Prêt illicite de main d’oeuvre : 26 avril 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 19/03556

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 26 avril 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 19/03556
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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 1

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 26 AVRIL 2022 à

la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC

la SELARL DA COSTA – DOS REIS

AD

ARRÊT du : 26 AVRIL 2022

MINUTE N° : – 22

N° RG 19/03556 – N° Portalis DBVN-V-B7D-GBX4

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 13 Novembre 2019 – Section : ENCADREMENT

APPELANT :

Monsieur [D] [I]

né le 03 Juin 1973 à MARADI (NIGER)

2 rue Camille Lefèvre

45130 SAINT AY

représenté par Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d’ORLEANS

ET

INTIMÉE :

S.A.R.L. SAFETY

80 rue du Champ Prieur – ZAC des Châteliers

ZAC des Châteliers

45400 SEMOY

représentée par Me Antonio DA COSTA de la SELARL DA COSTA – DOS REIS, avocat au barreau d’ORLEANS

Ordonnance de clôture : 3 février 2022 à 9h00

Audience publique du 3 Février 2022 à 9h30 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l’absence d’opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 26 Avril 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Sécuritas a engagé M. [D] [I] à compter du 15 septembre 2000 en qualité d’agent de sécurité incendie ERP2 en application de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

A compter du 1er février 2004, le contrat de travail a été transféré à la SARL Safety qui a repris le marché des prestations de sécurité incendie sur le site des Halles Châtelet à Orléans (Loiret) sur lequel était affecté M. [D] [I] .

M. [D] [I] a été délégué du personnel.

Le salarié a obtenu son diplôme SSIAP 3 le 22 février 2011.

A compter du 1er mars 2011, il a bénéficié d’une promotion lui permettant d’accéder au statut d’agent de maîtrise.

M. [D] [I] a réclamé à son employeur des rappels de salaire et des heures supplémentaires, ainsi que la reconnaissance du statut cadre lié à l’obtention du diplôme SSIAP 3.

Le 24 février 2014, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans.

Le 29 octobre 2014, le bureau de jugement a ordonné la radiation de l’affaire.

Le 4 avril 2015, M. [D] [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Le 14 octobre 2016, l’affaire a été remise au rôle.

Lors de l’audience du 17 mai 2017, l’affaire a fait l’objet d’une décision de retrait du rôle.

Le 25 janvier 2019, le salarié a sollicité la réinscription au rôle du dossier.

M. [D] [I] a demandé au conseil de prud’hommes d’Orléans de juger que la rupture du contrat de travail devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et nul de surcroît compte tenu du statut de salarié protégé dont il bénéficiait, et a sollicité diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture.

Par jugement du 13 novembre 2019, le conseil de prud’hommes d’Orléans, section encadrement, a :

Qualifié la prise d’acte de M. [D] [I] en démission à dater du 4 avril 2015;

En conséquence,

Débouté M. [D] [I] de l’intégralité de ses demandes ;

Condamné M. [D] [I] à verser à la SARL Safety Gardiennage les sommes :

2 000,00 euros au titre des dommages-intérêts pour non-respect du préavis ;

1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [D] [I] aux entiers dépens.

M. [D] [I] a interjeté appel de cette décision le 18 novembre 2019.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 31 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] [I] demande à la cour de :

Recevoir M. [D] [I] en son appel ;

Le déclarer bien fondé, en son appel ainsi qu’en toutes ses demandes ;

Réformer et infirmer le jugement entrepris en ce que le Conseil a débouté M. [D] [I] de toutes ses demandes et plus précisément :

N’a pas fait droit à sa demande avant dire-droit visant à obtenir la production par SARL Safety des avenants à contrats de travail et des bulletins de paie de Monsieur [Y] [N], du diplôme de chef d’équipe ERP2 de Monsieur [N], de la copie intégrale de son registre unique du personnel, de tout contrat de prestation de services ayant existé entre les sociétés SARL Safety et CPSI concernant le centre commercial les Halles Châtelet à Orléans ;

a refusé de reconnaître les nombreux manquements commis par la SARL Safety, à son égard, en ce qui concerne ses obligations contractuelles (discrimination et en tous les cas différences anormales de traitement, frein volontaire et injustifié mis à l’évolution professionnelle, violation des règles en matière de temps de travail, d’astreinte, temps de repos, paiement des heures supplémentaires, congés de fractionnement, travail illégal, obligation de sécurité), en retenant notamment une prétendue prescription, et dans le cadre de son mandat de délégué du personnel ;

A refusé de lui accorder le bénéfice du statut cadre, position II-A de la convention collective prévention et sécurité ;

L’a débouté de ses demandes de rappels de salaire et congés payés liés à régularisation du statut cadre position II-A, de rappels de rémunération au titre des heures supplémentaires, d’indemnité pour non-respect des règles en matière de congés de fractionnement, de dommages et intérêts pour travail illicite, exécution déloyale du contrat de travail et entrave aux fonctions de délégué du personnel

L’a débouté de sa demande visant à voir juger comme étant justifiée et devant produire les effets d’un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, la prise d’acte notifiée de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de SARL Safety, le Conseil ayant au contraire requalifié ladite prise d’acte en démission

L’a débouté de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés s’y rapportant, d’indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité pour violation du statut protecteur

L’a débouté de sa demande de remise de documents de rupture conformes sous astreinte de 50 euros par document et par jour,

L’a débouté de sa demande formée à l’encontre de SARL Safety au titre des frais irrépétibles et dépens

Réformer et infirmer le jugement entrepris en ce que le Conseil a condamné M. [D] [I] à verser à la SARL Safety 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du préavis et 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau, avant dire droit,

Ordonner la production par SARL Safety des éléments suivants :

Les avenants contrat de travail de Monsieur [N] et l’ensemble de ses bulletins de paie, au titre de TOUTE sa période d’emploi au sein de SARL SAFETY ;

Le diplôme de chef d’équipe ERP2 de Monsieur [N];

Copie intégrale de son registre unique du personnel ;

Tout contrat de prestation de services ayant existé entre les sociétés SARL Safety et CPSI concernant le Centre Commercial les Halles Châtelet à Orléans.

Au titre de l’exécution du contrat de travail,

Déclarer que la SARL Safety a commis de nombreux manquements, à ses obligations contractuelles, et en particulier, et en particulier qu’elle a :

Manqué au principe de non-discrimination et d’égalité entre les salariés volontairement et sans raison valable freiné volontairement l’évolution professionnelle de M. [D] [I]

Manqué à son obligation de régler l’intégralité des heures supplémentaires

Violé les dispositions légales relatives aux congés de fractionnement

Violé les dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de travail et au temps de repos

Commis des actes relevant du travail illicite

Manqué à son obligation de sécurité

Manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail

Entravé l’exercice par M. [D] [I] de son mandat de délégué du personnel

Déclarer qu’aucun de ces griefs n’encourt la prescription

Reconnaître que M. [D] [I] devait se voir reconnaître le statut cadre Position IIA et a minima celle d’agent de maîtrise niveau 3 échelon 1, coefficient 235

En conséquence,

Condamner la SARL Safety à verser à M. [D] [I] :

46040.88 euros bruts de rappel de salaire lié à régularisation de son statut cadre position II A outre 4604.09 euros de congés payés s’y rapportant ;

A tout le moins, en cas d’application de la qualification d’agent de maîtrise niveau 3 échelon 1, coefficient 235 :

25184.73 euros bruts de rappel de salaire et prime d’ancienneté liés à régularisation de son statut outre 2518.47 euros au titre des congés payés s’y rapportant ;

16540.03 bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, et congés payés s’y rapportant à hauteur de 1654 euros ;

1047.20 euros en net à titre d’indemnité pour non-respect des règles en matière de congé de fractionnement ;

12000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail illicite ;

30 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour entrave aux fonctions de délégué du personnel ;

Au titre de la rupture du contrat de travail,

Déclarer justifiée et bien fondée la prise d’acte par M. [D] [I] de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SARL Safety, au regard des nombreux manquements graves commis par cette dernière

En conséquence, déclarer que la rupture du contrat de travail devra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et nul de surcroît compte tenu du statut de salarié protégé dont bénéficiait M. [D] [I] à la date de la prise d’acte, découlant de sa qualité de délégué du personnel, et condamner SARL Safety à verser à M. [D] [I] :

9611.61 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 961.16 euros de congés payés s’y rapportant ;

11453.16euros nets à parfaire à titre d’indemnité légale de licenciement ;

60 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

44854 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur

Ordonner au profit de M. [D] [I] et sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard passé le délai de quinzaine à compter du jugement à intervenir, la remise de documents de rupture conformes.

En tout état de cause,

Débouter SARL Safety de sa demande d’indemnité pour non- respect du préavis

Condamner SARL Safety à payer à M. [D] [I] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Débouter SARL Safety de sa demande au titre des frais irrépétibles et dépens, de première instance comme d’appel ;

Condamner SARL Safety aux entiers dépens de première instance comme d’appel ;

Débouter la SARL Safety de toutes ses demandes contraires et appel incident

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 28 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SARL Safety demande à la cour de :

Confirmer l’intégralité des dispositions du jugement rendu le 13 novembre 2019 par le Conseil de prud’hommes d’Orléans (RG n°19/00041) ;

En conséquence,

Déclarer n’y a voir lieu à faire droit à la demande de production de pièces complémentaires par la SARL Safety,

Déclarer que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [D] [I] s’analyse en une démission,

Débouter M. [D] [I] de l’ensemble de ses demandes particulièrement mal fondées ;

Condamner M. [D] [I] à verser à la SARL Safety les sommes suivantes :

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de son préavis ;

1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance ;

2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais en engagés en cause d’appel ;

Condamner M. [D] [I] aux entiers dépens de la présence instance.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2022.

L’affaire, fixée à l’audience de plaidoiries du 3 février 2002, y a été évoquée et mise en délibéré au 26 avril 2022.

Le 10 mars 2022, en application de l’article 442 du code de procédure civile, les parties ont été invitées à faire connaître, par note en délibéré, leurs observations sur la possibilité de relever d’office, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande formée par M. [D] [I] dans ses conclusions n° 5 du 31 décembre 2021 et tendant à la condamnation de la SARL Safety à lui payer la somme de 25 184,73 euros brut à titre de « rappel de salaire et prime d’ancienneté liés à régularisation de son statut», outre 2 518,47 euros au titre des congés payés afférents, en demandant à se voir reconnaître la qualification d’agent de maîtrise niveau 3 échelon 1, coefficient 235 (conclusions, p. 75).   

Par note en délibéré transmise par RPVA le 17 mars 2022, la SARL Safety a conclu à l’irrecevabilité de cette prétention nouvelle, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile.

Par note en délibéré transmise par RPVA le 25 mars 2022, M. [D] [I] a fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la mention « à peine d’irrecevabilité relevée d’office » ne confère « au juge que la simple faculté de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté d’une demande en appel, qui n’est pas d’ordre public ». Il estime que, compte tenu de la clôture des débats intervenue dans cette affaire, la cour d’appel ne peut relever d’office une telle fin de non-recevoir. Il soutient également que la demande subsidiaire qu’il forme relative à la qualification d’agent de maîtrise Niveau 3 échelon 1 coefficient 235 constitue non pas une prétention mais un moyen au soutien d’une prétention tendant à la condamnation de la SARL Safety au paiement de rappels de salaires liés à l’application de son statut réel.

MOTIFS

Sur la demande de production de pièces

En application de l’article 142 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [D] [I] tendant à ce qu’il soit ordonné la production par la SARL Safety des éléments suivants :

– les avenants au contrat de travail et les bulletins de paie de M. [Y] [N] au titre de sa période d’emploi au sein de la société Safety ;

– le diplôme de chef d’équipe ERP2 de M. [N] ;

– copie intégrale du registre unique du personnel de la SARL Safety ;

– tout contrat de prestation de services existant entre les sociétés Safety et CPSI concernant le centre commercial les Halles Châtelet à Orléans.

Sur le bien-fondé de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Il convient de relever que, dans le dispositif de ses conclusions, la SARL Safety ne soulève aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en discrimination ou de la prescription des agissements de l’employeur invoqués à l’appui de la prise d’acte.

Le juge, saisi d’une demande au titre de la prise d’acte du contrat de travail, doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté (en ce sens, Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-18.533, FS, P).

Il convient par conséquent d’examiner successivement les manquements invoqués par M. [D] [I] au titre de la prise d’acte du 4 avril 2015.

Sur l’existence d’une « discrimination à raison du nom de famille et de la situation familiales »

En application de l’article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison notamment de sa situation de famille, de son nom de famille ou de ses activités syndicales.

M. [D] [I] invoque avoir subi une discrimination à raison de son nom de famille.

Cependant, les faits qu’il allègue, à savoir une évolution de carrière moins favorable que celle de M. [Y] [N], ne sont pas susceptibles de relever de ce motif prohibé de discrimination. En effet, le salarié ne soutient pas avoir eu un traitement moins favorable en raison de son patronyme.

Il y a lieu de retenir que les faits invoqués par M. [D] [I] s’analysent en une discrimination à raison de sa situation de famille, M. [Y] [N], ayant selon lui, eu un déroulement de carrière plus favorable que le sien en raison de son lien de filiation avec M. [A] [N], directeur unique de sécurité.

A l’appui de sa demande, M. [D] [I] fait valoir :

– que M. [Y] [N], engagé en tant que chef d’équipe ERP2, a bénéficié dès 2005 d’une formation de chef de sécurité incendie (SSIAP 3) alors que lui-même n’a pu bénéficier de cette formation qu’en 2010 après le départ de la société de M. [Y] [N], nommé au poste de responsable unique de sécurité, ci-après RUS, en remplacement de son père ;

– que M. [Y] [N] a bénéficié dès 2005 de la qualification d’agent de maîtrise, après l’obtention du diplôme SSIAP 3, alors qu’il a dû attendre le 1er décembre 2007 pour bénéficier de ce statut ;

– que M. [Y] [N] a été promu dès 2005 au poste de chef de service sécurité incendie et adjoint du directeur unique de sécurité, alors qu’il n’avait exercé que des fonctions relevant quasi exclusivement du domaine informatique et non de la sécurité incendie, alors que lui, [D] [I], qui exerçait dans les faits les fonctions de chef de service sécurité incendie SSIAP 3 était maintenu à la qualification chef d’équipe SSIAP 2 ;

– qu’au cours de l’année 2005, les vacations de nuit effectuées jusque-là par les agents

ERP ont été subitement supprimées et remplacées par des astreintes de nuit, à l’initiative de M. [A] [N], directeur de la sécurité incendie qui a fait en sorte d’imposer la mise en place d’un agent de service titulaire du diplôme SSIAP 3 pour effectuer ces astreintes, étant précisé que seul M. [Y] [N] remplissait cette condition ;

– qu’alors qu’il était exigé de l’ensemble du personnel SAFETY, dont M. [D] [I]

même pendant ses vacations SSIAP3, qu’il porte un uniforme et un badge d’identification, sous peine de sanction, la direction avait accepté que M. [Y] [N] s’affranchisse de cette directive.

S’agissant de ce dernier grief, les pièces versées aux débats par M. [D] [I] ne permettent d’établir ni que la SARL Safety ait toléré que M. [Y] [N] s’affranchisse de l’obligation du port de l’uniforme et du badge d’identification lorsqu’il était chef d’équipe ERP2, ni que ce salarié ait, sur ce point, fait l’objet d’un traitement distinct de ses autres collègues occupant des fonctions identiques. Ce grief n’est donc pas établi.

Les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination directe à raison de sa situation de famille.

Selon le compte-rendu de la réunion de service du 12 octobre 2009, Mme [K] [O], gérante de la SARL Safety, a justifié l’engagement de promouvoir M. [Y] [N] au poste de directeur unique de sécurité en remplacement de M. [A] [N], après le départ en retraite de celui-ci, par son investissement au sein de la société mais aussi par l’existence d’un lien de parenté avec le titulaire du poste en évoquant la pérennité et la continuité de l’emploi sur le site des Halles Châtelet. Cependant, ce compte-rendu, rédigé par M. [L] [R], délégué du personnel, n’emporte pas la conviction de la cour. La circonstance que les participants à la réunion aient apposé leur signature sur la liste d’émargement de la feuille de présence n’implique pas qu’ils aient approuvé ce compte-rendu. Ce document ne permet donc pas d’établir l’existence d’une discrimination.

La SARL Safety justifie que M. [D] [I] occupait au sein de la société Securitas un emploi d’agent de sécurité incendie ERP2- niveau Ill – échelon 3 – coefficient 150 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

A la suite de la perte du marché « Les Halles Châtelet » à Orléans (Loiret) par cette société, la SARL Safety a repris le contrat de M. [D] [I]. Selon contrat à durée indéterminée du 1er février 2004, le salarié a été engagé à des fonctions d’agent de sécurité incendie ERP2 identiques à celles qui étaient les siennes avant le transfert, sa classification conventionnelle étant maintenue mais le salaire horaire augmenté passant de 8,43 euros brut à 8,91 euros brut. Son salaire mensuel brut a été fixé à 1 351,38 euros.

Selon avenant du 1er décembre 2007, M. [D] [I] a été promu agent de sécurité incendie ERP2 avec la qualification de chef d’équipe de sécurité incendie ERP2, catégorie agent de maîtrise – niveau 1 – coefficient 150 – échelon 1, avec un salaire brut mensuel de 1 578,32 euros.

Selon avenant du 31 mars 2011, M. [D] [I] a été promu agent de maîtrise, niveau 2, échelon 1, coefficient 185 avec un salaire brut mensuel de 1 963,42 euros brut, outre une prime d’astreinte de nuit de 300 euros par mois.

La SARL Safety a engagé le 1er mars 2004 M. [Y] [N] en qualité d’agent de surveillance ERP2 coefficient 160 – niveau IV – échelon 1 de la convention collective applicable, au même salaire horaire et mensuel que M. [D] [I]. L’employeur ne justifie pas de ce que celui-ci était titulaire lors de son embauche du diplôme d’agent de sécurité ERP2. En revanche, il démontre que M. [Y] [N] avait exercé en 1996 des fonctions de chef d’équipe de sécurité incendie.

M. [D] [I] était quant à lui titulaire du diplôme ERP2 requis et exerçait depuis le 15 septembre 2000 les fonctions de chef d’équipe sur le site Les Halles Châtelet.

La décision de l’employeur de faire bénéficier M. [Y] [N], salarié de l’entreprise depuis le 1er mars 2004, d’une formation SSIAP 3 afin qu’il acquière les compétences requises pour des fonctions d’une qualification supérieure à celles qu’il occupait n’est pas en contravention avec l’article 6.11 de la convention collective applicable. Elle est justifiée par des raisons objectives tirées de l’expérience professionnelle de celui-ci dans les fonctions de chef d’équipe de sécurité incendie. Elle ne saurait être considérée comme une mesure discriminatoire.

M. [D] [I] ne peut utilement comparer son évolution de carrière à celle de M. [Y] [N]. En effet, si ce dernier a été positionné, lors de son recrutement en mars 2004, au même coefficient conventionnel que M. [D] [I], il a obtenu dans le courant de l’année 2005 le diplôme sanctionnant la formation SSIAP 3 qui lui a permis d’exercer des responsabilités supérieures et d’obtenir la classification d’agent de maîtrise avant M. [D] [I], chef d’équipe ERP2.

La SARL Safety rapporte la preuve que M. [D] [I] a eu une progression de carrière constante depuis 2004, avec des augmentations régulières de sa rémunération et la reconnaissance du statut d’agent de maîtrise, chef d’équipe de sécurité incendie ERP2, au 1er décembre 2007.

La SARL Safety justifie que M. [D] [I] a bénéficié en décembre 2010 de la formation SSIAP 3 qu’elle a prise en charge pour un montant de 9045 euros. Il a, après l’obtention du diplôme en février 2011, été positionné agent de maîtrise – chef de poste, niveau 2, Echelon 1, coefficient 185 avec un salaire brut mensuel de 2 382,63 € primes incluses, fonctions qu’il a occupé jusqu’à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

S’agissant des vacations de nuit, il ressort de la demande d’intervention de l’inspection du travail, émanant de M. [L] [R] et de M. [D] [I], que l’instauration au cours de l’année 2005 d’astreintes de nuit sur le site «Les Halles Châtelet » en lieu et place des vacations de nuit résulte d’une initiative du directeur de la sécurité incendie du groupement d’établissements du centre commercial Halles Châtelet, M. [A] [N]. Cette décision n’émane donc pas de la SARL Safety mais de son client.

Il ressort des consignes de sécurité incendie du 22 novembre 2007 que la SCDS a imposé que l’agent de sécurité d’astreinte soit titulaire du diplôme ERP3 / SSIAP 3. Cette décision est donc extérieure à la SARL Safety qui était tenue de s’y conformer.

M. [Y] [N] était l’unique salarié de la SARL Safety titulaire du diplôme requis. Le fait qu’il a été le seul à effectuer des astreintes jusqu’en 2010, date de son départ de l’entreprise, repose donc sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il y a lieu de préciser qu’au regard du nombre réduit d’agents affectés sur le site «Les Halles Châtelet », il ne saurait être fait grief à la SARL Safety de ne pas avoir formé M. [D] [I] au poste de chef de service SSIAP 3 pendant que M. [Y] [N] occupait ce poste, en l’absence de besoin pour l’entreprise d’un poste supplémentaire d’encadrement.

La réalité de la discrimination alléguée ne ressort pas des échanges intervenus en 2014 entre le Défenseur des droits et la SARL Safety.

En conclusion, il y a lieu de retenir que l’employeur prouve que les agissements invoqués par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En tout état de cause, le manquement invoqué est antérieur de plusieurs années à la prise d’acte du 4 avril 2015, aucune discrimination à raison de la situation de famille n’étant alléguée après le départ de M. [Y] [N] en 2010.

Sur l’allégation de frein volontaire à l’évolution professionnelle

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, M. [D] [I] a connu une évolution de carrière régulière et sa rémunération a constamment augmenté. La SARL Safety verse aux débats un tableau comparatif d’évolution des salaires de base de quatre salariés (pièce n° 10) dont il résulte que M. [D] [I] a eu entre 2008 et 2014 l’évolution la plus favorable des quatre salariés du panel, incluant M. [B] [Z].

A l’appui de sa prise d’acte du 4 avril 2015, il ne peut utilement invoquer le projet qu’aurait eu la société en 2004 de nommer M. [B] [Z] en qualité de chef d’équipe principal de sécurité. En effet, ce projet a été abandonné et M. [D] [I] n’a subi aucun préjudice de carrière de ce fait.

A la suite de l’obtention en 2011 du diplôme SSIAP 3, M. [D] [I] a été promu agent de maîtrise, niveau 2, échelon 1, coefficient 185 et a été nommé adjoint au directeur de la sécurité sur le site les Halles Châtelet ». Il lui a été confié des missions de chef de service de sécurité incendie SSIAP 3. Il ne peut donc être fait grief à l’employeur d’avoir freiné son évolution professionnelle.

La SARL Safety justifie avoir, entre 2007 et 2014, financé diverses formations au bénéfice de M. [D] [I] pour un montant cumulé de 14 733,10 euros. Le 11 juin 2014, l’employeur a accordé au salarié un congé individuel de formation pour la préparation d’une licence professionnelle de sécurité des personnes et des biens, ce projet n’ayant pas abouti à la suite d’un refus de prise en charge par le Fongecif Centre. Il n’est caractérisé aucune manoeuvre de l’employeur visant à empêcher l’exercice du droit à la formation.

Ce grief n’est pas établi.

Sur l’absence d’entretien professionnel

L’article 4 de l’accord du 28 juin 2005 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie, étendu par arrêté du 3 février 2006, prévoit : « chaque salarié ayant au minimum 2 années d’activité dans une entreprise bénéficie, au moins tous les 2 ans, d’un entretien professionnel réalisé par l’entreprise […] L’entretien professionnel a pour finalité de permettre à chaque salarié d’exprimer son projet professionnel à partir de ses souhaits d’évolution dans l’entreprise, de ses aptitudes et, en fonction, de la situation de l’entreprise ».

La SARL Safety ne justifie pas s’être conformée à cette obligation conventionnelle avant la convocation adressée au salarié le 30 août 2012. Ce manquement est établi.

Sur la demande de rappel de salaire formulée à titre principal

M. [D] [I] expose avoir obtenu le diplôme SSIAP 3 le 22 février 2011 et avoir exécuté des fonctions relevant de celles dévolues à un chef de service sécurité incendie. Il soutient en conséquence qu’il aurait dû se voir reconnaître à compter de 2011 la qualification de cadre Position II A de la convention collective applicable et sollicite en conséquence l’infirmation de la décision du conseil de prud’hommes l’ayant débouté de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, M. [D] [I] a suivi la formation SSIAP 3 en décembre 2010. Après l’obtention de ce diplôme en février 2011, il a été maintenu dans ses fonctions de chef d’équipe sécurité incendie. Il a été positionné, selon avenant du 31 mars 2011, au niveau II échelon 1 coefficient 185 de la convention collective. Cette mention apparaît sur les bulletins de paie établis depuis le 1er mars 2011.

L’annexe II « Classification des postes d’emploi » de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 prévoit :

« Peuvent accéder à la position II :

‘ les ingénieurs ou cadres titulaires d’un diplôme des niveaux II et I de l’Education nationale dès qu’ils peuvent justifier de 2 ans de pratique des connaissances théoriques sanctionnées par ce diplôme ;

‘ sont également classés en position II les salariés ayant acquis une expérience professionnelle et/ou des connaissances leur permettant de tenir les fonctions correspondant aux définitions ci-dessous et qu’ils exercent effectivement.

Position II-A

Ingénieur ou cadre qui assume dans les domaines soit technique, soit administratif, soit commercial, soit de la gestion des responsabilités découlant des directives de son supérieur hiérarchique. »

M. [D] [I] ne justifie pas être titulaire d’un diplôme de l’éducation nationale de niveau I ou de niveau II, correspondant à un diplôme bac + 3 ou supérieur. A cet égard, les diplômes ERP 2 / SSIAP 2 et SSIAP 3 ne sauraient être considérés comme les équivalents d’un diplôme bac + 3 de l’enseignement supérieur.

M. [D] [I] ne démontre pas avoir acquis une expérience professionnelle ou des connaissances lui permettant d’assumer des responsabilités découlant des directives de son supérieur hiérarchique, au sens de la convention collective.

L’avenant n° 2 du 31 mars 2011 au contrat de travail mentionne « à compter du 1er mars 2011, vous aurez les fonctions définies par les consignes de sécurité incendie du site Les Halles Châtelet sur lequel vous exercez et exercerez la fonction de SSIAP 3, tout en conservant votre statut de SSIAP 2 ».

Il ressort du courrier adressé le 20 juin 2011 par M. [Y] [N] à la gérante de la SARL Safety que M. [D] [I] a été nommé le 28 février 2011 « SSIAP3, adjoint au directeur de la sécurité sur le site les Halles Châtelet ».

Selon les consignes de sécurité du 7 novembre 2011 destinées au personnel du service de sécurité incendie du groupement d’établissements « les Halles Châtelet » à Orléans, M. [D] [I] exerçait à la fois des missions de chef d’équipe du service de sécurité incendie SSIAP 2 (p. 14) et des missions de chef de service de sécurité incendie SSIAP 3 (p. 16).

Il avait ainsi pour mission :

– la gestion des installations techniques (mission SSIAP 2) ;

– de représenter le directeur de la sécurité incendie (récupération, congés ou absence pour quelque cause que ce soit) ;

– d’assurer l’encadrement du personnel SSIAP 1 et 2 du groupe d’établissements ;

– d’assurer ou de faire assurer les formations du site ;

– de participer aux astreintes SSIAP 3 définies par planning ;

– de participer aux réunions de copropriété le jeudi matin en cas d’absence du RUS ;

– de remplacer en cas de nécessité absolue de service et selon ses disponibilités les agents SSIAP (Halles Châtelet) afin de permettre le bon fonctionnement du service de sécurité du site.

Les consignes de sécurité du 1er octobre 2014 (pièce n° 66) ne comportent pas de modifications substantielles des missions confiées au salarié.

Il apparaît que les tâches qui lui ont été confiées pendant la période objet de la demande de rappel de salaire étaient celles prévues dans les consignes de sécurité du 7 novembre 2011 et du 1er octobre 2014.

