Prêt entre particuliers : 8 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/00145

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Prêt entre particuliers : 8 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/00145

8 mars 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG
20/00145

08/03/2023

ARRÊT N°101

N° RG 20/00145 et N°RG 20/733

N° Portalis DBVI-V-B7E-NMZX

VS – AC

Décision déférée du 19 Décembre 2019 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2018J00520

Monsieur [L]

[G] [K]

[U] [W]

[X] [M] épouse [W]

C/

[U] [W]

[G] [K]

[X] [M] épouse [W]

Infirmation partielle

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT ( 20-733) ET INTIME (RG : 20/00145)

Monsieur [G] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-paul CLERC, avocat au barreau de TOULOUSE

APPELANTS (RG : 20/00145) ET INTIMES ( 20-733)

Monsieur [U] [W]

Chez Monsieur [R] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [X] [M] épouse [W]

Chez Monsieur [R] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente chargée du rapport et I MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

[U] [W] a constitué en 2010 la Sarl unipersonnelle La Table du Shegara, sise à [Localité 3] (Corse du Sud) dont il était le gérant et détenteur des 1.000 parts sociales.

Suivant acte en date du 1er février 2016, [U] [W] et [X] [M] son épouse commune en bien, ont consenti à [G] [K] une promesse de cession des 1.000 parts de la Sarl La Table du Shegara comprenant une garantie d’actif et de passif.

Par acte du 9 avril 2016 à effet au 10 avril et protocole additionnel du même jour, [G] [K] a acquis les parts sociales de la Sarl La Table du Shegara.

Par acte du 8 septembre 2016, [G] [K] a assigné les époux [W] devant le juge des référés du tribunal de commerce d’Ajaccio :

à titre principal, en paiement de la somme de 30.000 € à titre de provision sur le remboursement des dépenses engagées et des indemnités de dommages et intérêts,

subsidiairement, sur le fondement de l’article 873-1 du code de procédure civile, aux fins d’obtenir le renvoi de l’affaire devant le tribunal de commerce d’Ajaccio pour qu’il soit statué sur l’annulation de la vente sans délai, le remboursement des sommes engagées soit 20.000 € et les dommages intérêts pour préjudice moral et financier à hauteur de 60.000 €.

Par ordonnance du 7 novembre 2016, le tribunal de commerce d’Ajaccio s’est déclaré territorialement compétent pour connaître de l’instance provisoire et a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure.

Sur contredit des époux [W], la cour d’appel de Bastia a, par arrêt du 14 juin 2017 :

déclaré irrecevable le contredit ;

dit que la cour est restée saisie ;

dit l’exception d’incompétence soulevée par les époux [W] bien fondée ;

infirmé l’ordonnance du 7 novembre 2016 ;

statuant à nouveau, dit que le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse était compétent pour connaître de la demande formée par [G] [K] ;

renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Toulouse ;

condamné [G] [K] à payer aux époux [W] la somme de 2.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

condamné [G] [K] aux entiers dépens de l’instance.

Par jugement du 10 avril 2017, le tribunal de commerce d’Ajaccio a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl La Table de Shegara.

Statuant sur renvoi de la cour d’appel de Bastia, la troisième chambre de la cour d’appel de Toulouse a par arrêt du 7 juin 2018, relevant l’existence de contestations sérieuses, débouté les parties de leurs demandes.

Par acte d’huissier en date du 26 juillet 2018, [G] [K] a assigné les époux [W] devant le tribunal de commerce de Toulouse en nullité de l’acte de cession des parts et paiement des sommes de 30.000 € au titre du prix de cession et 60.000 € à titre de dommages et intérêts.

Les époux [W] ont demandé au tribunal avant dire droit d’enjoindre à [G] [K] de produire divers documents, et sur le fond de rejeter deux pièces du demandeur et de le condamner à leur verser les sommes de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et 7.000 € pour procédure abusive.

Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a :

dit que les conditions demandées avant dire droit ont été remplies ;

débouté les époux [W] de leur demande de rejet de la pièce 8

débouté les époux [W] de leur demande de rejet de la pièce 24 du demandeur

ordonné la nullité de l’acte de cession des parts sociales de la Sarl La Table de Shegara et débouté les époux [W] de la totalité de leurs autres demandes ;

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 20.000 € correspondant au prix global de cession

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 3.526,97€ à titre de dommages et intérêts

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 1.500€ à titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l’exécution provisoire ;

condamné solidairement les époux [W] aux dépens.

Par déclaration en date du 13 janvier 2020, enregistrée sous le n° RG 20-145, [U] et [X] [M] ont relevé appel du jugement. L’appel porte sur les chefs du jugement qui ont :

ordonné la nullité de l’acte de cession des parts sociales de la Sarl La Table de Shegara

débouté les époux [W] de la totalité de leurs autres demandes

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 20.000 € correspondant au prix global de cession

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 3.526,97€ à titre de dommages et intérêts

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l’exécution provisoire ;

condamné solidairement les époux [W] aux dépens.

Par déclaration en date du 26 février 2020, enregistrée sous le n° RG 20-733, [G] [K] a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est l’infirmation du chef du jugement qui a condamné solidairement les époux [W] à lui verser la somme de 3.526,97 € à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance en date du 12 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des affaires n° RG 20-733 et 20-145.

Suite à la révocation par ordonnance du 11 octobre 2021 de l’ordonnance de clôture du 4 octobre 2021, la clôture est intervenue le 18 octobre 2021.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 15 octobre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [U] et [X] [W] demandant de :

déclarer recevable en la forme l’appel relevé par les concluants de la décision du tribunal de commerce de Toulouse en date du 19 décembre 2019,

l’accueillir sur le fond en réformant la décision litigieuse,

avant dire droit

enjoindre à [G] [K] de justifier de l’encaissement de ses salaires perçus de l’Eurl Santini et communiqués en pièces justificatives et de tous bulletins de salaires actuels ainsi que les salaires perçus de la société Saga (Restaurant Le Belvèdère),

considérer que la communication de juin 2019 du demandeur est parfaitement insuffisante et insatisfaisante en ce domaine,

sur le fond

constater que l’assignation litigieuse ne comporte pas, dans la relation impartiale voire honnête des faits, la mention de démarches préalables de règlement à l’amiable comme obligées dans le protocole d’accord entre les parties,

dire et juger que [G] [K] n’a pas, sciemment, respecté ses obligations contractuelles relevant de la clause actif/passif du protocole d’accord additionnel d’avril 2016 en violation des droits des concluants,

constater que les documents utilisés par [G] [K] et appartenant à un tiers, la Sarl La Table du Shégara, sans son autorisation préalable, procèdent d’un abus d’usage et devraient être rejetées,

rejeter comme falsifiée la pièce 8 comme inopérante ainsi que la pièce 38 comme non probante,

rejeter la pièce 24 comme ne justifiant pas de la réalité de perception des salaires correspondants,

faire application de l’adage Nemo auditur propriam turpitudinem allegans aux demandes de [G] [K] en portée indirecte de l’article 1137 nouveau du code civil,

dire et juger que sans appel en cause de la Sarl La Table du Shégara ou être la co-auteure de l’assignation originelle, tout développement argumentaire est sans fondement puisque les opérations comptables de ladite Sarl du 10 avril 2016 à ce jour doivent être communiquées pour s’assurer notamment de la mise en ‘uvre de la clause de garantie d’actif net prévue à la promesse de cession de parts de février 2016,

condamner [G] [K] à verser aux époux [W] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi par eux du fait des agissements dolosifs et de mauvaise foi de la part de [G] [K] qui aurait pu appeler en cause la Sarl La Table du Shégara et respecter les stipulations de la promesse de cession de parts de février 2016 et le protocole additionnel du 10 avril 2016,

y ajouter le rejet des conclusions de juillet 2020 de [G] [K] comme infondées en matière de dommages et intérêts,

condamner [G] [K], responsable au sens de l’article 32-1 du CPC, d’une procédure judiciaire manifestement abusive (RG 20/00733), à verser aux concluants la somme de 7.000 €

condamner [G] [K] à verser aux concluants la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 CPC au titre de la première instance et de 5.000 € en cause d’appel,

condamner [G] [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel, toutes procédures confondues, qui pourront être recouvrés directement par la Scp Malet sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions notifiées le 1er octobre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [G] [K] demandant, au visa des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, de :

– confirmer le jugement de commerce de Toulouse en ce qu’il a :

dit que les conditions avant dire droit ont été remplies ;

débouté les époux [W] de leur demande de rejets des pièces 8 et 24 ;

ordonné la nullité de l’acte de cession des parts sociales de la Sarl La Table de Shegara et débouté les époux [W] de la totalité de leurs autres demandes ;

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 20.000 € correspondant au prix global de cession

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 3.526,97 € à titre de dommages et intérêts ;

condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

infirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse en ce qu’il a condamné les époux [W] au versement à [G] [K] de la somme de 3.526,97 € à titre de dommages et intérêts ;

par conséquent, dire et juger que [G] [K] rapporte la preuve de son préjudice matériel et moral ;

condamner les époux [W] au paiement d’une somme globale de 60.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, se décomposant comme suit :

3.526,97 € correspondant aux frais du liquidateur judiciaire,

45.973,33 € au titre de la perte des salaires auxquels [G] [K] aurait pu prétendre s’il n’avait pas été trompé par les époux [W] ;

5.500 € au titre des difficultés financières endurées par [G] [K]

5.000 € au titre de la réparation du préjudice moral enduré par [G] [K]

condamner solidairement les époux [W] au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure.

Motifs de la décision :

-Sur la demande de communication de pièces préalablement à l’examen au fond :

Il convient de relever que cette demande n’a pas été formée dans le cadre de la mise en état avant de trancher le litige au fond .

Par ailleurs, comme l’a relevé à bon droit le tribunal, l’essentiel des pièces demandées ont été produites en juin 2019 et le tribunal a relevé qu’en première instance, les époux [W] s’en satisfaisaient.

Enfin, si [G] [K] ne justifie pas des éléments dont il a la charge de la preuve, comme le soutiennent les époux [W], la cour en déduira les conséquences juridiques qui s’imposent. Il semble que les époux [W] reprochent essentiellement à leur adversaire de ne pas avoir appelé en cause la sarl la Table du Shegara. Mais si son intervention était si déterminante à solutionner le litige, les époux [W] pouvaient également l’appeler dans la cause et ils ne l’ont pas fait.

De surcroît, les explications des époux [W] pour exiger la production de pièces complémentaires par leur adversaire ne sont pas manifestement déterminantes.

De l’ensemble de ces circonstances, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [W] de leur demande de ce chef.

-sur la demande de rejet des pièces 8, 24 et 38 de [G] [K] :

Les parties s’opposent essentiellement en cause d’appel sur la pièce 8 « relevés bancaires de la sarl La table du Shegara » et la pièce 24 « bulletin de paie ».

La pièce 38 est relative à des « documents relations de travail eurl Santini et fils (juin-novembre 2015) » comprenant bulletins de salaires et contrat de travail saisonnier ; elle n’est pas mentionnée dans le corps des conclusions de [G] [K] ; elle n’est donc pas déterminante de sa démonstration juridique.

Elle correspond toutefois à une activité salariale de [G] [K] en qualité de maître d’hôtel en emploi saisonnier juste avant la cession des parts sociales objet du litige. Le caractère frauduleux de ces pièces, allégué par les époux [W], n’est pas manifeste.

Il n’y a pas lieu d’écarter cette pièce.

La pièce 8 est visée uniquement en page 5 des conclusions de l’intimé pour établir les faits allégués concernant l’utilisation de la carte bancaire de la société que Monsieur [W] aurait oublié de remettre au cessionnaire après la cession.

