Your cart is currently empty!
7 juillet 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
21/02082
ARRÊT N°
NC
R.G : N° RG 21/02082 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FUPF
[Y]
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 07 JUILLET 2023
Chambre civile TGI
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 12 NOVEMBRE 2021 suivant déclaration d’appel en date du 10 DECEMBRE 2021 RG n° 20/03335
APPELANT :
Monsieur [P] [G] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Christine LACAILLE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 22 Septembre 2022
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Mai 2023 devant Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre , qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre
Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre
Conseiller : Monsieur Yann CATTIN, Président de chambre
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 07 Juillet 2023.
* * *
LA COUR :
Exposé du litige:
Le 1er octobre 2016,et selon les conditions particulières du mandat d’agent général (personnes physiques, la société AXA France IARD a nommé M.[P]-[G] [Y] agent général d’AXA France pour l’agence de [Localité 5] sous le code 16318044 et pour la zone de chalandise définie en page suivante. La zone de chalandise sur laquelle s’exerce en priorité l’activité de l’agent général et circonscrit le périmètre de non rétablissement à la fin du mandat est ainsi définie: département de La Réunion. L’agent général ne pourra ouvrir des points de vente supplémentaires qu’après accord d’AXA France.
La Cie AXA et M.[P]-[G] [Y] sont convenus de la cession d’un portefeuille n°16318044 à hauteur de 642 280 euros en annexe 3 du traité de nomination portant sur la constitution de portefeuille, le montant et les modalités de règlement de l’indemnité compensatrice.
Par courrier daté du 26 octobre 2018, M.[P]-[G] [Y] a adressé sa démission, demandé le paiement de son indemnité de fin de mandat et renoncé à faire valoir son droit de présentation.
Par lettre recommandée du 5 novembre 2019 avec accusé de réception revenu signé le 22 novembre 2019, la société AXA France IARD a rappelé à M.[P]-[G] [Y] qu’il n’avait pas honoré le paiement de l’indemnité compensatrice de prise de fonction dont le montant s’élevait à 449569 euros alors qu’elle-même lui avait versé son indemnité de fin de mandat de 241202,13 euros.
Par lettre recommandée du 18 décembre 2019 avec accusé de réception revenu signé le 20 janvier 2020, la société AXA France IARD a mis en demeure M.[P]-[G] [Y] de lui payer la somme de 449569 euros au titre de l’indemnité compensatrice de prise de fonction.
Par acte d’huissier signifié par remise en l’étude le 27 juillet 2020, la société AXA France IARD a sommé M.[P]-[G] [Y] de lui régler la somme de 449569 euros au titre de l’indemnité compensatrice.
Par acte d’huissier du 17 décembre 2020, la société AXA France IARD a fait assigner M.[P]-[G] [Y], sur le fondement des articles 1104 et suivants du code civil et les articles L113-3 et suivants du code des assurances, aux fins de voir:
condamner M.[P]-[G] [Y] à lui verser la somme de 449569 euros restant due au titre de l’achat d’un portefeuille clients, augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 5 novembre 2019,
le voir condamner à lui verser la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
constater que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
Par jugement du 12 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion a :
débouté M.[P]-[G] [Y] de la fin de non recevoir tirée de la prescription,
déclaré recevable l’action de la société AXA France IARD,
condamné M.[P]-[G] [Y] à payer à la société AXA France IARD la somme de 449569 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
condamné M.[P]-[G] [Y] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,
écarté l’exécution provisoire de droit.
Le 10 décembre 2021, M.[P]-[G] [Y] a interjeté appel de la décision précitée.
Par avis du 15 février 2022, le greffe de la chambre civile a informé M.[P]-[G] [Y] de ce que la société AXA France IARD n’avait pas constitué avocat dans le mois qui lui était imparti.
Par acte d’huissier du 3 mars 2022, M.[P]-[G] [Y] a fait signifier sa déclaration d’appel à la société AXA France IARD.
Par acte d’huissier du 9 mars 2022, M.[P]-[G] [Y] a fait signifier ses conclusions n°1 d’appel.
Le 15 mars 2022, la société AXA France IARD a constitué avocat.
Par conclusions n°2 (et dernières) transmises par RPVA du 19 août 2022, M.[P]-[G] [Y] sollicite, sur le fondement des articles 2219 et 1240 du code civil, de voir:
déclarer recevable et bien fondé l’appel formé par M.[P]-[G] [Y] contre le jugement rendu le 12 novembre 2021,
statuant à nouveau,
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
écarter des débats la pièce adverse 13 non communiquée,
déclarer prescrite l’action engagée par la société AXA France IARD à son encontre,
à défaut et dans tous les cas, constater que les comptes ont été faits entre les parties avec un solde en faveur de M.[P]-[G] [Y],
constater la reconnaissance écrite du paiement de la créance par AXA,
ordonner s’il y a lieu la production par la société AXA France IARD de ses bilans comptables sur la période considérée ; à défaut, en tirer toutes conséquences de droit et de fait,
reconventionnellement, déclarer l’action tardive et abusive,
condamner la société AXA France IARD à payer à M.[P]-[G] [Y] la somme de 449500 euros au titre de ses préjudices moral et matériel,
condamner la même au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens,
débouter la société AXA France IARD de toutes autres prétentions.
Par conclusions transmises par RPVA du 18 mars 2022, la société AXA France IARD sollicite, sur le fondement des articles 1104 du code civil et les articles L113-3 et suivants du code des assurances, de voir:
confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné M.[P]-[G] [Y] à verser la somme de 449569 euros restant due au titre de l’achat d’un portefeuille clients, augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 5 novembre 2019 et celle de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
y ajoutant, voir condamner M.[P]-[G] [Y] à lui verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce’:
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action
Il convient de rappeler qu’un agent général d’assurance est un professionnel libéral qui fait partie de la catégorie des intermédiaires en assurance. Son métier consiste à proposer, présenter et aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance pour le compte d’une ou de plusieurs compagnies. Pour exercer son activité, l’agent général d’assurance signe un mandat ou traité de nomination avec la société d’assurance mandante qui détermine les droits et obligations de chaque partie. L’agent général exerce donc un rôle d’intermédiaire entre des clients et l’entreprise d’assurances dont il distribue les produits et services en exclusivité. Mandataire de la compagnie tout en étant indépendant dans son statut, il peut exercer en tant que profession libérale ou gérer sa propre société commerciale à développer et manager au quotidien.
Comme relevé à juste titre par le premier juge, l’action, objet du présent litige, ne repose pas sur un contrat d’assurance souscrit entre un assureur et un assuré mais porte sur un litige relatif au paiement d’une indemnité compensatrice entre un agent général et l’assureur entre lesquels il n’existe pas de lien d’assurance (cour d’appel d’Agen n°97/435 du 14 janvier 2003), de sorte que la prescription biennale de l’article L.114-1 du code des assurances n’est pas applicable.
Selon l’article 2224 du code civil, ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.
En l’état, il résulte des conditions particulières du mandat d’agent général, co-signées par l’ensemble des parties, que la nomination de M.[P]-[G] [Y] était fixée à compter du 1er octobre 2016 et qu’à partir de cette date il devait s’acquitter du montant de la cession du portefeuille client pour un montant total de 449569 euros.
En conséquence, c’est par une juste appréciation du droit que les premiers juges ont constaté que la prescription quinquennale n’était pas acquise lors de l’assignation du 17 décembre 2020, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de voir écarter la pièce 13
Selon l’article 15 du code de procédure civile, ‘Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense’.
En l’espèce, la pièce 13 est un arrêt de la cour de cassation du 19 septembre 2018 concernant la prescription quinquennale au titre des droits d’entrée.
Il convient de relever que la question de la prescription a été soulevée par l’appelant lui-même. La production d’une jurisprudence ne saurait être considérée comme une pièce nouvelle devant être écartée, ce d’autant que le juge peut rechercher et invoquer toute jurisprudence utile en lien avec la question de droit soulevée par l’une des parties, sans besoin que cette jurisprudence lui soit communiquée par les parties.
La demande sera donc rejetée.
Sur le fond
Selon l’article 1353 du code civil, ‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.
M.[P]-[G] [Y] en devenant agent général d’assurances AXA a opté pour l’achat d’un portefeuille de clients déjà constitué d’une valeur, validée par les deux parties, de 642280 euros. La société AXA France IARD a consenti à M.[P]-[G] [Y] la cession d’un portefeuille n°16318044 à hauteur de cette somme en annexe 3 du traité de nomination.
La société AXA France IARD produit cette annexe 3, paraphée et signée par les deux parties.
Cette annexe précise sans ambiguïté les modalités de règlement de ce portefeuille à savoir:
– un règlement comptant de 449569 euros payé à hauteur de 400000 euros par prêt bancaire auprès de la BFC et de 49569 euros par financement personnel lors de sa prise de fonction.
– un règlement différé à hauteur de 192664 euros payable au terme de l’exercice de son mandat avec 1% d’indexation du règlement différé payable annuellement.
