Prêt illicite de main d’oeuvre : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/00959

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/00959

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 22/00959 – N° Portalis DBVX-V-B7G-ODFI

[A]

C/

Société DAUPHINE LIBERE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Cour de Cassation de PARIS

du 01 Décembre 2021

RG : 1372 F-D

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

[N] [A]

née le 05 Juin 1982 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représentée par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société DAUPHINE LIBERE

[Adresse 15]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Geoffrey Barthélémy CENNAMO, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS substitué par Me Philippe THIVILLIER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Régis DEVAUX,

Françoise CARRIER, Présidente de Chambre

Assistés pendant les débats de Ludovic ROUQUET, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Décembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Mme [N] [A] a été engagée à compter du 7 décembre 2007 en qualité de stagiaire par la société Le Dauphiné Libéré (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée successifs puis en qualité de rédacteur suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2010, avec reprise d’ancienneté au 27 janvier 2008, soumis à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976.

Elle a été élue pour une durée de deux ans en qualité de déléguée du personnel suppléante le 22 juin 2011. Son mandat n’a pas été renouvelé.

A compter du mois d’octobre 2012, elle a été mise à la disposition du bureau d’informations générales (le BIG) dépendant de l’association de droit local d’Alsace-Lorraine, Association générale d’information régionale – Est France Europe (AGIR-EFE) chargé de produire le contenu éditorial commun, pour les informations nationales et internationales à destination des sociétés et journaux – dont le Dauphiné libéré- détenus par la société EBRA devenue la SA SIM. L’équipe du BIG était composée de journalistes détachés de leur organe de presse régional.

Au mois de février 2015, il a été proposé à Mme [A], ainsi qu’à tous les salariés du BIG, d’intégrer une nouvelle structure dénommée AGIR qui devait être créée afin de remplacer le BIG à compter du 1er avril 2015. Il lui a été proposé un nouveau contrat de travail, son employeur devenant la société AGIR, agence de presse autonome à part entière.

L’intégration dans cette structure lui a été refusée par M. [T], directeur d’AGIR, au motif qu’elle n’avait pas répondu à la proposition qui lui avait été faite avant la date butoir du 29 mars 2015. Elle devait en conséquence réintégrer le Dauphiné Libéré à compter du 1er avril. Elle a été placée en arrêt pour maladie d’origine non professionnelle du 3 au 11 avril puis en congés jusqu’au 27 avril.

Le 28 avril 2015, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 6 mai puis reporté au 12 mai.

Elle a été licenciée par la société le 18 mai 2015 dans les termes suivants :

‘[…]Notre journal exerce une activité rédactionnelle à partir de ses agences suitées dans 8 départements.

Vous êtes journaliste.

Votre contrat de travail prévoit une clause de mobilité, elle s’est d’ailleurs appliquée quand vous avez été mutée à [Localité 12].

Votre activité s’exerçait en dernier lieu au sein du Bureau Parisien (Bureau d’informations générales) qui regroupait des journalistes de diférents titres de journaux régionaux pour une activité rédactionnelle commune.

A la suite de la constitution de l’agence de presse AGIR, celle-ci vous a proposé, le 25 février dernier pour une prise d’effet au 1er avril 2015, la conclusion d’un contrat de travail avec reprise d’ancienneté.

Vous disposiez de la liberté d’accepter ou non ce contrat de travail.

Des tergiversations de votre part sur les conditions de votre contrat de travail sont alors intervenues et vous avez souhaité une négociation sur différents points de la proposition qui vous était faite.

Une seconde version de votre contrat de travail vous a été proposée par mail du 26 mars 2015 par Madame [MJ] [D]. Ce mail de 19h24 vous précisait bien que vous deviez vous positionner sur la dernière proposition avant la fin de la semaine soit le 29 mars au plus tard.

Ce mail était très clair puisqu’il vous indiquait : A défaut, je vous remercie de prendre contact avec Madame [R] [F], Directrice des Ressources Humaines du Dauphiné Libéré au [XXXXXXXX01] avant le 1er avril 2015 en vue d’organiser votre retour en région.

Vous avez cru bon devoir poursuivre la négociation de ce contrat avec AGIR, indiquant par votre mail du 31 mars à 19h50 adressé au Directeur d’AGIR, qu’il y avait ‘encore quelques oublis…’ et demandant si quelques aménagements vous concernant étaient encore possibles.

Il vous a été répondu que la dernière proposition qui vous avait été faite était définitive et il vous a été demandé de prendre contact au plus vite avec Madame [R] [F], DRH du Dauphiné Libéré.

Le 1er avril 2015, vous avez décidé de signer le contrat de travail proposé et de le remettre à AGIR.

Vous avez été informée le 2 avril par le Directeur d’AGIR que la société avait démarré son activité le 1er avril avec les seuls personnels qui avaient, avant cette date, conclu un contrat de travail avec cette société.

Tel était le cas de notre salariée, [OH] [E].

Votre comportement envers AGIR, qui vous proposait la poursuite de vos relations de travail dans les meilleurs conditions, a été déloyal puisque vous avez cherché à imposer vos vues mettant ainsi en péril les relations.

Par votre e-mail du 30 avril 2015, vous vous êtes d’ailleurs excusée auprès de M. [M] [T] de votre comportement et de vos hésitations et vous avez reconnu vos erreurs, comprenant tout à fait que vous n’avez finalement pas été acceptée dans l’équipe rédactionnelle d’AGIR.

De votre fait, vous avez été sans affectation fixe dans nos relations.

J’ai donc pris l’initiative de vous contacter une première fois le 1er avril, puis le 2 avril, pour vous proposer un rendez-vous dès le 3 avril afin d’organiser votre retour dans les meilleurs délais et conditions.

Par mail du 2 avril à 15h17, vous m’indiquiez ne pas pouvoir me rencontrer le 3 et vous me précisiez ‘je vous recontacte en début de semaine pour pouvoir refixer un rendez-vous avant mes vacances’.

Sans attendre le début de la semaine suivante, je vous informais, dès le 3 avril, que vous attendais le mardi 7 avril 2015 à 11h30 dans mon bureau à [Localité 3]. A compter du 3 avril, vous avez bénéficié d’un arrêt maladie. Le mercredi 8 avril, vous m’informiez que votre état de santé vous permettait de reprendre votre activité.

A ce comportement déloyal dans nos relations consistant à imposer votre position à AGIR, se sont ajoutées les conditions particulièrement choquantes de votre retour auprès de nous.

En effet, alors que vous aviez pris la décision de demeurer notre salariée, c’est nous, comme indiqué ci-dessus, qui avons dû prendre l’initiative de revenir vers vous puisque vous étiez sans activité et vous avez pris le parti de poser des jours de congés payés plutôt que de répondre à notre invitation pour évoquer votre nouvelle situation dans l’exécution de votre contrat de travail.

Le manquement à votre obligation de loyauté dans nos relations nous conduit à vous notifier votre licenciement pour les motifs susvisés.

Il est rappelé que ce n’est pas la première fois que la société est amenée à constater le caractère déloyal et désinvolte de votre comportement dans nos relations qui remet en cause toute possibilité d’organisation de notre activité journalistique.

Votre comportement passé a été le suivant :

Le 16 juillet 2014, alors que vous étiez affectée à [Localité 12], vous avez exprimé le souhait de revenir travailler en région. Vous avez confirmé votre demande par écrit le 25 septembre 2014.

Au cours de notre entretien du 3 octobre 2014, nous vous avons proposé un poste de journaliste au centre départemental de [Localité 9].

Prenant alors le contrepied de votre position initiale de demande de mobilité, vous avez refusé ce poste alors qu’il correspondait à votre demande et se situait dans le champ d’application de votre clause de mobilité.

Et à votre retour à [Localité 12] après l’échec de votre intégration à AGIR, dont vous portez l’entière responsabilité, cette proposition vous a été renouvelée au cours de notre entretien du 27 avril 2015 et vous avez à nouveau refusé cette affectation.

Ce refus nous a été confirmé au cours de la réunion du comité d’entreprise du 27 avril 2015, au cours de laquelle votre situation a été évoquée. Un des membres du comité d’entreprise a confirmé votre refus quant à cette affectation.

Votre préavis de deux mois commencera à courir à compter de la première présentation de cette lettre à votre domicile par les services de la Poste.

Ce préavis sera dispensé et payé’.

Le 31 juillet 2015, elle a saisi le conseil de prud’homme de Grenoble à l’effet de voir déclarer son licenciement nul pour discrimination syndicale et, à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse, d’obtenir sa réintégration et paiement d’indemnités diverses ainsi qu’un rappel de salaire et congés payés.

Par jugement du 11 mai 2017, le conseil de prud’hommes a :

– dit que la discrimination syndicale alléguée par Mme [N] [A] n’était pas avérée,

– dit n’y avoir lieu à nullité du licenciement ni à réintégration de la salariée,

– débouté Mme [N] [A] de ses demandes principales,

– dit que le licenciement de Mme [N] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société à payer à Mme [N] [A] la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêt outre 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [N] [A] du surplus de ses demandes,

– ordonné à la société re rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées dans la limite de six mois,

– débouté cette dernière de sa demande reconventionnelle,

– condamné la société aux dépens.

Sur appel de Mme [N] [A] et par un arrêt du 4 juillet 2019, la cour d’appel de Grenoble a :

– rejeté l’exception élevée par la société tendant à la nullité de l’intervention volontaire du syndicat USJ-CFDT et déclaré recevable cette intervention,

– déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [N] [A] à l’encontre de l’association AGIR-EFE, de la SA AGIR et de la SAS SIM,

– déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire formée par Mme [N] [A] au titre de la ‘prime nouveaux médias’,

– infirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre de l’indemnité de licenciement et condamné Mme [N] [A] à verser à la société la somme de 2 051,15 € en remboursement d’un trop perçu au titre de l’indemnité de licenciement,

– confirmé le jugement pour le surplus,

– débouté Mme [N] [A] de sa demande indemnitaire au titre du prêt illicite de main d’oeuvre,

– débouté le syndicat USJ-CFDT de ses demandes,

– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société au paiement des dépens à l’exception des frais liés à l’intervention forcée de l’association AGIR-EFE, de la SA AGIR et de la SAS SIM, laissés à la charge de Mme [N] [A].

Par arrêt en date du 19 mai 2021 et par arrêt de rabat partiel en date du 1er décembre 2021, la cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire formée par Mme [N] [A] au titre de la ‘prime nouveaux médias’,

– confirmé le jugement en ce qu’il a dit que la discrimination syndicale alléguée par Mme [N] [A] n’était pas avérée et débouté celle-ci de sa demande indemnitaire de ce chef ainsi que de sa demande en paiement d’un complément d’indemnité compensatrice de congés payés,

– infirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société Le Dauphiné Libéré de sa demande reconventionnelle au titre de l’indemnité de licenciement, condamné Mme [N] [A] à verser à la société la somme de 2 051,15 € en paiement du trop-perçu au titre de l’indemnité de licenciement et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

1) Le 2 février 2022, Mme [N] [A] a saisi la cour d’appel de Lyon désignée comme cour de renvoi (procédure RG 22/959)

Aux termes de conclusions notifiées le 15 juillet 2022, Mme [N] [A] demande à la cour de :

à titre principal,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la discrimination syndicale n’était pas avérée, dit n’y avoir lieu à nullité du licenciement et à réintégration et l’a déboutée de ses demandes principales,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Le Dauphiné Libéré de ses demandes reconventionnelles,

– condamner la société Le Dauphiné Libéré à lui payer la somme de 42 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

– dire que son licenciement est nul,

– ordonner sa réintégration,

– ordonner à la société le Dauphiné Libéré d’appliquer au salaire de référence servant de base au calcul de l’indemnité d’éviction les augmentations générales ainsi que la moyenne des augmentations individuelles depuis le licenciement,

– condamner la société Le Dauphiné Libéré à lui payer la somme de 351 669,26 € à titre d’indemnité arrêtée au 6 octobre 2022, outre 2 695 € à titre de congés payés du 19 juillet 2015 au 9 février 2016,

– ordonner à la société Le Dauphiné Libéré de lui délivrer les bulletins de paie mensuels sous forme dématérialisée pour chaque mois écoulé entre son licenciement et sa réintégration,

– débouter la société Le Dauphiné Libéré de sa demande incidente tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 2 057,40 € au titre du trop perçu d’indemnité de licenciement,

subsidiairement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et débouté la société Le Dauphiné Libéré de ses demandes reconventionnelles incidentes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Le Dauphiné Libéré à lui payer la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société le Dauphiné Libéré à lui payer la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes reconventionnelles et incidentes,

– débouter la société Le Dauphiné Libéré de ses demandes reconventionnelles,

– condamner la société Le Dauphiné Libéré à lui payer les sommes suivantes :

‘ 3 689,37 € à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de congés payés,

‘ 223,84 € à titre de reliquat d’indemnité de licenciement,

‘ 5 901,60 € à titre de rappels de salaire au titre de la ‘prime nouveaux médias’,

– ordonner à la société le Dauphiné Libéré d’avoir à lui délivrer le certificat de travail, l reçu pour solde de tout compte, l’attestation Pôle Emploi, les bulletins de salaire mensuels sous forme dématérialisée,

– débouter la société le Dauphiné Libéré de toutes ses demandes,

– condamner la société Le Dauphiné Libéré à lui verser la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 7 septembre 2022, la société Le Dauphiné Libéré demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ dit que la discrimination syndicale alléguée par Mme [N] [A] n’était pas avérée,

‘ dit n’y avoir lieu à nullité du licenciement,

‘ débouté Mme [N] [A] de ses demandes principales et du surplus de ses demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ dit que le licenciement de Mme [N] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

‘ l’a condamnée à payer à Mme [N] [A] la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux dépens,

‘ ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [N] [A] dans la limite de six mois,

subsidiairement,

– limiter la condamnation à dommages et intérêts à 5 000 €,

– dire que l’assiette de rémunération servant de base au calcul pour la réintégration entre la date du licenciement et le 6 octobre 2019 est limitée à 2 952,98 € correspondant à 3 852,98 € – 900 € brut de vie chère soit la somme totale de 262 815,22 € brut au 6 octobre 2022,

– débouter Mme [N] [A] de sa demande au titre de la ‘prime nouveaux médias’,

– condamner Mme [N] [A] à lui payer la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

2) Par requête reçue au greffe le 17 mai 2022, (procédure RG 22/3640) Mme [N] [A] a saisi la cour d’une demande de rectification de l’omission de statuer affectant l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble.

Aux termes de conclusions notifiées le 31 août 2022, elle demande à la cour de :

– ordonner la jonction des procédures RG 22/959 et RG 22/3640,

– compléter l’arrêt du 14 juillet 2019 par la disposition suivante : condamner la société Le Dauphiné Libéré à lui payer la somme de 691,74 € à titre de complément d’indemnité de préavis outre 69,17 € au titre des congés payés afférents,

– condamner la société Le Dauphiné Libéré à lui payer la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions en réponse, la société Le Dauphiné Libéré demande à la cour de :

– ordonner la jonction des procédures RG 22/959 et RG 22/3640,

– limiter la condamnation à l’indemnité de congés payés à la somme de 575,68 € et l’indemnité compensatrice de congés payés afférente à la somme de 57,57 € brut,

– débouter Mme [A] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de jonction

Selon l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

S’agissant de deux instances sur renvoi de cassation d’un seul et même arrêt, il est de bonne justice de statuer par un seul et même arrêt et d’ordonner la jonction sollicitée entre les instances RG 22/959 et RG 22/3640 de sorte qu’il sera statué par un seul et même arrêt.

Sur la discrimination

Selon l’article L.2141-5 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Il en résulte qu’un salarié ne doit pas faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte à raison notamment de ses activités syndicales. Il est constant qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l’article L.1134-1 dans sa version applicable au litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La discrimination se traduit par une disparité de traitement au désavantage d’un salarié. En cas de discrimination se traduisant par un blocage de carrière ou par des écarts de rémunération, il appartient au demandeur de se comparer avec des salariés en situation comparable.

Mme [N] [A] fait valoir :

– qu’elle n’a pas bénéficié d’entretiens d’évaluation au cours de sa période d’emploi,

– qu’elle n’a bénéficié d’aucune promotion professionnelle ni revalorisation salariale, hors évolution de carrière liée à l’application automatique de la convention collective,

– qu’elle a été victime d’une opposition à sa réintégration au sein de la société,

– qu’elle a fait l’objet d’une convocation à entretien préalable au licenciement quelques jours seulement après le premier tour des élections à la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels à laquelle elle était candidate, qu’elle avait une activité et des engagements syndicaux connus de l’employeur,

– que le licenciement prononcé à son encontre est injustifié et motivé par ses engagements syndicaux,

– que ces éléments dont la matérialité était établie, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une discrimination.

L’employeur fait valoir :

– que Mme [N] [A] ne rapporte pas la preuve que les activités syndicales dont elle se prévaut étaient connues de lui de sorte qu’elles ne peuvent entrer dans le périmètre de la discrimination syndicale,

– que le licenciement est intervenu à une date où Mme [N] [A] ne disposait d’aucun mandat de représentation du personnel sous une étiquette syndicale,

– que la salariée a fait l’objet d’un entretien professionnel en 2011, à une date où elle disposait d’un mandat syndical, qu’en 2012, 2013 et 2015, elle était détachée à [Localité 12], que d’autres salariés détachés au BIG n’ont pas non plus eu d’entretiens professionnels,

– que la salariée a bénéficié d’une progression de carrière,

– qu’il n’a pas entravé la réintégration de la salariée,

– que le seul licenciement, même dépourvu de cause réelle et sérieuse, ne permet pas de laisser supposer l’existence d’une discrimination,

– que la carrière de Mme [N] [A] n’a pas stagné.

Sur les éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination

Sur l’absence d’entretien d’évaluation

Le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 4ème établissement auquel appartenait alors Mme [A] en date du 22 septembre 2011 indique qu’il était souhaitable que les salariés bénéficient d’au moins un entretien annuel tous les deux ans.

Le procès-verbal du CE du 27 décembre 2012 fait état de ce que la direction avait édité un document relatif au déroulement des entretiens annuels individuels et précise que cet entretien a lieu une fois par an, en principe à l’initiative du supérieur hiérarchique mais qu’il peut également être sollicité par le salarié.

Le procès-verbal du CE du 30 mars 2015 indique que la règle est désormais d’un entretien individuel tous les deux ans.

S’agissant de Mme [A], embauchée suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2010, l’employeur produit un entretien d’évaluation en date du 5 avril 2011 rédigé au crayon et non signé de l’évaluateur ni de la salariée.

Mme [A] fait valoir que le compte-rendu de cet entretien n’a pas été validé par son supérieur hiérarchique, M. [K], qu’il n’a jamais été envoyé au service du personnel et qu’il est resté à l’état de brouillon.

Toutefois, il est acquis que cet entretien a eu lieu et que chaque partie disposait d’un exemplaire. D’autre part, il ressort de son contenu que Mme [A] n’était pas satisfaite de son poste à [Localité 5], qu’elle souhaitait se voir proposer un autre poste, avec plus de responsabilités, se déclarant prête à bouger géographiquement ‘pour ne plus faire la même chose’.

Le fait qu’il lui ait été proposé par la suite un poste conforme aux voeux exprimés lors de cet entretien démontre que, contrairement à ce que soutient la salariée, cet entretien a bien été transmis au siège et sa teneur prise en compte.

Le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 22 septembre 2011 mentionnant une question générale de la CFDT sur la transmission des entretiens à la direction centrale est dépourvu de valeur probante quant aux situations individuelles des salariés évalués et en l’espèce quant à celle de Mme [A]. Il ressort en outre de ce procès-verbal que les comptes-rendus d’entretien étaient remis au service du personnel du siège.

L’absence d’entretien pour la période antérieure à 2011 ne peut être mise en lien avec un quelconque engagement syndical de la salariée qui n’est ni allégué ni démontré.

S’il est établi que Mme [A] a bien bénéficié d’un entretien d’évaluation en 2011 dans l’année suivant son embauche en CDI, elle n’en a plus eu par la suite jusqu’à son licenciement soit pendant toute la durée de son détachement au BIG.

Sur le retard à l’évolution de carrière

La salariée invoque une différence de traitement par rapport à ses collègues de travail reprochant à l’employeur de ne l’avoir pas fait passer de l’indice 120, atteint depuis le 1er février 2012, à l’indice 135 alors qu’elle n’avait jamais démérité et qu’elle avait déjà 8 ans d’ancienneté à la date de la rupture de son contrat de travail.

Elle se compare avec M. [Y], embauché en mai 2007 ayant bénéficié de l’indice 135 en mars 2013, à M. [O], embauché en juillet 2007 et passé au 135 en mars 2011, à Mme [U], embauchée en mai 2007 et passée au 135 en novembre 2009, à Mme [E]-[J] embauchée en 2003 et passée l’indice 135 en mars 2009 après 6 ans, à Mme [W] embauchée en octobre 2008 passée au 135 en 2016 après 7 ans.

Conventionnellement, les journalistes doivent attendre cinq ans avant de passer au coefficient 135. Mme [A] avait 7 ans révolus d’ancienneté à la date de son licenciement dont trois ans à l’indice 120.

Elle justifie que 4 collègues ont été promus à l’indice 135 dans des délais plus brefs :

– M. [Y] a atteint l’indice 120 le 1er janvier 2010 et est passé à l’indice 135 le 1er mai 2013 soit au bout de deux ans et cinq mois et avec une ancienneté de 6 ans. Il avait pris la responsabilité de l’agence de [Localité 14] en novembre 2012 ;

– Mme [O] a atteint l’indice 120 le 1er juillet 2010 et est passée à l’indice 135 à compter du 1er mars 2011 soit après moins d’un an, avec une ancienneté de 3 ans et demi. Elle était journaliste diplômée ;

– Mme [U] a atteint l’indice 120 le 1er mai 2009. Elle est passée à l’indice 135 en novembre 2009 soit au bout de six mois et avec une ancienneté de 2 ans et demi. Elle avait deux ans d’expérience professionnelle antérieure ;

– Mme [E]-[J] a atteint l’indice 120 le 1er mai 2007 et est passée à l’indice 135 à compter du 1er mars 2009 soit au bout de deux ans et avec une ancienneté de 6 ans.

Par contre, Mme [W], qui avait atteint l’indice 120 à compter du 1er janvier 2011, est passée à l’indice 135 à compter du 1er janvier 2016 soit après cinq ans et avec une ancienneté de 7 ans.

Sur l’absence d’augmentation idividuelle

Mme [A] fait valoir :

– qu’elle n’a bénéficié que de l’augmentation automatique de salaire, revalorisation prévue par les dispositions conventionnelles, l’évolution importante de sa rémunération n’étant due qu’à son statut initial de journaliste stagiaire au recrutement alors qu’une évolution individuelle de la rémunération était possible et pratiquée dans l’entreprise,

– que plusieurs de ses collègues ont bénéficié d’augmentations individuelles sous forme de suppléments individuels variant de 100 à 250 € par mois, pour la plupart moins de trois ans après leur embauche alors qu’elle-même n’en a pas bénéficié bien que n’ayant jamais fait l’objet de reproches quant à la qualité de son travail et alors que sa mutation au BIG laissait supposer la reconnaissance de son professionnalisme.

Elle justifie que ses collègues [L], [E]-[J], [W], [X], [U] et [VY] ont bénéficié de suppléments individuels quelques années seulement après leur embauche.

Sur la prime ‘nouveaux medias’

Aux termes d’un accord groupe en date du 26 mai 2008, il a été convenu d’accorder aux journalistes 5 points supplémentaires sous forme de prime mensuelle ‘nouveaux medias’ rémunérant l’implication des journalistes sur les nouveaux supports d’information, versée à hauteur de trois points à compter du 1er juin 2008 et de deux points à compter du 1er décembre 2008.

Mme [A] fait valoir que Mme [E]-[J], M [Y], Mmes [I], [U], [X] ou M. [H] ont bénéficié de la prime ‘nouveaux medias’ instaurée par l’accord collectif du sans condition particulière et qu’ayant été embauchée avant 2008, elle aurait dû bénéficier de ladite prime.

Il est acquis qu’elle n’a pas bénéficié de ladite prime alors qu’elle était salariée de l’entreprise au mois de mai 2008 et que son CDD avait été renouvelé au mois de juin 2008.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, reproche à la salariée :

– ses tergiversations dans la négociation de son contrat de travail avec la société AGIR poursuivies au delà de la date butoir du 29 mars en cherchant à imposer ses vues sur le contenu du contrat, constitutives d’un comportement déloyal,

– de n’avoir fait aucune diligence pour reprendre contact avec Mme [F], directrice des ressources humaines, en vue d’organiser son retour en région et de s’être soustraite à toute reprise de contact début avril 2015 alors qu’elle était sans affectation depuis le 1er avril et qu’elle aurait dû être à la disposition de l’employeur, ce comportement étant considéré également comme un manquement à l’obligation de loyauté.

Même à le considérer comme établi, la société ne pouvait faire grief à la salariée d’un comportement déloyal avec une société tierce tendant à la conclusion d’un nouveau contrat de travail, sans caractériser l’existence d’un manquement de la salariée aux obligations nées de son contrat de travail ni caractériser l’existence d’un comportement fautif ou préjudiciable de la salariée à son égard.

S’agissant des circonstances de sa réintégration au sein du Dauphiné Libéré, l’employeur n’établit de la part de Mme [A] aucune insubordination ni volonté délibérée de la salariée de se soustraire à son pouvoir de direction. Il ne peut légitimement faire grief à Mme [A] d’avoir bénéficié de congés payés qu’elle avait nécessairement été amenée à lui accorder. Plus généralement, il ne peut valablement lui reprocher de s’être trouvée sans affectation à compter du 1er avril alors qu’il lui appartenait de planifier et d’organiser le travail de sa salariée, notamment dans l’hypothèse d’une échec des négociations relatives à son recrutement par la société AGIR dont il avait été informé.

Enfin, au jour du licenciement, soit le 18 mai 2015, la société n’était plus fondée à invoquer des faits qu’elle estime fautifs, survenus entre le 16 juillet et le 3 octobre 2014 soit plus de six mois avant le déclenchement de la procédure de licenciement.

C’est dès lors par une juste appréciation que le conseil de prud’hommes a retenu que le licenciement de Mme [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’ensemble des éléments ci-dessus analysés, dont la matérialité est établie, pris dans leur ensemble, laisse présumer l’existence d’une discrimination.

Sur l’entrave à la réaffectation de Mme [A] au Dauphiné Libéré

Mme [A] fait valoir :

– que lors du comité d’entreprise du 29 décembre 2014, la société s’était engagée à réaffecter les salariés qui ne souhaitaient pas rejoindre l’agence de presse AGIR,

– que n’étant pas disponible pour se rendre au rendez-vous au siège du Dauhiné Libéré à [Localité 3] qui lui avait été fixé par mail du 2 avril par le directrice des ressources humaines, Mme [F], elle avait recontacté cette dernière le 8 avril alors qu’elle était en arrêt maladie pour convenir d’un nouveau rendez-vous qui avait été fixé au 27 avril à son retour de congés,

– qu’il lui avait été refusé d’être accompagnée par M. [V], délégué syndical ; qu’au cours de cet entretien, il lui avait été proposé une rupture conventionnelle qu’elle avait refusée et à défaut une mutation à l’agence de [Localité 9] ce qui était une façon de la mettre à l’écart ; qu’elle avait sollicité un délai de réflexion n’étant pas opposée à une telle affectation ;

– qu’aucune offre de réaffectation écrite ne lui avait été faite malgré ses demandes ; qu’il existait d’autres postes disponibles ([Localité 11] et [Localité 6]) que celui de [Localité 9] et que les agences de [Localité 10], [Localité 13], [Localité 8], [Localité 14], [Localité 7] recherchaient des salariés ; que la société ne démontre pas qu’il y ait eu des candidatures sur ces postes ;

– que la candidature de Mme [G] sur le poste de [Localité 11] est postérieure à l’entretien du 27 avril, que le choix opéré entre elle et Mme [G] n’est pas objectivement justifié ; que sur les autres postes disponibles, l’employeur n’apporte aucune explication ce qui caractérise une refus de réaffectation, que la précipitaion dans l’engagement de la procédure marque la volonté de l’exclure de l’entreprise.

Elle invoque notamment les procès-verbaux du comité d’entreprise du Dauphiné Libéré en date des 27 octobre 2014 et 27 avril 2015.

La société fait valoir :

– que c’est Mme [A] qui s’est montrée indisponible alors qu’elle était sans affectation depuis le 1er avril 2015, informée du refus d’embauche par l’AGIR et renvoyée à reprendre contact avec son employeur non seulement par M. [T], directeur du BIG, mais également par M. [C], rédacteur en chef du BIG, et ce dès le 31 mars,

– qu’il est manifeste qu’elle n’entendait pas se tenir à sa disposition de ce dernier et qu’elle entendait atermoyer et gagner du temps pour tenter de continuer à négocier avec AGIR et M. [T], envisageant de démissionner,

– qu’elle a eu un comportement de fuite à son égard, refusant toute proposition en dehors de [Localité 12], ce que confirme sa lettre d’excuses à M. [T] en date du 3 juin 2015, alors qu’elle était dans un lien de subordination et qu’il lui appartenait de se tenir à sa disposition à tout le moins pour envisager une nouvelle affectation sur le périmètre d’activité du journal.

Mme [A] avait été informée de la nécessité de prendre contact avec la direction des ressources humaines du Dauphiné Libéré dès lors que sa candidature au sein d’AGIR n’était pas acceptée faute pour elle de s’être positionnée sur les conditions de son transfert à la date butoir du 29 mars 2015. Il ressort d’un courriel de M. [C], son directeur de rédaction au sein du BIG, en date du 31 mars 2015, adressé à M. [YH], directeur de la rédaction au Dauphiné Libéré, qu’elle se refusait à cette démarche. C’est dans ces conditions que le 1er avril 2015, Mme [F], directrice des ressources humaines du Dauphiné Libéré, a contacté Mme [A] pour lui proposer un rendez-vous dès le 3 avril ‘pour organiser son retour dans les meilleurs délais et conditions’. Par courriel du 2 avril, Mme [A] a informé son employeur qu’elle ne pourrait honorer ce rendez-vous du fait d’une obligation personnelle et quelle entendait reprendre contact avec lui au début de la semaine suivante ‘pour pouvoir refixer un rendez-vous’. Par courrier recommandé du 2 avril, dont l’ampliation lui a été transmise par courriel le 3 avril suivant, la société a convoqué Mme [A] à un entretien le mardi 7 avril dans les locaux de l’entreprise à [Localité 3]. Mme [A] ayant bénéficié d’un arrêt de travail du 3 au 11 avril inclus, elle a, par courriel du 8 avril, informé la directrice des ressources humaines qu’elle était disponible pour la rencontrer le vendredi 10 avril suivant ou à l’issue de ses congés payés du 11 au 26 avril durant lesquels elle séjournait à l’étranger. Il a finalement été convenu d’un rendez-vous le 27 avril au cours duquel il a été proposé oralement à Mme [A] une affectation à l’agence de [Localité 9] qu’elle a refusée. Elle a provisoirement été affectée à l’agence du siège à [Localité 3].

Il est acquis que Mme [A] avait été reçue par le service des ressources humaines à l’automne 2014 dans le cadre d’une demande de retour en région, qu’une affectation lui avait été proposée à [Localité 9] qu’elle avait refusée, faisant le choix de rester à [Localité 12].

Il ressort du procès-verbal du comité d’entreprise du 27 octobre 2014, que M. [DV], alors directeur général du Dauphiné Libéré, estimant que la présentation par le représentant syndical CFDT des conditions d’examen de la demande de retour de Mme [A] ne correspondaient pas à la réalité, a répondu, considérant que son interlocuteur tenait ses informations de cette dernière : ‘dans ce contexte là, c’est très bien que la salariée reste à [Localité 12]. J’ai besoin d’avoir des salariés avec un esprit qui n’est pas celui-là. Avoir un tel état d’esprit et raconter des histoires, ce n’est pas bien. Je n’ai vraiment pas besoin de ce type de comportement dans l’entreprise.’

Ce propos ne traduit que l’agacement du dirigeant face au revirement de la salariée et à une présentation discutable des faits et ne peut caractériser à cette date un projet d’évincer la salariée de l’entreprise à laquelle un poste avait été effectivement proposé à sa demande.

Les propos rapportés par le représentant syndical CFDT au comité d’entreprise du 27 avril 2015, selon lesquels M. [DV] aurait dit à propos de Mme [A] ‘au Dauphiné Libéré, je ne veux plus d’elle’, ne sont objectivés par aucune des pièces versées aux débats.

Quant aux propos tenus par la direction lors de cette séance du comité d’entreprise, il n’en ressort pas qu’il ait été dit que le Dauphiné Libéré ne voulait plus de Mme [A], Mme [F] répondant, à propos du refus d’intégration de Mme [A] à l’AGIR, à l’affirmation du représentant syndical CFDT selon laquelle le directeur d’agence d’AGIR (M. [T]) ne voulait plus d’elle, par la négative en indiquant : ‘ce n’est pas parce qu’il ne veut plus d’elle’ de sorte que ce propos ne peut viser que M. [T] qui n’était pas un représentant du Dauphiné Libéré et qui n’agissait pas pour le compte de celui-ci.

Il n’est donc pas démontré qu’il ait été dit que la direction ne voulait plus de Mme [A] lors de son retour dans l’entreprise.

Lors du comité d’entreprise du 27 avril 2015, le représentant syndical CFDT a exposé qu’il avait rencontré Mme [A] le matin même et qu’elle souhaitait ‘vraiment’ rester sur [Localité 12] bien que la ‘direction parisienne ait refusé sa candidature’ et a sollicité dans l’intérêt de la salariée l’intervention du Dauphiné Libéré ‘auprès de [Localité 12]’ ce qui vient donner crédit à l’attestation de Mme [F] produite par l’employeur selon laquelle, lors de leur entretien du même jour, Mme [A] avait immédiatement refusé la proposition du poste de [Localité 9], ‘sans même réfléchir’, répétant à plusieurs reprises qu’elle voulait rester sur [Localité 12] et intégrer AGIR, qu’elle ne souhaitait pas revenir au Dauphiné Libéré dans quelque agence que ce soit, demandant à Mme [F] d’intervenir auprès de M. [T] pour obtenir son intégration dans la structure d’AGIR.

Cette attestation est également corroborée par le courrier d’excuses adressé le 4 mai 2015 par Mme [A] à M. [T] dans lequel celle-ci indique que ‘ce travail (à l’agence de presse AGIR) était tout pour elle’. Il ressort également d’ un courriel que lui avait adressé son directeur de rédaction au BIG, M. [C], en date du 21 avril 2015, qu’elle envisageait même de démissionner du Dauphiné Libéré.

Mme [A] reconnaît enfin dans sa lettre du 29 avril 2015 qu’il lui avait été ‘suggéré’ un poste à [Localité 9] lors de son entretien avec Mme [F] ce qui confirme que cette proposition n’était pas officialisée ni définitive.

Il résulte de ces éléments qu’à la date du 27 avril 2015, les conditions du retour en région de Mme [A] n’avaient pas pu être arrêtées et que la proposition du poste de [Localité 9] n’a jamais été officialisée par un écrit de sorte qu’il n’est pas établi que l’employeur se soit opposé à la réintégration de la salariée ni qu’il l’ait exclue d’autres postes que celui de [Localité 9] ou qu’il ait privilégié d’autres salariés traduisant une discrimination à son détriment. Il n’y a dès lors pas lieu de s’intéresser aux autres postes disponibles dans l’entreprise à cette période.

La salariée ne produit aucun élément justifiant qu’elle aurait formulé des demandes de réaffectation restées sans suite.

Ainsi, aucune entrave de l’employeur à la réaffectation de Mme [A] n’est démontrée laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte de la salariée.

Sur les éléments produits par l’employeur aux fins de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discimination

Sur l’absence d’entretien d’évaluation

Ensuite de sa mutation au BIG, Mme [A] n’a pas eu d’entretien d’évaluation entre 2012 et son licenciement.

Le fait que le Dauphiné Libéré n’ait pas respecté ses engagements conventionnels en matière d’entretiens annuels pour les salariés du BIG ne démontre pas l’existence d’une discrimination syndicale à l’égard de Mme [A], seul le directeur du BIG, M. [T] étant à même de conduire l’entretien d’évaluation annuel, le directeur de la rédaction du directeur du Dauphiné Libéré basé au siège du journal n’étant pas à même d’apprécier le travail de Mme [A] au sein de la rédaction du BIG à [Localité 12].

M. [T] atteste qu’il n’a jamais réalisé d’entretien d’évaluation au sein de l’équipe de journalistes détachés au BIG entre le 1er octobre 2012 et le 31 mars 2015.

Mme [E]-[J], l’autre salariée du Dauphiné Libéré également détachée au BIG, atteste n’avoir bénéficié d’aucun entretien d’évaluation au cours de cette période.

Il est ainsi justifié que la carence de l’employeur à procéder à une entretien d’évaluation régulier de la salariée est étrangère à toute discrimination.

Sur le retard à l’évolution de carrière

Les éléments fournis par l’employeur démontrent que le passage de certains salariés à l’indice 135 dans un délai inférieur à 5 ans était justifié pour l’essentiel soit par une prise particulière de responsabilité telle que la direction d’une agence ou d’un projet soit par une expérience apportant un enrichissement spécifique à l’entreprise.

Mme [A] ne justifie pas avoir été dans l’une de ces situations et en particulier avoir pris une responsabilité particulière au sein de l’entreprise. Il convient en outre de relever qu’à la date de son licenciement, Mme [A] n’avait que trois ans d’ancienneté à l’indice 120.

Le fait que, sur la trentaine de journalistes au coefficient 120 que comptait alors l’entreprise, seuls 4 aient progressé au coefficient 135 dans un délai inférieur à 3 ans, démontre que les seules qualités professionnelles ne constituaient pas un critère de progression anticipée à l’indice 135 de sorte que le maintien de Mme [A], comme de la grande majorité de ses collègues, à l’indice 120 pendant trois ans, est objectivé par des éléments étrangers à toute discrimination.

Sur l’absence d’augmentation individuelle

La société fait valoir que la pratique du supplément individuel constitue une avance sur le complément de salaire attribué en fonction de la prise de responsabilité supplémentaire des journalistes et qu’il est supprimé au moment du passage au 135.

L’employeur justifie que 8 journalistes ([E], [W], [X], [Y], [P], [U], [VY] et [H]) au coefficient 120 ont bénéficié de suppléments individuels avant leur passage au coefficient 135. Il produit les propositions motivées de leur supérieur ayant conduit à leur attribuer des suppléments individuels desquels il ressort que ceux-ci étaient justifiés par des raisons objectives d’investissement professionnel exceptionnel, de contraintes particulières ou de prise de responsabilités. Il convient de relever que, parmi ces salariés, Mme [W], Mme [P], M. [VY] et M. [H] en avaient fait la demande expresse, motivée par leur investissement spécifique dans l’intérêt de l’entreprise.

La seule appartenance à une même catégorie professionnelle n’implique pas une identité de situation. Même s’il n’est pas contestable qu’elle était une professionnelle de qualité, Mme [A] ne produit aucun élément faisant apparaître qu’elle se serait trouvée dans une situation identique ou similaire d’emploi à celle des journalistes auxquels elle se compare. Elle ne justifie pas non plus avoir jamais formulé de demande de supplément individuel..

L’employeur établit de surcroît que l’attribution de suppléments est dépourvu de caractère systématique et que sur les 31 salariés au coefficient 120 embauchés avant 2013 seuls 13 percevaient des suppléments en 2016.

Sur la prime ‘nouveaux médias’

Il résulte d’un protocole d’accord transactionnel en date du 8 février 2017 :

– que cet accord avait été interprété comme ne s’appliquant qu’aux journalistes présents à la date de sa conclusion et que les journalistes employés après le 26 mai 2008 ne bénéficiaient pas de ladite prime, dans la mesure où la prime était liée aux nouvelles pratiques induites par la mise en place de nouveaux médias alors que, pour les journalistes employés après le 26 mai 2008, ces pratiques étaient déjà en place,

– que le 16 mars 2015, le SNJ a fait part d’une réserve sur ce point en indiquant que les nouveaux supports d’information n’étaient pas mis en place au 26 mai 2008,

– qu’afin de mettre fin au litige, la société s’est engagée à verser le maintien de la prime ‘nouveaux médias’ rétroactivement à compter du 1er janvier 2018 puis pour l’avenir aux journalistes encore présents recrutés entre le 26 mai 2008 et le 30 novembre 2016.

Il convient de relever à cet égard que l’accord du 7 novembre 2016, signé par l’ensemble des syndicats, maintenait cette interprétation en indiquant que cette prime était destinée à compenser une adjonction de tâches liée à l’évolution technologique et à l’évolution du nombre des supports et rappelle que les journalistes entrés dans l’entreprise après la date du 26 mai 2008 ne bénéficient pas de ladite prime dans la mesure où ils ont travaillé directement sur l’ensemble des supports (papier et nouveaux médias) dès leur embauche. L’accord avait donc pour objectif de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l’entreprise lors de son entrée en vigueur.

La différence de traitement instaurée par l’accord du 26 mai 2008 est présumée justifiée en ce que celui-ci a été signé par les organisations syndicales représentatives.

A l’époque de l’entrée en vigueur de cet accord, Mme [A] était embauchée dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs. Son CDD du 1er mai 2008 s’est terminé le 31 mai 2008 avec remise du solde de tous comptes et des documents sociaux. Elle a été réembauchée dans le cadre d’un nouveau CDD pour la période du 1er au 31 mai 2008. Ayant quitté l’entreprise entre le 31 mai et le 1er juin 2008, elle n’a pas été considérée comme entrant dans le groupe fermé des salariés bénéficiant de la prime nouveaux médias.

L’employeur produit les bulletins de salaire des mois de mai et de juin 2008 de 39 salariés en CDD desquels il ressort qu’aucun des salariés dans la même situation que Mme [A] c’est à dire réembauchés en contrat à durée déterminée à compter du 1er juin 2008 à la suite d’un précédent contrat à durée déterminée, n’a perçu de prime ‘nouveaux médias’ et que seuls les salariés dont le contrat de travail à durée déterminée se poursuivait au 1er juin 2008 ont bénéficié de ladite prime de sorte que l’exclusion de Mme [A], née d’une légitime interprétation de l’accord, est étrangère à toute discrimination.

Sur l’existence d’une activité syndicale connue de l’employeur à la date du licenciement

L’affiliation de Mme [A] à la CFDT était connue de l’employeur du fait de son élection en qualité de déléguée du personnel suppléante du 4ème établissement de 2011 à 2013, de sa participation régulière aux réunions de délégués du personnel du 4ème établissement et de sa candidature à l’élection 2013 des délégués du personnel du 1er établissement (celui du siège de l’entreprise) auquel elle avait été rattachée ensuite de sa mutation à [Localité 12] à compter du 1er octobre 2012.

Si Mme [A] justifie en outre par une attestation de Mme [Z] avoir été membre du conseil national de la CFDT journalistes à compter de mars 2012, la salariée ne justifie pas toutefois que cet engagement externe se soit concrétisé par une activité syndicale au sein de l’entreprise ou du BIG postérieurement à la fin de son mandat.

En effet, Mme [A] produit au soutien de ses allégations concernant l’exercice d’une activité syndicale connue de l’employeur postérieurement à sa mutation au BIG :

– un courrier d’un M. [S], daté du 19 décembre 2016, qui déclare avoir travaillé avec elle au BIG et que Mme [A] avait participé avec ses collègues journalistes à plusieurs réunions collectives pour tenter d’améliorer les conditions de travail proposées dans le cadre de la nouvelle structure, mais il n’en ressort pas que M. [S] ait constaté un positionnement syndical de Mme [A] dans le cadre de la discussion avec le BIG ;

– des courriels échangés entre les mois d’avril et de juillet 2014 entre collègues du BIG relatifs à la future transformation de la structure et au transfert des contrats de travail faisant apparaître qu’une réunion collective avait eu lieu avec M. [T], alors directeur du BIG, le 1er juillet 2014,

– des échanges de courriels des mois de décembre 2014 et de janvier 2015 sur le même sujet desquels il ressort que M. [A] a fait profiter ses collègues du BIG d’informations collectées auprès du réseau CFDT en vue de la négociation des nouveaux contrats de travail.

Il ne ressort toutefois pas non plus de ces courriels que Mme [A] ait pris la tête d’un collectif de salariés ni qu’elle ait fait connaître au dirigeant qu’elle était investie au titre d’un engagement syndical d’une défense des intérêts collectifs des salariés du BIG, étant relevé qu’aucune intersyndicale n’avait été créée auparavant ni à cette occasion au sein du BIG et qu’aucun de ces courriels n’est à destination de M. [T] ou de la direction du Dauphiné Libéré.

Il ressort de ses échanges des mois de février et mars 2015 avec Mme [D], juriste en charge de la rédaction des contrats AGIR, que Mme [A] n’a défendu que ses intérêts personnels dans la négociation de son contrat de travail, la discussion portant sur le nombre de ses jours travaillés, le délai de son passage au coefficient 135 et l’extension de la clause de retour à d’autres hypothèses que la cession à un tiers hors groupe ou la cessation d’activité de l’agence AGIR.

Il ressort enfin d’une attestation de M. [B], délégué syndical CFDT, que celui-ci n’a porté à la connaissance de la directrice du personnel, Mme [F], la candidature de Mme [A] en qualité de suppléante à la commission nationale de première instance de la carte des journalistes professionnels que le 29 avril 2015 au lendemain de l’envoi de sa convocation à l’entretien préalable. Mme [A] ne produit aucun élément permettant d’affirmer qu’à la date de l’envoi de la convocation, l’employeur avait connaissance de sa candidature.

Faute pour Mme [A] de démontrer l’exercice effectif d’une activité syndicale explicite dans l’entreprise, le contexte syndical de la discrimination alléguée n’est pas établi.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à nullité du licenciement et à réintégration de la salariée et débouté Mme [A] de ses demandes principales.

Sur les demandes financières

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au regard de l’ancienneté, de l’âge de la salariée à la date du licenciement à savoir 33 ans, des circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et des difficultés de réinsertion professionnelles prévisibles, le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme [A] du fait de son licenciement et le jugement déféré est confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande en paiement d’un complément d’indemnité compensatrice de congés payés

Le congé annuel prévu par l’article L.3141-3 du code du travail ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, à moins qu’elle ne s’avère moins favorable que celle qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Mme [N] [A] fait valoir que la comparaison entre la méthode du dixième et celle du maintien du salaire appliquée par l’employeur fait apparaître un reliquat en sa faveur pour un montant total de 3 596,23 € pour la période courant d’août 2010 à août 2015 ; que l’employeur avait calculé les indemnités de congés payés selon la méthode du maintien du salaire et non celle, plus avantageuse de dixième.

L’employeur fait valoir que l’indemnité compensatrice de congés payés non pris à la date du licenciement versée à Mme [A] avait été régulièrement calculée sur la base de 27 jours non pris entre le 1er juin 2014 et le 31 mai 2015 et de 3,70 jours non pris sur la période du 1er juin au 19 juillet 2015.

Le tableau récapitulatif établi par la salariée, qui n’est pas discuté par l’employeur, démontre que Mme [A] a, depuis 2010, bénéficié d’indemnités de congés payés calculées selon la règle du maintien du salaire alors que selon la méthode du dixième, plus avantageuse, elle aurait dû percevoir un complément d’indemnité de 3 689,37 €.

Il convient en conséquence de faire droit à ce chef de demande.

Sur les demandes relatives au montant de l’indemnité de licenciement

En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées dans le dispositif.

La société demande, dans le corps de ses conclusions, la restitution d’un trop perçu sur indemnité de licenciement de 2 057,40 €. Cette demande n’est pas reprise dans son dispositif de sorte que, par application de la disposition susvisée, la cour n’en est pas saisie et qu’elle n’a pas à statuer.

En vertu de l’article L.7112-3 du code du travail, si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements et que le maximum des mensualités est fixé à quinze.

Il en résulte que la somme d’un mois ne se proratise pas par fraction d’année mais est due en entier pour toute fraction d’année. Il n’y a pas lieu de distinguer les années complètes des fractions d’années.

L’année 2015 constituant la 8ème année de service de Mme [A] au sein de la société, elle est fondée à prétendre à une indemnité égale à un mois de salaire multiplié par 8 années de présence.

Il lui a été versé une indemnité de licenciement de 30 600 € sur la base d’un salaire moyen mensuel de 3 817,55 € calculé sur les douze derniers mois de salaire en intégrant le 13ème mois versé en janvier 2015.

Mme [A] prétend que son salaire de référence est de 3 852,98 € de sorte qu’il lui reste dû un solde de 223,84 € sur l’indemnité de licenciement. Elle ne précise pas le mode de calcul de ce salaire de référence.

L’examen de ses bulletins de paie des mois de juillet 2014 à juin 2015 fait apparaître qu’elle a perçu au cours des 12 derniers mois un salaire moyen mensuel de 3 817,55 € de sorte qu’elle a été remplie de ses droits par l’indemnité versée et que le jugement doit être également confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

Sur la demande de rappel au titre de la ‘prime nouveaux médias’

En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions.

En l’espèce, le dispositif des conclusions de la société se contente de solliciter le débouté de la demande de rappel de prime ‘nouveaux médias’ mais n’en soulève pas l’irrecevabilité de sorte que la cour n’a pas à se prononcer sur l’éventuelle prescription de ce chef de demande faute d’en être valablement saisie.

S’agissant d’une instance introduite avant le 1er août 2016 à laquelle le principe de l’unicité de l’instance reste applicable, la demande de rappel de prime de Mme [A] est recevable.

Mme [A] fait valoir qu’aucune condition de présence du personnel n’était exigée au sein de l’accord du 26 mai 2008 instaurant ladite prime, l’accord visant ‘le personnel journaliste’ lequel devait s’entendre de toutes les fonctions composant la profession de journaliste.

L’employeur fait valoir que Mme [A] était exclue du groupe fermé de salariés instauré par l’accord, celui-ci réservant le versement de la prime nouveaux médias aux journalistes professionnels présents aux effectifs à la date de conclusion de l’accord alors qu’à cette date, Mme [A] n’était que journaliste stagiaire.

Il ressort de l’accord du 26 mai 2008 que la prime litigieuse avait été instaurée aux fins de ‘rémunérer l’implication des journalistes sur les nouveaux supports d’information’. Elle est à destination du ‘personnel journaliste’, ce qui inclut, en l’absence d’autre précision, les journalistes stagiaires dont rien n’établit qu’ils ne leur ait pas été demandé de s’impliquer dans ces supports. Aucun autre élément n’est produit faisant apparaître qu’il ait été de la commune intention des parties signataires d’exclure les journalistes stagiaires de son bénéfice.

Mme [A] était présente dans l’entreprise à la date de signature de l’accord et elle était également présente au 1er juin 2008, date de son entrée en vigueur.

Il convient en conséquence de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 5 901,60 €.

Sur la demande de complément d’indemnité de préavis (rectification de l’omission de statuer affectant l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble en date du 4 juillet 2019)

Selon l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.

Selon l’article L.1234-3, la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié fixe le point de départ du préavis.

Mme [A] fait valoir :

– que la lettre de licenciement a été présentée pour la première fois le 20 mai 2015, lui ouvrant droit à un préavis de 2 mois du 20 mai au 19 juillet 2015 mais qu’ayant déposé antérieurement une demande de 6 jours de congés du 20 au 26 mai 2015, son préavis aurait dû débuter à compter du 27 mai 2015 pour se terminer le 27 juillet suivant, soit un décalage de six jours, le préavis étant suspendu pendant la période de congés,

– qu’une retenue de 1 151,29 € a été opérée au titre de 10 jours non travaillés au mois de juillet 2015 alors que la retenue aurait dû être opérée au titre de 4 jours non travaillés (10 – 6) de sorte qu’elle a droit à un rappel de salaire de 691,74 € sur la base d’un salaire journalier de 115,129 €.

La société Le Dauphiné Libéré fait valoir :

– que la retenue de 1 151,29 € opérée sur le salaire du mois de juillet porte sur les jours ouvrés non travaillés du 22 au 31 juillet soit 8 jours ouvrés, de sorte que le taux journalier réel est de 143,91 € (1 151,29 € / 8) et que le complément d’indemnité de préavis doit être fixé à 143,91 € x 4 = 575,68 € outre les congés payés afférents.

La suspension du préavis et le report de son point de départ au 27 mai 2015 par la prise de congés de 6 jours de congés dont les dates avaient été fixées antérieurement au licenciement ne sont pas discutés.

Pour traiter des absences en cas de mois incomplet, l’employeur a la faculté d’opérer un calcul au réel soit sur la base du taux horaire soit sur la base du taux journalier.

Si l’on applique la méthode horaire de calcul pour un salarié quittant l’entreprise en cours de mois, il faut, pour déterminer le salaire, rechercher l’horaire de travail dans l’entreprise puis multiplier la rémunération horaire par le nombre d’heures de travail réellement effectuées.

Si l’on applique la méthode journalière s’agissant de ce même salarié, le salaire doit être déterminé en multipliant la rémunération journalière par le nombre de jours de travail réellement effectués.

C’est dès lors par une exacte analyse que l’employeur a calculé le montant de la rémunération journalière non pas sur la base d’un trentième de mois mais sur la base des jours réellement travaillés de sorte que la retenue opérée de 1 151,29 € correspond à 8 jours ouvrés du 22 au 31 juillet soit un salaire journalier de 143,91 € et que le complément d’indemnité dû à raison du report du point de départ du préavis au 27 mai 2015 s’établit à 143,91 € x 4 soit 575,68€.

Il convient en conséquence de faire droit à ce chef de demande à hauteur de cette somme outre une indemnité de 57,56 € au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes accessoires

La société qui succombe à titre principal supporte les dépens et une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ordonne la jonction des instances 22/959 et 22/3640

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Le Dauphiné Libéré à payer à Mme [N] [A] :

– la somme de 3 689,37 euros à titre de complément d’indemnité de congés payés,

– la somme de 5 901,60 euros au titre de la prime ‘nouveaux médias’ ;

Complétant le dispositif de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble du 4 juillet 2019,

Condamne la société Le Dauphiné Libéré à payer à Mme [N] [A] la somme de 575,68 euros au titre du complément d’indemnité de préavis ainsi que la somme de 57,57 euros au titre des congés payés afférents ;

Déboute Mme [N] [A] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Le Dauphiné Libérer à payer à Mme [N] [A] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier La Présidente

 


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