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Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 01 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/01793 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OSHJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 MARS 2020
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG F 17/00125
APPELANT :
Monsieur [H]
[Adresse 5]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté par Me REBOLLO avocat pour Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
INTIMEES :
SARL VILLA MARIE
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Pascale DELL’OVA de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL’OVA, BERTRAND, AUSSEDAT,SMALLWOOD,avocat au barreau de MONTPELLIER
SARL D’EXPLOITATION LE MASDE MARGUERITE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Pascale DELL’OVA de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL’OVA, BERTRAND, AUSSEDAT,SMALLWOOD,avoca taubarreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 16 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [F] [H] était embauché le 12 février 2013 suivant contrat à durée indéterminée en qualité de directeur d’établissement de l’EHPAD la Romaine par le groupe Enity.
A la suite du décès du gérant de l’EHPAD, ce dernier était placé en redressement judiciaire avant d’être repris par la société BJCM qui créait à cette fin la Sarl La Romaine .
Le contrat de travail du salarié était transféré à cette société moyennant un salaire s’élevant en dernier lieu à la somme de 3 262,86 €.
A compter d’octobre 2014, le salarié gérait également l’EHPAD le [8].
En avril et mai 2015, un contrôle de l’ARS était diligenté au sein de l’établissement le Mas de Marguerite qui mettait à jour de graves dysfonctionnements, dysfonctionnement confirmés lors du contrôle réalisé en septembre 2015.
En février 2016, l’ARS préconisait l’organisation d’une expertise pour analyser les pratiques de l’établissement et mettre en oeuvre un plan de conformité.
Les experts rendaient leur rapport fin août 2016.
Par courrier du 3 octobre 2016, le salarié était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, lequel lui était notifié le 25 octobre 2016 en ces termes:
‘(…/…) Dans le cadre des responsabilités que vous assurez pour l’EHPAD Mas Marguerite, cette dernière institution a eu une mission de contrôle conjointe de l’ARS et du Conseil Général de l’Hérault les 23 avril 2015, 12 mai 2015 et 3 novembre 2015. Ces visites ont mis en avant des écarts importants à la réglementation et des conditions d’organisation très insuffisantes susceptibles de remettre en cause la qualité et la sécurité de la prise en charge des personnes accueillies.
Compte tenu de l’importance de ces dysfonctionnements, le Département et l’ARS m’ont convoqué le 1er février 2016 (entretien auquqel je me suis rendu) pour me faire part des conclusions de la mission de contrôle et m’informer des suites qui pourraient lui être réservées.
La mission de contrôle n’a noté aucune évolution positive entre ses visites de contrôle. Informé par mes soins des problèmes soulevés vous auriez dû agir afin que les autorités de tutelle notent une évolution positive dans la prise en charge des résidents. Votre attitude révèle une carence grave dans votre gestion et une légèreté inacceptable.
Ce constat m’amène à vous notifier votre licenciement pour faute grave.(…/…).’.
Contestant notamment son licenciement, par requête du 6 février 2017, le salarié saisissait le conseil de prud’hommes de Montpellier, lequel, par jugement du 2 mars 2020, disait le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamnait les sociétés Villa Marie et le Mas de Marguerite à payer solidairement au salarié les sommes suivantes:
-2 453,25 € au titre de l’indemnité de licenciement
-9 788,58 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 978,85 € pour les congés payés y afférents,
-5 256,87 € au titre de l’indemnité de non concurrence outre 525,67 € pour les congés payés y afférents
-1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe en date du 18 mars 2020, le salarié relevait appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 30 novembre 2020, monsieur [H] demande à la cour de condamner la sarl Villa Marie à lui payer les sommes suivantes:
-27 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à titre subsidiaire la somme de 3 262,86 € pour licenciement irrégulier,
-17 107,24 € au titre des heures supplémentaires réalisées en 2014,2015 et 2016 outre 1 710,72 € au titre des congés payés y afférents,
-3 565,77 € au titre du repos compensateur outre 356,58 € pour les congés payés y afférents,
-19 724,46 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
-10 000 € pour prêt de main d’oeuvre illicite,
-17 592,90 € au titre de l’indemnité de non concurrence outre 1 759,29 € pour les congés payés y afférents,
et de condamner la sarl le Mas de Marguerite à lui payer la somme de 19 724,46 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
Il fait valoir essentiellement qu’il n’y a a jamais eu de contrat de mise à disposition au profit de la sarl le Mas de Marguerite et qu’il s’agit en fait d’un prêt illicite de main d’oeuvre. Il ajoute qu’il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires, ne pouvant gérer dans un délai raisonnable deux établissements à la fois. Il affirme qu’il n’ a jamais été délié de sa clause de non concurrence.
Quant au licenciement, il expose que les faits, à les supposer établis, sont prescrits, ayant été découverts par l’employeur en septembre 2015 et son licenciement étant intervenu en octobre 2016.
Il ajoute que le licenciement est irrégulier, ayant reçu ses documents de fin de contrat le 25 octobre 2016 et sa lettre de licenciement le 26 octobre 2016.
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 9 septembre 2020,les sociétés demandent de réformer le jugement querellé, de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner à leur payer la somme de 2 000 € au titre de leurs frais de procédure
Elles soutiennent en substance qu’un contrat de mise à disposition au profit de la sarl le Mas de Marguerite a été conclu le 1er octobre 2014, que le salarié n’a jamais effectué d’heures supplémentaires comme cela ressort tant de son décompte erroné qui comptabilise des heures supplémentaires pendant des jours de congé que des attestations versées aux débats. Elles ajoutent que le salarié a violé sa clause de non concurrence en postulant dans des EHPAD concurrents.
Pour le licenciement, elles affirment que celui ci est régulier, la lettre de licenciement ayant été adressée au salarié le même jour que ses documents de fin de contrat. Elles affirment que les faits ne sont pas prescrits, les fautes reprochées au salarié n’ayant été découvertes dans leur ampleur qu’à la suite du rapport d’expertise diligenté en août 2016 et de l’enquête interne réalisée à la même époque.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur le prêt illicite de main d’oeuvre
Un contrat de mise à disposition au profit de la sarl le Mas de Marguerite a été régulièrement conclu le 1er octobre 2014. Il n’y a donc pas prêt illicite de main d’oeuvre et cette demande doit être rejetée
Sur les heures supplémentaires
En application de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif au nombre d’heures travaillées, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble des éléments qui lui sont présentés. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales qui s’y rapportent.
En l’espèce, le salarié produit un décompte rédigé de sa main récapitulant les heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées.
Toutefois, l’employeur démontre, fiches de paie à l’appui, que ce décompte est erroné, le salarié comptabilisant des heures de travail pendant ses jours de congés.
Par ailleurs, il résulte des attestations versées aux débats que le salarié était fréquemment absent des deux structures, qu’il arrivait tard et partait tôt.
Ainsi monsieur [E] (pièce n°16) décrit la difficulté à rencontrer le salarié, celui ci étant régulièrement absent des deux structures.
Madame [J], déléguée du personnel (pièce n°20) atteste que le salarié arrivait le matin à 9hn et ne partait jamais après 16h.
Monsieur [T], représentant des familles, (pièce n°19) évoque également le manque de présence de monsieur [H] qui était souvent absent après 15h.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le salarié doit être débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires.
Sur le travail dissimulé
En l’absence de toute heure supplémentaire et de tout prêt illicite de main d’oeuvre, la demande au titre du travail dissimulé doit être rejetée
Sur le licenciement
Sur la procédure de licenciement
L’employeur a adressé au salarié les documents de fin de contrat le 25 octobre 2016. Le même jour, il a envoyé au salarié la lettre de licenciement. La procédure est donc régulière, peu important que le salarié n’ai reçu sa lettre de licenciement que le lendemain, seule la date d’envoi comptant.
Sur la prescription des faits
S’il est exact que le dernier contrôle de l’ARS date de septembre 2015, il est incontestable que ce contrôle préconisait la mise en place d’une expertise pour analyser les dysfonctionnements et mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour y remédier. Ce rapport n’a été déposé qu’à la fin du mois d’août 2016 comme cela résulte de la pièce n ° 15 et ce n’est qu’à la lecture de ce rapport que l’employeur a eu connaissance des carences qui étaient reprochées au salarié. La lettre de convocation à entretien préalable ayant été adressée le 3 octobre 2016, les faits n’étaient pas prescrits et ce moyen doit être écarté.
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, l’employeur reproche au salarié une carence totale dans la gestion des établissements alors qu’il disposait d’une délégation de pouvoir.
Cette accusation est corroborée par les dires de l’expert qui relève (pièces n°15 et 22) qu’il a constaté de nombreuses irrégularités dans :
(…/…)
-la mise en sécurité des locaux et des personnes accueillies: absence de registre de sécurité, registre de l’effectif des résidents présents non tenu, réponses aux appels malades non maîtrisés, sécurité des locaux non maîtrisée…
-Projet d’établissement non conforme au CASF en dépit des injonctions formulées à ce sujet en 2015,
-Effectif non conforme à l’objectif fixé par l’ARS,
-Contrats de travail non conformes,
-Non conformité des procédures de recrutement des personnels, pas de document unique des risques professionnels…
-Absence de procédure de médicament,
-Système d’astreinte insuffisant. (…/…)
Ces carences sont corroborées par les attestations versées aux débats.
Monsieur [E] (pièce n°16) indique que le salarié faisait preuve d’un manque de présence, d’un manque d’implication auprès du personnel, des familles et des résidents
Monsieur [V] (pièce n°17) confirme également l’absence totale d’implication du salarié dans l’une ou l’autre des structures.
Monsieur [S], expert comptable (pièce n°18) atteste avoir récupéré des piles de papier non classés depuis un an.
Monsieur [T] (pièce n°19) évoque le ressenti négatif des familles quant à l’attitude de monsieur [H] à leur égard.
L’ensemble de ces éléments rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et le licenciement pour faute grave est donc justifié. Le jugement doit être infirmé sur ce point et le salarié débouté de toutes ses demandes.
Sur la clause de non concurrence
L’employeur, qui ne conteste pas ne pas avoir payé la clause de non concurrence, ne démontre pas que le salarié a violé celle-ci, le simple fait de postuler à des postes en EHPAD non suivi d’effet ne constituant pas une violation de la clause.
En conséquence, il est redevable de la somme de 5 256,87 € au titre de l’indemnité de non concurrence outre 525,67 € pour les congés payés y afférents et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 2 mars 2020 en ce qu’il a condamné la sarl Villa Marie à payer à monsieur [F] [H] la somme de 5 256,87 € au titre de l’indemnité de non concurrence outre 525,67 € pour les congés payés y afférents;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement pour faute grave fondé;
Déboute monsieur [F] [H] de toutes ses demandes;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne monsieur [F] [H] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT