9 mars 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00325
MB/IC
[N] [O]
C/
[J] [D]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 09 MARS 2023
N° RG 21/00325 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FUVI
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 01 mars 2021,
rendue par le tribunal judiciaire de Mâcon – RG : 20/00233
APPELANT :
Monsieur [N] [O]
né le 26 Juillet 1960 à [Localité 6] (69)
domicilié :
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Anne-Laure VIEUDRIN, avocat au barreau de MACON
assistée de Me DE BOYSSON, membre de la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET-SUETY FOREST DE BOYSSON, avocat au barreau de l’AIN
INTIMÉ :
Monsieur [J] [D]
né le 16 Octobre 1967 à [Localité 5] (01)
domicilié :
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Amélie VEAUX, avocat au barreau de MACON
assistée de Me Jean ANTONY, membre de QUORUM AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,
Michèle BRUGERE, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
Sophie BAILLY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte d’huissier du 5 mars 2020, Monsieur [N] [O] a fait citer Monsieur [J] [D] devant le tribunal judiciaire de Mâcon pour l’entendre condamner au paiement des sommes suivantes au visa des articles 1376 et 1240 du code civil :
– 8 255,07 euros au titre de travaux
– 16 900 euros au titre de la vente d’un véhicule
– 2 000 euros au titre de son préjudice moral,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec application au profit de Maître Anne-Laure Vieudrin des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande devant le tribunal Monsieur [O] expose que Monsieur [D] est redevable de la somme de 8 255,07 euros correspondant à des travaux qu’il a réalisés à son domicile en sa qualité d’artisan paysagiste pour lesquels il a émis deux factures le 15 octobre 2016 pour un montant de 4 181 euros (n° 1935/10) et le 5 novembre 2016 pour un montant de 4 074,07 euros correspondant à l’aménagement d’un poolhouse (n° 1938/11).
Il ajoute qu’il a exécuté des travaux à la demande de Monsieur [D] pour le compte de la société OC DISTRIB’AUTO, aujourd’hui en liquidation judiciaire, pour un montant de 11 349,07 euros restés impayés.
Monsieur [O] ajoute qu’il a fait l’acquisition auprès de la société OC DISTRIB’AUTO le 29 mai 2015 d’un véhicule Mercedes ML 350 CDI Sport 4 Matic pour un prix de 19 000 euros ; que pour des raisons personnelles, il a remis à Monsieur [D] ce véhicule afin qu’il l’expertise en vue de sa revente ; que sans qu’il ait signé le moindre document, Monsieur [D] a revendu ce véhicule et a finalement établi à la suite de plusieurs échanges, un écrit daté du 27 mars 2017, au terme duquel il s’engage personnellement à lui rembourser la somme de 16 900 euros et attend en retour son accord sur cette proposition ; qu’il a retourné cet écrit avec la mention ‘bon pour accord’ conformément à la demande de Monsieur [D], mais n’a obtenu aucun paiement.
Pour solliciter la condamnation de Monsieur [D] à lui payer la somme de 16 900 euros, Monsieur [O] se prévaut à titre principal de cet écrit qu’il qualifie de reconnaissance de dette, conforté par les échanges qu’il a eus avec Monsieur [D] par SMS postérieurement à la liquidation de la société OC DISTRIB’AUTO survenue le 18 avril 2017, et subsidiairement invoque une faute délictuelle commise par Monsieur [D] en vendant un véhicule qui lui avait été remis pour expertise, sans aucun mandat de vente, et en conservant le prix de vente.
Estimant que sa confiance a été trahie par Monsieur [D], Monsieur [O], sollicite sa condamnation au paiement d’une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
En réponse, Monsieur [D] conclut au rejet de la demande en paiement des factures de travaux en invoquant la prescription biennale sur le fondement de l’article L 218-2 du code de la consommation, et subsidiairement, l’absence de preuve de la réalité des interventions facturées.
S’agissant de la demande en paiement de la somme de 16 900 euros, Monsieur [D] expose d’une part que le véhicule a été confié à la vente à la société OC DISTRIB’AUTO qui n’a pas eu la capacité financière de rembourser la valeur du véhicule ; que le courrier du 27 mars 2017 dont se prévaut Monsieur [O] a été rédigé au nom de la société et ne comporte pas toutes les mentions requises pour valoir reconnaissance de dette au sens de l’article 1376 du code civil ; qu’aucun élément extrinsèque ne vient confirmer ce prétendu engagement unilatéral qu’il aurait pris aux lieu et place de la société ; qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une faute délictuelle qui lui serait personnellement imputable ; que le préjudice moral invoqué n’est pas démontré.
Par un jugement rendu le 1er Mars 2021, le tribunal judiciaire de Mâcon a
– déclaré irrecevable la demande de Monsieur [O] fondée sur les factures des 15 octobre et 5 novembre 2016 comme prescrites,
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes
– condamné Monsieur [O] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 11 mars 2021, Monsieur [O] a relevé appel de cette décision en ce qu’elle a rejeté sa demande relative au paiement du prix de vente du véhicule et des dommages-intérêts.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 décembre 2021, Monsieur [O] demande à la cour :
– de déclarer recevable et bien fondé son appel,
– de réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mâcon le 1er mars 2021 en ce qu’il l’a débouté de toutes ses autres demandes, et condamné aux dépens, et a débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
statuant à nouveau
– au visa des articles 1376 et 1240 du code civil,
– de débouter Monsieur [D] de ses demandes,
– de le condamner à lui payer les sommes suivantes :
– 16 900 euros au titre de la vente du véhicule,
– 7 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
– 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel, avec application au profit de Maître Vieudrin des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 septembre 2021 Monsieur [D] demande à la cour :
A titre principal :
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé prescrite l’action en recouvrement des 2 factures et débouté Monsieur [O] de sa demande en paiement
A titre subsidiaire,
– de constater la carence probatoire de monsieur [O],
– par conséquent de le dire et juger non fondé en sa demande en paiement des deux factures,
– de confirmer le jugement déféré en ce qui a débouté Monsieur [O] de sa demande en paiement,
Sur la demande de condamnation au paiement d’une somme de 16 900 euros :
A titre principal :
– de confirmer le jugement et de constater que les mentions requises pour qu’une reconnaissance de dette soit valide sont pour partie manquantes sur l’acte du 27 mars 2017,
– de dire et juger que cet acte ne vaut pas reconnaissance de dette,
par conséquent :
– de confirmer le jugement et de débouter Monsieur [O] de sa demande de condamnation au paiement de la somme 16 900 euros
A titre subsidiaire :
– de dire et juger que la reprise du véhicule n’a pas été réalisée à titre personnel par Monsieur [D] mais par la société OC DISTRI’AUTO qui n’a ensuite pas eu la capacité financière de rembourser à Monsieur [O] le montant du véhicule,
– de confirmer le jugement rendu et de dire et juger qu’il n’a commis aucune faute délictuelle,
par conséquent,
– de confirmer le jugement rendu, et de débouter Monsieur [O] de sa demande de condamnation de la somme de 16 900 euros.
Sur la demande de condamnation à indemniser Monsieur [O] d’un prétendu préjudice de jouissance :
– de juger que la demande formulée au titre du préjudice de jouissance est une nouvelle demande en cause d’appel
– par conséquent de la juger irrecevable, et à titre subsidiaire de débouter Monsieur [O], de cette demande comme non fondée,
Sur la demande de condamnation à indemniser Monsieur [O] d’un prétendu préjudice moral :
– de dire et juger non fondée la demande indemnitaire
– de confirmer le jugement et de débouter Monsieur [O] de sa demande en condamnation à lui réparer son prétendu préjudice moral,
En toutes hypothèses,
– de confirmer le jugement et de débouter Monsieur [O] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,
– de le condamner à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022
SUR CE
Vu les dernières conclusions échangées par les parties auxquelles la cour se réfère, vu les pièces
La cour constate qu’elle n’est saisie que de l’appel des chefs du jugement relatifs à la vente du véhicule et aux demandes en paiement qui en découlent de sorte que la cour ne répondra pas aux écritures de Monsieur [D] qui concernent la demande en paiement des factures de travaux.
Monsieur [O] reproche au premier juge d’avoir considéré que l’écrit daté du 27 mars 2017 ne valait pas reconnaissance de dette sur la forme, ni commencement de preuve par écrit corroboré par d’autres éléments ; que ce document restait équivoque quant à l’identité du débiteur de la reconnaissance de dette compte-tenu de sa formulation ambigüe et que les échanges de SMS ne permettaient pas de lever cette ambiguïté.
Il soutient que la reconnaissance de dette doit être interprétée comme un engagement personnel de Monsieur [D], malgré l’emploi alternatif du ‘nous’ et du ‘je’ qui a pour objet d’introduire Monsieur [D] aux côtés de la société OC AUTOMOBILE, de reprendre l’engagement de la société à son compte, et de recueillir son accord sur le principe de cette reprise d’engagement, justifiée par le fait que la société n’est pas en mesure de faire face à ses engagements.
Monsieur [D] prétend au contraire qu’il a rédigé le courrier du 27 mars 2017 en sa qualité de représentant légal de la société OC DISTRIB AUTO qui a repris le véhicule et n’a pas pu rembourser le prix de vente, et que ce courrier avait pour unique objet de reconnaître le montant dû par la société. Il estime que Monsieur [O] tente d’obtenir le paiement de cette facture en faisant porter l’engagement sur son dirigeant à titre personnel faute de pouvoir recouvrer sa créance contre la société placée en liquidation judiciaire par jugement du 14 avril 2017.
La cour constate à titre liminaire que, si les parties s’accordent sur le fait que Monsieur [O] a confié (à une date inconnue) son véhicule à la société OC auto Distribution auprès de laquelle il en avait fait l’acquisition le 29 mai 2015, il prétend cependant l’avoir remis uniquement pour expertise, alors que Monsieur [D] soutient l’avoir reçu en dépôt pour sa mise en vente et reconnaît être l’auteur de l’écrit litigieux dont se prévaut Monsieur [O] à l’appui de sa demande en paiement.
Cet écrit daté du 27 mars 2017 est établi à l’entête de la société OC Auto Distribution et Monsieur [D] a apposé sa signature, sous le nom de la société, en sa qualité de représentant légal.
Il est indiqué dans ce document ‘Nous soussignons OC Automobile, déclarée en RJ ….’ suivi de ‘je m’engage personnellement à vous rembourser la somme de 16 900 euros suite à la vente d’un véhicule en dépôt vente …’ puis de ‘j’ai engagé divers processus afin de respecter cet engagement…’ et enfin de ‘vous voudrez bien signer ce présent courrier en me confirmant votre accord sur ce principe…’
Non seulement sur la forme cet écrit ne répond pas aux exigences de l’article 1376 du code civil et ne vaut pas preuve d’une reconnaissance de dette de Monsieur [D], mais l’ambiguïté qui demeure sur l’identité du débiteur de la somme de 16 900 euros compte- tenu de sa formulation, ne permet pas de considérer qu’il vaut comme commencement de preuve par écrit de la qualité de débiteur à titre personnel de Monsieur [D], et il n’est en tout état de cause pas complété par des éléments extrinsèques probants susceptibles d’être opposés à ce dernier.
En effet, cet écrit est établi à l’entête de la société OC Distribution et signé par Monsieur [D], en qualité de représentant légal de la dite société, et l’utilisation alternative du ‘je’ et du ‘nous’ ne peut être interprétée comme le signe d’un engagement clair de la part de Monsieur [D] de régler la somme de 16 900 euros sur ses fonds propres et donc de se substituer au débiteur de la dette. Au contraire, il s’explique, en l’absence de tout document contractuel liant les parties et permettant de définir les conditions et modalités précises de la prestation initialement confiée par Monsieur [O] à Monsieur [D], par la volonté d’officialiser l’existence de la dette de la société.
De plus, il ressort des SMS produits aux débats échangés avec Monsieur [O] entre le 24 décembre 2018 et le 8 juin 2019 que Monsieur [D] a lié le paiement de cette somme aux opérations de la procédure de liquidation judiciaire, sans reconnaître expressément sa qualité de débiteur à titre personnel.
Dès lors, le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a décidé que Monsieur [N] [O] ne rapportait pas la preuve de la reconnaissance de dette de Monsieur [J] [D] s’agissant du prix de vente de son véhicule.
A titre subsidiaire, Monsieur [O] prétend que Monsieur [D] a commis une faute en vendant un véhicule qui lui avait été remis pour expertise, sans sa signature, sans mandat de vente, ce que Monsieur [D] conteste.
Monsieur [O] ne produit pas davantage à hauteur d’appel qu’en première instance d’élément permettant de retenir la thèse d’un acte frauduleux et d’une vente de véhicule organisée de manière fautive par Monsieur [D], de sorte que le jugement qui a rejeté ce chef de demande, ainsi que par voie de conséquence les demandes indemnitaires formulées par Monsieur [O], ne peut qu’être confirmé en toutes ses dispositions.
Partie perdante, Monsieur [O] est condamné à hauteur d’appel au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme dans la limite de l’appel, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mâcon le 1er mars 2021, en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [N] [O] à payer à Monsieur [J] [D] une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la procédure d’appel.
Le Greffier, Le Président,