Prêt illicite de main d’oeuvre : 5 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-85.710

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 5 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-85.710
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N° B 20-85.710 F-D

N° 01131

SM12
5 OCTOBRE 2021

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 OCTOBRE 2021

La société La Poste a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, 9e chambre, en date du 30 septembre 2020, qui, pour prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage, l’a condamnée à 60 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société La Poste, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société DNC transport ayant pour objet social le transport public routier de marchandises a signé un contrat de sous-traitance le 6 avril 2010 avec la société La Poste pour une prestation de livraison de colis.

3. Au cours d’une livraison sur une péniche, le 15 décembre 2012, [W] [T], employé de la société DNC transport, est mort accidentellement par noyade.

4. A la suite d’une plainte avec constitution de partie civile des ayants-droit de la victime, une information a été ouverte sur réquisitoire introductif du 13 juin 2014 des chefs d’homicide involontaire et travail dissimulé ; par réquisitoire supplétif du 3 juillet suivant, l’information a été étendue aux chefs de prêt illicite de main d’œuvre et marchandage.

5. Mis en examen des chefs de prêt illicite de main d’œuvre et de marchandage concernant [W] [T], la société La Poste et M. [E] [M], directeur d’agence, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel par ordonnance du 11 juillet 2018.

6. Par jugement du 8 juillet 2019, le tribunal correctionnel de Nanterre a rejeté l’exception de nullité de l’ordonnance de règlement, déclaré, notamment, la société La Poste coupable des faits reprochés et l’a condamnée au paiement d’une amende de 120 000 euros, à une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils.

7. La société prévenue et le ministère public ont interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté l’exception de nullité de l’ordonnance de règlement, alors « que le juge d’instruction ne peut renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel que pour les faits pour lesquels il a été mis en examen ; que la société La Poste a été mise en examen pour des faits de prêt illicite de main d’œuvre et de marchandage visant un seul salarié nommément désigné, [W] [T] ; que la prévenue a cependant été renvoyée devant la juridiction correctionnelle pour des faits de prêt illicite de main d’œuvre et de marchandage concernant tous les salariés employés en qualité de chauffeurs-livreurs ; qu’en validant l’ordonnance de renvoi, la cour d’appel a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 184, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 385, alinéa 2, du code de procédure pénale :

9. Il résulte de ce texte que, dans le cas où l’ordonnance de renvoi n’a pas été rendue conformément aux dispositions de l’article 184 du même code, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée.

10. Constitue une violation de ces dispositions le renvoi devant le tribunal correctionnel d’une personne pour des faits pour lesquels elle n’a pas été mise en examen.

11. Il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par ordonnance du juge d’instruction du 11 juillet 2018, la société La Poste a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs de prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage pour avoir bénéficié de la mise à disposition « par la société DNC transport de salariés dont [W] [T] en qualité de chauffeurs-livreurs exerçant les mêmes fonctions que son personnel et sous son encadrement ».

12. Pour rejeter l‘exception de nullité de l’ordonnance renvoyant la société La Poste et M. [M] devant le tribunal correctionnel, l’arrêt énonce notamment que la société prévenue a été mise en examen pour le prêt illicite de main d’oeuvre et le marchandage par la société DNC transport, ce que confirment le réquisitoire et l’ordonnance de renvoi.

13. Les juges ajoutent que le fait de mentionner un ou plusieurs salariés ne constitue pas un fait nouveau mais une circonstance particulière de la commission des infractions soulignant au surplus que le réquisitoire définitif a requis cette qualification qui n’excède pas la saisine du juge d’instruction.

14. Ils concluent en constatant la régularité de la mise en examen et celle de l’ordonnance de renvoi.

15. En prononçant ainsi, alors qu’elle constatait que la société prévenue était renvoyée devant elle en partie pour des faits pour lesquels elle n’a pas fait l’objet d’une mise en examen, la cour d’appel, qui devait renvoyer la procédure au procureur de la République afin de lui permettre de saisir à nouveau le juge d’instruction, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

16. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de cassation proposés ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Versailles, en date du 30 septembre 2020, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Versailles et sa mention en marge de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt et un.

 


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