Prêt entre particuliers : 9 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14735

·

·

Prêt entre particuliers : 9 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14735

9 mai 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
22/14735

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 MAI 2023

N° 2023/ 164

Rôle N° RG 22/14735 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKIY5

[M] [R]

C/

[D] [Y] épouse [C]

[E] [C]

[G] [T] [V] [X] [J]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Hélène ABOUDARAM-COHEN,

Me Pierre BALLANDIER, avocat

Me Sophie NIVIERE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de TARASCON en date du 26 Octobre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/00364.

APPELANTE

Madame [M] [R]

née le 05 Avril 1967 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 7]

représentée et plaidant par Me Hélène ABOUDARAM-COHEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [D] [Y] épouse [C]

née le 09 Octobre 1938 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [E] [C]

né le 06 Septembre 1946 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

tous deux représentés et plaidant par Me Pierre BALLANDIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [G] [T] [V] [X] [J]-[C]

né le 28 Mars 1961 à [Localité 5], demeurant chez Monsieur et Madame [C] [Adresse 1]

représenté et plaidant par Me Sophie NIVIERE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 20 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur [I], a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Danielle DEMONT, Conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous-seing-privé du 24 septembre 1998, M. [E] [C] et Mme [D] [Y] ont consenti à M. [G] [J]-[C], leur fils et Mme [M] [R], leur belle fille un prêt d’un montant de 300’000 francs.

Le divorce des emprunteurs a été prononcé par jugement du tribunal judiciaire Tarascon du 15 mai 2020, rectifié par décision du 7 juillet 2020.

Les prêteurs ont adressé, le 2 septembre 2021 à Mme [M] [R] une lettre recommandée avec avis de réception, portant mise en demeure de rembourser la moitié du montant du prêt.

Vu les assignations du 16 février 2022, par lesquelles M. [E] [C] et Mme [D] [Y], son épouse ont fait citer M. [G] [J]-[C] et Mme [M] [R], devant le tribunal judiciaire de Tarascon.

Vu les conclusions d’incident déposées par Mme [M] [R] devant le juge de la mise en état, soulevant l’irrecevabilité des demandes au regard du délai de prescription.

Vu l’ordonnance rendue le 26 octobre 2022, par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire Tarascon, ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action paiement soulevée par Mme [M] [R], débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [M] [R] aux dépens.

Vu la déclaration d’appel du 7 novembre 2022, par Mme [M] [R].

Vu les conclusions transmises, le 10 janvier 2023, par l’appelante.

Elle considère que les termes de la reconnaissance de dette ne permettent pas de déduire que le prêt ne serait exigible qu’à compter du divorce des emprunteurs et rappelle qu’il était prévu un remboursement de 30’000 francs par an qui n’est jamais intervenu, de sorte que les prêteurs auraient pu agir en remboursement dès la première annuité impayée et à son terme de 10 ans, le 24 septembre 2008. Elle ajoute que l’action engagée le 16 février 2022 est donc prescrite, au regard du délai de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil.

Mme [R] estime qu’en sollicitant le règlement de l’intégralité de la somme prêtée, M. [E] [C] et Mme [D] [Y] admettent que les 10 années d’exécution du contrat prévues par la reconnaissance de dette datée du 24 septembre 1998 se sont écoulées.

Vu les conclusions transmises, le 16 décembre 2022, par M.[E] [C] et Mme [D] [Y].

Ils rappellent que la reconnaissance de dette précise que l’objet du prêt, à caractère familial était de participer au financement pour l’acquisition par les époux [J] d’une maison sise à [Localité 8] devant constituer leur domicile conjugal et précisent que celle-ci a été vendue au mois de septembre 2021 à la suite de leur divorce.

M. [E] [C] et Mme [D] [Y] font valoir que le prêt n’était assorti d’aucun terme, dès lors que la date de début des remboursements n’a pas été fixée.

Ils se prévalent d’un arrêt rendu le 26 février 2020 par la Cour de cassation, aux termes duquel

la date d’exigibilité de l’obligation, en l’absence de terme exprès, doit se révéler de la recherche de la commune intention des parties et des circonstances de l’engagement.

Vu les conclusions transmises, le 15 décembre 2022, par M. [G] [J]-[C].

Il souligne que le point de départ de la prescription n’est pas la date de la première échéance qui n’est pas déterminée de manière exprès et que le prêt est consenti sans terme, ni date précise pour le commencement de l’exécution, les emprunteurs étant un jeune couple aux revenus modestes et rappelle que:

– par application de l’article 1900 du code civil, s’il n’a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances.

– selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’exigibilité de l’obligation d’un prêt consenti sans terme exprès doit être recherchée suivant la commune intention des parties et les circonstances de l’engagement.

– par application de l’article 2233 du code civil , la prescription ne court pas : 3° à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé.

M. [G] [J]-[C] estime que les faits ayant permis aux demandeurs d’exercer leur action sont constitués par le divorce en mai 2020 et la vente de la maison en septembre 2021 et que celle-ci n’est donc pas prescrite.

SUR CE

En application de la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, l’article 2224 du code civil dispose désormais que les actions personnelles se prescrivent par 5 ans, à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il résulte des dispositions de ce texte et de l’article 1900 du code civil que lorsqu’un prêt d’argent a été consenti sans qu’un terme ait été fixé, le point de départ du délai de la prescription quinquennale de l’action en remboursement se situe à la date d’exigibilité de l’obligation, laquelle doit être recherchée en l’absence de terme exprès, suivant la commune intention des parties et les circonstances de l’engagement.

Le contrat de prêt 24 septembre 1998 est rédigé de la manière suivante :

« Monsieur et madame [J] envisagent d’acquérir une maison [Adresse 6] à [Localité 8], des consorts [H].

Ne disposant pas des fonds suffisants, ils ont demandé à monsieur [C] et à Madame [Y] de leurs consentir un prêt à titre familial (Monsieur [J] étant le fils de madame [Y]) ce que les derniers ont acceptés.

Ceci exposé Monsieur et Madame [J] [G] reconnaissent devoir conjointement et solidairement entre eux à Monsieur [C] la somme de 150 000 francs (cent cinquante mille francs) et à Madame [Y] la somme de 150 000 francs (cent cinquante mille francs) qu’ils s’engagent à rembourser de la manière suivante : 30 000 francs (trente mille francs) par an pendant dix ans.

Fait à [Localité 3] le 24/09/98

Bon pour reconnaissance de dettes de la somme de 150 000 francs (cent cinquante mille francs) à chacun. »

Si la convention ne comporte aucune mention sur la date de la première échéance, ni sur le terme final, il convient de considérer, en l’absence de précision sur ce point que le remboursement devait commencer dès la remise des fonds.

Le remboursement total était donc exigible à compter du 24 septembre 2008, date à laquelle il pouvait être réclamé par les prêteurs. Cette date constitue le point de départ du délai de prescription de cinq ans échu depuis le 24 septembre 2013.

Le fait que le contrat évoque un prêt à caractère familial et l’acquisition d’une maison à [Localité 8] ne permet en effet pas de déduire que ce remboursement ne serait exigible qu’en cas de divorce des emprunteurs.

L’action engagée par assignations du 16 février 2022 est, en conséquence, prescrite.

L’ordonnance est infirmée.

Il n’y pas a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante est condamnée aux dépens de première instance et d’appel , conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite, l’action en remboursement de prêt formée par M. [E] [C] et Mme [D] [Y] à l’encontre de Mme [M] [R].

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M. [E] [C] et Mme [D] [Y] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x