7 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/01856
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 07 JUIN 2023
N° 2023/ 260
N° RG 21/01856
N° Portalis DBVB-V-B7F-BG5H2
S.A. EUROTITRISATION
C/
[U] [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Claude GAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de SALON DE PROVENCE en date du 05 Janvier 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/000293.
APPELANTE
SA EUROTITRISATION
és qualité de représentant du fonds commun de titrisation FONCRED II compartiment FONCRED II-A (venant aux droits de la société CREDIT LIFT), poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, membre de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Cédric KLEIN, membre de la SELAS CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [U] [E]
né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Claude GAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Carole ROMIEU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe COULANGE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant ordonnance rendue le 28 septembre 2010, la société CREDIT LIFT a obtenu du président du tribunal d’instance de Salon-de-Provence la délivrance d’une injonction de payer à l’encontre de Monsieur [U] [E] portant sur la somme de 7.290,25 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010, au titre d’un contrat de prêt personnel de la somme de 13.500 euros conclu le 13 juillet 2007, et dont la déchéance du terme avait été prononcée le 19 mai 2010 en raison de la défaillance de l’emprunteur.
En suite d’une signification effectuée à domicile 13 décembre 2010, l’ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire.
Par acte du 21 mai 2019 le Fonds commun de titrisation FONCRED II, représenté par la société de gestion EUROTITRISATION, disant venir aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE en vertu d’un acte de cession de créances du 14 juin 2012, a procédé à une nouvelle signification du titre exécutoire contenant commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Monsieur [U] [E] a formé opposition par déclaration enregistrée au greffe le 6 juin 2019.
Par jugement rendu le 5 janvier 2021, le tribunal de proximité de Salon-de-Provence a:
– déclaré l’opposition recevable, et mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer,
– déclaré irrecevable l’action en paiement de la société EUROTITRISATION en application de l’article 32 du code de procédure civile, au motif que la société CA CONSUMER FINANCE n’avait pas qualité pour céder la créance en cause,
– débouté Monsieur [E] de sa demande en dommages-intérêts,
– et condamné la société EUROTITRISATION aux dépens.
La société EUROTITRISATION a interjeté appel le 8 février 2021.
Par ordonnance rendue le 8 juin 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté les conclusions de l’intimé tendant à déclarer cet appel irrecevable, considérant que l’examen des moyens invoqués à l’appui de cette demande relevait de la compétence de la cour.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 22 septembre 2021, la société EUROTITRISATION fait valoir qu’une erreur a été commise dans l’exposé de la chaîne des contrats fait en première instance, et qu’en réalité la créance détenue sur Monsieur [E] n’avait pas été reprise par la société en participation constituée entre les sociétés CREDIT LIFT et CA CONSUMER FINANCE (ex SOFINCO), mais avait été cédée directement par la société CREDIT LIFT au Fonds commun de titrisation FONCRED II suivant acte conclu le 14 juin 2012.
Elle rappelle que les cessions de créances au bénéfice des fonds communs de titrisation obéissent à des règles dérogatoires au droit commun fixées par les articles L 214-169 et suivants du code monétaire et financier (anciennement codifiées aux articles L 214-43 à 214-48), dispensant le cessionnaire de toute signification au débiteur.
Elle soutient que la procédure suivie a été régulière, et relève que l’intimé n’a aucun moyen de fond à opposer à la demande en paiement.
Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau de déclarer l’opposition infondée et de condamner Monsieur [U] [E] à lui payer :
– la somme principale de 7.532,60 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 8,72 % l’an à compter de la mise en demeure du 19 mai 2010,
– celle de 573,02 euros au titre de la clause pénale, majorée des intérêts au taux légal à compter de la même date,
– et celle de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 août 2021, Monsieur [U] [E] soutient que l’appel est irrecevable en ce que la société EUROTITRISATION, qui indiquait en première instance venir aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE, déclare désormais agir en qualité de cessionnaire de la société CREDIT LIFT, de sorte qu’il est porté atteinte aux principes du double degré de juridiction et de l’immutabilité du litige.
Il fait valoir d’autre part que la cession de créance alléguée n’est pas établie, et conclut principalement à la confirmation du jugement déféré.
Subsidiairement, il invoque la nullité de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer effectuée le 13 décembre 2010 en raison de l’insuffisance des diligences accomplies par l’huissier pour vérifier la réalité de son domicile, soutenant en outre que celui-ci se situait en un autre lieu, et en déduit que ladite ordonnance doit être déclarée non avenue en application de l’article 1411 du code de procédure civile, l’action en paiement étant désormais éteinte par la forclusion. Il conclut dès lors au rejet des prétentions adverses.
En tout état de cause, il réclame paiement de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2023.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l’appel :
En vertu de l’article 546 du code de procédure civile, le droit d’appel appartient à toute personne qui a été partie en première instance et qui justifie d’un intérêt à agir.
En l’espèce, la société EUROTITRISATION, agissant ès-qualités de représentante du Fonds commun de titrisation FONCRED II, était bien partie à la première instance, et la circonstance qu’elle tiendrait en réalité ses droits d’un autre cédant que celui qui avait été initialement déclaré n’a pas pour conséquence d’en faire une nouvelle partie au procès, de sorte qu’il n’est nullement porté atteinte aux principes du double degré de juridiction et de l’immutabilité du litige ainsi que le soutient l’intimé.
L’appel doit donc être déclaré recevable.
Sur la preuve de la cession de créance :
Suivant les dispositions de l’article L 214-43 du code monétaire et financier, dans leur rédaction en vigueur à l’époque de la conclusion de l’acte en cause, la cession de créance au bénéfice d’un fonds commun de titrisation s’effectue par la seule remise d’un bordereau, ou par tout autre mode de cession de droit français ou étranger. Elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, sans qu’il soit besoin d’autre formalité.
En l’espèce, il est produit aux débats la convention de cession de créances conclue par acte sous signatures privées du 14 juin 2012 entre les sociétés CA CONSUMER FINANCE et CREDIT LIFT d’une part, et le Fonds commun de titrisation FONCRED II, représenté par la société de gestion EUROTITRISATION d’autre part, ainsi qu’un extrait du bordereau de remise mentionnant une créance détenue par la société CREDIT LIFT à l’encontre de Monsieur [U] [E] identifiée par le numéro de dossier 80950423247, correspondant à celui porté sur le contrat de prêt dont s’agit.
En outre, le transport de la créance est également régulièrement intervenu dans les conditions du droit commun par la remise au cessionnaire du titre exécutoire, conformément aux dispositions de l’article 1689 du code civil dans leur rédaction alors en vigueur.
Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que le demandeur était irrecevable à agir.
Sur la régularité de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer :
Cette signification a été effectuée dans les conditions prévues par l’article 656 du code de procédure civile, suivant lequel lorsque personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et qu’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas l’huissier laisse un avis de passage mentionnant que l’acte doit être retiré dans le plus bref délai à son étude, et avise en outre l’intéressé par lettre simple contenant une copie de l’acte de signification.
L’acte a été signifié au dernier domicile connu du créancier situé [Adresse 4] à [Localité 6]), qui a été confirmé à l’huissier par un voisin.
D’autre part, Monsieur [E] ne produit aucun justificatif propre à établir que son domicile se situait à l’époque en un autre lieu.
Enfin, l’envoi de la lettre simple est attesté par une mention de l’acte faisant foi jusqu’à inscription de faux.
Il convient dès lors de juger que la signification a été régulièrement effectuée dans les six mois du prononcé de l’ordonnance, de sorte que celle-ci ne peut être déclarée non avenue.
Aucune forclusion de l’action en paiement n’est en conséquence encourue, l’exécution des décisions de justice pouvant être poursuivie pendant dix ans conformément à l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution.
Sur le bien fondé de la créance :
La société EUROTITRISATION produit aux débats le contrat de prêt, le tableau d’amortissement, la lettre de déchéance du terme adressée au débiteur le 19 mai 2010, et un décompte de créance se décomposant comme suit :
– intérêts échus impayés : 242,35 €
– cotisations d’assurance : 127,50 €
– capital échu impayé : 1.828,02 €
– capital restant dû : 5.334,73 €
– clause pénale : 573,02 €
En l’absence de contestation de ce décompte de la part de l’intimé, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement dans son intégralité, sauf quant au montant des intérêts conventionnels dont le taux nominal est de 7,62 %.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Déclare l’appel recevable,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable l’opposition formée à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer, mis à néant ladite ordonnance, et débouté Monsieur [E] de sa demande en dommages-intérêts,
L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :
Condamne Monsieur [U] [E] à payer à la société EUROTITRISATION, en sa qualité de représentante du Fonds commun de titrisation FONCRED II, la somme principale de 7.532,60 euros majorée des intérêts au taux conventionnel de 7,62 % l’an à compter de la mise en demeure du 19 mai 2010, et celle de 573,02 euros au titre de la clause pénale majorée des intérêts au taux légal à compter de la même date,
Condamne l’intimé aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT