8 février 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
22/00998
COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 08 Février 2023
N° RG 22/00998 – N° Portalis DBVU-V-B7G-FZ5E
VTD
Arrêt rendu le huit Février deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 31 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de MOULINS (Rg n° 11-21-000315)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Monsieur Christophe VIVET, Président de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société SOGEFINANCEMENT
SA immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 394 352 272 00022
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL BLG AVOCATS, avocats au barreau de ROANNE (plaidant)
APPELANTE
ET :
M. [L] [M]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Non représenté, assigné à domicile
INTIMÉ
DEBATS : A l’audience publique du 15 Décembre 2022 Madame [I] a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 08 Février 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 08 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre de crédit préalable acceptée le 20 octobre 2016, la SAS Sogéfinancement a consenti à M. [L] [M] un prêt personnel d’un montant de 27 000 euros remboursable en 60 mensualités de 531,20 euros, hors assurance facultative, au TAEG de 6,94 %.
Par avenant signé le 13 novembre 2019, la mensualité de remboursement a été portée à la somme de 551,68 euros pendant 30 mois à compter du mois de janvier 2020.
M. [M] n’a pas respecté ses engagements, le premier impayé non régularisé survenant au mois de septembre 2020.
La SAS Sogéfinancement a mis en demeure l’emprunteur le 10 février 2021 de régulariser la situation.
Elle a prononcé la déchéance du terme du prêt qu’elle a notifiée à l’intéressé le 22 avril 2021 et l’a mis en demeure de régler l’ensemble des sommes dues.
Par acte d’huissier du 9 décembre 2021, la SAS Sogéfinancement a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Moulins, M. [L] [M] afin notamment d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 10 943,99 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement, à titre subsidiaire avec intérêts au taux légal et majoration de 5 points au visa de l’article L.313-3 du code monétaire et financier ;
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
outre la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.
A l’audience du 10 janvier 2022, le juge a invité la demanderesse à justifier de la date du premier incident de paiement non régularisé, et a soulevé d’office des moyens de droit susceptibles d’entraîner la déchéance du droit aux intérêts de la SAS Sogéfinancement : il l’a interrogée sur le respect des obligations pré-contractuelles suivantes :
– la production de la fiche de solvabilité et de justificatifs de vérification de la solvabilité de l’emprunteur ;
– la production d’un justificatif de consultation du FICP avant l’octroi du crédit ;
– la production de la notice d’assurance.
Par jugement du 31 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Moulins a :
– condamné M. [M] à payer à la SAS Sogéfinancement la somme de 3 082,31 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,73 % à compter du 26 avril 2021 ;
– débouté la requérante de ses prétentions plus amples ou contraires ;
– dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que la décision était exécutoire de plein droit ;
– condamné M. [M] aux dépens.
Le juge a énoncé notamment que le prêteur ne versait pas aux débats la notice d’assurance signée par M. [M] ; que par conséquent, il ne produisait aucun élément autre que la clause-type signée par l’emprunteur de nature à établir la remise à ce dernier d’une notice d’assurance conforme ;
qu’en outre, seul figurait dans l’encadré le montant de l’échéance hors assurance alors que l’assurance avait été souscrite ;
qu’en raison des manquements précités, le prêteur devait être déchu du droit aux intérêts.
La SAS Sogéfinancement a interjeté appel du jugement le 11 mai 2022.
Par conclusions déposées au greffe le 28 juin 2022, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1902 du code civil, des articles L.312-1 et suivants du code de la consommation, et l’article L.313-3 du code monétaire et financier, de déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté, et y faisant droit, de :
– réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts ; a condamné M. [M] à lui payer la somme de 3 082,31 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,73 % à compter du 26 avril 2021 ; l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; l’a déboutée de ses prétentions plus amples ou contraires ;
– en conséquence et statuant à nouveau :
– déclarer qu’il n’y a pas lieu de la déchoir de son droit aux intérêts ;
– condamner M. [M] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 22 avril 2021 :
> capital restant dû : 9 407,35 euros ;
> échéances impayées : 1 103,36 euros ;
> intérêts : 103,29 euros ;
> indemnité conventionnelle : 829,99 euros ;
> acompte versé : – 500 euros ;
> Total : 10 943,99 euros, outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement ;
– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner M. [M] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux dépens ;
– dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par ‘le jugement’ à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
M. [L] [M], à qui la SAS Sogéfinancement a signifié la déclaration d’appel et ses conclusions le 30 juin 2021 (à domicile), n’a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens de la SAS Sogéfinancement à ses dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.
MOTIFS
Le litige est relatif à un crédit souscrit le 20 octobre 2016, donc soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application de la législation en vigueur après le 1er mai 2011. De surcroît, les articles du code de la consommation applicables au litige sont ceux résultant de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2016.
– Dans les opérations de crédit à la consommation, il incombe au créancier qui réclame l’exécution d’un contrat d’en établir la conformité au regard des textes d’ordre public.
Par ailleurs, en application de l’article 1353 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation.
Le consommateur ne supporte pas la charge de la preuve de la non-exécution des obligations relatives aux informations précontractuelles et une clause type indiquant que ces informations ont été fournies est insuffisante.
La sanction pour le prêteur est la déchéance du droit aux intérêts conformément aux dispositions de l’article L.341-2 du code de la consommation.
En l’espèce, le tribunal a estimé que le prêteur ne démontrait pas avoir satisfait à son obligation pré-contractuelle concernant la remise de la notice d’assurance.
Aux termes de l’article L.312-29 du code de la consommation, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice doit être remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.
La clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir pris connaissance de la notice d’assurance est en elle-même insuffisante à démontrer que le prêteur a satisfait à ses obligations légales. En effet, ces clauses types ne sont valables que si elles sont corroborées par d’autres éléments et notamment d’autres documents émis par le prêteur et remis à l’emprunteur (CJUE, 18 décembre 2014, affaire n° C-449/13, CA Consumer Finance SA c/ Ingrid B et autres; Cass. civ. 1ère 8 avril 2021, n°19-20.890).
La SAS Sogéfinancement verse au débat en pièce n°2, un document intitulé ‘Notice d’information destinée à l’assuré relative aux contrats d’assurance collective n°90.193, 90.194 et 98.210 présentés par la Société Générale en sa qualité de courtier d’assurance et souscrits par Sogéfinancement…’. Cette notice est bien celle qui est visée à la page du contrat relative à l’assurance signée par l’emprunteur et portant la mention type pré-citée. Elle comporte les extraits des conditions générales de l’assurance, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Ainsi, le prêteur apporte sur ce point un élément corroborant la clause type et permettant de dire qu’il prouve avoir satisfait à son obligation.
Le jugement sera, dans ces circonstances, infirmé en ce qu’il a retenu un manquement de la SAS Sogefinancement aux dispositions de l’article L.312-29 du code de la consommation.
– Par ailleurs, il résulte des articles L.312-28 et R.312-10 du code de la consommation que le montant de l’échéance, qui figure dans l’encadré inséré au début du contrat de crédit au titre des informations sur ses caractéristiques essentielles, n’inclut pas le coût mensuel de l’assurance souscrite par l’emprunteur accessoirement à ce contrat (Cass. Civ 1ère, 8 avril 2021, n°19.25-236).
Le juge des contentieux de la protection a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en énonçant que seul figurait dans l’encadré, le montant hors assurance des mensualités alors que l’assurance avait été souscrite, et en a conclu que la mention d’une mensualité inexacte ne satisfaisait pas aux exigences légales et réglementaires des articles L.312-28 et R.312-10 2° du code de la consommation.
Au vu des principes applicables concernant les mentions devant figurer dans l’encadré tels que rappelés ci-dessus, le jugement doit être infirmé sur ce point.
– Selon l’article L.312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil est fixée suivant un barème déterminé par décret (article D.312-16 : indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance).
De surcroît, l’article L.312-38 énonce qu’aucune indemnité, ni aucun frais autres que ceux mentionnés à l’article L.312-39 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par cet article.
Compte tenu des pièces produites par le prêteur, et la déchéance du terme étant intervenue le 4 mars 2021, M. [M] doit payer à la SAS Sogéfinancement :
– capital restant dû : 9 407,35 euros ;
– échéances impayées : 1 103,36 euros ;
– intérêts de retard : 9,60 euros ;
– acompte de 500 euros à déduire ;
la somme totale de 10 020,31 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 6,73 % sur la somme de 9 407,35 euros, et ce, à compter de la mise en demeure notifiée le 26 avril 2021.
Aux termes de l’article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l’indemnité avec d’autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.
En l’espèce l’indemnité de 829,99 euros réclamée apparaît manifestement excessive d’une part, en ce qu’elle se cumule avec les indemnités de retard calculées sur plusieurs échéances avant la déchéance du terme ainsi qu’il ressort de l’historique du compte, et d’autre part, en ce que M. [M] a déjà remboursé un montant total hors assurance de l’ordre de 23 900 euros pour un capital prêté de 27 000 euros, de sorte que le préjudice subi par le prêteur est limité.
Cette indemnité sera en conséquence réduite à la somme de 10 euros.
La capitalisation des intérêts n’est pas prévue en matière de crédit à la consommation, les sommes auxquelles le prêteur peut prétendre étant limitativement énumérées par la loi. La SAS Sogéfinancement ne peut donc se prévaloir de la capitalisation des intérêts.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Succombant à l’instance, M. [M] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, toutefois l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le droit proportionnel de recouvrement prévu par les articles R.444-3 tableau 3-1 et A.444-32 du code de commerce sera laissé à la charge du créancier conformément à l’article R.444-55 du même code et à l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [L] [M] à payer à la SAS Sogéfinancement la somme de 10 020,31 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 6,73 % sur la somme de 9 407,35 euros, à compter du 26 avril 2021 et celle de 10 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;
Déboute la SAS Sogéfinancement de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [L] [M] aux dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
Le greffier, La présidente,