Prêt entre particuliers : 9 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/22424

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Prêt entre particuliers : 9 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/22424
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9 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/22424

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRÊT DU 09 JUIN 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/22424 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4GF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2021 – Tribunal judiciaire de CRETEIL – RG n° 20/00899

APPELANT

Monsieur [T] [W] né le 13 octobre 1970 à [Localité 5],

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

INTIMÉE

S.A.S. GRECO immatricxulée au RCS de Versailles sous le numéro 823 557 285, agissant poursuites et diligences prise n la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Rebecca ROYER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Catherine GIRARD-ALEXANDRE, conseillère ,chargée du rapport faisant fonction de Présidente et Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Catherine GIRARD-ALEXANDRE, conseillère faisant fonction de présidente

Corinne JACQUEMIN, conseillère Muriel PAGE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Catherine GIRARD-ALEXANDRE, conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [W] est propriétaire des lots 8 et 11 dans un immeuble collectif situé [Adresse 1] à [Localité 4], constituant respectivement un appartement de type F2 dans le bâtiment B, et un débarras dans la cour commune dans le bâtiment , dont il a, selon acte sous seing privé du 26 avril 2017, consenti à la société GRECO la vente conditionnelle, avec faculté de rachat susceptible d’être exercée pendant un délai d’un an à compter de la signature de la promesse de vente.

L’acte prévoyait que le transfert de propriété n’aurait lieu qu’à compter du jour de la réalisation de l’acte authentique, et que l’acquéreur ou bénéficiaire, laissait au vendeur la libre disposition des biens pendant une durée d’un an à compter de la signature du compromis de vente, moyennant une indemnité d’occupation du 800,00 € par mois, payable comptant pour la totalité au jour de la signature de l’acte authentique.

La vente a été conclue au prix de 60.000,00 €, payable comptant en totalité au jour de l’acte authentique de vente, mais avec précision que l’acquéreur a déjà versé la somme de 24.755,85 € au Crédit Foncier de France, créancier poursuivant de Monsieur [T] [W], et de 10.045,24 € à la CARPA au titre des frais de procédure, une procédure de saisie immobilière étant en cours.

Monsieur [T] [W] n’a pas exercé la faculté de rachat.

Le 6 décembre 2018, la société GRECO a sommé Monsieur [T] [W] de délivrer sous quinzaine les biens immobiliers comme prévu au contrat du 26 avril 2017.

Les 7 juin et 9 juillet 2019, elle lui a fait délivrer une sommation à comparaître devant notaire à l’effet de régulariser l’acte de vente.

Monsieur [T] [W] n’a déféré à aucune de ces sommations.

C’est dans ce contexte que par acte d’huissier délivré le 30 décembre 2019, la société GRECO a fait assigner Monsieur [T] [W] devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir déclarer parfaite la vente des biens immobiliers (lots n°8 et n° 11 ) sis [Adresse 1] à [Localité 4] tel que décrits dans le contrat de vente signé le 26 avril 2017, entre Monsieur [W] et la société GRECO, avec toutes conséquences de droit, et de condamner Monsieur [W] à lui payer l’indemnité d’occupation contractuelle de 800,00 € par mois, à compter du 26 avril 2017 jusqu’à la délivrance des biens, outre l’indemnité forfaitaire pour non prise de possession à la date convenue, soit au 26 avril 2018, pour la somme de 35.040,00 €, et celle de 6 000 €, soit 10% du prix de vente au titre de la clause pénale insérée au contrat de vente conditionnelle.

Par jugement contradictoire en date du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

condamné Monsieur [T] [W] à signer, dans un délai maximum de 30 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sur convocation du notaire, l’acte authentique par devant notaire constatant la vente des biens immobiliers situés au [Adresse 1] à [Localité 4] (lots n°8 et n°11 ) tel que décrits dans le contrat de vente signé, et ce, sous astreinte de 150,00 € par jour de retard ;

dit qu’à défaut, et passé un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, le jugement vaudra vente et sera publié à la diligence de la société GRECO auprès du service de la publicité foncière du lieu de situation de l’immeuble ;

condamné Monsieur [T] [W] à payer à la société GRECO les sommes de  :

* 38.400 € au titre de l’indemnité d’occupation arrêtée au 26 avril 2021 ;

* 800€ par mois du 27 avril 2021 jusqu’à la délivrance du bien ;

*2.000,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour non prise de possession à la date convenue ;

*200 € au titre de la clause pénale

*2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

ordonné l’exécution provisoire ;

condamné Monsieur [T] [W] aux dépens 

Par déclaration du 20 décembre 2021, Monsieur [W] a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement.

Par acte du 7 janvier 2022, Monsieur [W] a fait assigner la société GRECO devant le premier président de la cour d’appel au visa de l’ancien article 524 du code de procédure civile afin de voir arrêter l’exécution provisoire du jugement susvisé.

Suivant ordonnance en date du 22 mars 2022, le premier président a arrêté l’exécution provisoire dudit jugement du chef de la condamnation de Monsieur [W] à signer l’acte authentique de vente des biens immobiliers, et rejeté la demande d’arrêt du chef des condamnations pécuniaires.

Par ses dernières conclusions signifiées le 28 mars 2023, Monsieur [W] demande d’infirmer le jugement des chefs précités, et statuant de nouveau de :

– prononcer la nullité de la vente du bien immobilier pour vil prix (dans les motifs) sur le fondement de l’article 1658 du code civil,

– prononcer la nullité de la vente sur le fondement de la non-réalisation de la condition suspensive,

– prononcer la nullité de la vente sur le fondement de la loi Carrez du 18 décembre 1996,

Au visa des articles 1659 et 1662 du code civil, il demande par ailleurs de dire qu’il a été empêché d’exercer son droit de rachat faute d’avoir reçu tout ou partie du prix stipulé dans l’acte, et il demande de lui accorder les plus larges délais de paiement au titre de la reconnaissance de dette.

Enfin, il demande la condamnation de la SAS GRECO au paiement de la somme de 5 000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il affirme que la vente a été consentie à vil prix dès lors que la valeur de son bien oscille entre 188.300,00 € et 230.100,00 € selon des évaluations effectuées par des agences immobilières, et ce d’autant que la superficie prise en compte est erronée et ne prend pas en compte les combles dont il a acquis la propriété, devenues le lot 18 de la copropriété, augmentant ainsi ladite superficie, et qu’il a entièrement rénové l’appartement.

Il fait valoir qu’il n’a pas été en mesure, financièrement, d’exercer sa faculté de rachat, et ce d’autant que le prix de vente ne lui a pas été versé, en tout ou partie, et conteste en conséquence qu’il y ait eu transfert de propriété.

Il ajoute que la condition suspensive tenant à ce que le montant des inscriptions hypothécaires grevant le bien ne soit pas supérieur au solde du prix de vente n’était pas réalisée au 29 mai 2018 pas plus qu’à ce jour.

Enfin, il soutient que la somme mentionnée en la reconnaissance de dette du 26 avril 2017 ne devait pas s’imputer sur le prix de vente mais était uniquement destinée à désintéresser le Crédit Foncier de France, prêteur de deniers ayant fait pratiquer une saisie immobilière, en remboursant l’arriéré dû et ainsi faire stopper la saisie immobilière.

Par ses dernières conclusions, la société GRECO demande de :

– confirmer le jugement s’agissant de la caractérisation de la vente parfaite entre elle-même et Monsieur [W] et de la nécessaire exécution forcée de ladite vente, et en conséquence,

– condamner Monsieur [W] a’ signer, dans un délai maximum de 15 jours a’ compter de la signification de l’arrêt a’ intervenir, l’acte authentique par devant notaire constatant la vente des biens immobiliers situés au [Adresse 1] ‘ [Localité 4] (lots n°8 et n°11) tel que décrits dans le contrat de vente signe’, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

– dire qu’à défaut, et passe’ un délai d’un mois a’ compter de la signification de la décision a’ intervenir, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de céans entre les parties vaudra vente et sera publié a’ la diligence du demandeur auprès du service de la publicité foncière du lieu de situation de l’immeuble ;

– condamner Monsieur [W] a’ lui payer l’indemnité d’occupation contractuelle de 800 euros par mois, a’ compter du 26 avril 2017 et ce jusqu’à’ la délivrance du bien, avec tous intérêts de droit sur la somme a’ compter du 26 avril 2017 et sur la différence a’ compter de l’arrêt a’ intervenir ;

– condamner Monsieur [W] a’ lui payer l’indemnité forfaitaire pour non prise de possession a’ la date convenue, soit à’ compter du 26 avril 2018, laquelle se chiffre au jour des présentes a’ hauteur de la somme de 44.808 euros, ladite somme devant être actualisée au jour de l’arrêt ;

– condamner Monsieur [W] a’ lui payer la somme de 6.000 euros avec tous intérêts de droit sur la somme a’ compter 26 avril 2018 et sur la différence a’ compter de l’arrêt a’ intervenir, au titre de la clause pénale insérée au contrat de vente conditionnelle signe’ ;

A’ titre subsidiaire,

–  condamner Monsieur [T] [W] au remboursement de la somme totale de 34.801,09 euros a’ la SAS GRECO avec tous intérêts de droit sur la somme a’ compter 26 avril 2017, somme dont il reconnait être débiteur envers la SAS GRECO aux termes de la reconnaissance de dette écrite et signée par lui-même le 26 avril 2017, avec intérêts au taux légal a’ compter du 26 avril 2018 et exigible dans son intégralité’ dès la notification de l’arrêt a’ intervenir;

– en tout état de cause,

– condamner Monsieur [W] a’ lui payer la somme de 8.000 euros a’ titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par application de l’article 1240 du Code civil;

– condamner Monsieur [W] au paiement de la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, lesquels incluront le coût de la sommation de quitter les lieux ;

La SAS GRECO fait valoir en substance que dès lors que Monsieur [T] [W] n’a pas demandé à bénéficier de la faculté de rachat, la vente est parfaite compte tenu de l’accord sur la chose et le prix, et qu’elle est devenue propriétaire des biens le 26 avril 2018.

Elle ajoute que Monsieur [W] échoue à nouveau à rapporter la preuve du prétendu vil prix, étant observé qu’en 2017, c’est lui qui a, la veille de la vente aux enchères de son bien, sollicité la société GRECO pour que cette dernière désintéresse son créancier, et lui permette de la sorte de conserver son appartement, et qu’en outre, à l’époque son bien immobilier était en piteux état, insalubre et que ce dernier avait décidé d’aménager les combles du bien sans obtenir l’accord des copropriétaires.

Elle en déduit qu’à l’époque de la vente, le prix fixé à la somme de 60.000 euros pour le rachat dudit bien immobilier correspondait au prix du marché eu égard à l’ensemble des éléments de faits susmentionnés.

Elle rappelle que comme l’a estimé le tribunal, le prix a été fixé sur une économie particulière qui ne reposait pas uniquement sur le prix d’achat, mais, également , sur l’absence d’obligation de délivrance du bien durant une année, sur la possibilité pour le vendeur de racheter son bien durant cette même année, et de continuer à l’occuper moyennant une indemnité d’occupation.

Elle ajoute qu’il est erroné de prétendre qu’il n’a pas pu exercer la faculté de rachat en raison du défaut de paiement du prix, le solde ne devant être en toute hypothèse versé qu’au moment de la signature de l’acte authentique.

Elle réactualise ses demandes au titre de l’indemnité d’occupation, et formule des demandes au titre de l’indemnité forfaitaire et de la clause pénale supérieures aux sommes allouées en première instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullite de la vente

Monsieur [W] invoque en premier lieu comme cause de nullité de la vente la vileté du prix convenu, en visant l’article 1658 du code civil, lequel concerne notamment l’action en rescision pour lésion et non l’action en nullité pour vil prix, construction prétorienne résultant de l’article 1591 du code civil,

L’article 1591 du code civil dispose que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties, ce dont la jurisprudence déduit que le prix doit, notamment être sérieux et non vil.

Il est constant que le vil prix est un prix excessivement bas, sans aucun rapport avec la valeur de la chose vendue, c’est-à-dire à prix dérisoire ou inexistant.

Pour que la vente soit nulle, il faut que le prix soit tellement bas qu’il peut être considéré comme inexistant ou dérisoire. Le caractère réel et sérieux du prix ne se confond pas avec la valeur du bien vendu en sorte que le juge n’est aucunement obligé de rechercher la valeur réelle de la chose vendue dès lors qu’elle l’a été en contrepartie d’un prix qui n’est pas dérisoire.

Par ailleurs, les juges du fond apprécient souverainement si le prix stipulé est dérisoire, en fonction de l’ensemble des conditions de vente, et le caractère sérieux du prix s’apprécie à la date de la vente.

Il incombe donc à Monsieur [T] [W], qui sollicite la nullité de la vente litigieuse pour vileté du prix, de rapporter la preuve que le prix convenu ne correspond pas à un prix réel et sérieux et s’assimile ainsi à une absence de prix.

En l’espèce, l’acte de vente conditionnelle en date du 26 avril 2017 porte sur les lots n° 8 et 11, désignés respectivement comme un appartement de type F2 comprenant un séjour avec cuisine aménagée, une chambre, salle de bains, water-closets, chauffage individuel au gaz, d’une superficie de 25,85 m2, et un débarras situé dans une cour commune, au prix de 60.000 €, soit 2,345 € le m2, et avec faculté de rachat au profit du vendeur pour une somme fixée forfaitairement à 100,000 €, comprenant le prix et les divers remboursements auxquels les acquéreurs peuvent prétendre, et ce durant un délai d’une année à compter dudit acte.

Il convient ici de rappeler qu’en application de l’article 1659 du code civil, la faculté de rachat ou réméré est un pacte par lequel le vendeur se réserve le reprendre la c hose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement dont il est parlé à l’article 1673, soit « les frais et loyaux couts de la vente, les réparations nécessaires et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’à concurrence de cette augmentation ».

Il s’en déduit d’ores et déjà que le fait que le prix fixé en cas de faculté de rachat est supérieur au prix de vente est insuffisant à rapporter la preuve de la vileté du prix.

Par ailleurs, Monsieur [W] produit, comme en première instance, une étude de marché non datée qu’il a fait établir par un consultant immobilier, sur internet, dans laquelle le bien est décrit comme ayant une superficie de 31 m2, rénové à neuf et vendu avec du mobilier de qualité, et qui estime le prix minimum à 188.300 € et le prix maximum à 230.100 € en proposant une mise sur le marché à 197,200 €, soit 6,361 € le m2, « à partir d’éléments factuels en corrélation avec le marché actuel, également avec la projection du bien après travaux ».

Étant rappelé que la caractère sérieux du prix doit être apprécié au moment de la vente et sur la base des mêmes caractéristiques de superficie et d’état du bien, cette étude, non datée, fournit une estimation d’un bien d’une superficie supérieure à celle spécifiée dans l’acte du 26 avril 2017, sans qu’il soit démontré que celle-ci était alors erronée, entièrement rénové et vendu avec du mobilier, mais ne permet aucunement de démontrer que tel était l’état du bien en 2017 et qu’en conséquence, le prix convenu était inexistant.

Monsieur [W] produit également en cause d’appel un avis de valeur en date du 2 février 2022 pour un « appartement de 32 m2 à usage d’habitation au premier étage, composé d’un séjour, cuisine ouverte équipée aménagée, nombreux rangements, combles aménagés comprenant une salle d’eau, un WC, un coin nuit, aucun travaux à prévoir. Un cabanon complète ce bien. », dont la valeur est estimée entre 240 000 € et 250 000 € net vendeur.

La même observation s’impose concernant l’absence de conformité du descriptif du bien, objet de l’acte du 26 avril 2017, avec celui objet de cet avis de valeur, lequel est insuffisant pour démontrer que le prix convenu entre les parties était tellement bas qu’il doit être considéré comme inexistant ou dérisoire.

Sur ce point, il convient de souligner que les pièces versées aux débats par Monsieur [W] pour démontrer qu’il avait acquis et aménagé le lot n°18 consistant en des combles situées au-dessus du lot n°8, en 2010, à savoir un modificatif de l’état descriptif de division établi le 22 septembre 2011 par un géomètre-expert (pièces n°8 et 9 [W]) et un arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er février 2012 relatif à un litige concernant des travaux d’aménagement, lequel est en partie illisible, n’ont pas la force probante vantée.

En effet, il est rappelé ici qu’une cession de parties communes d’un immeuble en copropriété ne peut résulter que d’une assemblée générale de celle-ci statuant à l’unanimité, laquelle n’est nullement produite aux débats.

En outre, le prétendu modificatif de l’état descriptif de division est sans valeur, car il ne peut être établi que par un notaire rédigeant un acte authentique de modificatif d’un règlement de copropriété régulièrement publié.

Mais surtout, comme le souligne fort justement la société GRECO, la vente a été conclue à réméré, mécanisme juridique conçu pour permettre à un propriétaire éprouvant des difficultés financières d’aliéner son bien en conservant la possibilité de le recouvrer s’il revenait à meilleure fortune, et dans le cadre duquel il peut être prévu un prix de vente moins élevé que la valeur réelle du bien, et ce dans l’intérêt exclusif du vendeur pour lui faciliter l’exercice de cette faculté de rachat,

De plus, comme l’a retenu le tribunal, le contrat de vente a été établi sur une économie particulière qui ne reposait pas uniquement sur le prix d’achat, mais également sur l’absence d’obligation de délivrance du bien durant une année, sur la possibilité pour le vendeur de racheter son bien et de continuer à l’occuper durant cette même période, et ce dans un contexte particulier, le bien immobilier faisant l’objet d’une procédure de saisie immobilière à laquelle il a été mis fin grâce à l’intervention de la SAS GRECO qui a réglé immédiatement une somme de 34,801,09 afin de désintéresser les créanciers de Monsieur [W] et d’éviter ainsi la vente sur adjudication,

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a estimé que Monsieur [W] ne rapportait pas la preuve qui lui incombe d’un vil prix à la date de la vente, et l’a débouté de sa demande en nullité sur ce fondement,

Monsieur [W] demande, pour la première fois en cause d’appel, la nullité de la vente en raison de la non-réalisation de la condition suspensive tenant à la purge des inscriptions hypothécaires au jour de la réitération par acte authentique.

Sur la forme, cette demande qui n’a pas été formulée aux termes des premières conclusions d’appel de Monsieur [W], doit être déclarée irrecevable par application des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile.

Sur le fond, et à titre surabondant, il sera rappelé que seule la partie au profit de laquelle la condition suspensive est stipulée, soit en l’espèce l’acquéreur, peut en invoquer la non-réalisation pour ne pas réitérer la vente ou peut y renoncer.

Enfin, Monsieur [W] invoque le non-respect des dispositions de la loi CARREZ, sans plus de précision, ce qui ne peut fonder une demande de nullité de la vente, seul l’acquéreur pouvant agir en réduction du prix de vente.

Pour ces motifs, qui se rajoutent à ceux du tribunal, la demande de nullité sur ce dernier fondement doit être rejetée.

Sur la demande de la sas greco relative a la vente,

C’est par une exacte appréciation que la cour adopte expressément que le tribunal a estimé qu’en application de l’article 1583 du code civil, la vente était parfaite, et a ainsi fait droit à la demande d’exécution forcée dans les conditions précisées au dispositif de sa décision, qui seront confirmées.

Sur les demandes de la sas greco au titre de l’indemnite d’occupation et des clauses penales

L’acte sous seing privé du 26 avril 2017 comporte une clause intitulée PROPRIETE -JOUISSANCE ainsi libellée :

« L’acquéreur laisse la libre disposition des biens au vendeur pendant une durée d’un an à compter de la signature du compromis de vente, moyennant une indemnité d’occupation de 800 € par mois, payable comptant pour la totalité au jour de la signature de l’acte authentique, ce que le vendeur accepte’

Si la prise de possession n’intervenait pas à la date convenue ci-dessus, le vendeur serait redevable envers l’acquéreur, en plus de l’indemnité d’occupation, d’une somme égale à 90/1000 du prix de vente par jour de retard à titre d’indemnité forfaitaire pour inexécution de l’obligation contractuelle de mettre à la date promise les biens vendus à la disposition de l’acquéreur. »

L’acte comporte également une clause intitulée DÉFAUT DE RÉALISATION RÉSULTANT DU VENDEUR aux termes de laquelle : » Si le défaut de réalisation incombe au vendeur, l’acquéreur pourra poursuivre la réalisation de la vente, réclamer tous dommages et intérêts auxquels il pourrait avoir droit. Il pourra également recevoir à titre de clause pénale une somme égale à 10% du prix de vente que le vendeur devra lui verser sans délai. Il est ici précisé que le vendeur ne pourra pas invoquer les dispositions de l’article 1590 du code civil. »

Monsieur [W] occupe le bien depuis le 26 avril 2017, et se trouve donc redevable depuis cette date de l’indemnité d’occupation mensuelle de 800,00 euros, ce qui représente à la date du 8 juin 2022, date de signification des conclusions, la somme de 48.800 € au paiement de laquelle il sera condamné.

De plus, Monsieur [W] restera redevable du montant de l’indemnité d’occupation jusqu’à la libération effective du bien immobilier en cause.

Concernant le point de départ des intérêts au taux légal, la SAS GRECO ne peut prétendre la voir fixer au jour de la signature de l’acte, soit le 26 avril 2017, dès lors que celle-ci était stipulée, aux termes dudit acte, payable comptant pour la totalité au jour de la signature de l’acte authentique, dont la date n’était d’ailleurs pas précisée,

En outre, par application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil si les dommages et intérêts moratoires courent à compter de la mise en demeure, en l’espèce il sera observé que la sommation délivrée le 6 décembre 2018 par la SAS GRECO ne visait pas le paiement de l’indemnité d’occupation, mais uniquement la délivrance sous quinzaine des biens immobiliers.

De plus, cette date ne saurait être retenue comme point de départ des intérêts au taux légal, pas plus que celle de l’assignation, dès lors qu’à ces dates la somme due au titre de l’indemnité d’occupation était nécessairement inférieure s’agissant d’une créance périodique.

En conséquence, il convient d’assortir la somme de 38.400 € retenue par le jugement dont appel des intérêts au taux légal à compter de la date dudit jugement, soit du 14 décembre 2021, et le surplus, soit 10,400 € à compter du présent arrêt.

Par ailleurs, la société GRECO demande également le paiement de l’indemnité forfaitaire de non prise de possession à la date convenue, qu’elle chiffre à 44.808 € au 7 juin 2022 et de l’indemnité de 10 % pour défaut de réalisation résultant du vendeur de 6.000 €.

Ces deux indemnités s’analysent en des clauses pénales, comme telles susceptibles d’être modérées si elles apparaissent manifestement excessives conformément à l’article 1231-5 du code civil.

Comme l’a retenu le premier juge, elles apparaissent manifestement excessives au regard du prix de vente et du préjudice réellement subi par la SAS GRECO au moins partiellement compensé par le paiement d’une indemnité d’occupation conséquente

clause pénale.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a ramené leur montant respectif à la somme de 2.000 € et de 200€,

Sur la demande de dommages-intérêts

La société GRECO sollicite à ce titre le paiement d’une somme de 6.000,00 euros. Elle soutient que son adversaire a fait preuve de résistance abusive notamment parce qu’il n’a jamais donné suite à ses relances amiables et pas davantage aux sommations qui lui ont été délivrées. Elle lui reproche son silence au cours des quatre années écoulées.

C’est par des motifs pertinents que la Cour adopte expressément que le tribunal a rejeté cette demande, l’indemnité forfaitaire de non prise de possession à la date convenue, ainsi que l’indemnité prévue pour défaut de réalisation résultant du vendeur, indemnisant précisément le préjudice invoqué à l’appui de la demande de dommages-intérêts, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [W], partie perdante, sera condamné aux dépens par application de l’article 696 du code de procédure civile, et doit en conséquence être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il serait inéquitable en l’espèce de laisser à la charge de la SAS GRECO l’intégralité des sommes exposées au titre des frais non taxables d’appel, ce qui justifie la condamnation de Monsieur [W] à lui payer à ce titre la somme de 2.500 €.

PAR CES MOTIFS,

Déclare irrecevable la demande de Monsieur [T] [W] tendant à voir prononcer la nullité de la vente sur le fondement de la non-réalisation de la condition suspensive ;

Rejette la demande de Monsieur [T] [W] tendant à voir prononcer la nullité de la vente sur le fondement de la loi Carrez du 18 décembre 1996 ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Créteil en date du 14 décembre 2021, à l’exception de ses dispositions relatives à l’indemnité d’occupation due par Monsieur [T] [W] ;

Statuant de nouveau,

Condamne Monsieur [T] [W] à payer à la SAS GRECO la somme de 48.800 € (QUARANTE HUIT MILLE HUIT CENTS EUROS) au titre de l’indemnité d’occupation arrêtée au 8 juin 2022, avec intérêts au taux légal sur la somme de 38.400 € (TRENTE HUIT MILLE QUATRE CENT EUROS) à compter du 14 décembre 2021, et et sur la somme de 10.400 € (DIX MILLE QUATRE CENTS EUROS) à compter du présent arrêt ;

Condamne Monsieur [T] [W] à payer à la SAS GRECO une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 800 € (HUIT CENTS EUROS) à compter du 9 juin 2022, et jusqu’à complète libération du bien immobilier sis [Adresse 1] (lots n° 8 et 11), [Localité 4], (Val de Marne) ;

Condamne Monsieur [T] [W] à payer à la SAS GRECO la somme de 2.500 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [T] [W] aux dépens.

LE GREFFIER,

LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENTE

 


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