8 mars 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
22/00997
COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 08 Mars 2023
N° RG 22/00997 – N° Portalis DBVU-V-B7G-FZ5C
VTD
Arrêt rendu le huit Mars deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 31 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de MOULINS (RG n° 11-21-000286)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société SOGEFINANCEMENT
SAS immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 394 352 272 00022
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL BLG AVOCATS, avocats au barreau de ROANNE (plaidant)
APPELANTE
ET :
M. [G] [W]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Non représenté, assigné à étude
INTIMÉ
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 12 Janvier 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 08 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre de crédit préalable acceptée le 22 mars 2013, la SAS Sogéfinancement a consenti à M. [G] [W] un prêt personnel d’un montant de 35 000 euros remboursable en 84 mensualités de 497,98 euros, hors assurance facultative, au TAEG de 5,43 %.
Par avenant signé le 19 mars 2014, la mensualité de remboursement a été portée à la somme de 398,69 euros, dont assurance, et la durée de remboursement à 108 mois.
Par acte d’huissier du 8 novembre 2021, la SAS Sogéfinancement a fait assigner M. [G] [W] devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal judiciaire de Moulins afin notamment de voir :
– à titre principal, condamner l’intéressé au paiement de la somme de 16 118,31 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure, et à titre subsidiaire, avec intérêts au taux légal avec majoration de cinq points ;
– en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts.
A l’audience, le JCP a invité la demanderesse, sur le fondement de l’article R.632-1 du code de la consommation, à justifier de la mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, de la date du premier impayé non régularisé, et l’a également interrogée sur le respect des obligations précontractuelles, sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts, suivantes :
– la production de la fiche de solvabilité et de justificatifs de vérification de la solvabilité de l’emprunteur ;
– la production d’un justificatif de consultation du FICP avant l’octroi du crédit ;
– la production de la notice d’assurance.
Par jugement réputé contradictoire du 31 mars 2022, le JCP du tribunal judiciaire de Moulins a débouté la SAS Sogéfinancement de l’ensemble de ses prétentions et l’a condamnée aux dépens.
Il a notamment énoncé que le contrat de prêt contenait une clause résolutoire et ne mentionnait aucune clause expresse et non équivoque dispensant le prêteur d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure préalable avant de prononcer la déchéance du terme du crédit ; que la SAS Sogéfinancement produisait deux courriers de mises en demeures préalables en date des 30 juillet 2020 et 23 décembre 2020 dont elle n’établissait pas qu’ils avaient été réceptionnés par le défendeur ; que la déchéance du terme n’était donc pas valablement intervenue.
La SAS Sogéfinancement a interjeté appel du jugement le 11 mai 2022.
Par conclusions déposées au greffe le 1er juillet 2022, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 4, 5, 6, 7, 12, 472 et 565 du code de procédure civile, des articles 1103, 1104, 1224, 1229, 1231-1 et 1902 du code civil, et des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation, de déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté, et y faisant droit, de :
– réformer le jugement en ce qu’il a considéré que la déchéance n’est pas valablement intervenue, en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens ;
– statuant à nouveau :
– à titre principal, condamner M. [W] à lui payer les sommes suivantes arrêtées au 21 septembre 2021 :
> capital restant dû : 9 935,24 euros ;
> échéances impayées : 4 784,28 euros ;
> intérêts : 624,86 euros ;
> indemnité légale : 1 106,86 euros ;
> frais : 57,07 euros ;
> acomptes versés : – 390,00 euros ;
> Total : 16 118,31 euros outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement ;
– à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit à la date de l’assignation ;
– condamner au titre des restitutions M. [W] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 21 septembre 2021 :
> capital restant dû : 9 935,24 euros ;
> échéances impayées : 4 784,28 euros ;
> intérêts : 624,86 euros ;
> indemnité légale : 1 106,86 euros ;
> frais : 57,07 euros ;
> acomptes versés : – 390,00 euros ;
> Total : 16 118,31 euros outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement ;
– en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner M. [W] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux dépens ;
– dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
M. [G] [W] à qui la SAS Sogéfinancement a signifié la déclaration d’appel et ses conclusions le 7 juin 2021 (à étude), n’a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens de la SAS Sogéfinancement à ses dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.
MOTIFS
Le litige est relatif à un crédit souscrit le 22 mars 2013, donc soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application de la législation en vigueur après le 1er mai 2011.
– Sur l’acquisition de la clause résolutoire
Il résulte de l’article 1184 du code civil dans sa version applicable à la date de signature du contrat, que la clause d’un contrat de prêt prévoyant la déchéance du terme en cas de défaillance de l’emprunteur non commerçant ne peut produire effet qu’après une mise en demeure précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
La SAS Sogéfinancement fait valoir que les courriers de mise en demeure préalables adressés à l’emprunteur ont été retournés avec la mention ‘pli avisé mais non réclamé’.
Elle produit au soutien de sa demande :
– un premier courrier daté du 30 juillet 2020, intitulé ‘dernier avis avant remise au contentieux’ aux termes duquel il est indiqué qu’à défaut de paiement sous quinzaine de la somme de 2 533,30 euros, la déchéance du terme du contrat n°35195218223 sera prononcée ; ce courrier a été retourné à l’expéditeur avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’ ;
– un second courrier daté du 23 décembre 2020, intitulé lui aussi ‘dernier avis avant remise au contentieux’ aux termes duquel il est indiqué qu’à défaut de paiement sous quinzaine de la somme de 4 823,49 euros, la déchéance du terme du contrat n°35195218223 sera prononcée ; ce courrier a également été retourné à l’expéditeur avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’.
La mise en demeure est un acte pré-contentieux et n’est donc pas soumise aux dispositions des articles 665 et suivants du code civil relatifs à la notification des actes de procédure en la forme ordinaire. En conséquence, le défaut de réception effective de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée n’en affecte pas la validité, l’action de la banque ayant régulièrement été mise en ‘uvre (Cass. Civ. 1ère, 20 janvier 2021, n°19-20.680).
En l’espèce, la SAS Sogefinancement justifie d’une mise en demeure préalable mentionnant le délai dont disposait le débiteur pour faire obstacle au prononcé de la déchéance du terme.
Celle-ci a donc été prononcée dans les formes requises, le jugement doit être infirmé sur ce point.
– Sur les sommes dues :
En vertu de l’article L.311-24 ancien du code de la consommation dans sa version applicable à la date de souscription du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret (8 % du capital restant dû à la date de la défaillance).
Compte tenu des pièces produites par le prêteur, et la déchéance du terme étant intervenue le 14 janvier 2021, M. [W] doit payer à la SAS Sogéfinancement :
– capital restant dû : 9 935,24 euros ;
– échéances impayées : 4 784,28 euros ;
– intérêts de retard : 203,62 euros ;
– acomptes à déduire : 390 euros ;
soit la somme totale de 14 560,14 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 5,20 % sur la somme de 9 935,24 euros, à compter de la mise en demeure notifiée le 4 mars 2021.
Aux termes de l’article 1152 alinéa 2 ancien du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l’indemnité avec d’autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.
En l’espèce l’indemnité de 1 106,86 euros réclamée apparaît manifestement excessive d’une part, en ce qu’elle se cumule avec les indemnités de retard calculées sur plusieurs échéances avant la déchéance du terme ainsi qu’il ressort de l’historique du compte, et d’autre part, en ce que M. [W] a remboursé le prêt pendant plusieurs années, de sorte que le préjudice subi par le prêteur est limité.
Cette indemnité sera en conséquence réduite à la somme de 100 euros.
La capitalisation des intérêts n’est pas prévue en matière de crédit à la consommation, les sommes auxquelles le prêteur peut prétendre étant limitativement énumérées par la loi. La SAS Sogéfinancement ne peut donc se prévaloir de la capitalisation des intérêts.
La somme réclamée au titre des ‘frais’ n’est pas justifiée.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Succombant à l’instance, M. [W] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, toutefois l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le droit proportionnel de recouvrement prévu par les articles R.444-3 tableau 3-1 et A.444-32 du code de commerce sera laissé à la charge du créancier conformément à l’article R.444-55 du même code et à l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Déclare acquise la déchéance du terme au bénéfice de la SAS Sogéfinancement ;
Condamne M. [G] [W] à payer à la SAS Sogéfinancement la somme de 14 560,14 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 5,20 % sur la somme de 9 935,24 euros, à compter du 4 mars 2021, et celle de 100 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2021;
Déboute la SAS Sogéfinancement de ses demandes au titre de la capitalisation des intérêts, des frais et de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [G] [W] aux dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
Le greffier, La présidente,