Contexte du PrêtLa SA YOUNITED a accordé un prêt personnel de 25.000€ à M. [P] [V] le 14 mars 2022, avec un remboursement prévu sur 60 mois à un taux débiteur fixe de 4,81% et un TAEG de 4,92%. Assignation de M. [P] [V]Après avoir prononcé la déchéance du terme du prêt suite à une mise en demeure infructueuse, la SA YOUNITED a assigné M. [P] [V] le 7 août 2024 devant le Juge des Contentieux de la Protection, demandant le remboursement de 25.480,92€, la capitalisation des intérêts, et la résiliation judiciaire du contrat pour manquements graves. Audience et Absence de M. [P] [V]L’affaire a été entendue le 17 septembre 2024, où la SA YOUNITED a maintenu ses demandes. M. [P] [V], régulièrement assigné, n’a pas comparu ni été représenté. Recevabilité de l’ActionLe juge a statué sur le fond malgré l’absence de M. [P] [V], considérant que l’action de la SA YOUNITED était recevable, car engagée dans le délai légal de deux ans suite au premier incident de paiement non régularisé survenu le 4 octobre 2022. Résiliation du Contrat de CréditLa déchéance du terme n’a pas été régulièrement prononcée, car aucune mise en demeure n’a été délivrée conformément aux exigences légales. Les courriers de mise en demeure n’informaient pas M. [P] [V] du risque de déchéance. Demande Subsidiaire de Résolution JudiciaireM. [P] [V] n’ayant pas respecté ses obligations de remboursement depuis octobre 2022, le juge a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de prêt, l’assignation valant mise en demeure. Demande en PaiementLa SA YOUNITED a été jugée non conforme aux obligations de vérification de la solvabilité de M. [P] [V], n’ayant pas produit suffisamment de justificatifs ni prouvé la consultation du FICP. Cela a entraîné une déchéance totale du droit aux intérêts. Montant à RembourserM. [P] [V] a été condamné à rembourser 22.104,09€ à la SA YOUNITED, correspondant au capital restant dû, sans intérêts, en raison de la déchéance totale des intérêts. Décisions AnnexesM. [P] [V] a été condamné aux dépens, tandis que la demande de la SA YOUNITED au titre de l’article 700 du Code de procédure civile a été rejetée. Le jugement est exécutoire à titre provisoire. |
Quelles sont les conditions de recevabilité de l’action en paiement de la SA YOUNITED ?
La recevabilité de l’action en paiement de la SA YOUNITED repose sur plusieurs dispositions légales. Selon l’article 122 du Code de procédure civile, le délai de forclusion est une fin de non-recevoir d’ordre public, qui doit être soulevée d’office par le juge, conformément à l’article 125 du même code.
En matière de crédit à la consommation, l’article R 312-35 du Code de la consommation stipule que les actions en paiement doivent être formées dans un délai de deux ans à compter de l’événement ayant donné naissance à l’action, sous peine de forclusion. Cet événement peut être :
– Le non-paiement des sommes dues suite à la résiliation du contrat ou à son terme.
– Le premier incident de paiement non régularisé.
Dans le cas présent, le premier incident de paiement non régularisé a été constaté le 4 octobre 2022.
Ainsi, l’action de la SA YOUNITED, engagée avant l’expiration du délai de deux ans, est donc recevable.
Quelles sont les implications de la déchéance du terme dans le contrat de prêt ?
La déchéance du terme est régie par les articles 1224 et 1225 du Code civil. Ces articles stipulent qu’un contrat de prêt peut inclure une clause résolutoire, permettant au créancier de déclarer la déchéance du terme en cas de défaillance de l’emprunteur.
Cependant, cette déchéance ne peut être prononcée que si le créancier a préalablement délivré une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour régulariser sa situation.
Dans cette affaire, il a été établi qu’aucune stipulation contractuelle ne dispensait la SA YOUNITED de cette obligation. Les courriers de mise en demeure envoyés ne mentionnaient pas le risque de déchéance du terme, ce qui signifie que M. [P] [V] n’a pas été correctement informé de ce risque.
Par conséquent, la déchéance du terme n’a pas été régulièrement prononcée, ce qui a des conséquences sur les droits du créancier.
Quelles sont les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de crédit ?
La résiliation judiciaire d’un contrat de crédit est encadrée par les articles 1103, 1217 et 1224 du Code civil. Ces articles stipulent que les conventions légalement formées engagent leurs signataires et qu’une partie peut provoquer la résolution du contrat en cas d’inexécution de l’engagement.
Dans le cas présent, M. [P] [V] a cessé de rembourser les sommes dues depuis octobre 2022, ce qui constitue une inexécution suffisamment grave de ses obligations contractuelles.
L’assignation de la SA YOUNITED a été considérée comme une mise en demeure, permettant ainsi de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt. Cette résiliation entraîne la cessation des obligations contractuelles entre les parties, et le créancier peut alors exiger le remboursement immédiat du capital restant dû.
Quelles sont les obligations du prêteur en matière de vérification de la solvabilité de l’emprunteur ?
Les obligations du prêteur en matière de vérification de la solvabilité de l’emprunteur sont définies par l’article L. 312-16 du Code de la consommation. Cet article impose au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur en se basant sur un nombre suffisant d’informations, y compris celles fournies par l’emprunteur lui-même.
Le prêteur doit également consulter le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) pour évaluer la situation financière de l’emprunteur.
Dans cette affaire, la SA YOUNITED n’a pas produit de justificatifs suffisants concernant les charges de M. [P] [V] et n’a pas démontré avoir consulté le FICP avant le déblocage des fonds.
En conséquence, la SA YOUNITED n’a pas respecté ses obligations légales, ce qui entraîne la déchéance totale de son droit aux intérêts, conformément à l’article L. 341-2 du Code de la consommation.
Quelles sont les conséquences de la déchéance totale du droit aux intérêts pour le créancier ?
La déchéance totale du droit aux intérêts est prévue par l’article L. 341-2 du Code de la consommation. Cette sanction s’applique lorsque le prêteur n’a pas respecté ses obligations de vérification de la solvabilité de l’emprunteur.
Dans le cas présent, la SA YOUNITED n’a pas fourni suffisamment de justificatifs concernant les charges de M. [P] [V] et n’a pas prouvé la consultation du FICP.
En conséquence, la SA YOUNITED se voit privée de son droit aux intérêts contractuels, ce qui signifie qu’elle ne pourra pas exiger le paiement d’intérêts sur le capital restant dû.
M. [P] [V] sera donc condamné à rembourser uniquement le capital exigible, soit 22.104,09€, sans intérêts, même au taux légal. Cette décision vise à garantir l’effectivité de la sanction et à dissuader les prêteurs de négliger leurs obligations légales.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE POISSY
TPX POI JCP FOND
JUGEMENT RENDU LE 14 Novembre 2024
N° RG 24/00372 – N° Portalis DB22-W-B7I-SKTJ
DEMANDEUR :
S.A. YOUNITED
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier HASCOET, avocat au barreau D’ESSONNE
DEFENDEUR :
M. [P] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Mme Myrtille SURAN
Greffier : Madame Christelle GOMES-VETTER
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2024 par Mme Myrtille SURAN, Juge des contentieux de la protection, assistée de Madame Christelle GOMES-VETTER, Greffier présent lors du prononcé, lesquelles ont signé la minute du présent jugement .
Copie exécutoire à : Me HASCOET
délivrée(s) le :
Selon une offre acceptée le 14 mars 2022, la SA YOUNITED a consenti à M. [P] [V] un prêt personnel d’un montant de 25.000€, remboursable sur 60 mois au taux débiteur fixe de 4,81% et au taux annuel effectif global (TAEG) de 4,92%.
Faisant valoir qu’elle avait prononcé la déchéance du terme du prêt après une mise en demeure restée infructueuse, la société YOUNITED a, par acte du 7 août 2024, assigné M. [P] [V] devant le Juge des Contentieux de la Protection du tribunal de proximité de POISSY aux fins suivantes :
Condamner M. [P] [V] à lui payer la somme de 25.480,92€ au titre du prêt avec intérêts au taux contractuel de 4,81% l’an à compter de la mise en demeure du 21 avril 2023 et, à titre subsidiaire, à compter de l’assignation ;Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code civil ;A titre infiniment subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat pour manquements graves et réitérés de M. [P] [V] à son obligation contractuelle de remboursement du prêt et le condamner à lui payer la somme de 25.480,92€ au taux légal à compter du jugement ;En tout état de cause, condamner M. [P] [V] à lui payer la somme de 800€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 17 septembre 2024, à laquelle la société YOUNITED, représentée, a maintenu les termes de son assignation.
M. [P] [V], régulièrement assigné selon procès-verbal de recherches infructueuses (PV 659), n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
L’affaire a été mise en délibéré au 14 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.
Aux termes de l’article 472 du Code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée. M. [P] [V], non-comparant, ayant été régulièrement assigné, il sera statué malgré son absence.
1° Sur la recevabilité de l’action
Il résulte des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile que le délai de forclusion est une fin de non-recevoir ayant un caractère d’ordre public qui doit être soulevée d’office par le juge en application de l’article 125 du même code.
Conformément à l’article R 312-35 du Code de la consommation, les actions en paiement engagées en raison de la défaillance de l’emprunteur en matière de crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
– ou le premier incident de paiement non régularisé ;
– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;
– ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.
En l’espèce, l’historique du prêt laisse apparaître que le premier incident de paiement non régularisé date du 4 octobre 2022, de sorte que l’action en paiement a été engagée dans le délai légal de deux ans qui était imparti au créancier.
Partant, l’action de la SA YOUNITED est recevable.
2° Sur le fond
Sur la résiliation du contrat de crédit
Sur la déchéance du terme
En application des articles 1224 et 1225 du code civil, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir une clause résolutoire selon laquelle la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier, sauf disposition expresse et sans équivoque, sans la délivrance préalable d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
En l’espèce, aucune stipulation contractuelle ne dispensait expressément le créancier de mettre le débiteur en demeure avant de prononcer la déchéance du terme.
Or, aucun des deux courriers de mise en demeure en date du 10 septembre 2022 ne mentionne le risque de déchéance du terme en l’absence de régularisation de la situation par le débiteur, de sorte que M. [P] [V] n’a pas été régulièrement avisé de ce risque avant son prononcé.
Dans ces conditions, il sera tenu pour acquis que la déchéance du terme n’a pas été régulièrement prononcée.
Sur la demande subsidiaire de résolution judiciaire du contrat de crédit
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires.
Or, en application des articles 1217 et 1224 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut provoquer la résolution du contrat. La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
En l’espèce, force est de constater qu’à compter d’octobre 2022, M. [P] [V] ne s’est plus acquitté des sommes dues au créancier en vertu du contrat de prêt, alors qu’il s’agit de l’obligation essentielle de l’emprunteur. Il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt conclu entre les parties le 14 mars 2022, l’assignation valant mise en demeure du débiteur.
Sur la demande en paiement
S’agissant d’un contrat de crédit, l’article L. 312-39 du Code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.
Toutefois, en application de l’article L. 312-16 du Code de la Consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte à ce titre le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).
Cette obligation suppose une démarche proactive du prêteur consistant à demander, obtenir et analyser les justificatifs de l’emprunteur au titre de ses ressources et charges (les seules ressources ne permettant pas d’évaluer une solvabilité).
En l’espèce, la SA YOUNITED se contente de verser aux débats une fiche de dialogue avec pour seuls justificatifs permettant de corroborer les informations données dans cette fiche, un avis d’imposition sur les revenus de 2020 et deux bulletins de salaire (janvier et février 2022). Aucun justificatif relatif à ses charges n’est produit. En outre, la SA YOUNITED ne rapporte pas la preuve de la consultation du FICP préalablement au déblocage des fonds, puisque la pièce produite en ce sens ne mentionne ni le nom du fichier consulté, ni le nom du débiteur, ni la date de consultation. Le créancier n’a donc pas rempli ses obligations en la matière.
La sanction applicable, prévue par l’article L. 341-2 du Code de la Consommation, est la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts contractuels. Il s’agira en l’occurrence d’une déchéance totale étant donné que la fiche de dialogue comportait peu de renseignements utiles, qu’elle est corroborée par un nombre de justificatifs insuffisant et que la consultation du FICP, pourtant primordiale, n’est pas démontrée.
En conséquence et eu égard à la déchéance du droit aux intérêts de l’organisme financier, M. [P] [V] sera condamné à verser à la SA YOUNITED la somme de 22.104,09€ correspondant au remboursement du restant capital dû, déduction faite de la totalité des intérêts versés et à échoir, ainsi que des sommes dues au titre des indemnités de retard et de l’indemnité légale de transmission au contentieux, laquelle n’est pas fondée. Cette somme ne portera intérêt au taux légal qu’à compter de la signification de la présente décision, eu égard à la déchéance totale du droit aux intérêts du créancier.
Afin d’assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier qui affaiblissent, voire annihilent la sanction de déchéance du droit aux intérêts, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal. En effet, le taux d’intérêt débiteur contractuel étant de 4,92% l’an, les montants étant effectivement susceptibles d’être perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal actuel qui plus est s’il était majoré de cinq points, malgré la déchéance du droit aux intérêts, sont identiques voire supérieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s’il avait respecté ses obligations légales, de sorte que la sanction de déchéance du droit aux intérêts ne revêtirait pas de caractère effectif et dissuasif.
Sur les demandes annexes
Les demandes du créancier ayant été en partie accueillies, M. [P] [V] supportera les dépens.
L’équité et la situation économique des parties commandent en revanche de rejeter la demande du YOUNITED sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Enfin, il convient de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
Le Juge des Contentieux de la Protection statuant par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
PRONONCE la résiliation du contrat de prêt conclu le 14 mars 2022 entre la SA YOUNITED et M. [P] [V] ;
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts pour défaut de vérification de la solvabilité de l’emprunteur par un nombre suffisant d’informations et défaut de preuve de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
CONDAMNE M. [P] [V] à verser à la SA YOUNITED la somme de 22.104,09€ (vingt-deux-mille-cent-quatre euros et neuf centimes) au titre du remboursement du capital exigible ;
DIT n’y avoir lieu à application des articles 1231-6 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier et en conséquence,
DIT que cette somme ne portera pas intérêt au taux légal ni intérêt au taux légal majoré ;
CONDAMNE M. [P] [V] aux dépens ;
REJETTE la demande de la SA YOUNITED formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
LA GREFFIÈRE LA JUGE