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SOC.
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 octobre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10786 F
Pourvoi n° Z 19-10.287
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020
M. C… Y…, domicilié […] ), a formé le pourvoi n° Z 19-10.287 contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d’appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Axa assistance Canada Inc, société anonyme, dont le siège est […] ),
2°/ à la société Juridica, société anonyme, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. Y…, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Juridica, de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Axa assistance Canada Inc, après débats en l’audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. Y…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L’arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU’IL a décidé qu’il n’existait pas de prêt de main-d’oeuvre illicite ni de délit de marchandage entre la société JURIDICA et la société AXA ASSISTANCE CANADA Inc., déboutant Monsieur Y… de l’ensemble de ses demandes liées à l’illicéité alléguée de son transfert, fondée sur le prêt de main-d’oeuvre et le marchandage ;
AUX MOTIFS QUE Aux termes de l’article L. 8211-1 du code du travail sont constitutives de travail illégal, les infractions suivantes :
1° travail dissimulé ;
2° marchandage ;
3° prêt illicite de main-d’oeuvre ;
4° emploi d’étrangers non autorisé à travailler;
5° cumul irrégulier d’emplois ;
6° fraude ou fausses déclarations prévues aux articles L. 5124-1 et L. 5429- 1 ; que plus particulièrement, aux termes de l’article L. 8231-1 est interdit le marchandage défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulation d’une convention ou d’un accord collectif de travail ; que, de même, aux termes de l’article L. 8241-1, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite. Toutefois ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :
1° les dispositions du code du travail relatives au travail temporaire aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agent de mannequins ;
2° des dispositions de l’article L 222-3 du code du sport relative aux associations société sportives ;
3° des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du code du travail relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales, des associations d’employeurs mentionnés à l’article L. 2231-1.
qu’une opération de prêt de main-d’oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés aux salariés, les charges sociales afférentes et des frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition ; que le prêt illicite de main-d’oeuvre est constitué de deux critères cumulatifs : le caractère lucratif du but poursuivi et celui de l’exclusivité de l’objet ; que le prêt de main-d’oeuvre à but lucratif n’est pas interdit lorsqu’il s’inscrit dans une prestation plus vaste : contrat d’entreprise ou sous-traitance, (ex : informatisation des services, prestations de maintenance,…) ; que de son côté, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre, ayant pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit ; qu’il apparaît ainsi que la mise à disposition de main d’oeuvre à but lucratif est prohibée dans deux cas distincts (prêt illicite, marchandage), même si ceux-ci ont des points communs ; que cette interdiction vise notamment les entreprises qui, sous le couvert d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de services, réalisent en réalité une opération de prêt de main d’oeuvre à but lucratif ; qu’il convient de déterminer si le contrat de sous traitance ou de prestations de services est réel ou s’il dissimule un prêt de main d’oeuvre prohibé ; que les critères habituellement retenus pour distinguer les opérations licites de celles qui sont interdites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l’entreprise d’origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l’entreprise d’accueil ; que le juge ne doit pas s’arrêter à l’apparente qualification donnée par les parties à la relation contractuelle. En ayant recours à un faisceau d’indices, il doit procéder à une analyse de la réalité de la situation qui lui est présentée ; que le juge est ainsi appelé à rechercher si l’opération qui lui est soumise constitue une fourniture de main-d’oeuvre déguisée ou si, au contraire, le prêt de personnel se justifie par la nature du contrat qui lie l’entreprise prestataire à l’entreprise utilisatrice ; que pour la plupart, ces indices ne sont pas, en soi, décisifs, mais leur réunion est déterminante ; que des pièces versées aux débats, il se déduit qu’il existe une « entente » entre les sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. Ainsi le contrat de travail de Monsieur Y… avec la société canadienne prévoit : « le présent contrat sera arrêté si l’entente entre AXA assistance Canada et juridique/AXA protection juridique cesse avant la fin du présent contrat. » , que les parties n’ont versé aucun document définissant les termes et conditions de cette entente à supposer qu’un tel document existe ; qu’il existe un document (18 février 2009) qui définit les « conditions proposées aux collaborateurs de JURIDICA qui rejoindrait AXA Assistance Canada dans le cadre du partenariat » ; que les parties ne fournissent pas d’éléments sur une éventuelle prise en charge des coûts salariaux par l’une ou l’autre des sociétés. Il résulte d’un courriel que les frais de déplacement et d’hébergement (jusqu’en juillet 2011) sont pris en charge par la société canadienne (courriel du 18 octobre 2010 – pièce n° 11 Y…) ; qu’à la lecture des pièces, la cour constate que la société JURIDICA a souhaité offrir à sa clientèle un service continu d’assistance juridique par téléphone sur une plage horaire étendue, sans contraindre les juristes de la société JURIDICA à travailler jusqu’à 22h30. Pour ce faire, profitant du décalage horaire de six heures entre la France et le Canada, (Québec), une équipe de juristes a été constituée au sein de la société AXA Assistance Canada Inc., (filiale du groupe AXA tout comme la société JURIDICA) consacrée au traitement des appels des clients de la société JURIDICA ; que cet objectif est présenté dans une « newsletter » (éditée par la société AXA Assistance Canada Inc., du mois de mai 2010 : « le castor déchaîné ») qui se veut l’organe de liaison de l’équipe JURIDICA à Montréal. Un article présente l’équipe Juridica Canada, supervisée par Madame E… M… A… et Monsieur D… (organigrammes, pièce 22 AXA ; pièce 22 Y…).
Cette équipe est composée de deux entités : l’équipe « Canada gestion prévention » (CGP) et l’équipe « judiciaire » ; que l’article précise que l’équipe CGP est présente du lundi au vendredi, de 8h30 à 16h30, soit, précise l’article, de 14h30 à 22h30, heure française. L’équipe judiciaire est présente de 7h30 à 15h30 soit de 13h30 à 21h30, heure française, comme le relève, également, l’article ; que la revue présente un organigramme de l’équipe et rappelle l’origine des juristes, venant majoritairement de France mais aussi de l’Afrique francophone ;
que la cour relève que cette équipe n’était pas uniquement constituée de juristes anciens salariés de la société JURIDICA mais aussi de juristes extérieurs (Mme F…, Mme T…, écritures AXA non contestées) ; qu’il ressort également des pièces du dossier que Monsieur Y…, salarié de la société JURIDICA, depuis le 27 juin 2005, en qualité de juriste, avait manifesté un intérêt pour un poste ouvert au sein d’AXA Assistance Canada dès le 23 janvier 2009 intérêt qu’il a décliné par la suite (23 janvier 2009). Puis il a souhaité, en début d’année 2010, évoluer au sein du groupe AXA, soutenu dans ses démarches par le département ressources humaines de son employeur (pièces 20 et 21 Y…, courriels des 10 mars et 4 mai 2010 ) ; que dans cette perspective, il a de nouveau fait acte de candidature au poste de juriste au sein de la société AXA Assistance Canada Inc., appuyée par sa direction (lettre du 22 septembre 2010 : « … Pour ces différentes raisons, je recommande Monsieur C… Y… pour le transfert inter-entreprises vers AXA Assistance Canada pour le projet de partenariat dans le cadre de la gestion de dossiers-clients pour Juridica à Montréal…. » ;
que par courriel du 8 septembre 2010, le département ressources humaines de la société JURIDICA a informé Monsieur Y… de ce que sa candidature avait été retenue pour le poste au Canada ; que la mise en oeuvre de ce transfert s’est effectuée, de concert entre les parties, par une demande de congé sans solde de Monsieur Y…, le 12 octobre 2010, aux termes de laquelle il précisait que ce congé devait débuter au 1 er décembre 2010 pour s’achever au plus tard le 1 er décembre 2013 avec réintégration au poste occupé au sein de la société JURIDICA ; que le 20 octobre, cette demande de congé sans solde a été acceptée par lettre de son employeur, mais pour une année avec confirmation de ce qu’il reprendrait son activité dans les conditions initiales à compter 1 er décembre 2011 ; que Monsieur Y… n’a donc pas été « contraint » d’accepter ce transfert comme il le soutient ; que dans les faits, ce congé sans solde a été renouvelé d’un commun accord chaque année, sur demande du salarié acceptée par l’employeur, jusqu’au 1er décembre 2013, période pendant laquelle le contrat de travail s’est trouvé suspendu (pièce n° 2 Y…) ; que par la suite, un contrat de travail a été directement passé le 1er décembre 2010 entre la société AXA Assistance Canada Inc. et Monsieur Y… précisant qu’il travaillerait en tant que « chargé d’assistance juridique » pour le département « assistance juridique/Juridica » d’AXA Assistance Canada Inc ; que s’agissant du lien de subordination, il résulte de l’examen des pièces communiquées aux débats, que les attestations de Melles G… et J…, produites par Monsieur Y…, placées dans la même situation que ce dernier, relatent en ce qui concerne Melle G… : « ….mes missions et ordres de travail ainsi que l’ensemble des procédures à suivre avec les clients et partenaires étaient décidés par la société Juridica qui (1) organisait les procédures à suivre au cours des appels avec les clients, (2) organisait la procédure de traitement des dossiers (3) rédigeait les modèles de courriers (4) fixait les politiques de règlement à respecter (5) établissait les méthodes à utiliser concernant le paiement des honoraires et frais des partenaires (huissier/experts/avocat) (6) fixait les objectifs à atteindre que ce soit individuellement ou pour l’équipe. Les directives nous étaient communiquées par notre manager d’AXA Assistance Canada qui nous transférait directement les courriels reçus de France ou les retranscrivait dans un nouveau courriel…. » ; que l’attestation de Melle J… énonçait : « … Les directives étaient impératives et communiquées par notre manager direct, E… M… A… (Juridica) qui nous les transmettait sans que le management d’AXA assistance Canada ne soit au courant…. j’utilisais mon ordinateur connecté à distance via le programme « Citrix » qui était l’outil informatiques que Juridica nous fournissait pour travailler. Ce sont les techniciens informatiques salariés de Juridica qui effectuaient les maintenances techniques relatives au programme Citrix à distance… » ; que ces attestations sont contradictoires en ce qu’elles affirment toutes deux que les deux salariées tenaient leurs instructions directement de la société Juridica mais néanmoins mentionnent que ces instructions étaient communiquées par Mme E… M… A… qui, comme il a été vu précédemment, fait partie de l’encadrement de la société canadienne ce qui contredit l’affirmation selon laquelle le management d’AXA Assistance Canada Inc. n’était pas au courant ; que par ailleurs, les éléments du dossier révèlent que Mme E… M… A… (signant « responsable d’équipe – Axa Assistance Canada ») a donné son accord pour le transfert de Monsieur Y… au Canada, qu’elle organisait les formations de l’équipe au sein de la société canadienne (formation destinée à l’entreprise et non pas seulement à l’équipe Juridica, (courriel du 14 février 2014)), qu’elle conduisait les entretiens individuels d’évaluation de Monsieur Y… (courriel du 27 novembre 2012, courriel du 10 décembre 2013) donnant lieu à un compte rendu circonstancié ( pièce 17 AXA), qui lui faisait part d’insatisfaction de clients en lui demandant de s’en expliquer (courriel du 18juillet 2013), qui fixait les objectifs de l’équipe et de Monsieur Y… (courriel du 27 février 2014) ; qu’il résulte également de plusieurs courriels (pièce 19 AXA) qu’elle animait l’équipe, lui donnait des instructions, rappelait les consignes (ex : confidentialité) ; que c’est elle qui contrôlait le temps de travail de Monsieur Y… et autorisait ce dernier à passer d’un plein temps à un mitemps (pièce 20 AXA) ; que par ailleurs, Monsieur Y… s’est vu notifier par la directrice des ressources humaines de la société canadienne (Mme B… X…) deux avertissements le 7 février 2013 ; que Mme X… rappellait le contexte et explicitait ces sanctions dans un courriel du 7 mars 2013 ; que de ce qui précède, il se déduit que le lien de subordination existait entre Monsieur Y… et la société AXA Assistance Inc. et non pas avec la société JURIDICA pendant l’exécution de son contrat de travail avec la société canadienne, ce lien n’étant pas incompatible avec l’exécution des prestations destinées à la clientèle de la société française selon les critères et des moyens définis par cette dernière ; que les conditions de travail doivent être distinguées des conditions de fourniture de la prestation ; que sur l’activité spécifique, la question se pose de déterminer quelle est la société prestataire et quelle est la société utilisatrice dans le cadre d’un prêt de main d’oeuvre illicite et de marchandage ; que Monsieur Y… considère qu’il a été mis à disposition de la société canadienne, laquelle serait donc a priori société utilisatrice ; que toutefois, il dénie à cette société le bénéfice du critère dit d’activité spécifique au motif que sa prestation était destinée à la société JURIDICA laquelle n’avait pas besoin de recourir à une compétence extérieure puisqu’elle la maîtrisait parfaitement ; que Monsieur Y… estime donc que la société utilisatrice serait, en définitive, la société JURIDICA qui se prêterait donc à elle-même du personnel ; que la société canadienne fait valoir, à l’inverse, qu’elle a pour activité habituelle la fourniture d’assistance juridique et qu’intégrant dans son offre de service, l’assistance juridique destinée à la clientèle de la société Juridica, elle ne disposait pas de cette compétence pour laquelle elle avait besoin de juristes formés au droit français ; que ces éléments, versés aux débats et pris dans leur ensemble, conduisent la cour à considérer que l’objet de l’accord passé entre ces deux sociétés d’un même groupe, dans lequel s’inscrit le transfert de Monsieur Y…, visait à offrir la possibilité à la société française de traiter ses clients dans le cadre d’une plage horaire plus étendue en l’espèce jusqu’à 22h30, heure française ; que pour atteindre cet objectif, la société française a sous-traité une partie de son activité à la société canadienne laquelle, pour ce faire, a constitué une équipe composée de juristes francophones compétents en droit français, recrutés localement ou auprès de la société JURIDICA ; que cette opération qui certes évite aux salariés de la société française la pénibilité d’un travail de nuit, doit être considérée comme étant à but lucratif puisqu’elle permet à la société JURIDICA, l’économie de charges correspondant au surcoût salarial du travail de nuit et de fidéliser, voire d’augmenter, une clientèle qui bénéficie d’un accès horaire plus étendu aux services de la société JURIDICA ; qu’en revanche, de ce qui précède, il se déduit également que l’objectif premier des société JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. était de permettre à la clientèle de la société JURIDICA de bénéficier d’un service d’assistance plus étendu dans le temps, qu’afin de satisfaire cet objectif des transferts de salariés JURIDICA ont été effectués de la France vers le Québec mais que la société canadienne a également procédé localement à des recrutements et qu’ainsi le transfert de Monsieur Y… s’inscrivait dans un objectif plus vaste que le seul prêt de main d’oeuvre ; qu’il sera considéré que l’accord entrepris entre ces deux sociétés ne relève pas du prêt de main-d’oeuvre illicite ; que le marchandage suppose que le transfert de Monsieur Y…, dans les conditions rappelées ci-dessus, lui a causé un préjudice ou qu’il a permis d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ; qu’en l’espèce, Monsieur Y… fait valoir qu’il a été privé de nombreux avantages sociaux (congés payés, participation et intéressement, 13e mois et prime de vacance, convention collective des assurances, bénéfice d’heures supplémentaires, institution représentatives du personnel) ; qu’il apparaît du dossier que Monsieur Y… a librement consenti à ce transfert, prenant le temps de la réflexion (plus d’une année), que les conditions financières et légales de ce transfert avait été, dès l’origine, portées à sa connaissance (note du 18 février 2009), qu’il lui était ainsi loisible de continuer à bénéficier des dispositions de la loi, des accords et conventions, dont il bénéficiait jusqu’alors, en restant au sein de l’effectif de la société JURIDICA, qu’il a, par deux fois, sollicité le renouvellement de son congé sans solde ; que Monsieur Y… ne rapporte pas la preuve d’un préjudice particulier, se contentant d’énoncer qu’il a été privé de nombreux avantages sociaux rappelés ci-dessus, sans procéder à un examen comparatif alors que la société canadienne établit, sans être contredite, qu’il était mieux rémunéré au Canada qu’en France (pièce 22 Juridica) ; que le délit de marchandage ne sera pas retenu ; qu’en conséquence, Monsieur Y… sera débouté de l’ensemble de ses demandes fondées sur l’illicéité alléguée de son transfert, fondée sur le prêt de main-d’oeuvre et le marchandage. Ainsi, ses demandes de condamnation solidaire des deux sociétés, au titre de rappel d’heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour violation du contingent d’heures supplémentaires, de rappel de congés payés et de RTT, de rappel de 13e mois, de rappel de prime de vacance, de droit individuel à la formation, de droit à l’intéressement et à la participation, de dommages-intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite lui ayant causé un préjudice, d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, seront écartées ;
ALORS QUE, premièrement, le recours, par une société française membre d’un groupe multinational, à de la main d’oeuvre française initialement embauchée en France, puis externalisée dans une filiale étrangère du même groupe, sans apport de savoir-faire spécifique de la part de la filiale étrangère, à seule fin de faire des économies sur le coût global de la main d’oeuvre travaillant en partie la nuit, en réduisant le montant des rémunérations et des charges sociales afférentes à ce travail, constitue un prêt illicite de main d’oeuvre à but lucratif ; de sorte qu’en décidant de débouter M. Y… de l’ensemble de ses demandes fondées sur l’illicéité alléguée de son transfert de la société française JURIDICA, filiale du groupe AXA France spécialisée dans l’assurance de protection juridique, à la société de droit canadien AXA ASSISTANCE CANADA INC., filiale du groupe AXA ASSISTANCE Monde, tout en constatant que le partenariat entre ces deux filiales du groupe AXA avait pour but d’externaliser une partie du service d’assistance juridique des clients français afin de mettre les salariés, détenant des diplômes en droit français, à la disposition de la société JURIDICA en étendant l’amplitude des heures d’ouverture de ce service, tout en économisant les majorations de salaire liées au travail de nuit et, plus généralement, les majorations de salaire des salariés français externalisés ainsi qu’une partie des charges y afférentes et des sommes dues tant au titre des dispositions légales que des dispositions de la convention collective nationale des sociétés d’assurances, de sorte que l’opération constituait, en réalité, une opération intragroupe de mise à disposition de main d’oeuvre à but lucratif, la cour d’appel, qui n’a pas tiré la conséquences de ses propres constatations, a violé les articles L. 8241-1, L. 3121-22, L. 3122-29, L. 3122-31, L. 3122-39 et L. 3122-40 du code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, le recours, par une société française membre d’un groupe multinational, à de la main d’oeuvre française initialement embauchée en France, puis externalisée dans une filiale étrangère du même groupe, sans apport de savoir-faire spécifique de la part de la filiale étrangère, à seule fin de faire des économies sur le coût global de la main d’oeuvre, tout en maintenant sur elle un pouvoir de direction et que celle-ci était placée, vis-à-vis de la société française devenue utilisatrice dans une situation de subordination juridique permanente, celle-ci leur fournissant les moyens techniques nécessaires à l’exécution de sa mission à distance, constitue un prêt illicite de main d’oeuvre à but lucratif ; de sorte qu’en décidant de débouter M. Y… de l’ensemble de ses demandes fondées sur l’illicéité alléguée de son transfert de la société française JURIDICA, filiale du groupe AXA France spécialisée dans l’assurance de protection juridique, à la société de droit canadien AXA ASSISTANCE CANADA INC., filiale du groupe AXA ASSISTANCE Monde, tout en constatant que la société JURIDICA continuait de donner à M. Y… des directives et à en contrôler l’exécution, de sorte qu’elle demeurait employeur de celui-ci, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 8241-1 du code du travail ;
ALORS QUE, troisièmement, le recours, par une société française membre d’un groupe multinational, à de la main d’oeuvre française initialement embauchée en France, puis externalisée dans une filiale étrangère du même groupe, sans apport de savoirfaire spécifique de la part de la filiale étrangère, à seule fin de faire des économies sur le coût global de la main d’oeuvre, constitue un prêt illicite de main d’oeuvre à but lucratif ; de sorte qu’en décidant de débouter M. Y… de l’ensemble de ses demandes fondées sur l’illicéité alléguée de son transfert de la société française JURIDICA, filiale du groupe AXA France spécialisée dans l’assurance de protection juridique, à la société de droit canadien AXA ASSISTANCE CANADA INC., filiale du groupe AXA ASSISTANCE Monde, en considérant, par des motifs inopérants, que M. Y… disposait, au Québec, de connaissances, de compétences et d’un savoir-faire particulier tout en constatant qu’il s’agissait d’offrir à la clientèle française de JURIDICA « un service continu d’assistance juridique par téléphone sur une plage horaire étendue », ce dont il résultait que, dans le cadre de l’opération litigieuse, l’entreprise utilisatrice était la société JURIDICA et non la société canadienne et que, dans ce contexte, M. Y… ne justifiait d’aucune connaissance ou compétence particulière, ni d’aucun savoir-faire particulier, la cour d’appel a, de nouveau, violé l’article L. 8241-1 du code du travail ;
ALORS QUE, quatrièmement, le préjudice causé à un salarié, privé des avantages sociaux dont il aurait bénéficié en vertu de la loi française s’il avait été employé par la société utilisatrice française est constitutif du délit de marchandage ; de sorte qu’en écartant, en l’espèce, le délit de marchandage sans s’assurer que M. Y… n’avait pas subi de préjudice en se voyant privé de nombreux avantages sociaux et notamment du nombre de congés payés, du bénéfice de la participation au groupe et de l’intéressement au titre des exercices 2011 à 2014 , du 13e mois, de la prime de vacances, des avantages prévus dans la convention collective nationale des sociétés d’assurances AXA ASSISTANCE CANADA n’étant soumise à aucune convention collective, du bénéfice des heures supplémentaires, Monsieur Y… devant travailler 37h30 alors qu’en étant employé en France il devait travailler 35 heures, des avantages liés aux institutions représentatives du personnel et, plus généralement, des sommes et des avantages dus tant au titre des dispositions légales que des dispositions de la convention collective nationale des sociétés d’assurances, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 8231-1 du code du travail ;
ALORS QUE, cinquièmement toute opération à but lucratif et exclusif de main d’oeuvre qui a pour effet d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail est constitutive du délit de marchandage ; de sorte qu’en décidant que le délit de marchandage n’était pas caractérisé tout en constatant que la société JURIDICA avait mis en place le montage litigieux avec le concours de la société AXA ASSISTANCE CANADA avec pour but l’économie de charges correspondant au surcoût salarial du travail de nuit, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 8231-1, L. 3121-22, L. 3122-29, L. 3122-31, L. 3122-39 et L. 3122-40 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L’arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU’IL a décidé que la prise d’acte le 5 mars 2014 par M. Y… de la rupture de son contrat de travail passé avec la société JURIDICA devait s’interpréter comme une démission, débouté, par conséquent, M. Y… de l’ensemble de ses demandes liées à sa prise d’acte aux torts de l’employeur, condamné M. Y… à verser à la société JURIDICA la somme de 7 623,21 euros au titre de l’indemnité de préavis due à l’employeur ;
AUX MOTIFS QUE Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L 1237-2 e L 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu’en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission ; qu’il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur ; que l’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ; que pour justifier de la prise d’acte, ces manquements doivent être considérés par le salarié comme suffisamment graves pour justifier de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ; que M. Y… a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 5 mars 2014, pour les motifs rappelés en préambule ; qu’il soutient, dans ses écritures, que cette prise d’acte est fondée sur le marchandage, le prêt de main-d’oeuvre illicite ainsi que sur la fraude à la sécurité sociale et le travail dissimulé ; que la société JURIDICA soutient l’inexistence d’un prêt de main-d’oeuvre illicite ou d’un délit de marchandage. Elle fait valoir également que M. Y… ne rapporte pas la preuve que la poursuite du contrat travail était impossible à supposer les manquements établis ; que la cour ne retiendra pas les griefs de prêt de maind’oeuvre illicite, de marchandage ainsi que de travail dissimulé pour les avoir précédemment écartés ; que M. Y… soutient que la société JURIDICA a commis une fraude à la sécurité sociale en ce qu’elle n’a pas versé en France les cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que « les travailleurs détachés temporairement à l’étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée qui demeure soumis à la législation française de la sécurité sociale en vertu de conventions de règlements internationaux, sont réputés pour l’application de cette législation avoir leur résidence et leur lieu de travail en France. » alors qu’il existe une convention bilatérale entre la France et le Canada permettant au salarié d’entreprise établie en France de bénéficier du statut de travailleurs détachés et du maintien au régime français de sécurité sociale sans être tenu de cotiser la sécurité sociale du pays d’emploi ; que M. Y… n’explique pas en quoi la société JURIDICA avait l’obligation de lui proposer un détachement plutôt que la solution qui a été adoptée d’un congé sans solde à terme limité avec réintégration à l’issue du terme ; qu’en outre, M. Y… ne rapporte pas la preuve que ce manquement, éventuel, caractériserait un manquement suffisamment grave pour interrompre immédiatement le contrat de travail alors qu’il n’a pris acte de la rupture qu’au mois de mars 2014 tirée d’une situation qui pouvait se constater dès le 1 er décembre 2010 ; que la prise d’acte sera réputée revêtir les effets d’une démission ;
ALORS QUE, premièrement, la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution de la décision cassée ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation du chef du dispositif de l’arrêt attaqué à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la constitution d’un délit de prêt de main d’oeuvre illicite ou de marchandage, entraînera par voie de conséquence l’annulation du chef du dispositif de l’arrêt décidant que la prise d’acte le 5 mars 2014 par M. Y… de la rupture de son contrat de travail passé avec la société JURIDICA devait s’interpréter comme une démission, faute de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail déboutant, par conséquent, M. Y… de l’ensemble de ses demandes liées à sa prise d’acte aux torts de l’employeur et condamnant M. Y… à verser à la société JURIDICA la somme de 7 623,21 euros au titre de l’indemnité de préavis due à l’employeur, ce en application de l’article 625 du code de procédure civile
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, il appartient aux juges du fond de rechercher si le salarié qui prend acte de la rupture invoque des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; de sorte qu’en décidant que la prise d’acte de rupture de son contrat de travail par M. Y… sans rechercher si M. Y… ne s’était pas vu privé de nombreux avantages sociaux et notamment du nombre de congés payés, du bénéfice de la participation au groupe et de l’intéressement au titre des exercices 2011 à 2014, du 13 e mois, de la prime de vacances, des avantages prévus dans la convention collective nationale des sociétés d’assurances puisque le complément d’information indique qu’AXA ASSISTANCE CANADA n’est soumise à aucune convention collective, du bénéfice des heures supplémentaires, Monsieur Y… devant travailler 37 h 30 alors qu’en étant employé en France il devait travailler 35 heures, des avantages liés aux institutions représentatives du personnel, et, plus généralement, des sommes et avantages dus tant au titre des dispositions légales que des dispositions de la convention collective nationale des sociétés d’assurances, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 122-14-3 du code du travail, recodifié sous les articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1235-1, L. 1235-9 du même code et L. 122-14-4 du code du travail recodifié sous l’article L. 1235 du Code du travail.