En cause d’appel, la critique portée par les époux [W] à l’égard de cette pièce fait défaut.

Il n’y a pas lieu d’écarter cette pièce des débats.

La pièce 24 qui comprend plusieurs bulletins de salaires de [G] [K] au sein de la société SAGA est mentionnée en page 24 pour justifier de sa rémunération moyenne de 3200 euros depuis juillet 2017, pièce qui était critiquée comme étant une fausse pièce et dont l’intimée a fait conforter le contenu par une attestation de la Société Générale sur le versement effectif de ses salaires (pièce 48).

La critique portée sur cette pièce n’établit pas le caractère de faux allégué.

Cette pièce ne sera pas écartée des débats.

II convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [W] de ces chefs de demande.

-Sur la demande d’annulation du contrat de cession de parts sociales pour dol et sur ses conséquences :

Le tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la cession des parts sociales en retenant qu’il y avait eu erreur sur la substance et dol dès lors que la sarl La table de Shegara était en état de cessation des paiements depuis près de 6 mois à la date de la signature de l’acte de cession, contrairement aux déclarations de la promesse de cession.

Les époux [W] ne demandent pas dans leurs dernières conclusions, déposées au greffe le15 octobre 2021, expressément l’infirmation du jugement du chef de la nullité de l’acte de cession des parts sociales ni le débouté de [G] [K] de ce chef. Ils se bornent à indiquer «accueillir l’appel en réformant la décision litigieuse » et dans le corps des conclusions, en pages 4 et suivantes, ils expliquent le fait que [G] [K] a pris l’initiative de déclarer la cessation des paiements de la sarl dont il venait d’acquérir la totalité des parts après s’être volontairement abstenu d’ exploiter le fonds qui lui avait été donné en location gérance, de sorte que sa gestion désastreuse a entraîné la liquidation judiciaire. Pour établir l’état de cessation des paiements, ils estiment qu’il est nécessaire d’appeler en cause la sarl la table de Shegara pour donner des informations précises à la juridiction chargée de statuer sur le litige et ne pas s’appuyer sur les seules affirmations de [G] [K].

[G] [K] rappelle que son consentement a été vicié sur l’état économique et financier réel de la société dont il a acheté 100% des parts sociales alors que le cédant affirmait que la société n’était pas en état de cessation des paiements alors qu’elle n’était plus in bonis depuis plus de 6 mois, comme l’atteste le jugement du tribunal de commerce d’Ajaccio du 11 avril 2017 qui a ouvert la liquidation judiciaire de la société et a fixé l’état de cessation des paiements au 11 octobre 2015.

Par ailleurs, il estime que l’état de cessation des paiements a été dissimulé par la présentation de faux bilans comptables et la rétention d’informations comptables.

Il considère que les bilans 2013 et 2014 communiqués sont inexacts que les chiffres comptables de 2015 font défaut. Les chiffres de 2013 et 2014 sont différents et incohérents d’une pièce comptable à l’autre et donc manifestement inexacts

Enfin, le passif dissimulé est important. En effet, le passif était plus important que celui mentionné dans le protocole additionnel et est apparu dès mai 2016 en raison des nombreuses réclamations des fournisseurs non réglés de leurs factures à l’origine d’un courrier de [G] [K] sollicitant des explications à M. [Y], rédacteur des actes en lien avec la cession, et au cabinet d’expertise comptable de la société Conseil expertise qui a confirmé ne pas avoir obtenu les informations comptables pour établir les comptes de la société et a mis un terme à la mission confiée. De même, plusieurs personnes, propriétaire du fonds de commerce et fournisseurs de la société, ont expliqué les difficultés et défaut de règlements de leurs créances par la société la table de Shegara sous la gérance de [U] [W] depuis des années.

A titre liminaire, il convient de rappeler que l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, n’est pas applicable au contrat de cession de parts sociales litigieux conclu le 10 avril 2016, en application de l’article 9 de l’ordonnance précitée ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018.

En application de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi, cette notion impliquant un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, mais aussi une exigence de loyauté dans les pourparlers pré-contractuels, susceptibles, en cas de manquement caractérisé, d’engager la responsabilité délictuelle de son auteur.

Il résulte des articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que l’erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l’objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci.

Par ailleurs, en application de l’article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol se définit comme des manoeuvres, un mensonge ou un silence ayant sciemment engendré une erreur déterminante du consentement d’un contractant.

Il ne se présume pas, et doit être prouvé. S’agissant d’un fait juridique, la preuve peut être rapportée par tous moyens.

La Cour constate qu’en effet, le tribunal de commerce d’Ajaccio a, par jugement du 10 avril 2017, fixé la date de cessation des paiements au 11 octobre 2015, après avoir relevé que l’état actif et passif des sûretés fait apparaître des incidents de paiements dès le 29 septembre 2015. Il n’est pas contesté que ce jugement est définitif.

Par ailleurs, [G] [K] produit de multiples factures et réclamations des fournisseurs qui datent des années 2013, 2014 et 2015 restées impayées avant la date de cession des parts du 10 avril 2016 et il établit qu’il a réagi immédiatement en avril 2016 auprès de M.[Y], présenté comme le conseil juridique chargé d’établir le projet et les actes de cession.

Si [U] [W] et son épouse voulaient contester l’état de cessation des paiements fixé par le tribunal de commerce d’Ajaccio, ils pouvaient former tierce opposition incidente à ce jugement dans le cadre de la présente instance en application de l’article 588 du cpc, ce qu’ils n’ont pas fait à l’examen du dispositif de leurs conclusions.

Et eu égard aux attestations des divers fournisseurs et du propriétaire du fonds de commerce sur la période de gérance de [U] [W] qui relatent leurs réclamations incessantes auprès de ce dernier avant avril 2016, ce dernier avait parfaitement connaissance de l’état de cessation des paiements de la Sarl la Table de Shegara à la date de la cession des parts puisqu’il n’a pas fait état de ces nombreuses réclamations dans la promesse de cession ni dans le protocole d’accord.

Ainsi tant le vice du consentement allégué par [G] [K] qui entendait acheter les parts sociales d’une société de restauration in bonis, qualité substantielle de l’objet du contrat, que le dol par dissimulation volontaire de l’état de cessation des paiements de la société, sont établis.

Il convient de confirmer le jugement en qu’il a prononcé la nullité de la cession des parts sociales.

Sur les conséquences de la nullité, il convient de remettre les parties dans leur état avant la signature de l’acte annulé.

Les époux [W] seront donc condamnés à rembourser le prix des actions à [G] [K]. Le jugement sera confirmé de ce chef.

[G] [K] sollicite également 60.000 euros de dommages-intérêts qui portent sur les pertes financières subies au titre :

-du remboursement des frais engendrés par le liquidateur (3.526,97 euros),

-de la perte de salaires et avantages en nature en comparaison de sa situation professionnelle avant la cession litigieuse soit 45973, 33 euros)

-et des difficultés liées à ses fins de droit en terme de chômage, aux conséquences récentes de son divorce avec souscription d’un prêt personnel de 10.000 euros le 30 mars 2016, (soit un préjudice de 5500 euros).

Enfin, il sollicite la réparation de son préjudice moral à concurrence de 5.000 euros pour défaut d’assistance de [U] [W] durant les 6 premiers mois de gérance alors que la situation était déjà gravement obérée ce qui a porté atteinte à sa réputation professionnelle et a fragilisé son état de santé.

Les époux [W] s’opposent à ces demandes en dénonçant le caractère confus de leur présentation au sein du dispositif des conclusions de [G] [K], du fait qu’il confond dommage personnel et dommage de la société comme ceux des frais du liquidateur de la société, qu’il ne rapporte pas la preuve des préjudices qu’il invoque en terme de salaires perdus alors qu’il n’a pas exploité la société. Par ailleurs, sur les difficultés endurées, ils considèrent que le préjudice n’est ni défini ni établi alors qu’il ne produit pas son avis d’imposition sur ses revenus 2015 et 2016. Ils lui reprochent de n’établir aucun lien de causalité entre le dol et les préjudices allégués.

