Prêt entre particuliers : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01632

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Prêt entre particuliers : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01632

6 juillet 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG
21/01632

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 06 Juillet 2023

N° RG 21/01632 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GYUR

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de BONNEVILLE en date du 07 Juillet 2021, RG 11-20-0358

Appelante

S.A. ORANGE BANK anciennement dénommée GROUPAMA BANQUE dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL LEXWAY, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE

Intimée

Mme [S] [H] [J],

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 4] demeurant [Adresse 1]

Représentée par la SCP COTTET-BRETONNIER NAVARRETE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 09 mai 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 27 juillet 2016, la SA Groupama Banque a consenti à Mme [S] [H] [J] un prêt personnel d’un montant de 8 700 euros remboursable en 60 mensualités, au taux d’intérêt nominal de 4,74 % (TEG 4,84 %).

Les mensualités n’ont pas été régulièrement payées à compter du 20 décembre 2017.

Le 12 juin 2018, un avenant de réaménagement du prêt a été régularisé entre les parties, lequel prévoit le paiement des sommes dues en 88 mensualités selon un nouveau tableau d’amortissement.

Puis, suite à de nouveaux impayés, par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 novembre 2018, la société Orange Bank, anciennement dénommée Groupama Banque, a mis en demeure Mme [H] [J] d’avoir à lui payer les mensualités en retard, sous peine de déchéance du terme.

C’est dans ces conditions que, par acte d’huissier du 05 août 2020, la société Orange Bank a fait assigner Mme [H] [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville en paiement.

Le juge des contentieux de la protection a soulevé d’office les moyens tirés de:

– la forclusion,

– la nullité du contrat pour déblocage prématuré des fonds,

– la déchéance du droit aux intérêts faute de justificatif de remise de la fiche d’information précontractuelle, de consultation du FICP, et faute de lisibilité du contrat,

– l’absence de déchéance du terme faute de mise en demeure préalable.

Mme [H] [J] a comparu et s’est opposée à titre principal aux demandes et a sollicité, subsidiairement, que la société Orange Bank soit déchue de tout droit aux intérêts et a sollicité l’octroi de délais de paiement.

Par jugement contradictoire du 07 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville a :

déclaré la société Orange Bank irrecevable à agir en paiement au titre du crédit personnel consenti le 27 juillet 2016 à Mme [S] [H] [J],

condamné la société Orange Bank aux dépens.

Par déclaration du 02 août 2021, la société Orange Bank a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 21 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Orange Bank demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation,

Vu les dispositions de l’article 1103 du code civil,

déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par la société Orange Bank,

infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

en conséquence, condamner Mme [S] [H] [J] à payer à la société Orange Bank la somme de 8 134,17 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,84 % et capitalisation des intérêts par années entières conformément à l’article 1343-2 du code civil, sur le principal de 7 140,01 euros, à compter du 12 novembre 2018,

débouter Mme [S] [H] [J] de l’intégralité de ses demandes et prétentions,

la condamner au paiement d’une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et capitalisation des intérêts par année entière, ainsi qu’aux dépens par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 29 décembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [H] [J] demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles L. 311-18 et L. 312-25 du code de la consommation,

Vu les articles R. 311-5 et R. 312-35 du code de la consommation,

Vu les articles 1231-5, 1244-1, 1353 et 1379 du code civil,

confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– déclaré la société Orange Bank irrecevable à agir en paiement au titre du crédit personnel consenti le 27 juillet 2016 à Mme [S] [H] [J],

– condamné la société Orange Bank aux dépens.

Y ajoutant,

in limine litis,

dire et juger que la société Orange Bank est forclose en sa demande,

la débouter de l’intégralité de ses demandes,

Subsidiairement,

débouter la société Orange Bank de l’intégralité de ses demandes pour absence de preuve de l’existence des obligations dont elle réclame l’exécution,

Infiniment subsidiairement,

prononcer la déchéance des intérêts du prêt pour cause d’absence de production de l’original de l’offre de prêt,

Infiniment infiniment subsidiairement,

dire et juger que l’offre n’est pas conforme aux exigence de lisibilité,

prononcer la déchéance des intérêts du prêt pour cause d’absence de production de l’original de l’offre de prêt,

Infiniment infiniment infiniment subsidiairement,

dire et juger que la clause de paiement forfaitaire de 8 % en cas d’inexécution des obligations par l’emprunteur est une clause pénale,

la modérer et la réduire à hauteur d’un euro symbolique,

Infiniment infiniment infiniment infiniment subsidiairement,

dire et juger que Mme [S] [H] [J] présente une situation financière ne lui permettant pas de s’acquitter de la créance de la société Orange Bank en une mensualité,

dire et juger qu’elle pourra s’acquitter de sa dette par le biais de 24 mensualités,

En tout état de cause,

débouter la société Orange Bank de l’ensemble de ses demandes, comme étant injustifiées et infondées,

condamner la société Orange Bank à payer à Mme [S] [H] [J], la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Orange Bank aux entiers dépens.

L’affaire a été clôturée à la date du 06 avril 2023 et renvoyée à l’audience du 09 mai 2023 à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 06 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la forclusion

Pour déclarer l’action irrecevable, le premier juge a retenu l’avenant du 12 juin 2018 n’a pas interrompu la forclusion de deux ans puisqu’il réaménage la totalité du prêt et non des seules mensualités impayées, de sorte qu’il ne répond pas à la définition de l’article R. 312-35 du code de la consommation. Ainsi, le premier juge a considéré que l’action est irrecevable comme introduite plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé en date du 20 décembre 2017.

La société Orange Bank critique le jugement de ce chef et soutient que le réaménagement accordé le 12 juin 2018 concerne nécessairement les mensualités impayées précédemment, de sorte que la forclusion n’est pas encourue.

Mme [H] [J] demande la confirmation du jugement en soutenant n’avoir jamais reçu ni accepté un nouveau tableau d’amortissement lors du réaménagement et qu’en réalité l’avenant du 12 juin 2018 doit s’analyser comme un nouveau contrat de crédit, lequel n’est pas conforme puisqu’il n’a pas été précédé d’une offre préalable.

En application de l’article R. 312-35 du code de la consommation, le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l’application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par:

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7.

En l’espèce l’acte du 12 juin 2018, produit en original par l’appelante (pièce n° 4), est intitulé «avenant de réaménagement de crédit classique». Il rappelle les conditions essentielles du contrat initial, ainsi que la situation d’impayés de Mme [H] [J], étant souligné que la déchéance du terme n’a pas été prononcée par le prêteur.

L’article 2 de cet acte prévoit que «l’emprunteur s’engage à rembourser les sommes restant dues dans les conditions suivantes:

– date d’effet du présent réaménagement 17.07.2018

– montant réaménagé (sommes restant dues en capital,

intérêts et indemnités à cette date) 7 424,57 EUR

– taux effectif global annuel, suivant l’article

R. 341-1 du code de la consommation 4,84 %

– mensualité de 100,05 EUR pendant 088 mois, du 17.08.2018 au 17.11.2025.»

L’article 3, intitulé «portée de l’avenant» précise qu’il ne porte pas novation au contrat de crédit avec lequel il forme un tout indivisible. Il n’annule et ne remplace que les stipulations qui lui sont contraires.

Ainsi, cet avenant a bien réaménagé les modalités de remboursement du contrat de prêt, par la prise en compte à la fois des mensualités impayées et du capital restant dû, avec un allongement de la durée de remboursement, sans modification du taux d’intérêt. Les dispositions de l’article R. 312-35 précitées n’interdisent nullement aux parties de négocier un réaménagement de l’ensemble du prêt si la situation du débiteur le commande.

L’absence de signature de Mme [H] [J] sur le tableau d’amortissement qui a été établi ensuite de cet avenant n’a pas pour effet de rendre cet acte inopérant. En effet, le tableau d’amortissement, qui n’est pas prescrit obligatoirement par la loi, n’est établi qu’à titre d’information de l’emprunteur et n’est pas un élément du contrat de crédit en lui-même, étant rappelé qu’en l’espèce les échéances et le taux d’intérêt sont fixes.

Par ailleurs, cet avenant ne saurait être analysé comme un nouveau contrat de prêt. En effet, aucune nouvelle somme n’est mise à disposition de Mme [H] [J], et il n’y a pas de regroupement avec d’autres prêts. La novation est d’ailleurs expressément exclue par les termes de l’avenant.

Mme [H] [J] soutient que l’avenant ne permet pas de le rattacher au contrat de prêt initial.

Toutefois, Orange Bank produit l’original de l’offre de prêt personnel émise le 20 juillet 2016 et acceptée par Mme [H] [J] le 27 juillet 2016 (pièce n° 1), dont les dates et caractéristiques coïncident avec celles rappelées dans l’avenant du 12 juin 2018 (pièce n° 4), de sorte qu’il s’agit bien du même prêt. Mme [H] [J] ne démontre pas avoir sollicité et obtenu un autre prêt de même montant auprès de Groupama Banque.

C’est donc à tort que le premier juge a jugé forclose l’action en paiement engagée par Orange Bank. En effet, conformément aux dispositions de l’article R. 312-35 précité, la forclusion de deux ans n’a commencé à courir qu’à compter du premier incident de paiement non régularisé après le réaménagement, soit ici le 17 août 2018, moins de deux ans avant l’assignation en paiement délivrée le 05 août 2020.

L’action est donc recevable.

Sur les sommes dues

Mme [H] [J] soutient que la société Orange Bank ne rapporte pas la preuve de l’existence même du prêt.

Toutefois, l’original du contrat est produit et Mme [H] [J] n’en conteste pas la signature. L’offre est bien datée du 20 juillet 2016 et a été acceptée le 27 juillet 2016 par Mme [H] [J].

Mme [H] [J] ne conteste pas avoir reçu les fonds empruntés et en avoir commencé le remboursement, ainsi que cela ressort de l’historique de son compte (pièce n° 10).

La preuve de l’existence de l’obligation de remboursement est donc rapportée.

Mme [H] [J] soutient encore que l’original du contrat ne serait pas produit, et que la copie produite serait incomplète.

Toutefois la pièce n° 1 contient 6 pages sur 6 et constitue bien un original, de sorte que le grief n’est pas fondé.

Quant au non respect supposé du corps huit prévu par l’article R. 312-10 du code de la consommation, la vérification de la taille des lignes du contrat révèle que le corps huit est bien respecté, un paragraphe de dix lignes mesurant 3 cm du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne. La lisibilité du contrat est donc conforme aux exigences légales.

Mme [H] [J] demande encore que la clause pénale soit écartée.

Toutefois, il convient de rappeler que Mme [H] [J] n’a remboursé que quelques échéances de son prêt, de sorte que le prêteur est bien fondé à obtenir le paiement de l’indemnité prévue par le contrat et fixée à 8 % du capital restant dû, celle-ci n’apparaissant pas manifestement excessive au regard du préjudice subi.

Toutefois, l’indemnité de 8 % n’est due que sur le capital restant dû et non sur les échéances impayées, conformément à la clause du contrat. Ce montant sera donc ajusté dans le décompte de la créance.

Pour le surplus, Mme [H] [J] ne conteste pas le décompte de la créance, laquelle s’établit à la somme de :

– échéances impayées 400,20 euros

– capital restant dû au 17 décembre 2018 7 140,01 euros

– indemnité de 8 % du capital dû 571,20 euros

– total de la créance 8 111,41 euros

Mme [H] [J] sera donc condamnée au paiement de cette somme, outre intérêts au taux contractuel de 4,74 % sur la somme de 7 140,21 euros à compter du 17 décembre 2018.

La société Orange Bank sollicite la capitalisation des intérêts.

Toutefois, en application de l’article L. 312-38 du code de la consommation, dont les dispositions sont rappelées dans le contrat litigieux, aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles, de sorte que la société Orange Bank sera déboutée de cette demande.

Sur la demande de délais de paiement

En application de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront un intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

En l’espèce, Mme [H] [J] ne produit qu’une seule pièce, à savoir un relevé de pension de retraite mentionnant un revenu de 2090 euros par mois. Elle ne justifie pas de ses charges et n’indique pas selon quelles modalités elle entend se libérer de sa dette dans le délai de deux ans.

En outre, elle a d’oreset déjà, par la seule durée de la procédure bénéficié, de fait, d’importants délais de paiement.

Sa demande sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Orange Bank la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [H] [J] supportera les entiers dépens, de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville le 7 juillet 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l’action en paiement de la société Orange Bank,

Condamne Mme [S] [H] [J] à payer à la société Orange Bank la somme de 8 111,41 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,74 % sur la somme de 7 140,21 euros à compter du 17 décembre 2018,

Déboute la société Orange Bank du surplus de sa demande en paiement de sa demande de capitalisation des intérêts,

Déboute Mme [S] [H] [J] de sa demande de délais de paiement,

Condamne Mme [S] [H] [J] à payer à la société Orange Bank la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [H] [J] aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 06 juillet 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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