Your cart is currently empty!
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 26 JANVIER 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07305 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSZE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° 19/00311
APPELANT
Monsieur [L] [N]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Rudy OUAKRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137
INTIMÉES
S.A. SCADIF
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Stéphanie GIRAUD, avocat au barreau de LYON, toque : 688
S.A.S. PROMAN 048
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Christine ANDREANI, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice
Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] a été engagé par la société Starpeople dans le cadre d’un contrat de mission du 13 novembre 2012 pour être mis à la disposition de la société Scadif en qualité de préparateur de commandes.
118 contrats de missions se sont succédés dans ce même cadre pour faire face soit à un accroissement temporaire d’activité soit au remplacement de salariés absents.
Le dernier contrat conclu avec la société Start People avait pour terme le 26 décembre 2015.
A compter du 30 janvier 2017, M. [N] a été engagé par la société Proman 048 dans le cadre d’un contrat de mission pour être également mis à la disposition de la société Scadif en qualité de préparateur.
73 contrats de mission se sont succédés.
Le dernier contrat de mission a pris fin le 18 janvier 2019.
Souhaitant notamment voir ses contrats de mission requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, M. [N] par acte du 17 juin 2019 saisissait le conseil de prud’hommes de Melun.
Par jugement du 28 septembre 2020, notifié aux parties par lettre du 20 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Melun a :
-jugé que la période du 13 novembre 2012 au 26 décembre 2015 était prescrite et ne pouvait donner lieu à requalification,
-débouté M. [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
-débouté les sociétés Scadif et Proman 048 de leurs demandes respectives,
-condamné les parties à prendre à leur charge les dépens respectifs.
Par déclaration du 29 octobre 2020, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe électronique le 14 septembre 2022, M. [N] demande à la cour :
-d’infirmer le Jugement entrepris,
et statuant de nouveau,
-de requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée au sein de la Société Scadif,
en conséquence,
-de dire et juger que la rupture des relations contractuelles s’analyse en un licenciement sans cause et réelle et sérieuse,
en conséquence,
-de condamner la Société Scadif à lui verser les sommes de :
-2.604,98 euros à titre d’indemnité de requalification,
-3 321,34 euros à titre d’indemnité de licenciement,
-5 209,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 520,99 euros au titre des congés payés afférents,
– 15 630 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 294,27 euros à titre de rappels de salaire pour la période du 13 mars au 12 mai 2017,
– 329,42 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 464,12 euros à titre de rappels de salaire pour la période du 12 juin au 7 juillet 2017,
– 146,41 euros au titre des congés payés afférents,
– 402,78 euros à titre de rappels de salaire pour la période du 5 au 10 mars 2018,
– 40, 27 euros au titre des congés payés afférents,
– 341,66 euros à titre de rappels de salaire pour la période du 2 au 5 mai 2018,
– 34,16 euros au titre des congés payés afférents,
– de condamner solidairement les Sociétés Scadif et Proman 048 à lui verser la somme de :
-15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage,
-3 000 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les Sociétés Scadif et Proman 048 aux intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement des sommes d’argent ainsi qu’aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir,
– de condamner solidairement les Sociétés Scadif et Proman 048 aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 26 septembre 2022, la société Scadif demande à la cour :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que la période du 13 novembre 2012 au 26 décembre 2015 est prescrite et ne peut donner lieu à requalification,
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la relation contractuelle de M. [N] avec la société Scadif, formalisée sous forme de différents contrats de missions, ne saurait être requalifiée en contrat à durée indéterminée,
en conséquence,
à titre principal,
-de débouter M. [N] de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
– de débouter M. [N] de ses demandes fins et conclusions,
– de condamner solidairement la société Proman 048 et la société Scadif au règlement des condamnations prononcées,
– de fixer le salaire de référence de M. [N] à la somme de 1 938.04 euros,
– de fixer la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [N] à la somme de 1 843.04 euros,
– de ramener la demande de M. [N] au titre de l’indemnité de requalification à la somme de 1 938.04 euros,
– de ramener la demande de M. [N] au titre de l’indemnité de licenciement à la somme de 883.12 euros,
– de ramener la demande de M. [N] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1 938.14, outre la somme de 193.81 euros au titre des congés payés afférents,
– de ramener la demande de M. [N] au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1 938.14 euros,
– de débouter M. [N] de sa demande de 3 924.27 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 13 mars au 12 mai 2017 outre la somme de 329.42 euros au titre des congés payés afférents,
– de débouter M. [N] de sa demande de 1 464.12 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 12 juin au 7 juillet 2017, outre la somme de 146.41 euros au titre des congés payés afférents,
– de débouter M. [N] de sa demande de 402.78 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 5 au 10 mars 2018, outre la somme de 40.27 euros au titre des congés payés afférents,
– de débouter M. [N] de sa demande de 341.66 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 2 au 5 mai 2018, outre la somme de 34.16 euros au titre des congés payés afférents,
en tout de cause,
– de débouter M. [N] de ses demandes, fins et conclusions,
– de dire et juger que la société Scadif n’a commis aucun prêt de main d’oeuvre illicite,
– de dire et juger que la société Scadif n’a commis aucun délit de marchandage,
– de débouter M. [N] de sa demande de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage,
– de débouter M. [N] de sa demande de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner M. [N] au paiement d’une somme de :
– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– de condamner le même aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie manuscrite le 24 février 2021, la société Proman 048 demande à la cour :
à titre principal,
-de confirmer le jugement rendu le 28 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Melun en toutes ses dispositions,
à titre subsidiaire,
si la cour devait infirmer le jugement et requalifier les contrats de mission de M. [N] en contrat à durée indéterminée à l’encontre de la société Scadif,
il est demandé à la cour, statuant à nouveau de :
-de débouter M. [N] de sa demande de condamnation solidaire au versement de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre et de marchandage,
-de débouter la société Scadif de sa demande de condamnation solidaire formée à l’encontre de la société Proman 048,
en tout état de cause,
-de condamner M. [N] à régler une somme de :
-1 500 euros à la société Proman 048 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposée au greffe de la cour le 24 février 2021, la société Proman demande à la cour de:
A titre principal.
– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
– de débouter M. [N] de sa demande de condamnation solidaire au versement de
dommages et intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre et de marchandage,
– de débouter la Société Scadif de sa demande de condamnation solidaire formée à l’encontre de la Société PROMAN 048,
En tout état de cause.
– de condamner M. [N] à lui régler une somme de 1.500 euros à 048 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 9 novembre 2022 pour y être examinée.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
I- sur la requalification
A- sur la prescription de l’action,
En application de l’article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Il est admis que cette prescription biennale est applicable à l’action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
S’agissant de l’action en requalification fondée sur le moyen tenant à ce que la succession des contrats à durée déterminée avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, c’est à dire au motif du recours, le délai de prescription a pour point de départ le terme du contrat en cause ou, en cas de succession de contrat de travail à durée déterminée, le terme du dernier contrat, le salarié étant en ce cas en droit lorsque la demande de requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.
Les parties s’entendent pour dire que le délai de prescription applicable est en l’espèce de deux ans et M. [N] s’appuie sur le recours abusif aux contrats de mission par la société Scadif en se prévalant de ce qu’elle pourvoyait ainsi à son activité normale et permanente.
Dès lors qu’aucune période interstitielle entre les contrats conclus pour une mise à disposition de la société Scadif depuis le 13 novembre 2012 jusqu’au terme du dernier contrat survenu le 18 janvier 2019 n’est égale ou supérieure au délai de prescription prévu à l’article précité, la prescription de l’action en requalification fondée sur le caractère abusif du recours à l’intérim pour pourvoir à un emploi permanent doit être déclarée recevable pour l’ensemble de la période.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.
B- sur la nature de la relation contractuelle,
Selon l’article L. 1251-5 du code du travail , le contrat de mission quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Parmi les cas de recours autorisés, figure l’accroissement d’activité, lequel recouvre l’exécution d’une tâche précisément définie et non durable ne relevant pas de l’activité normale de l’entreprise, la survenance d’une commande exceptionnelle ou des travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité.
