un incident devant le conseiller de la mise en état tendant au prononcé de la caducité de la déclaration d’appel du jugement du tribunal de commerce de Paris formée le 5 avril 2019, faute pour les sociétés Monoprix d’avoir remis au greffe des conclusions conformes aux dispositions des articles 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile dans le délai requis pour conclure.

Par ordonnance du 26 mai 2020, le conseiller de la mise en état a :

– Déclaré l’appel RG n°19/07397 caduc ;

– Condamné les sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation aux dépens d’appel’;

– Condamné les sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation à payer à la société Auchan Supermarché une indemnité de procédure de 5 000 euros et rejette toute autre demande.

Par arrêt sur déféré du 24 février 2021, cette Cour a’:

– Infirmé l’ordonnance en toutes ses dispositions’;

– Statuant à nouveau et y ajoutant ;

– Rejeté la demande tendant à voir dire caduque la déclaration d’appel n°19/08305 du 5 avril 2019 ;

– Condamner la société Auchan Supermarché aux dépens de l’incident qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 25 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a’:

– Rejeté l’ensemble des demandes des sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation, tendant notamment à ce qu’il soit fait injonction à Auchan Supermarché de communiquer les relevés de prix mentionnés dans ses publicités, ou à défaut de constater sa carence.

– Condamné les sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation aux dépens de l’incident et à payer à la société Auchan Supermarché la somme globale de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 avril 202, la société Monoprix substituée en appel par Monoprix Holding et la société Monoprix Exploitation demandent à la Cour de’:

Vu les articles 41 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,

Vu l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers,

Vu les articles 24, 42 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu l’article l 120-1, l 121-8 et les articles L. 122-1 et suivants du code de la consommation,

Vu l’article 1240 du code civil (anciennement 1382),

Déclarer les sociétés Monoprix Exploitation et Monoprix, aux droits de laquelle intervient la société Monoprix Holding, recevables et bien fondées en leur appel,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel en ce qu’il a :

– dit que la sommation interpellative signifiée le 21 juin 2017 est nulle et écarté des débats la pièce correspondante n°4 de Monoprix,

– dit que les publicités comparatives objet du litige présentent un caractère licite et débouté Monoprix de sa demande allant en sens inverse ainsi que celle en réparation associée,

– débouté Monoprix de sa demande visant à interdire la poursuite de telles campagnes publicitaires,

– débouté Monoprix de sa demande de constater le dénigrement de l’enseigne Monoprix résultant de ces publicités et de toute réparation à ce motif,

– débouté Monoprix de sa demande de constater un détournement de sa clientèle résultant de ces publicités et de toute réparation à ce motif,

– condamné la société Monoprix Exploitation (ou Monoprix MPX) et la société Monoprix à payer in solidum à Auchan Supermarché la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– débouté SAS Monoprix EXPLOITATION (ou Monoprix MPX) et SAS Monoprix de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– condamné in solidum SAS Monoprix EXPLOITATION (ou Monoprix MPX) et SAS Monoprix aux dépens.

Et statuant à nouveau :

Sur les exceptions et fins de non-recevoir :

– déclarer que la production des photographies versées aux débats par les appelantes sous le numéro de pièce 1.1 à 1.37 est recevable et valable,

– déclarer que la sommation interpellative versée aux débats par les appelantes sous le numéro de pièce 4 est recevable et valable,

– déclarer irrecevable comme réponse aux exigences de l’article L 122-5 du code de la consommation tout moyen de fait qui serait invoqué par Auchan Supermarché,

– constater que depuis plusieurs mois et en tout cas depuis le mois de janvier 2016 la société Auchan Supermarché procède à des publicités comparatives en magasin sur [Localité 5] qui visent les Magasins Monoprix,

– déclarer que les intimées ne rapportent pas la preuve des allégations, notamment portant sur les comparaisons de prix, mentionnées dans leurs publicités,

– déclarer illicites ces publicités en ce qu’elles ne sont ni loyales ni objectives et sont mensongères,

– constater que ces publicités procèdent au dénigrement permanent et systématique des magasins et de la Marque « Monoprix » enregistrée à l’INPI le 5-12-1986 sous le numéro 1382985,

– déclarer que ces publicités détournent indûment la clientèle des magasins Monoprix au profit des magasins Simply Market,

– déclarer que ces pratiques constituent à l’encontre des requérants des actes de concurrence déloyale,

– déclarer ces publicités illicites,

Subsidiairement et pour le cas ou lesdites pièces ou d’autres seraient produites par la société Auchan Supermarché,

En tout état de cause :

– déclarer que ces publicités ne sont ni loyales ni objectives et sont mensongères,

– constater le caractère illicite de ces publicités des intimées,

– déclarer que le caractère illicite de ces publicités constitue à l’encontre des appelantes des actes de concurrence déloyale,

En toute hypothèse :

– condamner la société Auchan Supermarché à mettre fin à ces pratiques sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter de la décision,

– condamner la société Auchan Supermarché à verser à titre de dommages et intérêts à la société Monoprix Mpx pour perte de chiffre d’affaires une somme de 3 000 000 euros HT plus TVA,

– condamner la société Auchan Supermarché à verser à titre de dommages et intérêts à la société Monoprix Holding une somme de 7 000 000 euros pour la publicité à mettre en ‘uvre pour reconstruire l’image de Monoprix sur le territoire de [Localité 5] (somme à parfaire),

– condamner la société Auchan Supermarché à payer aux requérants une somme de 35.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir ou de son résumé aux frais de la société Auchan Supermarché, dans trois journaux papier et trois journaux « en ligne » au choix des requérants dans la limite de 10 000 euros HT par publication,

– ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir ou de son résumé aux frais de la société Auchan Supermarché dans la partie supérieure de la première page de son site Internet pendant 30 jours consécutif sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, avec renvoi par simple clic vers une page présentant l’intégralité de la décision,

– Condamner la société Auchan Supermarché aux dépens qui seront recouvrés par la SELARL BDL Avocats conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 5 avril 2023 la société Auchan Supermarché demande à la Cour de’:

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant :

– Dire et juger la société Monoprix Holding irrecevable en ses demandes, et en toute hypothèse infondée,

A titre subsidiaire :

– Dire et juger les sociétés Monoprix, Monoprix Exploitation et Monoprix Holding irrecevables et en toute hypothèses infondées en toute leurs demandes

– Débouter les sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation, Monoprix Holding de l’ensemble de leurs demandes,

– Condamner les sociétés Monoprix Exploitation et Monoprix, Monoprix Holding au paiement d’une somme de 30.000 euros à la société Auchan Supermarché au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant au profit de la SELARL 2H Avocats prise en la personne de Maître Patricia Hardouin et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2023.

MOTIVATION

A titre liminaire’:

Sur les dernières conclusions et pièces des sociétés appelantes

Au vu des justificatifs d’envoi produits en cours de délibéré des conclusions notifiées et déposées le 18 avril 2023, à 11H31 et de l’ordonnance de clôture adressée aux parties par RPVA à 12H le même jour, il convient de déclarer ces dernières conclusions recevables, étant observé que la société Auchan ne s’y oppose pas.

En revanche, la pièce numérotée 1 bis sur demande de preuve «’Sélection de 16 photographies jointes à la sommation de communiquer visant les magasins Simply Market ‘. aux formats jpeg’» envoyée à la partie adverse à 12h16, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture intervenue, doit être écartée des débats.

Sur les demandes des sociétés appelantes tendant à des constats

Ainsi que le soutient à bon droit la société Auchan, la Cour ne peut statuer que sur les « prétentions » des parties et que les demandes consistant à demander « de constater » ne sont pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert.

En conséquence, la Cour n’y répondra pas.

Sur la nullité de la sommation interpellative

Les sociétés Monoprix soutiennent que la sommation interpellative signifiée le 21 juin 2017, annulée par le jugement, est valable, motifs pris de l’absence de lien entre l’ordonnance du 4 juillet 2017 ayant autorisé les constats et la sommation interpellative du 21 juin 2017 et de ce que rien n’interdit à un huissier de procéder successivement à deux actes de nature différente.

Elles ajoutent, s’agissant du comportement allégué de l’huissier, que la société Auchan procède par voie d’insinuations calomnieuses.

La société Auchan réplique que cette sommation est effectivement nulle car les huissiers ne peuvent intervenir dans des lieux privés, même ouverts au public, qu’avec l’autorisation des occupants et qu’ils ne peuvent procéder qu’à des constatations purement matérielles alors que l’huissier a pris position et a procédé à une véritable enquête pourtant réservée au juge.

Elle ajoute que cette sommation interpellative est intervenue simultanément avec l’exécution d’une mesure d’instruction autorisée par le président du tribunal de commerce de Paris par ordonnance en date 2 mars 2017, de sorte que les sociétés Monoprix ont profité de l’autorité que donnait à l’huissier l’ordonnance dont il était porteur pour lui demander d’obtenir, simultanément, des réponses à des questions sortant totalement du champ de cette autorisation, et même contraires aux restrictions que le juge des requêtes avait expressément mentionnées, l’ordonnance précisant que l’huissier devrait « s’abstenir de toute interpellation autre que celles strictement nécessaires à l’accomplissement de la mission ».

Réponse de la Cour

La circonstance que l’huissier instrumentaire ait procédé, à la suite de la mesure d’instruction réalisée en vertu d’une ordonnance du président du tribunal de commerce du 2 mars 2017, dans le magasin Simply Market (ATAC) sis [Adresse 2] à [Localité 6], à une sommation interpellative du directeur du magasin pour certaines questions sans lien avec la mission autorisée par l’ordonnance, ne saurait justifier la nullité de cet acte. En effet, cette sommation interpellative, indépendante de la mesure d’instruction, a fait l’objet d’un acte séparé et le directeur interrogé a répondu librement aux questions qui lui étaient posées lesquelles portaient essentiellement sur les publicités comparatives, acceptant de signer ses déclarations.

Par conséquent, le jugement est infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la sommation interpellative.

Sur la légalité des preuves rapportées par les sociétés Monoprix

Les sociétés Monoprix soutiennent que l’annulation de l’ordonnance du président du tribunal de commerce autorisant la mesure de constat, faisant mention des relevés de prix mentionnés dans les publicités Auchan Supermarché, établis par huissier, ne dispensait pas la société intimée de rapporter à bref délai la preuve de l’exactitude des allégations mentionnées dans ses publicités (article L 122-5 du code de la consommation), ce qu’elle a refusé de faire, refus confirmé devant le «’juge de la mise en état’» alors qu’il lui appartenait de se mettre en conformité avec l’article L 122-1 du code de la consommation en communiquant ses relevés de prix.

S’agissant des photographies produites (bordereau joint à l’assignation, pièces «’1/1 et s’») qu’elles ont prises, la preuve étant libre en matière commerciale, celles-ci attestent de l’existence des publicités attaquées. Elles n’ont pas pour objet de prouver où et à quelles dates elles ont été prises, mais seulement ce qu’elles contiennent. Elles sont recevables.

Il revient en revanche à la société Auchan de rapporter les preuves de l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans chacune des publicités invoquées. Or, la société Auchan ne rapporte pas à bref délai la preuve des indications et allégations contenues dans ses publicités.

La société Auchan rétorque que les demandes des sociétés Monoprix sont infondées en ce que les photographies produites sont dénuées de précision sur les conditions dans lesquelles elles auraient été prises ainsi que sur le lieu et la date allégués de leur diffusion.

Elle ajoute que les procès-verbaux sur lesquels se fondent les sociétés appelantes pour étayer leur thèse de publicité comparative illicite ont été annulés par la cour d’appel.

Enfin, s’agissant de la sommation interpellative à la supposer valable, dont se prévalent les sociétés Monoprix, elle observe que cet acte ne fait état d’aucune publicité particulière pouvant être discutée, de sorte que la preuve de la diffusion d’une publicité illicite n’est pas rapportée.

Réponse de la Cour

Si l’article L 122.5 du code de la consommation dont se prévalent les sociétés Monoprix dispose que «’L’annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité’», encore convient-il que la preuve de la diffusion d’une telle publicité soit établie.

Or, en l’espèce, si les photos versées aux débats (pièces 1-1 à 1-37) sont recevables, force est de constater qu’elles sont soit illisibles comme par exemple la pièce 1.11, soit ne permettent pas d’établir la date et le lieu de leur diffusion effective, comme par exemple la pièce 1-12 ou 1-8.

Par ailleurs, la nullité des procès-verbaux établis par la SCP C. Duparc & O. Flament, huissiers de justice dressés en exécution de l’ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce du 2 mars 2017, a été constatée par suite de la rétractation de cette ordonnance par arrêt de cette cour du 5 avril 2019.

Enfin, s’il résulte de la sommation interpellative du 21 juin 2017 que des publicités comparatives avec les magasins de l’enseigne Monoprix sont présentes dans le magasin, [Adresse 2] à [Localité 6], aucune précision n’est donnée sur une publicité comparative précise pouvant être discutée.

En conséquence, les sociétés Monoprix échouant à rapporter la preuve d’une publicité comparative précise, ne peuvent qu’être déboutées de leurs demandes de réparation fondées sur les publicités comparatives illicites qu’elles imputent à la société Auchan, notamment le dénigrement de l’enseigne Monoprix et le détournement de clientèle.

Le sens de l’arrêt commande de rejeter leur demande de publication de la décision.

Le jugement est confirmé par substitution de motifs de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Monoprix qui succombent, sont condamnées in solidum aux dépens d’appel et à verser la somme de 20’000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société Auchan Supermarché.

Elles sont déboutées de leurs demandes formées sur ce dernier fondement

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ecarte des débats la pièce 1 bis communiquée par les sociétés appelantes postérieurement à l’ordonnance de clôture’;

Confirme le jugement dans les limites de sa saisine, sauf en ce qu’il a dit que la sommation interpellative signifiée le 21 juin 2017 est nulle et que la pièce correspondante n°4 est écartée des débats’;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,

Dit la sommation interpellative du 21 juin 2017 valable et la pièce 4 correspondante versée aux débats recevable’;

Condamne in solidum la société Monoprix Exploitation, la société Monoprix et la société Monoprix Holding aux dépens d’appel avec distraction des dépens dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Auchan Supermarché la somme de 20’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x