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8 décembre 2022
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/03312
N° RG 21/03312 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NSBF
Décision du Juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité de NANTUA
du 25 mars 2021
RG : 11-21-75
S.A. CREATIS
C/
[C]
[V]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 08 Décembre 2022
APPELANTE :
S.A. CREATIS
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric DEZ, avocat au barreau D’AIN
INTIMES :
Mme [O] [C]
née le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 1]
M. [U] [V]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction :
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 08 Décembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Tiffany JOUBARD, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Valentine VERDONCK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte sous seing privé en date du 25 octobre 2011, la SA Créatis a consenti à [O] [C] et [U] [V] un prêt personnel (regroupement de crédits) d’un montant de 53.200 euros, remboursable en 144 mensualités et au taux débiteur annuel fixe de 6,25 %.
A la suite d’impayés, la déchéance du terme a été prononcée par courrier en date du 21 septembre 2020.
Par actes d’huissier de justice en date du 14 janvier 2021, la SA Créatis a fait assigner Mme [C] et M. [V] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Nantua aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– juger recevable l’action du prêteur,
– juger valide l’offre de prêt consentie comme répondant aux exigences du code de la consommation,
– débouter les emprunteurs de l’intégralité de leurs prétentions, fins et moyens,
– condamner solidairement Mme [C] et M. [V] à lui payer la somme de 25.931,15 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 18 décembre 2020,
– condamner solidairement Mme [C] et M. [V] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’audience, le tribunal a relevé d’office le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts en raison de l’absence de bordereau de rétractation.
La SA Créatis, représentée par son avocat, a soutenu que le pouvoir du juge de relever d’office les règles d’ordre public du code de la consommation ne pouvait s’exercer qu’à la demande de l’emprunteur.
Concernant le bordereau de rétractation, elle a fait valoir que les emprunteurs ont apposé leurs signatures sur l’exemplaire du contrat et sous la mention selon laquelle ils reconnaissaient que l’exemplaire comporte un bordereau de rétractation, ensuite qu’ils disposaient de la faculté de se rétracter par tout support et que c’était aux emprunteurs d’établir la non conformité du formulaire reçu, aucun texte n’imposant au prêteur de produire lui-même un exemplaire du bordereau de rétractation, et enfin que la formalité du double concerne le contrat et non le bordereau de rétractation.
Mme [C] et M. [V] n’ont pas comparu ni ne se sont fait représenter à l’audience du tribunal.
Par jugement en date du 25 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Nantua a :
– déclaré l’action de la SA Créatis recevable,
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Créatis au titre du crédit souscrit par Mme [C] et M. [V] le 25 octobre 2011, à compter de cette date,
– écarté l’application des articles 1153 devenu 1231-6 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,
– condamné solidairement Mme [C] et M. [V] à payer à la SA Créatis la somme de 2.226,80 euros au titre du contrat de crédit du 25 octobre 2011,
– dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal,
– condamné in solidum Mme [C] et M. [V] à payer à la SA Créatis la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum Mme [C] et M. [V] aux entiers dépens,
– rappelé que le présent jugement sera non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– et rappelé l’exécution provisoire du jugement.
La société Créatis a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 30 avril 2021.
En ses dernières conclusions du 30 novembre 2021, la SA Créatis demande à la Cour ce qui suit, au visa de l’article L.312-39 du code de la consommation :
– juger recevable l’action de la S.A Créatis,
– juger valide l’offre de prêt consentie comme répondant aux exigences du code de la consommation,
– juger que le corps 8 est respecté,
– juger n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels,
– juger n’y avoir à lieu à condamnation de la société Créatis à restituer un trop-perçu à Mme [C] et M. [V],
– débouter Mme [C] et M. [V] de l’intégralité de leurs prétentions, fins et moyens,
– condamner solidairement Mme [C] et M. [V] à payer à la S.A Créatis la somme de 25.931,15 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 18 décembre 2020,
– condamner solidairement Mme [C] et M. [V] à payer à la S.A Créatis la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement Mme [C] et M. [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement direct des dépens d’appel au profit de Maitre Eric Dez, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 11 février 2022, [O] [C] et [U] [V] demandent à la Cour de statuer comme suit, vu les articles L.311-12, L.311-18, L.311-48 et R.311-5 du Code de la consommation, dans leurs versions applicables au 24 octobre 2011 :
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantua en ce qu’il a :
«-dit que l’offre de contrat de crédit produite aux débats par le demandeur est dépourvue de formulaire de rétractation ;
– dit qu’en application de l’article L.311-11 devenu L.312-8 du code de la consommation imposant d’établir l’offre de contrat en autant d’exemplaires que de parties, il y a lieu de présumer que l’exemplaire remis aux emprunteurs était pleinement conforme à l’offre de contrat originale, sauf pour le prêteur à rapporter la preuve contraire ;
– dit en outre que la mention contractuelle selon laquelle l’emprunteur reconnait être en possession d’un formulaire détachable ne permet nullement de déduire que ce formulaire était conforme à l’article R311-4 du code de la consommation et au modèle-type figurant en annexe,
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Créatis au titre du crédit souscrit par Mme [C] et M. [V] le 25 octobre 2011 à compter de cette date,
– écarter l’application des articles 1153 devenu 1231-6 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,
– condamner Mme [C] et M. [V] à payer à la SA Créatis la somme de 2.226,80 au titre du contrat de crédit du 25 octobre 2011,
– dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal’ ;
y ajoutant,
– condamner la société Créatis à rembourser à Mme [C] et M. [V] le trop-perçu de 779,56 euros en exécution du jugement rendu ;
– condamner la société Créatis à verser à Mme [C] et M. [V] la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Créatis aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2022.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’offre préalable de prêt ayant été régularisée le 25 octobre 2011, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s’entendent dans leur rédaction issue de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :
L’article L.311-12 du code de la consommation prévoit que l’emprunteur qui a souscrit à l’offre de crédit peut revenir sur son engagement dans un délai de 14 jours calendaires, un formulaire détachable devant être joint à l’offre pour permettre cette faculté de rétractation. Le formulaire doit répondre aux caractéristiques précisées dans l’article R.311-4 du même code.
Le non respect de cette obligation est sanctionné par la déchéance du droit du prêteur au remboursement des intérêts contractuels, en vertu de l’article L.311-48 al.1er du même code.
Le premier juge a relevé que l’offre de contrat de crédit produite aux débats par le demandeur est dépourvue de formulaire de rétractation.
Se fondant sur les dispositions de l’article L.311-11 du code de la consommation, selon lesquelles l’offre de contrat est établie en autant d’exemplaires que de parties, le tribunal a présumé que l’exemplaire remis aux emprunteurs est pleinement conforme à l’offre de contrat originale, sauf pour le prêteur à rapporter la preuve contraire.
Ce faisant, le tribunal a dénaturé les dispositions précitées, le formulaire détachable n’étant pas un élément du contrat constitué par l’offre de prêt à laquelle il doit être joint. On ne saurait, sans ajouter à la loi, exiger que l’exemplaire du contrat de prêt conservé par le prêteur comporte le formulaire détachable de rétractation dont le législateur a expressément précisé qu’il doit être joint à l’exemplaire remis à l’emprunteur. Ce formulaire n’est qu’un document accessoire au contrat puisque, par définition, l’emprunteur qui en fait usage s’en démunit en l’envoyant au prêteur. Il échappe donc à l’exigence d’identité des exemplaires du contrat détenu par chaque partie.
Il est constant que la simple signature par les emprunteurs d’une clause-type, par laquelle ils reconnaissent la remise du bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Toutefois, dès lors que la communication par la société Créatis de l’exemplaire de son contrat ne peut faire preuve que l’exemplaire des emprunteurs comporte bien le formulaire de rétractation, seule la production de ce document peut établir le manquement à l’exigence légale, tant en ce qui concerne la remise effective du formulaire que sa conformité aux exigences légales, sauf à exiger du prêteur une preuve impossible.
Il doit donc être considéré que le défaut de production par Mme [C] et M. [V] de leur propre exemplaire du contrat, alors même qu’ils allèguent qu’il est dépourvu de formulaire de rétractation, caractérise de leur part une dissimulation, laquelle corrobore l’indice constitué par leurs signatures sous la stipulation contractuelle par laquelle ils reconnaissent rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation.
Au regard de ces éléments concordants, il est suffisamment démontré que Mme [C] et M. [V] ont bien été destinataires d’un contrat conforme à l’exigence légale. Le jugement est infirmé en ce qu’il prononce la déchéance de la société Créatis du droit aux intérêts contractuels comme sanction du défaut de remise d’un formulaire de rétractation.
Sur la hauteur des caractères du contrat
Mme [C] et M. [V] soutiennent, à titre subsidiaire, que le contrat n’est pas conforme aux exigences légales quant à la taille des caractères, dont ils prétendent qu’elle est inférieure au corps huit.
L’article R.311-5 du code de la consommation prévoit en effet que le contrat de crédit prévu à l’article L.311-18 du même code est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.
Le non respect de cette obligation est sanctionné par la déchéance du droit du prêteur au remboursement des intérêts, en vertu de l’article L.311-48 al.1er du même code.
En matière d’imprimerie, la hauteur du corps, dite aussi force du corps, s’exprime en points typographiques d’une valeur unitaire de 0,375 millimètres, ce qui donne pour le corps 8 une hauteur de 8 x 0.375 = 3 millimètres.
On mesure le corps d’un lettrage de la tête des lettres montantes (l, d, b…) à la queue des lettres descendantes (g, p, q…), l’écart devant donc être d’au moins 3 millimètres pour le corps huit.
Cette mesure peut être opérée sur l’ensemble d’un paragraphe, du haut des montantes de la première ligne au bas des descendantes de la dernière ligne, en divisant le résultat obtenu par le nombre de lignes, le quotient obtenu devant alors être au moins égal à 3 millimètres.
En l’espèce, la mesure opérée sur l’exemplaire original du contrat produit par la société Créatis montre que les caractères des conditions générales contractuelles atteignent le seuil légal rappelé ci-dessus.
En particulier, contrairement à ce que soutiennent les intimés (qui produisent une copie réduite de l’exemplaire du contrat communiqué par le prêteur !) :
– le paragraphe ‘Interdiction des paiements anticipés’ est mesuré à 24,5 mm pour 8 lignes, soit plus de 3,06 mm par ligne,
– le paragraphe ‘Défaillance de l’emprunteur’ est mesuré à 44 mm pour 14 lignes, soit plus de 3,14 mm par ligne.
En conséquence, les intimés ne sont pas fondés en leur moyen et il n’y a pas lieu de déchoir la société Créatis du droit aux intérêts contractuels.
Sur la créance
La créance est justifiée par les pièces versées aux débats en capital et intérêts, son calcul n’étant d’ailleurs pas discuté. Pour autant, il n’y a pas lieu de faire produire des intérêts aux intérêts déjà échus, lesquels ne sont pas capitalisables au regard des dispositions de l’article L.311-23 du code de la consommation.
En conséquence, la créance est constituée par le capital impayé et le capital restant dû à la déchéance du terme, soit 19.376,13 + 4.174,28 = 23.550,41 euros, somme sur laquelle portent les intérêts au taux contractuel de 6,25 % l’an à compter du 21 septembre 2019.
Au regard du taux d’intérêt contractuel, la clause pénale de 8 % est manifestement excessive et sera réduite à 100 euros. Cette indemnité porte intérêts au taux légal à compter de la lettre du 21 septembre 2019, mise en demeure au sens de l’article 1231-6 du code civil.
Les débiteurs ne justifiant pas des versements qu’ils ont effectués, la condamnation à paiement sera prononcée pour la totalité de la créance, les règlements étant déductibles du tout. Leur demande de restitution d’un trop perçu est évidemment devenue sans objet.
Les dépens de la procédure sont à la charge des débiteurs mais il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement prononcé le 25 mars 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Nantua en ce qu’il a :
– déclaré l’action de la SA Créatis recevable,
– et condamné in solidum [O] [C] et [U] [V] aux entiers dépens ;
Réforme le jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,
Condamne solidairement [O] [C] et [U] [V] à payer à la SA Créatis les sommes de :
23.550,41 euros avec intérêts au taux de 6,25 % l’an à compter du 21 septembre 2019,
et 100 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2019 ;
Condamne in solidum [O] [C] et [U] [V] aux dépens d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT