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N° P 19-82.520 F-D
N° 2786
EB2
7 JANVIER 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
La SARL Armor 2000, M. X… T…, Mme B… T…, M. W… H… et Mme I… H… ont formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 11e chambre, en date du 13 mars 2019, qui a constaté l’extinction de l’action publique par prescription pour les contraventions à la législation du travail, et qui, pour travail dissimulé, prêt de main d’oeuvre illicite, marchandage, a condamné la première, à 5 000 euros d’amende, et les autres à 2 000 euros d’amende avec sursis.
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 26 novembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Maréville ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VIOLEAU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CROIZIER ;
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Un contrôle de l’Urssaf, effectué en juin 2012, a révélé que pour assurer l’ouverture le dimanche du magasin qu’elle exploite sous l’enseigne “La Foir’fouille”, à Trégueux (22), la société Armor 2000, co-gérée par les époux T… et H…, a eu recours à des personnes ayant toutes la qualité de co-gérant de la société Armor prestations. L’Urssaf a considéré qu’il s’agissait d’un montage juridique ayant pour seul but de contourner les dispositions du code du travail relatives au repos dominical, les co-gérants de la société Armor prestation effectuant les mêmes tâches que les salariés de la société Armor 2000 en semaine et n’ayant disposé d’aucune autonomie dans l’exercice de leur activité. La société Armor 2000, M. et Mme T…, ainsi que M. et Mme H… ont été poursuivis pour les faits de travail dissimulé, prêt de main d’oeuvre à but exclusivement lucratif, marchandage et pour des contraventions d’emploi de salarié le dimanche.
3. Les juges du premier degré ont rejeté l’exception de nullité, relaxé partiellement les prévenus pour les faits visant M. et Mme T…, ainsi que M. et Mme H… en tant que salariés et les ont condamnés pour le surplus.
4. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 7, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 15, § 1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, des articles 112-1, 4° du code pénal, 8 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi n°2017-242 du 27 février 2017 et des articles L.8224-5, L.8224-1, L.8221-1 al. l 1°, L.8221-3, L.8221-4, L.8221-5, L.8243-2, L.8243-1 al. l, L.8241-1, L.8234-2 al. l, L.8234-1 al. L. et L.8231-1 du code du travail, ensemble les principes de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, de nécessité et de légalité des délits et des peines et du principe du respect des droits de la défense, et la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale.
5. Le moyen critique l’arrêt attaqué “en ce qu’il a déclaré la société Armor 2000, Mme I… O…, épouse H…, M. X… T…, M. W… H… et Mme B… M…, épouse T…, coupables des délits de travail dissimulé, prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage, tous situés entre le 2 juin 2010 et le 2 juin 2013, et a statué sur la peine ;
“1°) alors que si la loi n°2017-242 du 27 février 2017 a porté à six ans la durée de la prescription de l’action publique en matière délictuelle, cette durée était, à l’époque des faits poursuivis (situés entre 2010 et 2013) de trois ans ; que dès lors, l’abrogation, par le conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire séparé en ce sens, de l’article 112-2, 4° du code pénal en tant qu’il prévoit l’applicabilité immédiate aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque la prescription n’est pas encore acquise, des lois pénales allongeant le délai de prescription de l’action publique, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l’arrêt attaqué condamnant les prévenus des chefs des délits de travail dissimulé, prêt de main d’oeuvre illicite et marchandage ;
“2°) alors que la loi pénale plus sévère ne saurait rétroagir ; que les règles relatives à la prescription ne doivent pas porter une atteinte excessive aux droits de la défense, aux principes de nécessité et de légalité des délits et des peines compte tenu de la nature et de la gravité des infractions poursuivies ; que dès lors, en faisant une application immédiate de l’article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n°2017-242 du 27 février 2017, portant à six ans le délai de prescription de l’action publique en matière délictuelle, pour condamner les prévenus pour des délits situés entre 2010 et 2013, soit à une date où ce délai était de trois ans, sans rechercher si cette applicabilité immédiate n’emportait pas, en regard de la nature et de la gravité des délits de marchandage, de travail dissimulé et de prêt illicite de main d’oeuvre poursuivis, une atteinte disproportionnée aux principes susvisés, la cour d’appel a méconnu les dispositions susvisées.”
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa première branche
6. Par suite de l’arrêt de la Cour de cassation en date du 17 septembre 2019 (pourvoi n°19-82.520), ayant dit n’y avoir lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, le grief est devenu sans objet.
Sur le moyen pris en sa seconde branche
7. L’entrée en vigueur immédiate de la loi n°2017-242 du 27 février 2017, qui a porté à six ans la durée de la prescription de l’action publique en matière délictuelle, ne porte aucune atteinte disproportionnée aux droits invoqués, dès lors que cette prescription, qui ne concerne que les infractions non encore prescrites et non concernées par les délais prévus aux alinéas 2 à 4 de l’article 8 du code de procédure pénale, a pour seul effet de faire obstacle à l’exercice des poursuites et n’a aucune incidence sur la définition des infractions et des peines qui les répriment.
8. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen est pris de la violation des articles des articles 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et L. 8271-6-1 du code du travail, ensemble les principes du respect des droits de la défense, du contradictoire, du droit à un procès équitable, du droit à ne pas s’auto-incriminer et à être informé du droit de garder le silence, et de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale.
10. Le moyen critique l’arrêt attaqué “en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité du procès-verbal de la DIRECCTE du 13 août 2013, a déclaré la société Armor 2000, Mme I… O…, épouse H…, M. X… T…, M. W… H… et Mme B… M…, épouse T…, coupables des délits de travail dissimulé, prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage, tous situés entre le 2 juin 2010 et le 2 juin 2013, et a statué sur la peine, alors que toute personne interrogée par un inspecteur du travail doit, dès lors qu’existent des raisons de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, être informée de son droit de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées ; qu’en se fondant, pour écarter la nullité du procès-verbal de la DIRECCTE du 13 août 2013, sur le fait que la loi n’imposait pas de formalisme particulier pour recueillir le consentement des personnes entendues par l’inspecteur du travail et que le seul fait qu’elles aient répondu aux questions suffisait à établir leur consentement, mais sans rechercher s’il n’existait pas contre elles, et notamment contre M. T…, des soupçons d’avoir participé aux infractions reprochées et si, de ce fait, elles n’auraient pas dû être formellement informées de leur droit de se taire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées.”