En application de l’article 1240 du code civil, il appartient à [G] [K] d’établir les préjudices personnels qu’il allègue et les liens de causalité directe avec le dol dont il a été victime.

Il ne justifie pas du caractère personnel des frais du liquidateur judiciaire qui incombe à la société et ne justifie pas davantage avoir réglé personnellement cette charge. Il convient de débouter [G] [K] de cette demande et d’infirmer le jugement de ce chef.

Sur la perte de salaires, il établit qu’il avait un contrat de saisonnier avec l’EURL Santini et fils antérieurement à la signature du contrat de cession et par ailleurs, le gain espéré dans ses nouvelles fonctions dépendait de sa capacité à gérer la société et à faire un chiffre d’affaire suffisant pour bénéficier d’emblée d’un salaire de gérant. Il sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur le préjudice lié aux pertes du droit au chômage et au désagrément lié aux engagements bancaires souscrits juste avant la cession litigieuse, il est établi qu’il a perdu une chance de bénéficier de certains droits et de ne pas souscrire d’engagements contractuels en fonction des revenus escomptés de sa fonction de gérant de société s’il avait su que le contrat de cession de parts sociales était nul. Il convient de lui allouer 5000 euros de ce chef.

Sur le préjudice moral, [G] [K] justifie des difficultés rencontrées pour établir la réalité de la situation financière de la société dont il venait d’acquérir la totalité des parts sociales et les désagréments personnels liés aux poursuites de l’Urssaf qui a procédé à des tentatives de saisies sur ses comptes personnels ou de poursuites de certains créanciers comme celles des Glacières et de Klesia, les courriers des huissiers de justice et les appels des fournisseurs mécontents comme cela ressort des nombreuses attestations produites. Il a dû y répondre alors que [U] [W] s’était engagé à l’assister pendant les 6 premiers mois et n’a pas respecté son engagement. Enfin, il justifie de la dégradation de son état de santé dès septembre 2016.

Il convient de réparer le préjudice moral subi et justifié à concurrence de 4.000 euros.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

-Sur les demandes des époux [W] au titre d’une exécution dolosive et déloyale du contrat de cession par [G] [K] du chef d’un préjudice moral et financier :

Dès lors que le contrat de cession de parts sociales est annulé, il n’y a pas lieu d’examiner les dommages intérêts sollicités en exécution du dit contrat annulé.

Il convient de débouter les époux [W] de leur demande et de confirmer le jugement de ce chef.

-sur la demande d’une condamnation de [G] [K] à une amende civile pour procédure abusive avec dommages et intérêts :

Dès lors que [G] [K] a obtenu gain de cause en cause d’appel, la procédure engagée ne présente aucun caractère fautif ni abusif.

De plus, l’exercice d’une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l’espèce. La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par les époux [W] doit être rejetée.

Il n’y a pas lieu de prononcer d’amende civile à l’encontre de [G] [K].

Le jugement sera confirmé de ces chefs également.

-Sur les demandes accessoires :

Les époux [W] qui succombent seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

Il convient de condamner les époux [W] à verser à [G] [K] 1500 euros en première instance et 2000 euros en appel en application de l’article 700 du cpc.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

– Infirme le jugement, mais seulement en ce qu’il a condamné solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 3.526,97€ à titre de dommages et intérêts

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant.

– déboute les époux [W] de leur demande d’écarter des débats la pièce n°38 de [G] [K]

– condamne solidairement les époux [W] au paiement à [G] [K] de la somme de 9.0000 € à titre de dommages et intérêts

– condamne les époux [W] aux dépens d’appel.

– condamne les époux [W] à payer à [G] [K] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,

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