Prêt entre particuliers : 9 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01057

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Prêt entre particuliers : 9 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01057

9 février 2023
Cour d’appel de Nancy
RG
22/01057

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 09 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/01057 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E7BG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’EPINAL, R.G. n° 21/000530, en date du 17 mars 2022,

APPELANTE :

S.A. CREATIS, sise [Adresse 4]

Représentée par Me Christian OLSZOWIAK de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur Emmanuel [K]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

Non représenté bien que la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante lui aient été régulièrement signifiées à étude par acte de Maître Emmanuel GASSMANN, huissier de justice à EPINAL en date du 9 juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 09 Février 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 4 octobre 2012, la SA CREATIS a consenti à M. Emmanuel [K] et Mme [D] [L] un prêt personnel correspondant à un regroupement de crédits d’un montant de 42 800 euros remboursable en 144 mois au taux de 9,06 % l’an.

Mme [D] [L] est décédée le [Date décès 3] 2016.

M. Emmanuel [K] a été déclaré recevable au bénéfice de la procédure de surendettement le 25 juillet 2019, et par jugement du 3 juillet 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal, saisi d’une contestation des mesures imposées par la commission de surendettement le 31 octobre 2019, a prévu le rééchelonnement de la créance de la SA CREATIS, après un moratoire de 7 mois, courant à compter du 10 du mois suivant la signification du jugement, en deux mensualités de 38,97 euros et 75 mensualités de 319,63 euros.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 15 juin 2021, la SA CREATIS a mis M. Emmanuel [K] en demeure de s’acquitter des échéances impayées à hauteur de 774,56 euros dans un délai de quinze jours sous peine de caducité du plan.

Par courrier recommandé en date du 16 juillet 2021 avec avis de réception retourné signé le 19 juillet 2021, la SA CREATIS a notifié à M. Emmanuel [K] la déchéance du terme du prêt et l’a mis en demeure de lui payer la somme exigible de 28 733,43 euros.

-o0o-

Par acte d’huissier en date du 19 août 2021, la SA CREATIS a fait assigner M. Emmanuel [K] devant le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal afin de le voir condamné à lui payer à titre principal la somme de 28 865,51 euros, augmentée des intérêts conventionnels de 9,06% à compter du 16 juillet 2021.

Le juge a sollicité les observations de la SA CREATIS sur l’absence de justification des informations recueillies afin de vérifier la solvabilité de l’emprunteur, et plus précisément sur l’absence de preuve de l’établissement d’une fiche de dialogue conforme et sur l’insuffisance ou l’absence de justificatifs de solvabilité corroborant la fiche de dialogue.

M. Emmanuel [K] n’a pas comparu et n’a pas été représenté en première instance.

Par jugement en date du 17 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal a :

– prononcé la déchéance de la SA CREATIS de son droit aux intérêts,

– condamné M. Emmanuel [K] à payer à la SA CREATIS la somme de 4 886,32 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, sans la majoration prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,

– dit n’y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– constaté l’exécution provisoire de la présente décision,

– condamné M. Emmanuel [K] aux dépens.

Le premier juge a constaté que la SA CREATIS n’avait communiqué aucune pièce relative aux dix crédits mentionnés à la fiche de dialogue, objets du regroupement de crédits consenti, et qu’il n’était pas mentionné la souscription d’autres crédits non rachetés, et a retenu qu’il s’agissait de manquements graves justifiant la déchéance totale du droit aux intérêts du prêteur.

-o0o-

Le 5 mai 2022, la SA CREATIS a formé appel du jugement tendant à son infirmation.

Dans ses dernières conclusions transmises le 24 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA CREATIS, appelante, demande à la cour sur le fondement des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation :

– de dire et juger son appel recevable et bien fondé,

En conséquence,

– d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

– de dire et juger n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts,

– de condamner M. Emmanuel [K] à lui payer la somme de 28 865,51 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,06% l’an à compter de la délivrance de la mise en demeure du 16 juillet 2021,

– de condamner M. Emmanuel [K] à lui payer la somme de 1 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner M. Emmanuel [K] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la SA CREATIS fait valoir en substance :

– que conformément aux dispositions de l’article L. 311-9 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat d’espèce, elle a sollicité de M. Emmanuel [K] les renseignements relatifs à sa situation dans le cadre de la fiche de renseignements ainsi que des justificatifs de revenus, et a bien consulté le FICP ; que le juge met à sa charge des obligations non prévues par les textes lorsqu’il exige la communication des pièces afférentes

aux charges du ménage ; que la fiche mentionnée à l’article L. 311-10 du code de la consommation est corroborée par des pièces justificatives listées à l’article D. 311-10-3 du code de la consommation dans le cas d’un montant de crédit supérieur au seuil défini par décret, qui ne comprennent pas de pièces relatives aux charges courantes ; qu’elle a néanmoins produit des relevés de compteur, une quittance de loyer et un avis de taxe d’habitation ;

– que la fiche de renseignements mentionne le listing des crédits refinancés ainsi que le montant des mensualités de chacun et le montant du capital restant dû.

