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8 juin 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
22/01861
COUR D’APPEL
D’ANGERS
1ERE CHAMBRE SECTION B
MCC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 22/01861 – N° Portalis DBVP-V-B7G-FCNR
Ordonnance du 22 Septembre 2022
Juge de la mise en état d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 21/00323
ARRET DU 8 JUIN 2023
APPELANTE :
Mme [Y] [R]
née le 13 Septembre 1982 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 1]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006450 du 30/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)
Représentée par Me Julie HOUDUSSE de la SELARL H2C, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20220245
INTIME :
M. [V] [C] [T]
né le 22 Avril 1983 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Jacques MARCHAND, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 18.00131
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue en chambre du conseil à l’audience du 6 Avril 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme COURTADE, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme COURTADE, présidente de chambre
Mme BUJACOUX, conseillère
Mme PARINGAUX, conseillère
Greffière lors des débats : Mme BOUNABI
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 8 juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE
M. [V] [T] et Mme [Y] [R] ont contracté mariage le 18 septembre 2010 par devant l’officier d’état civil du [Localité 6] (49).
Le divorce des époux [R] – [T] a été prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d’Angers le 27 juillet 2015.
Par exploit en date du 15 février 2021, M. [T] a fait citer Mme [R] devant juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d’Angers aux fins, au visa des dispositions des articles 1400 et suivants du code civil, 1360 et suivants du code de procédure civile, de :
– voir déclarer recevable et fondée l’action engagée par M. [T] ;
– voir fixer après compensation avec un arriéré de pension alimentaire, la somme due par Mme [R] à M. [T] au titre des comptes d’indivision à un montant de 8 734,88 euros et voir condamner Mme [R] à payer cette somme à M. [T] outre intérêts au taux légal à compter de la présente assignation ;
– voir condamner également Mme [R] à payer à M. [T] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– voir ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 25 avril 2022, Mme [R] sollicitait du juge de la mise en état :
– de la voir déclarer recevable en son incident tendant à faire constater une fin de non-recevoir et l’en déclarer bien fondée ;
– voir débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes comme étant prescrit à agir ;
Subsidiairement,
– voir renvoyer l’affaire au fond avec communication d’une nouvelle date pour permettre à Mme [R] de déposer ses écritures au fond.
Par conclusions d’incident en réponse signifiées par voie électronique le 17 juin 2022, M. [T] sollicitait de :
– voir débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes ;
– voir condamner Mme [R] à lui payer une indemnité de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– lui voir enjoindre de déposer ses conclusions au fond ;
– la voir condamner aux entiers dépens de l’incident.
Par ordonnance du 22 septembre 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d’Angers statuant en qualité de juge de la mise en état a notamment :
– dit que l’action formée par voie d’assignation le 15 février 2021 par M. [T] n’est pas prescrite ;
– débouté en conséquence Mme [R] de la fin de non-recevoir par elle soulevée au titre de la prescription ;
– débouté d’une part Mme [R] et d’autre part M. [T] de leur demande respective d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 24 novembre 2022 pour conclusions de Mme [R] ;
– réservé les dépens.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour d’appel d’Angers le 10 novembre 2022, Mme [R] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a : ‘- dit que l’action formée par voie d’assignation le 15 février 2021 par M. [T] n’est pas prescrite, – débouté en conséquence Mme [R] de la fin de non recevoir par elle soulevée au titre de la prescription, – débouté Mme [R] de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.’
M. [T] a constitué avocat le 6 décembre 2022.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 29 mars 2023, l’affaire étant fixée pour plaidoiries à l’audience du 6 avril 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 14 mars 2023, Mme [R] demande à la présente juridiction de :
– recevant la concluante en son appel ; l’y déclarant fondée et y faisant droit ;
– infirmer l’ordonnance entreprise en ses dispositions lui faisant grief et statuant à nouveau ;
– débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant prescrit à agir ;
– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires aux présentes ;
En toutes hypothèses,
– déclarer M. [T] irrecevable, en tous cas mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ; l’en débouter ;
– condamner M. [T] à régler à Mme [R] une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 28 février 2023, M. [T] demande à la présente juridiction de :
– confirmer l’ordonnance prononcée par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Angers le 22 septembre 2022 en ce qu’elle a écarté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [R], dit l’action engagée par M. [T] non prescrite et débouté Mme [R] de sa demande en paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer au contraire ladite ordonnance en ce qu’elle a débouté la demande en paiement formée par M. [T] sur le fondement du même article 700 du code de procédure civile ;
– statuant à nouveau, condamner Mme [R] à payer à M. [T] une indemnité de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
– condamner également Mme [R] à payer à M. [T] une indemnité de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;
– condamner Mme [R] aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes des dispositions des articles 907 et 789 du code de procédure civile, ‘lorsque la demande est postérieure à sa désignation, le magistrat chargé de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
– statuer sur les exceptions de procédure les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance…
– allouer une provision pour le procès,
– accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable…
– ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires… ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un élément nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées,
– ordonner même d’office toute mesure d’instruction.
– statuer sur les fins de non-recevoir.’
Mme [R] soutient au visa des articles 2224, 2240 à 2242 du code civil que M. [T] est prescrit à agir.
Elle expose que le mariage des époux a été dissout par jugement de divorce définitif le 18 décembre 2015 ; que M. [T] l’a assignée le 15 février 2021 en fixation d’une créance dont les échéances sont réglées par termes successifs ; que la créance se divise comme la dette et commence dès le paiement de chaque échéance ; que la prescription est quinquennale ; que le délai de prescription était acquis au jour de la demande en justice.
Elle ajoute qu’elle n’a jamais reconnu les créances alléguées par M. [T] ni directement ni par l’intermédiaire de son conseil ; qu’elle a au contraire toujours contesté la nécessité de comptes entre les parties ; qu’elle n’a que sollicité des pièces complémentaires le 10 août 2018 et contesté la valeur locative du bien immobilier occupé par M. [T].
Elle ajoute que si la demande en liquidation et partage est imprescriptible, les créances sont par contre prescriptibles après la dissolution du mariage.
M. [T] rappelle que la demande dont il a saisi le premier juge n’est pas une action en paiement mais une action en partage des intérêts patrimoniaux ; que le droit de demander le partage est imprescriptible ; qu’il existe un passif indivis constitué des sommes dues par les deux époux au Crédit foncier au titre de l’emprunt immobilier, la contribution de chacun à ce passif n’ayant pas été réglée définitivement et le versement par moitié des sommes dues ne valant pas apurement définitif des comptes.
Il ajoute que quand les opérations de partage font apparaître une créance d’un indivisaire contre l’autre, le délai de 5 ans de l’article 2224 du code civil ne commence à courir que quand le partage est définitif.
Il soutient que le délai de 5 ans a été interrompu par les échanges de lettres des 2 juillet, 10 et 20 août 2018 ; que Mme [R] n’a pas affirmé qu’il n’existait aucun compte à faire mais a discuté le montant des sommes figurant au compte d’indivision de M. [T] afférent à l’indemnité d’occupation et demandé des justificatifs pour d’autres créances ; qu’elle a ainsi reconnu le droit de M. [T] de faire établir les comptes d’indivision et de faire liquider les créances entre époux.
Subsidiairement, M. [T] rappelle que l’article 1360 du Code de procédure civile impose à peine d’irrecevabilité la recherche d’un règlement amiable avant de saisir le juge d’une demande en partage ; que la prescription est suspendue pendant la durée des démarches amiables ; que le délai de 5 ans n’a pu commencer à courir que le 18 décembre 2015 et qu’il est justifié de démarches amiables pendant l’été 2018.
Sur ce,
L’article 2224 du code civil dispose que ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.
L’article 2236 du code civil dispose que ‘la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux’.
Les articles 2240, 2241 et 2244 prévoient enfin les hypothèses d’interruption de la prescription :
– la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit ;
– la demande en justice ;
– une mesure conservatoire ou un acte d’exécution forcée.
Si l’action en partage est imprescriptible, les créances dont il est sollicité la liquidation sont soumises à la prescription de droit commun dans les conditions susvisées.
Le mariage des époux [T]-[R] a été dissous par jugement du 27 juillet 2015 devenu définitif le 18 décembre 2015. La date des effets du divorce entre les époux concernant leurs biens a été reportée au 8 mars 2013.
M. [T] sollicite au fond le remboursement des échéances de divers prêts dont il s’est acquitté seul entre avril 2013 et novembre 2015, soit entre la séparation des époux et la vente de la maison commune le 20 novembre 2015.
Y sont applicables les règles de l’indivision légale post communautaire.
Les créances de l’indivision sont soumises à la prescription de droit commun, à savoir en cinq ans, le point de départ étant le moment où la dépense a été faite, la créance étant exigible dès le paiement de chaque échéance de l’emprunt.
Il est évoqué également une indemnité d’occupation et le règlement de taxes foncières et d’assurance, créances en tout état de cause antérieures à la vente de la maison dont objet, soit le 20 novembre 2015.
M. [T] a assigné Mme [R] par acte du 15 février 2021.
Le délai de cinq ans était donc manifestement écoulé.
Concernant les causes de suspension de la prescription, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription.
Il est constant que les parties ont échangé divers courriers via leur avocat respectif.
Ainsi, le 2 juillet 2018, le conseil M. [T] a adressé à Mme [R] un projet de compte d’indivision.
Par courrier en réponse du 10 août 2018, Mme [R] a ‘refait le point sur le compte d’indivision établi’ et ‘avant de transmettre une réponse’, demandé la transmission des divers contrats de prêts, facture d’assurance Macif, taxes foncières et s’est proposée d’obtenir des justificatifs de la valeur locative du bien qu’elle dit sous évaluée.
Elle a clôturé son courrier en indiquant ‘rester dans l’attente de ces documents avant de présenter une contre proposition’.
Un dernier courrier émanant du conseil de M. [T] en date du 20 août 2020, fait référence à un nouveau projet établi notamment à la suite d’un rendez-vous commun en février 2019.
Une reconnaissance de dette doit, pour interrompre la prescription, se manifester par une reconnaissance même partielle mais non équivoque de son obligation.
L’échange de ces courriers officiels ne met aucunement en évidence de reconnaissance par Mme [R] des créances invoquées par M. [T], y compris en leur principe.
Il doit être constaté que les projets établis ne sont pas communiqués et que le rendez-vous commun de février 2019 n’est pas autrement explicité notamment quant à d’éventuels points d’accord.
Tout au plus mettent-ils en évidence un accord de Mme [R] pour poursuivre des pourparlers. Or, de simples pourparlers transactionnels ne sont pas constitutifs d’une reconnaissance d’une obligation interrompant la prescription.
Enfin, si l’article 1360 du code civil fait obligation, à peine d’irrecevabilité, de justifier dans l’assignation en partage de diligences accomplies en vue de parvenir à un partage amiable, ce texte ne dispose nullement que le temps des pourparlers à cette fin suspend la prescription.
Plus encore, la cour de cassation a pu rappeler que la liste des causes interruptives de la prescription est limitative. (2e Civ., 26 juin 1991, n° 90-11.427).
Le moyen soulevé par M. [T] n’est donc pas pertinent.
Dès lors, il y a lieu de dire que M. [T] était prescrit à agir lorsqu’il a assigné Mme [R] et d’infirmer la décision critiquée.
Sur les frais et dépens
M. [T] qui succombe sera débouté de ses demandes relatives à l’article 700 du Code de procédure civile.
Mme [R], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.
M. [T] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel lesquels seront recouvrés selon les règles relatives à l’aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME l’ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d’Angers statuant en qualité de juge de la mise en état rendue le 22 septembre 2022 ;
Statuant à nouveau,
DIT M. [V] [T] prescrit en ses demandes formées par assignation du 15 février 2021 ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [V] [T] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l’aide juridictionnelle.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
F. BOUNABI M.C. COURTADE