Ainsi, il ressort des différentes notes de service produites par le salarié qu’il était désigné comme « représentant du directeur de la sécurité incendie » pendant les absences, notamment pour congés, de M. [Y] [N] (pièces n° 8-1 et suivantes). En elles-mêmes, ces notes ne démontrent pas qu’il a été confié, fût-ce ponctuellement, à M. [D] [I] des missions relevant de la classification conventionnelle qu’il revendique. A cet égard, la note de service du 6 mars 2013 (pièce n° 44-1) indique que le représentant du RUS est l’interlocuteur sécurité vis-à-vis des autorités publiques, clients et commerçants en cas d’accident ou d’incident et « n’interfère en aucun cas avec les missions et devoirs respectifs des SSIAP quel que soit leur grade ».

M. [Y] [N] atteste avoir toujours considéré M. [D] [I] comme étant son adjoint (pièce n° 82). Il n’indique cependant pas de manière précise les attributions de celui-ci. Le compte-rendu de réunion du 21 juin 2011 (pièce n° 6 du dossier du salarié) n’est pas plus précis sur l’étendue des responsabilités réelles de M. [D] [I]. Il en est de même des attestations peu circonstanciées des collègues de travail de l’intéressé qui lui expriment leur soutien et indiquent qu’il mériterait d’être reconnu comme chef de service (pièces n° 10 à 13).

L’arrêté du 2 mai 2005 relatif aux missions, à l’emploi et à la qualification du personnel permanent des services de sécurité incendie des établissements recevant du public et des immeubles de grande hauteur définit :

– dans son article 5 les conditions requises pour exercer les fonctions de chef d’équipe de service de sécurité incendie, notamment être titulaire de la qualification SSIAP 2 ;

– dans son article 6 les conditions requises pour exercer les fonctions de chef de service de sécurité incendie, notamment être titulaire de la qualification SSIAP 3.

L’annexe I de cet arrêté contient les référentiels d’emplois de ces fonctions. Cependant, il n’existe pas de correspondance entre ces fonctions et la grille de classification de la convention collective. M. [D] [I] n’est donc pas fondé à soutenir que l’exercice des fonctions de chef de service de sécurité incendie, requérant la qualification SSIAP 3, doit entraîner la reconnaissance d’une classification supérieure à celle d’agent de maîtrise.

Il apparaît au contraire que les missions réellement exercées par M. [D] [I] correspondaient à celles dévolues aux agents de maîtrise, selon la classification conventionnelle.

En effet, selon la classification conventionnelle des postes d’emploi, « l’agent de maîtrise a les qualités humaines et les capacités professionnelles nécessaires pour assumer des responsabilités d’encadrement (connaissances techniques et de gestion, aptitude au commandement) dans les limites de la délégation qu’il a reçue».

L’agent de maîtrise de niveau III « assure l’encadrement d’un ou de plusieurs groupes, généralement par l’intermédiaire d’agents de maîtrise des niveaux I et II, et en assure la cohésion. Il est chargé de coordonner des activités différentes et complémentaires à partir de directives en précisant le cadre. Des objectifs et des règles de gestion lui sont assignés ».

Il entre dans les attributions d’un agent de maîtrise de niveau II de participer à l’accueil du personnel nouveau et de veiller à son adaptation ainsi que de transmettre et d’expliquer les informations professionnelles ascendantes et descendantes. Il lui appartient également de décider et d’appliquer les mesures correctrices nécessaires pour faire respecter les normes d’activités.

Il y a lieu de retenir que les fonctions d’encadrement du personnel SSIAP 1 et SSIAP 2 confiées à M. [D] [I] relèvent des fonctions d’agent de maîtrise et non pas de la position de cadre qu’il revendique. Il y a lieu de souligner que la note du 7 novembre 2011 ne fait mention que de quatre agents à encadrer. Les consignes de sécurité du 1er octobre 2014 prévoient que le service sécurité incendie est assuré par deux agents du lundi au vendredi ainsi que le dimanche et par trois agents le samedi et lors de certaines périodes de forte densité du public.

Aucune des tâches décrites par M. [D] [I] dans son courriel du 28 septembre 2011 (pièce n° 36) ne relève de la qualification de cadre. Il en est de même de celle consistant à réaliser et à suivre les plannings, selon les instructions précises de la gérante de la SARL Safety et sous le contrôle de la hiérarchie du salarié (pièce n° 96-2).

S’agissant des astreintes, les missions de l’agent SSIAP 3 en charge de les effectuer sont précisément définies dans ce document (p. 21). Les tâches mentionnées – intervenir sur déclenchement d’alarme, assurer la sécurité des personnes et la sécurité incendie des biens, prendre et mettre en oeuvre toutes les dispositions qui s’imposent en fonction de la situation sur place… – ne relèvent pas des attributions dévolues aux salariés occupant un emploi d’ingénieur ou de cadre.

Il en est de même des tâches de gestion des installations techniques décrites dans la note précitée du 7 novembre 2011.

Par conséquent, M. [D] [I] ne rapporte pas la preuve d’avoir exercé effectivement des fonctions dans lesquelles il assumait la gestion des responsabilités découlant des directives de son supérieur hiérarchique.

Il y a donc lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [D] [I] de ses demandes de rappels de salaire et de primes d’ancienneté.

Le grief, allégué à l’appui de la prise d’acte relatif au maintien volontaire d’une qualification inférieure à celle découlant des tâches effectuées, n’est donc pas fondé.

Sur la demande subsidiaire de rappel de salaire

Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Dans le dispositif de ses premières conclusions, remises au greffe le 17 février 2020, M. [D] [I] a sollicité la condamnation de la SARL Safety à lui payer la somme de 46 040,88 € brut à titre de « rappel de salaire lié à la régularisation de son statut cadre position II A », outre 4604,09 € au titre des congés payés afférents (conclusions, p. 57).

Dans le dispositif de ses conclusions n° 5 du 31 décembre 2021, il forme une nouvelle demande, subsidiaire à la précédente, tendant à la condamnation de la SARL Safety à lui payer la somme de 25 184,73 euros brut à titre de « rappel de salaire et prime d’ancienneté liés à régularisation de son statut», outre 2 518,47 euros au titre des congés payés afférents, en demandant à se voir reconnaître la qualification d’agent de maîtrise niveau 3 échelon 1, coefficient 235 (conclusions, p. 75).

Contrairement à ce que soutient le salarié dans sa note en délibéré, cette demande s’analyse en une prétention nouvelle, formée sur le fondement d’une classification non revendiquée par lui dans ses premières conclusions. Cette prétention est irrecevable (en ce sens, 1ère Civ., 16 mars 2022, pourvoi n° 20-20.334).

Sur le non-paiement des heures supplémentaires

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).

Au soutien de sa demande, M. [D] [I] produit un planning de ses horaires de janvier 2012 à avril 2015 (pièce n° 41), un décompte récapitulant pour chaque jour entre janvier 2012 et avril 2015 les heures de travail qu’il prétend avoir effectuées (pièce n° 48) ainsi qu’un tableau récapitulatif des sommes qu’il estime lui être dues (pièce n° 107).

Il ressort de cet écrit que la demande du salarié porte à la fois sur l’exécution d’heures de travail non prises en compte par l’employeur et sur l’absence de versement des majorations auxquelles donne lieu l’accomplissement d’heures supplémentaires. La base de calcul de la demande de rappel de salaire est le taux horaire applicable aux salariés ayant le statut de cadre et classés à la position II A de la convention collective applicable.

Les éléments produits par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.

La SARL Safety ne démontre pas avoir établi le calendrier prévisionnel de modulation du temps de travail prévu par l’accord d’entreprise du 11 octobre 2001. Cet accord est donc privé d’effet et le décompte des heures supplémentaires doit s’effectuer selon le droit commun, dans le cadre d’une durée hebdomadaire de 35 heures.

Il est indifférent que M. [D] [I] n’ait pas contesté les modalités selon lesquelles l’employeur décomptait le temps de travail avant l’engagement de la procédure prud’homale.

Contrairement à ce que soutient la SARL Safety, la disposition conventionnelle prévoyant que « les litiges sur les heures travaillées devront être solutionnées à l’amiable» ne fait pas obstacle à la recevabilité de la demande.

La SARL Safety verse aux débats des fiches mentionnant pour chaque jour du mois, entre janvier 2012 et décembre 2014, le nombre d’heures de travail accomplies par M. [D] [I], revêtues de la signature de l’intéressé (pièce n° 27). Ces écrits emportent la conviction de la cour. L’employeur relève des contradictions sur le nombre d’heures de travail entre ces fiches et le décompte du salarié.

De plus, ainsi qu’il a été précédemment retenu, M. [D] [I] ne peut revendiquer être rémunéré au taux de 18,60 euros par heure sur la base duquel son décompte a été effectué.

Au regard des éléments produits par l’employeur et le salarié, il y a lieu de fixer à 3600 euros brut la créance de M. [D] [I] au titre des heures supplémentaires, outre 360 euros brut au titre des congés payés afférents, pour la période comprise entre janvier 2012 et avril 2015. Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de condamner la SARL Safety au paiement de ces sommes.

Le grief allégué à l’appui de la prise d’acte, relatif au non-paiement des heures supplémentaires, est établi.

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, la demande du salarié au titre des heures supplémentaires porte essentiellement sur l’absence de paiement des majorations afférentes à l’accomplissement d’heures supplémentaires. Il ne ressort pas des éléments versés aux débats que la SARL Safety, qui a fait établir chaque mois par le salarié un relevé de ses heures de travail, se serait intentionnellement abstenue de mentionner sur les bulletins de paie des heures de travail effectuées par le salarié. L’infraction de travail dissimulé n’est pas caractérisée.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté M. [D] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Sur la violation des règles relatives aux durées maximales de travail et au temps minimal de repos

Il ressort tant des plannings de M. [D] [I] (pièce n° 41), du décompte de ses horaires de travail entre janvier 2012 et avril 2015 (pièce n° 48) que des « feuilles d’heures » mensuelles établies entre janvier 2012 et décembre 2014, produites par la SARL Safety (pièces n° 27), qu’à plusieurs reprises, sur cette période, les durées maximales de travail ont été dépassées et que M. [D] [I] a été privé de son droit au repos quotidien.

La SARL Safety est défaillante à rapporter la preuve, qui lui incombe, du respect des amplitudes maximales de travail et du temps de repos.

De même, la SARL Safety ne démontre pas avoir assuré le droit au repos de M. [D] [I] lorsque celui-ci a été conduit à effectuer une intervention pendant son service d’astreinte.

Ce grief est établi.

Sur la demande au titre des congés supplémentaires de fractionnement

Si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent le même contrat de travail (Soc., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-17.895, Bull. 2015, V, n° 172 et Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 16-28.765).

La radiation, simple mesure d’administration judiciaire qui ne met pas fin à l’instance, est sans effet sur la poursuite de l’interruption du cours de la prescription par l’introduction d’une demande en justice(Soc., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-23.633).

M. [D] [I] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans le 24 février 2014.

Cette saisine a interrompu le cours de la prescription à l’égard de toutes ses demandes, y compris les demande additionnelles qu’il a formée dans ses conclusions du 25 janvier 2019 de réinscription au rôle du conseil de prud’hommes.

La demande de M. [D] [I], qui porte sur des congés payés acquis au titre des années 2011 à 2014, est donc recevable. Il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SARL Safety.

En application de l’article L. 3141-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, lorsque le congé principal est d’une durée supérieure à douze jours ouvrables et au plus égale à vingt-quatre jours ouvrables, il peut être fractionné par l’employeur avec l’accord du salarié. Dans ce cas, une des fractions est au moins égale à douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire.

M. [D] [I] a pris, chaque année entre 2011 et 2014, une partie de ses congés annuels en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, et en dehors de la période du 1er juin au 30 septembre prévue par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

Il n’a pas bénéficié des deux jours de fractionnement auxquels il avait droit.

La demande du salarié est fondée en son principe. Toutefois, l’indemnité compensatrice de congés payés à laquelle il peut prétendre doit être fixée sur la base de la rémunération perçue par lui.

Par voie d’infirmation du jugement entrepris, il y a lieu de condamner la SARL Safety à payer à M. [D] [I] la somme de 504 euros brut à ce titre.

Sur l’allégation d’agissements constitutifs de travail illégal

M. [D] [I] soutient que la SARL Safety a commis des faits de marchandage ou de prêt illicite de main d’oeuvre.

Cependant, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que le salarié a été mis à disposition de la société CPSI ou du groupement des commerçants du site « Les Halles Châtelet» ou a été placé sous la subordination de ces entités. Le fait que la SARL Safety ait répercuté des notes de service établies par la société CPSI n’implique pas un transfert du lien de subordination dès lors que les tâches confiées à M. [D] [I], quand bien même elles ne ressortaient pas des missions de sécurité incendie, étaient effectuées sous le contrôle de la SARL Safety et que celle-ci conservait le pouvoir de sanctionner d’éventuels manquements. De surcroît, la preuve d’un préjudice causé au salarié par l’opération prétendument illégale n’est pas rapportée.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté M. [D] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour travail illicite.

Le grief, allégué à l’appui de la prise d’acte, n’est pas fondé.

Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

Le non-respect des amplitudes maximales de travail et du temps de repos quotidien s’analyse en un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Il est établi que le 23 décembre 2014 M. [D] [I] a été victime de propos racistes proférés par un autre salarié, M. [C]. La SARL Safety ne rapporte pas la preuve d’avoir mis en oeuvre toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés, et, notamment de prévenir des comportements racistes de la part de salariés.

Ce manquement est établi.

Sur les agissements allégués dans le cadre du mandat de délégué du personnel

Contrairement à ce que soutient M. [D] [I], le courrier de l’employeur du 12 février 2015 lui demandant de l’informer au moins sept jours à l’avance de la prise de ses heures de délégation ne constitue pas une atteinte à l’exercice de son mandat, l’employeur devant être en mesure de pallier les absences de l’intéressé. Il n’est ni allégué ni démontré que la SARL Safety aurait exercé un contrôle de l’utilisation des heures de délégation ou sanctionné le salarié pour ne pas l’avoir informée préalablement de la prise d’heures de délégation.

Par lettre du 26 mars 2015, la SARL Safety a rappelé à M. [D] [I] la règle selon laquelle aucun échange professionnel ne peut être effectué à partir d’adresses e-mail personnelles et lui a indiqué que des mesures disciplinaires pourraient être prises à son encontre en cas de non-respect de cette consigne. Une telle interdiction générale de l’envoi par le salarié de messages à des collègues de travail à partir de sa messagerie personnelle n’est pas proportionnée au but recherché par la SARL Safety de préserver la confidentialité des échanges professionnels. Il n’est pas allégué que M. [D] [I] aurait fait l’objet de sanction pour avoir utilisé sa messagerie personnelle.

Le grief est établi.

Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de condamner la SARL Safety à payer à M. [D] [I] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre.

En conclusion, la SARL Safety a commis plusieurs manquements au cours de la relation de travail. Cependant, ces manquements n’étaient pas suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite de la relation de travail.

Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de dire que la prise d’acte produit les effets d’une démission. Il y a lieu de débouter M. [D] [I] de ses demandes au titre de la rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour violation du statut protecteur). Il y a lieu également de le débouter de sa demande au titre des documents de rupture.

Le préavis de démission n’ayant pas été exécuté, la SARL Safety est fondée à obtenir la condamnation de M. [D] [I] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité de préavis. Le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [D] [I] ne rapporte pas la preuve de ce que la SARL Safety aurait tenté de le discréditer et de nuire à son image. Il ne démontre pas davantage que l’employeur serait à l’origine du mauvais climat de travail qu’il invoque.

En revanche, le non-respect des amplitudes maximales de travail et du temps de repos quotidien constitue un manquement de l’employeur aux obligations qui découlent du contrat de travail.

L’employeur a également manqué à son obligation de sécurité et s’est révélé défaillant en matière d’organisation d’entretien professionnel.

Il y a lieu d’évaluer à 2 500 euros le préjudice subi par M. [D] [I] du fait de ces manquements.

Il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement entrepris, de condamner la SARL Safety à payer à M. [D] [I] cette somme à titre de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [D] [I] aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner la SARL Safety aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement entrepris mais seulement en ce qu’il a débouté M. [D] [I] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, au titre des congés payés de fractionnement, de dommages-intérêts pour entrave aux fonctions de délégué du personnel, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il l’a condamné aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande formée par M. [D] [I] tendant à la condamnation de la SARL Safety à lui payer la somme de 25 184,73 euros brut à titre de « rappel de salaire et prime d’ancienneté liés à régularisation de son statut», outre 2 518,47 euros au titre des congés payés afférents ;   

Condamne la SARL Safety à payer à M. [D] [I] les sommes de :

– 3 600 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 360 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– 504 euros brut au titre des congés payés de fractionnement ;

– 500 euros à titre de dommages-intérêts pour entrave aux fonctions de délégué du personnel ;

– 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Déboute M. [D] [I] du surplus de ses prétentions ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Safety aux dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID

 


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