Il résulte du décret n° 96-902 du 15 octobre 1996 portant approbation du statut des agents généraux d’assurances, que « sauf en cas de rétablissement ou lorsque la cessation résulte d’une cession de gré à gré, la cessation du mandat ouvre droit à indemnité au bénéfice de l’agent général ou de ses ayants droit ». L’indemnité compensatrice correspond à la valeur patrimoniale du portefeuille de l’agent.
Comme relevé par les premiers juges, M.[P]-[G] [Y] ne démontre pas s’être acquitté de la somme de 449569 euros ni par paiement comptant ni par déduction sur la somme due au titre de l’indemnité compensatrice.
Il n’est pas contesté par M.[P]-[G] [Y] que la reconnaissance de dettes d’un montant de 326190,36 euros ne porte pas sur la somme de 449569 euros.
M.[P]-[G] [Y] fait également une exacte analyse du courrier du 17 mai 2019 (pièce 1) s’agissant de la nature des sommes qui y sont mentionnées.
C’est ainsi que ce courrier informe M.[P]-[G] [Y] que la valeur définitive de son indemnité de fin de mandat s’élève à la somme de 807500,73 euros de laquelle vont être déduits:
– la somme de 192684 euros qui correspond à l’indemnité compensatrice différée telle que mentionnée dans l’annexe du traité de nomination précitée,
– la somme de 326190,36 euros qui correspond au montant de sa reconnaissance de dettes,
– la somme de 47324,24 euros qui correspond à des redressements d’écritures intervenus postérieurement à la reconnaissance de dette.
Après déduction de ces sommes, non contestées par M.[P]-[G] [Y], la société AXA France IARD restait lui devoir la somme de 241302,13 euros.
De ce courrier et de ces modalités de calcul, M.[P]-[G] [Y] en déduit que, puisque la somme de 449569 euros n’y est pas mentionnée, c’est qu’elle a été payée à la société AXA France IARD et que celle-ci le reconnaît implicitement par ce jeu d’écritures.
Il déduit également du courrier que la société AXA France IARD lui a adressé le 30 août 2016 la preuve de ce paiement. En effet, ce courrier explique qu’à défaut de payer la somme de 449569 euros dès la prise de fonction, elle appliquera un abattement de 20% des commissions sur la grille de commission de son portefeuille et ce à compter de la date de reprise du portefeuille soit le 1er octobre 2016; que la société AXA France IARD n’ayant jamais procédé à cet abattement, il en déduit là encore la preuve du paiement de son droit d’entrée de 449569 euros.
Or, ces raisonnements par déduction, s’ils peuvent a minima démontrer de la négligence de la part de la société AXA France IARD, ne sauraient suffire à démontrer le paiement effectif de cette somme.
Il paraît étonnant, alors que 400000 euros sur les 449569 euros devaient être financés par un prêt bancaire, M.[P]-[G] [Y] ne produit aucun justificatif du versement de ce prêt.
S’il justifie en pièce 2 l’accord du prêt par la BFC OI pour un montant de 385000 euros pour une durée de 7 ans, au taux de 3,4% l’an soit des mensualités de 5156,82 euros (hors assurance), il ne justifie ni avoir donné son accord par retour de courrier comme demandé par la banque ni avoir signé le contrat de prêt ni reçu ledit montant.
Or, M.[P]-[G] [Y] réaffirme que le prêt lui a été accordé sans démontrer qu’il lui a été versé, preuve qui était relativement simple à rapporter au cours de ces presque trois années de procédure judiciaire.
La demande de production des bilans comptables n’a donc aucun intérêt au vu des éléments de preuve suffisants et circonstanciés produits par l’intimée.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné à payer M.[P]-[G] [Y] à la société AXA France IARD la somme de 449569 euros faute de justifier du paiement de cette somme.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts est sans objet et sera rejetée.
Comme retenu par les premiers juges, les courriers adressés par la société AXA France IARD les 5 novembre et 18 décembre 2019 contiennent une interpellation suffisante d’avoir à payer cette somme conformément à l’article 1344 du code civil, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit que les intérêts au taux légal seront dus à compter du 22 novembre 2019 (date de signature du recommandé) en application de l’article 1344-1 du même code.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Ni l’équité ni la situation respective des parties ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes formées de ce chef seront donc rejetées.
IV. Sur les dépens
En application de l’article 696 du Code de procédure civile, M.[P]-[G] [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Déboute M.[P]-[G] [Y] de sa demande de voir écarter la pièce n°13;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 12 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion;
Y ajoutant;
Déboute M.[P]-[G] [Y] de sa demande de production des bilans comptables de l’intimée;
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne M.[P]-[G] [Y] aux dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE