Prêt entre particuliers : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/00539

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Prêt entre particuliers : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/00539

8 juin 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG
22/00539

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/06/2023

la SELARL CELCE-VILAIN

ARRÊT du : 08 JUIN 2023

N° : 102 – 23

N° RG 22/00539

N° Portalis DBVN-V-B7G-GRA5

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection de TOURS en date du 10 Décembre 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265267942548162

S.A. CARREFOUR BANQUE

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant pour avocat Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART

INTIMÉ : – Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

Monsieur [J] [S]

né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Défaillant

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 02 Mars 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 23 Mars 2023 2

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 06 AVRIL 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 08 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Exposant avoir consenti à M. [J] [S], le 18 avril 2018 par voie électronique, un prêt personnel d’un montant de 9 587,15 euros destiné au regroupement de plusieurs crédits, puis avoir vainement mis en demeure l’emprunteur de lui régler les échéances restées impayées par courrier recommandé du 2 juillet 2020, réceptionné le 8 juillet suivant, la société Carrefour Banque a provoqué la déchéance du terme dès le 7 juillet 2020, mis en demeure M. [S] de lui payer la somme de 9 164,62 euros par courrier recommandé du même jour réceptionné le 31 juillet suivant, puis a fait assigner M. [S] en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tours par acte extrajudiciaire du 17 février 2021.

Par jugement réputé contradictoire du 10 décembre 2021, en retenant que la société Carrefour banque ne rapportait pas la preuve du consentement de M. [S] à l’offre de prêt litigieuse, faute d’apporter la preuve de la signature électronique de ce dernier et de pouvoir se prévaloir de la présomption de fiabilité définie au décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, le tribunal a :

– déclaré recevable la demande en paiement de la société Carrefour Banque à l’encontre de M. [J] [S] au titre du contrat de crédit du 18 avril 2018,

– débouté la société Carrefour banque de sa demande en paiement au titre du contrat de crédit du 18 avril 2018 à l’encontre de M. [J] [S],

– rappelé que le présent jugement sera non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date,

– dit que la demande formée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devient sans objet,

– condamné la société Carrefour Banque aux dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

La SA Carrefour banque a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 2 mars 2022, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 6 mai 2022 par voie électronique, signifiées le 11 mai suivant à M. [S], la société Carrefour banque demande à la cour, au visa des articles 1103 du code civil, 1316-4 [ancien] du même code, de :

Vu les textes applicables en matière de signature et de conclusion de contrats par voie électronique notamment le règlement européen n°910/2014,

– juger la SA Carrefour banque recevable et bien fondée en son appel,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré la SA Carrefour Banque recevable en ses demandes,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la SA Carrefour banque de ses demandes,

Statuant à nouveau,

– condamner M. [J] [S] à verser à la SA Carrefour banque la somme de 9 163,27 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 5,88% à compter du 7 juillet 2020 jusqu’à parfait règlement avec anatocisme,

– condamner M. [J] [S] à verser à la SA Carrefour banque la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [J] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction envers la Selarl Celce-Vilain, avocats à la cour,

– débouter M. [J] [S] de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l’appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 mars 2023, pour l’affaire être plaidée le 6 avril suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. [S], assigné le 11 mai 2022 en l’étude du commissaire de justice instrumentaire, ait constitué avocat.

SUR CE, LA COUR :

Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris.

La cour observe à titre liminaire que le chef du jugement ayant déclaré recevable la demande en paiement de la société Carrefour banque ne lui a pas été déféré ; il n’y a donc pas lieu de confirmer cette disposition, ni de statuer sur ce chef.

La cour observe par ailleurs que la société Carrefour banque indique avoir conclu un contrat de crédit avec M. [S] le 18 avril 2018. Il en résulte que la preuve de ce contrat est soumise, non pas aux dispositions de l’article 1316-4 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, mais à celles de l’article 1367 du même code, applicables aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016.

Aux termes de cet article 1367, la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte.

Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégralité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique, pris pour l’application de l’article 1367 du code civil, prévoit à son article 1er que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée jusqu’à preuve contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique « qualifiée ».

Est une signature qualifiée, ainsi qu’il est précisé au second alinéa de cet article, une signature électronique avancée conforme à l’article 26 du règlement UE n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché [dit règlement eIDAS] et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement.

Le débat, en l’espèce, ne porte pas sur la validité du contrat dont se prévaut la société Carrefour banque, mais sur la preuve du consentement donné par M. [S] au contrat de crédit en cause.

La présomption de fiabilité de la signature électronique, comme toute présomption, déplace l’objet de la preuve, mais ne la supprime pas ; l’appelante n’est par conséquent pas dispensée de cette preuve.

Pour bénéficier de la présomption dont elle se prévaut, la société Carrefour banque doit rapporter la preuve de l’existence de la signature électronique elle-même, et la preuve de sa qualification, qui passe par celle d’un dispositif de création qualifié conformément à la définition réglementaire de la signature électronique qualifiée. Seule cette double preuve lui permet de bénéficier de la présomption de fiabilité de la signature électronique portant sur l’intégralité de l’acte et l’identité du signataire.

En cause d’appel, la société Carrefour banque produit en pièce 18 l’attestation de certification de son prestataire de service de confiance, la société DocuSign France, établie par la société LSTI, tiers certificateur inscrit sur la liste de l’ANSSI.

Alors qu’il résulte du fichier de preuve produit en pièce 6 que la transaction en cause a été effectuée « suivant le niveau d’assurance défini dans la politique de signature et de gestion de preuve identifiée par l’OID 1.3.6.1.4.1.22234.2.4.6.1.5 », il suffit d’examiner l’attestation du tiers certificateur et son annexe II détaillant « les services, certificats et niveaux certifiés » de la société DocuSign France, pour constater que ce prestataire de service de certification électronique propose à la fois des solutions de signatures qualifiées et non qualifiées (« level qualified » / « level non qualified »), mais que la solution utilisée en l’espèce, identifiée par le numéro OID susmentionné, n’a pas été évaluée par le tiers certificateur, et ne peut donc être tenue pour qualifiée.

C’est à raison, dans ces circonstances, que le premier juge a retenu que la société Carrefour banque ne pouvait se prévaloir de la présomption de fiabilité établie au seul bénéfice de la signature électronique qualifiée.

L’établissement d’une présomption de fiabilité au bénéfice de la signature qualifiée ne signifie pas que la signature électronique non qualifiée est dépourvue de force probante. Elle constitue un moyen de preuve admissible selon l’article 1367 du code civil, mais, à défaut d’être qualifiée, il appartient à celui qui s’en prévaut d’établir sa force probante en établissant, conformément à l’article 1367, qu’elle résulte de l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache, c’est-à-dire de démontrer qu’elle est imputable à celui que l’on désigne comme auteur, et qu’elle est bien attachée au document concerné.

En l’espèce, la société Carrefour banque ne peut sérieusement reprocher au premier juge d’avoir considéré que l’identité du signataire n’était pas garantie, alors qu’il ne résulte du fichier de preuve produit aucun justificatif ni même aucun descriptif des vérifications concrètement effectuées par le tiers de confiance pour s’assurer de l’identité du signataire.

Le premier juge a par ailleurs retenu à raison, par des motifs non critiquées que la cour adopte, que le fichier de preuve produit ne permet pas non plus de garantir le lien entre la signature électronique alléguée et le contrat de crédit auquel la société Carrefour banque le rattache.

L’appelante ne peut faire valoir, à titre de preuve du contrat de crédit en cause, que M. [S] aurait exécuté volontairement ce contrat en réglant quelques échéances, ce qui ne saurait être établi par un simple décompte dressé par elle-même, corroboré par aucun autre élément.

La preuve du crédit litigieux ne pouvant davantage résulter de ce que M. [S], qui n’a pas comparu, n’a pas contesté avoir souscrit le prêt en cause, la société Carrefour banque ne permet pas à la cour de vérifier, comme le lui prescrit l’article 472 du code de procédure civile précité, que ses prétentions sont bien fondées.

Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, la société appelante sera déboutée de sa demande en paiement fondée sur l’existence d’un prêt qu’elle échoue à établir.

La société carrefour banque, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise en tous ses chefs critiqués,

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société Carrefour banque formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Carrefour banque aux dépens,

Dit n’y avoir lieu d’accorder à la SELARL Celce-Vilain le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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