Constitution du prêtLa SA Carrefour Banque, représentée par la SAS EOS France, a accordé un prêt renouvelable à Mme [T] [C] épouse [K] d’un montant de 3 800,00 € le 22 août 2020, remboursable en 60 mensualités de 106,00 € à un taux nominal révisable de 19,19 %. Mise en demeureLe 2 avril 2022, la SA Carrefour Banque a envoyé une mise en demeure à Mme [T] [C] épouse [K] pour le paiement des échéances impayées. Assignation en justiceLe 27 septembre 2023, la SAS EOS France a assigné Mme [T] [C] épouse [K] devant le juge des contentieux de la protection, demandant la reconnaissance de la déchéance du terme et le paiement d’une somme de 4 181,93 € majorée d’intérêts, ainsi qu’une indemnité de 400,00 €. Audience et renvoiLors de l’audience du 22 février 2024, le juge a soulevé des questions sur la recevabilité des demandes et a renvoyé l’affaire au 20 juin 2024 pour permettre à la SAS EOS France de répondre aux moyens soulevés d’office. Comparution de Mme [T] [C] épouse [K]Mme [T] [C] épouse [K] ne s’est pas présentée à l’audience du 20 juin 2024, où la SAS EOS France a maintenu ses demandes sans produire de nouvelles pièces. Délibération et décisionL’affaire a été mise en délibéré pour décision le 24 octobre 2024, avec des considérations sur la recevabilité de l’action et la déchéance du terme. Recevabilité de l’actionLe juge a constaté que l’action en paiement n’était pas affectée par la forclusion, car les délais légaux avaient été respectés. Déchéance du termeLa SAS EOS France a prouvé avoir envoyé une mise en demeure à Mme [T] [C] épouse [K], entraînant la déchéance du terme du contrat de prêt. Droit aux intérêtsLe prêteur a été déchu de son droit aux intérêts contractuels en raison de l’absence de preuve de la consultation préalable du FICP avant l’octroi du crédit. Intérêts légauxLe juge a décidé de ne pas appliquer d’intérêts au taux légal, considérant que cela ne serait pas dissuasif pour le prêteur en cas de non-respect des obligations. Montant de la créance principaleLe montant total des financements a été ajusté, et Mme [T] [C] épouse [K] a été condamnée à payer 2 857,08 € au titre du capital restant dû. Clause pénaleLa clause pénale a été jugée excessive et réduite à un euro, en tenant compte de l’exécution partielle du contrat et de la responsabilité partagée. Dépens et frais irrépétiblesMme [T] [C] épouse [K] a été condamnée aux dépens, tandis que la demande de la SAS EOS France pour les frais irrépétibles a été rejetée en raison du déséquilibre économique entre les parties. Conclusion du jugementLe jugement a déclaré l’action recevable, constaté la déchéance du terme et du droit aux intérêts, et a condamné Mme [T] [C] épouse [K] à payer la somme due sans intérêts. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
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Pôle de la protection, de l’exécution et de la proximité
Service civil
MINUTE n°
N° RG 23/02446 – N° Portalis DB2G-W-B7H-IOWG
Section 3
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 24 octobre 2024
Juge des Contentieux de la protection
PARTIE DEMANDERESSE :
S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la SA CARREFOUR BANQUE, prise en la personne de son représentant légal au siège sis [Adresse 6] – [Localité 7]
représentée par Maître Olivia ZIMMERMANN de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS ZIMMERMANN & ASSOCIES, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 27, Me Hubert MAQUET de la SCP THEMES, avocats au barreau de LILLE
PARTIE DEFENDERESSE :
Madame [T] [C] épouse [K], née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 8] (HAUT RHIN), demeurant [Adresse 1] – [Localité 5]
non comparante
Nature de l’affaire : Prêt – Demande en remboursement du prêt – Sans procédure particulière
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS :
Nadia LARHIARI : Président
Virginie BALLAST : Greffier
DEBATS : à l’audience du 20 Juin 2024
JUGEMENT : rendu par défaut en dernier ressort
prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024 et signé par Nadia LARHIARI, juge des contentieux de la protection, et Virginie BALLAST, Greffier
Suivant offre préalable acceptée le 22 août 2020, la SA Carrefour Banque, aux droits de laquelle vient la SAS EOS France, a consenti à Mme [T] [C] épouse [K] un prêt renouvelable n°50199480323100 d’un montant de 3 800,00 € remboursable par 60 mensualités de 106,00 € hors assurance au taux nominal conventionnel révisable de 19,19 %.
Par courrier recommandé en date du 2 avril 2022, la SA Carrefour Banque, aux droits de laquelle vient la SAS EOS France, a mis en demeure Mme [T] [C] épouse [K] de s’acquitter des échéances impayées.
Par acte de commissaire de justice en date du 27 septembre 2023, la SAS EOS France a fait assigner Mme [T] [C] épouse [K] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse et demande, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
– dire recevable et bien fondée la SA Carrefour Banque, aux droits de laquelle vient la SAS EOS France, en l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
– constater que la déchéance du terme est acquise ;
– condamner Mme [T] [C] épouse [K] à lui payer la somme de 4 181,93 €, majorée des intérêts au taux conventionnel de 9,33 %, à compter du 5 mai 2022,
– condamner Mme [T] [C] épouse [K] à lui payer la somme de 400,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 22 février 2024, lors de laquelle le juge a soulevé d’office l’éventuelle irrecevabilité des demandes en paiement au regard de la forclusion éventuellement acquise, de la régularité de la déchéance du terme considérée et des moyens relatifs aux irrégularités du contrat de crédit sanctionnées par la nullité de celui-ci ou la déchéance du droit aux intérêts.
La SAS EOS France, représentée par son avocat, a sollicité un renvoi pour prendre position sur les moyens soulevés d’office de sorte que l’affaire a été renvoyée puis retenue à l’audience du 20 juin 2024.
A cette audience, la SAS EOS France maintient les demandes formées dans son assignation en indiquant n’avoir pas d’autres pièces à produire et s’en remet quant aux moyens soulevés d’office.
Citée par acte remis selon dépôt à l’étude, Mme [T] [C] épouse [K] ne comparaît pas.
L’affaire est mise en délibéré au 24 octobre 2024.
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et il n’est fait droit à la demande que dans la mesure où elle apparaît régulière, recevable et bien fondée.
Le crédit litigieux est soumis aux dispositions des articles L.311-1 et suivants du Code de la Consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur le 1er mai 2011 de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, dite loi Lagarde.
En vertu de l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Sur la recevabilité de l’action
Sur la forclusion
L’article R.312-35 du code de la consommation dispose qu’à peine de forclusion, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance.
Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé.
En l’espèce, il ressort de la vérification des relevés de compte et du dossier fournis en demande que la créance n’est pas affectée par la forclusion.
L’action en paiement est donc recevable.
Sur la déchéance du terme
En vertu de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Conformément à l’article 1225 du code civil, la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
Si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Cette règle est d’application générale pour tout prêt de somme d’argent, dont les prêts à la consommation.
En l’espèce, la SAS EOS France justifie avoir adressé à Mme [T] [C] épouse [K] une mise en demeure préalable à la déchéance du terme par courrier recommandé avec accusé de réception.
Il convient donc de constater l’acquisition de la déchéance du terme.
Sur la demande principale en paiement
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Par application de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier (FICP) prévu à l’article L.751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L.751-6, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L.511-6 ou au 1 du I de l’article L.511-7 du code monétaire et financier.
L’article L. 341-2 du même code prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information.
Or, en l’espèce, le prêteur ne justifie pas de la consultation préalable du FICP préalablement à l’octroi du crédit, la première consultation ayant été effectuée le 16 avril 2021.
La SAS EOS France sera en conséquence intégralement déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter de la date de conclusion du contrat.
Sur la déchéance du droit aux intérêts légaux
Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-7 du code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt légal étant majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.
Cependant, la Cour de Justice a édicté le principe selon lequel “le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre initiative, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci” (CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal).
Or, l’article 23 de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédits aux consommateurs dispose que les Etats membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées, et que les sanctions soient “effectives, proportionnées et dissuasives”.
Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, LCL / Fesih Kalhan) a jugé que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal si “les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations”.
La Cour de Justice a ainsi ajouté que, “si la sanction de la déchéance du droit aux intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif”, et qu’il appartient à la juridiction saisie “de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation”.
En l’espèce, il résulte des pièces produites que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.
Dès lors, afin d’assurer le respect de la directive précitée, et du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient de ne pas faire application de l’article 1231-7 du code civil et de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, en prévoyant que la somme restant due en capital ne portera pas intérêt, fût-ce au taux légal.
Sur le montant de la créance principale
Compte tenu des développements précédents, il sera déduit du montant total des financements octroyés, soit en l’espèce 4 104,00 €, le montant des versements effectués depuis l’origine tels qu’ils figurent dans le décompte produit par la SAS EOS France, soit la somme de 1 246,92 €.
Dès lors, il convient en conséquence de condamner Mme [T] [C] épouse [K] au paiement de la somme de 2 857,08 €, arrêtée au 5 mai 2022 (soit 4 104,00 € – 1 246,92 €).
Sur la clause pénale
Il résulte de l’article 1231-5 du code civil que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
En l’espèce, la somme réclamée au titre de la clause pénale apparaît manifestement excessive compte tenu, d’une part, de l’intérêt que l’exécution partielle du contrat a déjà procuré au créancier et, d’autre part, du partage de responsabilité entre les parties concernant le préjudice généré par le retard de paiement, l’établissement de crédit ayant fait preuve de négligence lors de l’accomplissement des formalités nécessaires à la souscription du crédit.
Il y a donc lieu d’en réduire le montant à un euro et de condamner Mme [T] [C] épouse [K] au paiement de celle-ci.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Mme [T] [C] épouse [K] qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Il résulte des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
Compte tenu du déséquilibre des situations économiques respectives des parties, il convient de débouter la SAS EOS France de sa demande fondée sur l’application de l’article précité.
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement rendu par défaut et en dernier ressort,
DÉCLARE l’action recevable ;
CONSTATE l’acquisition de la déchéance du terme du contrat de prêt n°50199480323100 en date du 22 août 2020, signé entre la SA Carrefour Banque, aux droits de laquelle vient la SAS EOS France, d’une part, et Mme [T] [C] épouse [K], d’autre part ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts relatif au contrat de prêt n°50199480323100 en date du 22 août 2020, signé entre la SA Carrefour Banque, aux droits de laquelle vient la SAS EOS France et Mme [T] [C] épouse [K] ;
CONDAMNE Mme [T] [C] épouse [K] à payer à la SAS EOS France la somme de 2 857,08 € (deux mille huit cent cinquante-sept euros et huit centimes), arrêtée au 5 mai 2022, au titre du capital restant dû, outre la somme d’un euro au titre de la clause pénale, et ce, sans intérêt, ni contractuel ni légal ;
DÉBOUTE la SAS EOS France du surplus de ses prétentions ;
CONDAMNE Mme [T] [C] épouse [K] aux dépens ;
AINSI JUGE ET PRONONCE par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024, par Nadia LARHIARI, juge des contentieux de la protection et Virginie BALLAST, Greffier .
Le Greffier, Le Juge des contentieux de la protection,