Prêt illicite de main d’oeuvre : 12 janvier 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 17-82.553

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 12 janvier 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 17-82.553

N° G 17-82.553 FS-P+B+I

N° 00024

EB2
12 JANVIER 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JANVIER 2021

REJET des pourvois formés par les sociétés Bouygues travaux publics, Elco construct Bucarest et Welbond armatures contre l’arrêt de la cour d’appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 20 mars 2017, qui, pour recours aux services de travailleurs dissimulés et prêt illicite de main d’oeuvre, a condamné la première à 29 950 euros d’amende et la troisième à 15 000 euros d’amende et, pour travail dissimulé, a condamné la deuxième à 60 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires en demande, en défense et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Bouygues travaux publics, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Elco construct Bucarest, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Welbond armatures, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, MM. Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, conseiller référendaire, M. Lemoine, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société Bouygues travaux publics (la société Bouygues), ayant obtenu l’attribution de marchés pour la construction, à Flamanville, d’un réacteur nucléaire de nouvelle génération, a constitué pour leur exécution, avec deux autres entreprises, une société en participation, laquelle a sous-traité à un groupement d’intérêt économique composé, notamment, de la société Welbond armatures (la société Welbond).

3. Ce groupement a eu recours à d’autres sous-traitants, dont la société Elco construct Bucarest (la société Elco), et à une société de travail temporaire Atlanco limited (la société Atlanco).

4. Après une dénonciation sur les conditions d’hébergement de travailleurs étrangers, un mouvement de grève de salariés intérimaires polonais portant sur l’absence ou l’insuffisance de couverture sociale en cas d’accident, ainsi que la révélation de plus d’une centaine d’accidents du travail non déclarés, et l’enquête menée par l’Autorité de sûreté nucléaire, puis par les services de police, les sociétés Bouygues, Welbond et Elco ont été poursuivies pour des faits compris entre juin 2008 et octobre 2012, notamment, des chefs susénoncés devant le tribunal correctionnel.

5. La société Elco a été notamment déclarée coupable du chef de travail dissimulé par dissimulation de salariés, faute d’avoir procédé aux déclarations préalables à l’embauche et aux déclarations aux organismes de protection sociale appropriées.

6. La société Bouygues et la société Welbond ont été notamment déclarées coupables des chefs de recours aux services de la société Atlanco, entreprise de travail intérimaire ayant omis de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés et ayant dissimulé l’emploi de salariés, faute d’avoir procédé aux déclarations préalables à l’embauche de salariés ainsi qu’aux déclarations relatives aux organismes de protection sociale appropriées. Elles ont également été reconnues coupables du chef de prêt illicite de main d’oeuvre du fait de leurs relations contractuelles avec la société Atlanco.

7. Les sociétés Elco, Welbond et Bouygues ont relevé appel, avec le ministère public.

Examen des moyens

Sur le premier moyen proposé pour la société Elco

Sur le premier moyen proposé pour la société Welbond

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission des pourvois au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen proposé pour la société Bouygues

Enoncé du moyen

9. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 1251-1, L. 1251-3, L. 1262-2, L. 8224-5, L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, 8243-1, 8243-2 et 8241-1 du Code du travail, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale.

10. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré la demanderesse coupable pour avoir sciemment eu recours aux services de la société Atlanco, employeur dissimulant l’emploi de ses salariés, et pour prêt de main d’oeuvre illicite, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n’accepte expressément d’être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu’en l’espèce, la citation reprochait à Bouygues TP d’avoir eu recours « aux services des sociétés Elco Construct et Atlanco, employeurs dissimulant sciemment l’emploi d’au moins 460 salariés » et « de s’être fait mettre à disposition au moins 163 salariés par la société Atlanco et 297 salariés par la société Elco » ; que parmi les 460 salariés ainsi visés à la prévention, 297 ont été mis à disposition par la société Elco construct, la société exposante ayant été relaxée pour les faits en lien avec cette dernière société ; qu’il résulte tant de la citation délivrée à la société Atlanco que des termes de la note de synthèse établie à l’issue de l’enquête préliminaire que les 163 salariés restant visés par la citation ont uniquement été mis à disposition de la société Welbond ; qu’en statuant sur des faits relatifs au contrat conclu entre Atlanco et Bouygues TP, qui n’étaient manifestement pas compris dans la saisine, la cour d’appel a violé l’article 388 du code de procédure pénale ;

2°/ que la cour d’appel qui constatait elle-même à plusieurs reprises que la citation comportait une « erreur » ou à tout le moins une « imprécision », ne pouvait s’estimer saisie de faits correspondant à la mise à disposition de salariés par Atlanco à une autre société que Bouygues TP, sans violer de plus fort les textes visés au moyen ;

3°/ que la critique tirée du dépassement de sa saisine par la juridiction de jugement, en violation de la règle selon laquelle cette dernière ne peut s’autosaisir, est distincte de celle tirée de l’imprécision des termes de la prévention, aboutissant à une violation des droits de la défense ; qu’en l’espèce, Bouygues TP faisait valoir que la cour d’appel n’était pas saisie des faits liés au contrat qu’elle avait conclu avec la société Atlanco ; qu’en considérant, pour écarter cette critique, que « la société Bouygues ne peut [
] prétendre qu’elle ne savait pas qu’elle était poursuivie pour recours au travail dissimulé en lien avec la société Atlanco Limited, ce qui suffit pour valider la citation, observation faite que cette connaissance des poursuites était si précise qu’elle est capable de rectifier le chiffre, erroné ou imprécis, avancé par le ministère public », la cour d’appel s’est prononcée par des motifs inopérants ;

4°/ que la note de synthèse établie par le ministère public, à la lumière de laquelle la citation doit être lue, ne comporte le nom que de 460 salariés ; qu’en conséquence, c’est à tort que la cour d’appel a estimé que l’« erreur » commise par le parquet dans la citation porterait sur une « donnée totalement superfétatoire » dès lors que la mention « au moins » permettrait de retenir un chiffre supérieur ;

5°/ qu’enfin, la société demanderesse faisait valoir, dans ses conclusions déposées en première instance, que les salariés visés à la prévention n’avaient été mis qu’à la disposition de la société Welbond Armatures ; qu’il ressort par ailleurs des notes d’audience devant le tribunal correctionnel qu’elle a expressément soutenu au cours des débats ne pas être poursuivie pour les faits relatifs au contrat qu’elle avait conclu avec Atlanco ; que l’argument tiré de ce que les juges ne pouvaient statuer sur ces faits sans outrepasser l’étendue de leur saisine ne pouvait être retenu au motif qu’il n’avait pas été soulevé devant les premiers juges, la cour d’appel a affirmé un fait en contradiction avec les pièces de la procédure. »

 


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