-o0o-

M. Emmanuel [K] régulièrement assigné par acte d’huissier déposé à l’étude le 9 juin 2022, n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L’article R. 313-12 du code de la consommation, dans sa version issue du décret n°2012-609 du 30 avril 2012 applicable en la cause, dispose que ‘ lorsque l’opération de crédit a pour objet le remboursement d’un ou plusieurs crédits et, le cas échéant, d’autres dettes, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit établit, après dialogue avec l’emprunteur, un document qu’il lui remet afin de garantir sa bonne information, en application de l’article L. 313-15. Le prêteur ou l’intermédiaire répond à toute demande d’explication de l’emprunteur concernant ce document. ‘

Ce document comprend les informations mentionnées à l’article R. 313-13 dudit code, présentées conformément au tableau figurant en annexe, permettant à l’emprunteur de procéder à l’évaluation du bilan économique du regroupement envisagé, notamment par la mention des ‘ crédits en cours et autres dettes ‘.

En outre, l’article R. 313-14 dudit code énonce que pour établir le document d’information sur le fondement d’éléments exacts, le prêteur ou l’intermédiaire demande à l’emprunteur communication des pièces, notamment contractuelles, fournies par les prêteurs initiaux ou tout autre créancier pour chaque crédit ou créance dont le regroupement est envisagé. Si l’emprunteur ne dispose pas de ces pièces, le prêteur ou l’intermédiaire invite l’emprunteur à demander à ses créanciers et prêteurs initiaux les informations nécessaires. Si ces pièces n’ont pu être réunies, le prêteur ou l’intermédiaire peut établir tout ou partie du document d’information sur le fondement d’éléments déclaratifs fournis par l’emprunteur. Dans ce cas, le prêteur intermédiaire l’indique clairement sur le document remis à l’emprunteur.

Or, selon l’article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa version issue de l’ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 applicable en la cause, si le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, en cas de non respect des différentes obligations visées par cet article, en revanche, il n’y figure pas les modalités d’information de l’emprunteur énumérées aux articles R. 313-12 à R. 313-14 du même code relatifs aux regroupements de crédits prévus par l’article L. 313-15 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause.

En l’espèce, le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en retenant qu’il n’avait pas respecté ses obligations relatives au recueil de pièces relatives aux dix crédits mentionnés à la fiche de dialogue, objets du regroupement de crédits, et que la fiche de dialogue ne mentionnait pas la souscription d’autres crédits non rachetés.

Or, force est de constater qu’au regard des textes susvisés, la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue à ces titres.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de prononcer la déchéance de la SA CREATIS du droit aux intérêts.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur le montant de la créance

L’article L. 311-24 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, dispose que, ‘ en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret. ‘

En l’espèce, il ressort du contrat de prêt, de l’historique de compte ainsi que du décompte de créance et du jugement du 3 juillet 2020 rendu dans le cadre de la procédure de surendettement, que M. Emmanuel [K] est redevable de la somme de 25 999,27 euros au 30 juin 2019, date de saisine de la commission de surendettement, détaillée comme suit :

– capital restant dû au 30 juin 2019 : 25 022,23 euros,

– échéances impayées (mai et juin 2019) : 977,04 euros.

En effet, il est précisé que M. Emmanuel [K] ne s’est acquitté d’aucune somme dans le cadre de la procédure de surendettement, étant précisé qu’il a saisi la commission de surendettement le 27 juin 2019 et a été déclaré recevable le 25 juillet 2019.

De même, il y a lieu de constater que la SA CREATIS ne peut valablement retenir dans son décompte le montant du capital restant dû à la date du 31 mars 2019 (25 907,64 euros).

Dès lors, M. Emmanuel [K] sera condamné à payer à la SA CREATIS la somme de 25 999,27 euros augmentée des intérêts au taux de 9,06 % l’an à compter du 19 juillet 2021, date de réception de la mise en demeure.

En outre, l’article D. 311-6 dudit code énonce que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

La société CREATIS sollicite une indemnité conventionnelle à hauteur de 2 128,40 euros résultant de l’application du taux maximum de 8% sur le capital restant dû retenu à hauteur de 26 605,03 euros.

Toutefois, cette indemnité apparaît manifestement excessive eu égard notamment au taux d’intérêt élevé (9,06 %) qui court sur le montant des impayés, et dont le produit réduit fortement le préjudice causé au prêteur par la défaillance des emprunteurs. En outre, il convient de tenir compte de l’exécution de ses obligations par l’emprunteur jusqu’à la saisine de la commission de surendettement.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de réduire à 300 euros le montant de l’indemnité conventionnelle.

Dès lors, M. Emmanuel [K] est redevable envers la SA CREATIS de la somme de 300 euros au titre de l’indemnité conventionnelle, qui sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2021.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. Emmanuel [K] qui succombe à hauteur de cour sera condamné au paiement des dépens d’appel.

Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt par défaut prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

DIT n’y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la SA CREATIS,

CONDAMNE M. Emmanuel [K] à payer à la SA CREATIS la somme de 25 999,27 € (vingt cinq mille neuf cent quatre vingt dix neuf euros et vingt sept centimes), augmentée des intérêts au taux de 9,06 % l’an à compter du 19 juillet 2021,

CONDAMNE M. Emmanuel [K] à payer à la SA CREATIS la somme de 300 € (trois cents euros), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2021, au titre de l’indemnité conventionnelle,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. Emmanuel [K] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en sept pages.

 


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