Prêt illicite de main d’oeuvre : 20 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06869

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 20 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06869

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°356

N° RG 19/06869 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-QF2R

Mme [X] [F]

C/

Liquidation judiciaire de la SARL POLESERVICES PRO

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cédric ROBERT

Me Marie-Noëlle COLLEU

Copie certifiée conforme à :

Me [D] [U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Septembre 2023

devant Madame Nadège BOSSARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Mesdames [W] [C] et [T] [M], Médiatrices judiciaires

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 20 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

Madame [X] [F]

née le 03 Octobre 1987 à [Localité 2] (44)

demeurant [Adresse 6]

[Localité 3]

Ayant Me Cédric ROBERT, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

INTIMÉE :

La SARL POLESERVICES PRO ayant eu son siège social : [Adresse 4] aujourd’hui en liquidation judiciaire.

Prise en la personne de son mandataire liquidateur :

La S.E.L.A.R.L. [U] MJO prise en la personne de Me [D] [U] régulièrement assignée en intervention forcée ès-qualités

[Adresse 5]

[Localité 2]

PARTIE NON CONSTITUÉE

…/…

AUTRE INTERVENANTE FORCÉE, appelante à titre incident :

L’Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS-CGEA DE [Localité 8] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU, Avocat au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme [X] [F] a été engagée par la société Pole Service selon contrat de travail à durée indéterminée intermittent à compter du 21 octobre 2014 en qualité d’intervenant à domicile, statut employé avec une rémunération brute de 10 euros de l’heure. Son lieu de travail était situé au sein de l’établissement de [Localité 7]. La convention collective applicable était celle des services à la personne.

Par convention tripartite du 1er mars 2016, le contrat de travail de Mme [F] a été transféré de la société Pole Services à la société Poleservices Pro, avec reprise d’ancienneté à compter du 17 novembre 2014.

Le même jour, un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein a été conclu entre Mme [F] et la société Poleservices Pro pour exercer les fonctions d’employé sur la base d’une durée du travail de 35 heures par semaine soit 151h67 par mois avec une rémunération de 1 516,70 euros. La convention collective applicable à la relation de travail était définie comme la convention collective de la propreté.

Par lettre en date du 16 août 2018, Mme [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail faisant grief à son employeur de procéder à des changements d’emploi du temps du soir pour le lendemain, de la contraindre à se tenir sans cesse à disposition, de devoir se conformer au planning de la société Poleservices en plus de celui de Poleservices Pro ce qu’elle considère comme du travail dissimulé et de verser son salaire avec retard.

Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes le 18 septembre 2018 afin de voir produire à sa prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 19 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

‘ Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par Mme [F] n’est pas justifiée,

‘ Débouté Mme [F] de toutes ses demandes,

‘ Débouté la Sarl Poleservices Pro de ses demandes reconventionnelles,

‘ Condamné Mme [F] aux éventuels dépens.

Mme [X] [F] a interjeté appel le 17 octobre 2019.

Selon ses dernières conclusions signifiées par acte d’huissier de justice en date du 2 mai 2022 à l’AGS et du 13 mai 2022 à Me [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Poleservices Pro, Mme [X] [F] demande de :

‘ Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes en ce qu’il a :

– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par Mme [F] n’était pas justifiée,

– débouté Mme [F] de toutes ses demandes,

– condamné Mme [F] aux éventuels dépens,

‘ Constater que :

– le salaire mensuel brut de Mme [F] est de 1.534,90 €,

– la SARL Poleservices Pro a manqué à son obligation de sécurité et de prévention à l’égard de Mme [F],

– l’infraction de travail dissimulé,

– que la SARL Poleservices Pro a exécuté le contrat de travail de manière déloyale,

– le non-respect par l’employeur de ses obligations légales, à savoir respecter la périodicité du versement du salaire,

‘ Dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse à compter du 16 août 2018

‘ Condamner la SARL Poleservices Pro à verser la somme de :

– 1.470,82 € au titre du paiement de l’indemnité de licenciement,

– 3.069,80 € bruts au titre du paiement de la période de préavis (2mois),

– 306,98 € au titre des congés payés afférents,

– 4.604,70 € (3 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.604,70 € nets (3 mois de salaire) titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité et de prévention,

– 9.209,40 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution particulièrement déloyale du contrat de travail,

– 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations légales en matière de versement des salaires,

– 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Ordonner la modification et la délivrance des documents de fin de contrat conformément au jugement à intervenir,

‘ Ordonner l’exécution provisoire de l’ensemble du jugement à intervenir,

‘ Condamner la SARL Poleservices Pro aux entiers dépens de l’instance.

Me [D] [U], liquidateur judiciaire de la SARL POLESERVICES PRO, la représentant, n’a pas constitué avocat.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2022, l’AGS CGEA de [Localité 8] demande à la cour de :

‘ Déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour retard dans le versement des salaires,

‘ Déclarer mal fondé l’appel interjeté par Mme [F],

‘ Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

En toute hypothèse,

‘ Débouter Mme [F] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de l’AGS,

‘ Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

‘ Dire et juger que :

– l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale,

– l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail,

‘ Dépens comme de droit.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 juin 2023.

* * *

*

MOTIFS :

Sur la prise d’acte :

La prise d’acte de la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque les manquements de l’employeur invoqués par le salarié sont établis et suffisamment graves pour justifier la rupture. A défaut, elle produit les effets d’une démission.

Aux termes de ses conclusions, Mme [F] soutient d’une part que dans la mesure où elle a continué à travailler pour Poleservices malgré le transfert de son contrat de travail, son premier contrat de travail avec Poleservices n’a été ni transféré ni rompu. Elle considère également que dans la mesure où ‘son contrat de travail n’a pas été rompu, le licenciement est abusif’.

Elle reproche d’autre part à Poleservices Pro d’avoir exécuté le contrat de travail de manière déloyale en l’informant de ses changements d’horaires en soirée ce qui portait atteinte à sa vie privée et sans que soit respecté le délai de prévenance de sept jours prévu au contrat ce qui la contraignait à se tenir à la disposition permanente de son employeur. Elle estime que par ces agissements, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à son égard.

Elle invoque enfin les retards récurrents de paiement de son salaire.

Elle soutient avoir travaillé de manière dissimulée pour deux entreprises distinctes.

Le liquidateur judiciaire est réputé faire siens les motifs du conseil de prud’hommes selon lesquels : ‘Attendu que madame [X] [F] a signé un accord de transfert de son contrat de travail et qu’elle a ainsi été engagée par la SARL POLESERVICES PRO avec laquelle a été établi un nouveau contrat de travail conforme aux dispositions de l’accord ;

Attendu que le 16 août 2018, madame [X] [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur ;

Attendu que les demandes faites par la société POLESERVICES PRO, par texto, à madame [X] [F] concernant les changements d’horaires sont toujours formulées ainsi : ‘si tu peux’, ‘est ce que ça serait jouable pour toi ‘ et ne lui sont jamais imposés ; Attendu qu’après étude des pièces versées au dossier, il apparaît au Conseil que sur la période du 7 novembre 2014 au 2 janvier 2017, il y a eu 8 textos de demandes de changements d’horaire, dont 5 ont été refusés par madame [X] [F] ;

Attendu qu’il n’y a jamais eu de remarque de la part de la société POLESERVICES PRO lorsque madame [X] [F] a refusé ces changements, la société POLESERVICES PRO n’a donc pas manqué à ses obligations de sécurité et de prévention ;

Attendu que la société POLESERVICES PRO était parfois obligée de demander à madame [X] [F] ses relevés d’heures afin de pouvoir établir son bulletin de salaire ;

Attendu que si madame [X] [F] était contrainte de réclamer le paiement de son salaire, les paiements étaient toujours effectués entre le 9 et le 12 du mois, la société ne pouvant établir le salaire qu’après avoir validé les heures faites ; que, de plus, madame [X] [F] connaissait les périodes des virements des salaires et que la société POLESERVICES PRO n’est donc pas responsable des découverts de madame [X] [F] ;

Attendu que madame [X] [F] a été intégralement rémunérée de toutes les heures de travail qu’elle a pu effectuer, sans que la circonstance que certaines heures aient pu être effectuées au bénéfice de la société POLESERVICES ne soit, au regard des pièces produites au dossier, constitutive d’un prêt de main d »uvre illicite ; qu’en conséquence, le Conseil dit qu’il n’y a ni travail dissimulé, ni exécution déloyale du contrat de travail ;

Attendu que les faits reprochés par madame [X] [F] ne sont pas suffisamment graves pour justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail’.

Il convient de rappeler qu’une convention tripartite de transfert du contrat de travail organise la poursuite du contrat de travail et non sa rupture de sorte que le moyen tiré d’un ‘licenciement abusif’ n’est pas opérant.

Mme [F] soutient, par ailleurs, que son contrat de travail avec Poleservices a perduré, ce moyen s’articule à la demande tendant à voir reconnaître l’existence d’un prêt illicite de main d’oeuvre.

S’agissant du premier grief, il résulte des nombreux échanges de courriels et messages SMS versés aux débats que l’employeur ne respectait pas de délai de prévenance suffisant lors des changements d’horaire pour préserver la vie personnelle de la salariée, Mme [F] étant régulièrement informée le soir d’un nouvel horaire pour le lendemain matin ce qui l’empêchait de disposer de son temps libre et empiétait sur sa vie privée. Le fait que dans le cadre d’une relation soumise au lien de subordination, elle ait accepté la majorité de ses changements d’horaires n’est pas de nature à exonérer l’employeur de l’inexécution fautive de ses obligations.

S’agissant de la réalisation de prestations à la fois au profit des particuliers et des professionnels, elle n’est pas contestée et résulte des pièces produites. Mme [F] a travaillé pour les deux établissements dénommés Poleservices et Poleservices Pro situés à [Localité 7], dont il n’est pas contesté qu’ils relèvent l’un de la société Poleservices, l’autre de la société Poleservices Pro. Ainsi Mme [F] travaillait chaque mois pour partie pour la société Poleservices en garde d’enfant et ménage auprès des particuliers alors que son contrat de travail était conclu avec la société Poleservices Pro qui propose des prestations de nettoyage aux professionnels. Pour autant, les éléments produits ne permettent pas de caractériser un travail dissimulé ou encore un prêt illicite de main d’oeuvre.

S’agissant du retard de paiement du salaire, le contrat de travail conclu avec Poleservices Pro ne mentionne pas de date de paiement du salaire. En revanche, les bulletins de paie mentionnent un paiement par virement le 31 du mois concerné. Or, le salaire de Mme [F] lui a été versé par virement les 8 février 2017, 6 mars 2017, 12 avril 2017, 10 mai 2017, 9 juin 2017, 10 juillet 2017, 9 août 2017, 12 septembre 2017, 9 novembre 2017, 8 décembre 2017, 12 février 2018, 9 mars 2018, 6 avril 2019, 9 mai 2018, 11 juin 2018. Ces dates caractérisent un retard de paiement du salaire de 6 à 12 jours en fonction des mois.

Les seuls manquements établis sont le non respect du délai de prévenance et le paiement tardif du salaire. Ceux-ci constituent des manquements fautifs de l’employeur lesquels par leur persistance et leur effet sur la vie personnelle de la salariée ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail et justifient la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

– sur l’indemnité compensatrice de préavis :

En vertu de l’article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit (…) s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Au regard du salaire que Mme [F] aurait perçu au cours du préavis de 1 534,90 euros par mois et de son ancienneté chez Poleservices Pro, elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis de 3069, 80 euros outre 306,98 euros de congés payés afférents. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Poleservices Pro. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

– sur l’indemnité de licenciement :

En vertu de l’article L1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

Selon l’article R1234-2 du même code, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Compte tenu de son salaire mensuel brut de 1 534,90 euros, il est dû à Mme [F] la somme de 1 470,82 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Poleservices Pro.

– sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l’article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux compris pour une ancienneté de 3 années entre 3 et 3,5 mois de salaire.

La société Poleservcies Pro est présumée employer plus de dix salariés en l’absence d’éléments démontrant que son effectif est inférieur.

Le préjudice subi par Mme [F] du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation de la somme de 4 604,70 euros. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

S’il est établi que l’employeur n’a pas respecté se délai de prévenance suffisant en cas de changement d’horaires pour préserver la vie privée de sa salariée, a payé le salaire avec plus de 6 jours de retard et a fait travailler Mme [F] pour l’établissement de [Localité 7] de Poleservices exerçant une activité au service des particuliers, soumise à agrément, ce qui est de nature à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail, Mme [F] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par la rupture du contrat de travail imputable à l’employeur pour ces mêmes manquements. Sa demande indemnitaire de ce chef est en conséquence rejetée.

Sur les dommages-intérêts pour travail dissimulé :

La société Poleservices Pro a certes confié à Mme [F] des missions de services aux particuliers qui étaient rattachées à l’établissement Poleservices et non à celui de Poleservices Pro. Pour autant, dans la mesure où il n’est pas invoqué de prêt illicite de main d’oeuvre, il n’est pas démontré d’intention de dissimulation d’emploi. La demande indemnitaire est donc rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité :

En vertu de l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En l’espèce, Mme [F] était soumise à une organisation du travail qui la contraignait à subir des modifications d’emplois du temps, à court délai, le matin pour l’après-midi ou le soir pour le lendemain matin et à se tenir disponible pour répondre aux sollicitations par courriels ou messages Sms de son employeur.

Le conseil de prud’hommes n’a retenu aucun moyen de nature à établir que l’employeur a pris des mesures pour préserver la santé physique et mentale de la salariée.

L’AGS fait valoir que Mme [F] ne démontre pas de préjudice ni dans sa réalité ni dans son étendue.

Si l’employeur ne démontre pas avoir respecté son obligation de sécurité, preuve qui lui incombe, la salariée ne caractérise pas quant à elle de préjudice. Sa demande indemnitaire est en conséquence rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect de la périodicité de paiement du salaire :

– sur la recevabilité de la demande :

En vertu de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’AGS soulève l’irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts pour non respect de la périodicité de paiement du salaire comme étant nouvelle en appel.

Toutefois, en application de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

La demande litigieuse a une même fin indemnitaire que les prétentions formulées en première instance et est en conséquence recevable.

– sur le fond :

Mme [F] sollicite la somme de 1 000 euros au titre des frais de rejet de prélèvements sur son compte bancaire.

Si elle communique ses relevés de compte bancaire mentionnant des commissions d’intervention et des frais de rejet de prélèvements en mars 2017, avril 2017, mai 2017, août 2017, décembre 2017, janvier 2018, février 2018 et mai 2018 pour un montant total de 400 euros, il n’est pas démontré qu’ils soient imputables au retard de paiement du salaire. Sa demande indemnitaire est donc rejetée. Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur la garantie de l’AGS :

Le présent arrêt est opposable à l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 8] qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail.

L’Unédic délégation AGS Centre de Gestion et d’Etude (CGEA) de [Localité 8] devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties sur présentation d’un relevé du mandataire judiciaire.

En dehors de la procédure de sauvegarde judiciaire, il n’y a pas lieu de conditionner l’avance des sommes à la justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur la délivrance des documents de fin de contrat :

La Selarl [U] MJO, prise en la personne de Me [D] [U], est condamnée à remettre à Mme [X] [F] un bulletin de paie, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La Selarl [U] MJO prise en la personne de Me [D] [U] est condamnée es qualités aux dépens de première instance et d’appel et au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, et prononcé par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages-intérets pour exécution déloyale du contrat de travail, pour travail dissimulé et pour manquement à l’obligation de sécurité,

Le confirme de ces chefs,

statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la demande de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales en matière de paiement du salaire,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Poleservices Pro les créances de Mme [X] [F] aux sommes de :

– 3 069, 80 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 306,98 euros de congés payés afférents,

– 1 470,82 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 4 604,70 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rejette la demande de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales en matière de paiement du salaire,

Condamne la Selarl [U] MJO prise en la personne de Me [D] [U] à remettre à Mme [X] [F] un bulletin de paie, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt,

Dit que le présent arrêt est opposable à l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 8] qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

Dit que l’Unédic délégation AGS Centre de Gestion et d’Etude (CGEA) de [Localité 8] devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties, et à l’exception de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sur présentation d’un relevé du mandataire judiciaire,

Condamne la Selarl [U] MJO prise en la personne de Me [D] [U] es qualités à payer la somme de 500 euros à Mme [F] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Selarl [U] MJO prise en la personne de Me [D] [U] es qualités aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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