Est également prévu le remplacements de salariés absents et dans ce cas, s’ il s’est agi pour la société d’être en mesure de garantir à ses salariés le bénéfice des droits à congés payés ou repos que leur accorde la loi ou pour leur assurer la formation imposée par les dispositions légales, il ne peut être considéré quand bien même le recours aux contrats de mission est-il récurrent voire permanent que l’employeur a ainsi fait face à un besoin structurel de main d’oeuvre et pourvu durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, quelle que soit par ailleurs la prévisibilité des absences ainsi compensées.
Cependant, il appartient à la société SCADIFe d’apporter la preuve de la réalité des motifs figurant dans les contrats de mission, ce qu’elle ne fait en aucune manière dès lors qu’aucune pièce ne vient démontrer l’existence d’une tâche ne rentrant pas dans l’activité normale et permanente de l’entreprise, la seule référence dans certains contrats à des opérations ou des événements étant insuffisante sur ce point.
De même aucune pièce ne met la cour en mesure de vérifier l’effectivité et la cause des absences des salariés remplacés.
Ainsi, la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée doit être prononcée, et ce, depuis le 13 novembre 2012, date du premier contrat de mission conclu à raison d’un accroissement temporaire d’activité non autrement documenté.
II- sur les conséquences de la requalification
A- sur l’indemnité de requalification,
En vertu de l’article L. 1251-41 du code du travail, lorsqu’il est fait droit à une demande de requalification d’un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée , il est accordé au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Cette indemnité doit être calculée sur le salaire de base et ses accessoires.
Du bulletin de salaire de décembre 2018 auquel se réfère lui même M. [N] il résulte que sa rémunération s’est élevée à 1 938,14 euros compte tenu des accessoires, le salaire de base étant de 1 843,04 euros.
Le salaire mensuel de référence doit en conséquence être fixé à 1 938,14 euros pour calculer l’indemnité due.
Le salarié demande de ce chef que lui soit allouée la somme de 2 604,98 euros, mais il ne justifie pas de ce montant.
Il doit lui être alloué du chef de l’indemnité de requalification la somme de 1 938,14 euros, correspondant à un mois de salaire.
B- sur la rupture du contrat de travail,
Aux termes de l’article L. 1231-1 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun accord dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.
Il en résulte que la rupture du contrat de mission requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, survenue par la seule arrivée du terme initialement prévu s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse emportant, outre le paiement des indemnités légale ou conventionnelle de licenciement et de préavis, le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
M. [N], se fonde sur une ancienneté de 5,1 ans pour déterminer le montant des sommes qui lui sont dues de ces chefs alors que l’employeur soutient que compte tenu de la période d’interruption courant du 27 décembre 2015 au 29 janvier 2017 pendant laquelle il n’a pas été fait recours à ses services et qu’au regard des règles de prescription, il ne peut être tenu compte de la période du 13 novembre 2012 au 26 décembre 2015.
De ce qui précède il résulte que la demande de requalification a été reconnue fondée.
M. [N] est donc en droit de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier, sans que la période que l’employeur qualifie d’interruption puisse avoir pour conséquence de réduire l’ancienneté résultant de la requalification prononcée à compter du 13 novembre 2012.
En application des articles L. 1234-9 et R 1234-2 du code du travail et au regard de la combinaison de ces éléments et sur la base d’un salaire de référence de 1 938,14 euros, l’indemnité de licenciement de M.[N] doit être fixée à 3 004,11 euros.
Par ailleurs, M. [N] peut prétendre à une indemnité de préavis et aux congés payés afférents correspondant à deux mois de salaire en application de l’article 3 de l’annexe 1 de la convention collective applicable qui fixe à un mois le délai de préavis pour l’ensemble du personnel ouvrier et employé porté à deux mois lorsque l’ancienneté est d’au moins deux ans.
De ce qui précède il résulte qu’il doit lui être alloué de ces chefs les sommes de 3 876,28 euros et de 387,62 euros.
Enfin, âgé de presque 50 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, il doit être alloué à M. [N] la somme de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail.
III- les rappels de salaire
Le salarié engagé par plusieurs contrat de mission non successifs et dont la relation de travail est requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée ne peut prétendre au rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il s’est tenu à disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail, ce qu’il lui appartient de démontrer.
M. [N] sollicite de ce chef des rappels de salaires sur les périodes du 13 mars au 12 mai 2017, soit 45 jours ouvrés et du 12 juin au 7 juillet 2017, soit 20 jours ouvrés, ainsi que sur celles du 5 au 10 mars et du 2 au 5 mai 2018, soit 8 jours ouvrés.
Mais il ne justifie pas qu’il s’est tenu pendant ces périodes à la disposition de l’employeur, rien ne permettant de retenir qu’il n’a pas pendant ces périodes travaillé pour une autre entreprise ni qu’il ne connaissait ses dates de début de mission qu’au fur et à mesure qu’il les effectuait.
Les demandes formées de ce chef doivent en conséquence être rejetées.
IV- sur le prêt de main d’oeuvre et le marchandage
Selon l’article L. 8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet le prêt exclusif de main d’oeuvre est illicite.
En vertu de l’alinéa 2 de ce même article, toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre des dispositions du présent code relatives au travail temporaire.
L’opération de prêt de main d’oeuvre illicite est voisine de l’opération de marchandage prévue à l’article L. 8231-1 du code du travail qui dispose que ‘le marchandage défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif, est interdit’.
Pour mettre en cause la responsabilité de la société Proman 48 en application des articles précités, M. [N] rappelle qu’avec son entremise, la société Scadif a permis à cette dernière d’atteindre un niveau moyen d’intérim moyen mensuel d’un quart de l’effectif représentant 93,4 Equivalent Temps Plein (ETP), et que la moyenne observée sur 2015-2018 s’élève à 36% d’intérim lié à des remplacements de salariés absents et 64% à un accroissement temporaire d’activité.
Cependant, outre que les éléments du rapport de l’expert comptable au comité social et économique qu’il cite et verse aux débats ne font aucunement référence à la société Proman 48 pour lui imputer la fourniture exclusive à la société Scadif d’intérimaires dans les conditions décrites, la réalité d’un fait matériel constitutif de marchandage ou de prêt de main d’oeuvre illicite imputable à cette société n’étant donc pas démontrée, M. [N] ne justifie aucunement de l’étendue du préjudice qu’il prétend devoir être indemnisé à hauteur de 15 000 euros.
Le jugement ayant rejeté la demande ainsi formée doit en conséquence être confirmé.
V- sur la demande en garantie contre la société Proman 48
Selon l’article 1251-40, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11, L.1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1 et des stipulations et conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
Pour solliciter la garantie de la société Proman 48, la société Scadif relève que dans la succession de contrats d’intérim, trois ont été conclus sans respecter le délai de carence tel que prévu à l’article L. 1251-36.
Cependant, outre que la requalification de la relation de travail résulte de l’absence par la société Scadif de toute justification de la réalité des motifs de recours aux contrats d’intérim, ce sur quoi il n’est pas démontré en l’espèce que la société de travail temporaire avait un moyen de contrôle, le texte précité ne prévoit pas de requalification de la relation de travail à raison du non respect du délai de carence.
Ainsi la demande de condamnation solidaire doit-elle être rejetée.
VI- sur le remboursement des allocations de chômage
Les conditions d’application de l’article L 1235 – 4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités.
VII- sur les autres demandes
Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M. [N] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
INFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu’il a :
– rejeté les demandes formées par M. [N] et la société Scadif en condamnation solidaire des avec la société Proman 048,
– rejeté les demandes de rappels de salaire sur les périodes interstitielles,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
REJETTE les demandes relatives à la prescription,
REQUALIFIE les contrats de mission unissant M. [N] à la société Scadif en contrat à durée indéterminée à compter du 13 novembre 2012,
DIT le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Scadif à verser à M.[N]
– 1 938,14 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 3 004,11 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 3876,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 387,62 euros au titre des congés payés afférents,
– 13 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
ORDONNE le remboursement à l’organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Scadif à verser à M. [N] 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,
CONDAMNE la société SCADIF aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE