6 avril 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/02160
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 06 AVRIL 2023
N° 2023/ 282
Rôle N° RG 22/02160 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BI3K2
Compagnie d’assurance MAIF
C/
[N] [Z]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eric TARLET
Me Jules CONCAS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de proximité de CAGNES SUR MER en date du 13 décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-20-00763.
APPELANTE
La MUTUELLE ASSURANCE INSTITUTEUR FRANCE – La MAIF
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Emeric DESNOIX, avocat au barreau de TOURS substitué par Me Aurélie AUROUET-HIMEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [N] [Z]
né le 25 juin 1962 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jules CONCAS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Amandine WEBER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] [Z] est assuré auprès de la société d’assurances mutuelles MAIF au titre d’un contrat RAQVAM portant sur un bien situé à [Adresse 3].
Le 5 décembre 2017, il a déclaré à sa compagnie d’assurances un sinistre relatif à une effraction ayant occasionné des dégâts matériels dit «’vandalisme’».
Un premier expert a été dépêché par la société d’assurances mutuelles MAIF et un devis a été établi pour un montant total de 22 000 €.
Une deuxième réunion d’expertise s’est tenue à la demande de la MAIF.
Le 15 février 2018, à la suite des opérations d’expertise, le cabinet AGU et Associés a adressé à M. [N] [Z] un chiffrage de la remise en état se montant à la somme de 14 407,74€.
Il était prévu une indemnité immédiate, franchise non déduite de 10 535,80€ et une indemnité différée de 3 511,93€.
M. [N] [Z] a bénéficié d’une indemnisation à hauteur de 13 014€ et expose avoir fait procéder à la remise en état de son appartement par un proche tout en produisant à la MAIF deux factures émanant de la société AZUR SOBAAT.
La MAIF, soutenant que ces factures n’étaient pas authentiques a notifié une déchéance de garantie à M. [N] [Z] le 18 juin 2019 et lui a réclamé le remboursement de l’intégralité des indemnités versées outre les frais d’expertise.
M. [Z] a procédé au remboursement partiel de ces sommes dans un premier temps puis a cessé les règlements estimant que le remboursement n’était pas dû.
Soutenant que M. [N] [Z] lui restait redevable de la somme de 7 590,71€, la société d’assurances mutuelles MAIF l’a fait assigner, en référé devant le juge du tribunal de la proximité de Cagnes sur Mer, par exploit du 8 décembre 2020, sollicitant également sa condamnation à une somme de 2 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par ordonnance contradictoire en date du 13 décembre 2021, ce magistrat a :
constaté l’existence d’une contestation sérieuse,
rejeté la demande en paiement,
rejeté la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,
rappelé que l’exécution provisoire était de droit.
Le premier juge a considéré que les pièces versées aux débats étaient insuffisantes à établir de façon incontestable la créance de la société d’assurances mutuelles MAIF et notamment que la lettre d’acceptation émanant de la MAIF pour une somme de 14 047,74€ n’est signé par aucune des parties bien qu’elle ait été réglée’; que la MAIF ne justifie pas de l’acceptation expresse de son assurée pour l’adoption de la clause dont elle se prévaut stipulant que le versement d’une indemnité différée exige la présentation des factures des travaux. Il précise que la production des factures dites frauduleuses et reconnues par M. [N] [Z] ne permet pas à elle seule de statuer sur la demande de la société d’assurances mutuelles MAIF.
Selon déclaration reçue au greffe le 14 février 2022, la société d’assurances mutuelles MAIF a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 9 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la MAIF sollicite de la cour qu’elle :
la déclare recevable et bien fondée en son appel,
infirme la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté sa demande en paiement d’une somme provisionnelle de 7590,71€ , et celle formée au titre de l’article 700 du cpc,
et, statuant à nouveau,
constate la reconnaissance de dette de M. [Z],
le condamne à lui payer la somme de 7590,71 € à titre provisionnel,
le condamne à lui payer la somme de 3 000€ 700C , ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me TARLET.
La société d’assurances mutuelles MAIF rappelle que le jge des référés n’a pas le pouvoir d’interpréter des contrats ni de valider une déchéance de garantie.
Elle estime qu’elle est parfaitement fondée à opposer la déchéance totale de garantie dès lors qu’elle est convaincue de fausses déclarations intentionnelles sur la date, les circonstances ou les conséquences d’un événement garantir ; que les mensonges de son assuré, qui a produit de fausses factures, constituent une fraude qui corrompt tout et entraînent ipso facto une déchéance de garantie totale ; que ces fausses factures ont été produites dans l’unique but de percevoir le versement de l’indemnité différée et qu’ainsi, il doit être privé de tout droit à garantie relatif au sinistre du 3 décembre 2017.
Par ailleurs elle soutient que le fait de s’être acquitté partiellement de sa dette , et en sollicitant un aménagement conventionnel de cette dernière, il l’a reconnue sans aucune équivoque, et qu’en conséquence, il est tenu à répétition de l’indû, par application des dispositions combinées des articles 1302 et 1302-1 du code civil.
Par dernières conclusions transmises le 10 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [N] [Z] sollicite de la cour qu’elle :
confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
déboute la société d’assurances mutuelles MAIF de toutes ses demandes,
la condamne à lui verser une somme de 2 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
la condamne aux entiers dépens d’appel.
L’intimé expose que la réalité du sinistre n’est pas contestée et ne résulte pas d’une déclaration intentionnelle d’un faux sinistre’; il devait donc être garanti par la MAIF aux termes de l’article 19-12 des conditions générales du contrat lequel précise que l’application de la déchéance ne s’applique qu’à l’assuré convaincu de fausse déclaration intentionnelle sur la date, les circonstances, ou les conséquences apparentes d’un événement garanti.
M. [N] [Z] a a fait procéder aux travaux de remise en état suite au versement d’une somme de 13 014 € par la MAIF et a produit postérieurement des factures qui ne constituent pas une fausse déclaration de sinistre’; que dès lors, il existe des contestations sérieuses s’agissant de la déchéance de garantie que la MAIF prétend pouvoir opposer à M. [N] [Z].
Il soutient en conséquence, que l’indemnité versée était due et il appartient à la MAIF de produire le contrat souscrit par M. [N] [Z] paraphé et signé, ce qu’elle ne fait pas, pour corréler le versement de l’indemnité à la justification des travaux effectués. Il rappelle qu’il a spontanément produit ces factures à la MAIF qui ne les avait pas demandées et que quand bien même , elles se sont avérées frauduleuses, la réalité du sinistre, puis des travaux de remise en état ne peut être contestée. L’établissement de ces fusses factures ne porte en aucun cas préjudice à la société d’assurances mutuelles MAIF. Il ne peut pas ailleurs être valablement soutenu qu’en s’acquittant partiellement du remboursement, M. [N] [Z] a reconnu sa dette. L’obligation dont se prévaut la MAIF est sérieusement contestable .
Enfin, concernant les dernières conclusions de la MAIF, l’intimé relève qu’elles contiennent des développements de fond qui échappent totalement à la compétence du juge des référés et la cour, saisie d’une appel d’une ordonnance de référé n’a pas à analyser , ni à interpréter les clauses d’un contrat et le fond du litige.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 14 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de provision articulée par la MAIF :
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection , dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’ imposent, soit pour prévenir un dommage imminent , soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite .
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
La MAIF ne conteste pas la réalité du sinistre «’vandalisme’» dont M. [Z] a été victime, le 5 décembre 2017 à son domicile, [Adresse 3].
A la suite de deux réunions d’expertise sur les lieux, le cabinet AGU et ASSOCIES a adressé à M. [N] [Z] une proposition d’indemnisation, à hauteur de la somme de 14 047,74 € à laquelle était annexée une lettre d’acceptation .
Le montant de l’indemnisation des dommages matériels se ventilait de la façon suivante’:
indemnité immédiate de 10 535,80€ ( franchise non déduite)
indemnité différée de 3 511,93€.
Soit au total, franchise déduite, la somme de 13 014 €.
Bien que cette lettre d’acceptation ne soit pas datée et n’est pas produite signée par les parties, il n’est pas contesté que M. [N] [Z] a perçu de sa compagnie d’assurances la somme de 13 014 € en deux virements reçus les 22 février 2018 pour 10 535,79 € et le 19 juin 2018 pour 2478,21 €
M. [N] [Z] a adressé à la MAIF, deux factures en date du 2 mai 2018 et du 12 novembre 2018, qu’il reconnaît être des faux, expliquant avoir procédé lui-même aux travaux.
La MAIF estime qu’il n’y a aucune contestation possible sur la réalité de la fraude opérée par M. [N] [Z], fraude qui corrompt tout et lui permet d’opposer légitimement une déchéance de garantie, prévue par l’article 19 du contrat liant les parties, d’autant qu’elle excipe que M. [N] [Z] aurait reconnu sa dette en procédant à des remboursements.
Elle allègue que M. [N] [Z] a fait le choix de solliciter le versement d’une indemnité différée et que dans ce cas, il est contractuellement prévu que cette indemnité ne peut être versée que sur présentation de la facture des travaux.
A l’appui de sa demande, elle verse uniquement les conditions générales du contrat dont elle se prévaut et qui n’est ni daté, ni paraphé , ni signé par M. [N] [Z].
Elles ne peuvent lui être opposables.
De surcroît, l’article 19 mis en avant par la MAIF énonce’:
sous peine de déchéance et sauf cas fortuit ou de force majeure’:
l’assuré est tenu de déclarer tout événement susceptible de mettre en jeu l’une des garanties souscrites, dans les cinq jours ouvrés de la date à laquelle il en a eu connaissance. Ce délai est porté à dix jours en cas de catastrophe naturelle à partir d ela publication de l’arrêté constatant cet état.
Toutefois, la déchéance ne peut être opposée que si la société établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice.
Est passible de cette sanction l’assuré convaincu de fausse déclaration intentionnelle sur la date, les circonstances, ou les conséquences apparentes d’un événement garanti.’
Outre le fait que M. [N] [Z] a déclaré son sinistre dans les deux jours qui l’ont suivi, que sa date, sa réalité, et les dommages en résultant ont bien été constatés par la compagnie MAIF, laquelle lui a versé avant la production de la moindre facture la quasi intégralité de l’indemnisation’; en l’absence de l’acceptation expresse par l’assuré de l’adoption d’une clause qui subordonnerait le règlement d’un sinistre à la production d’une facture, et en l’absence des stipulations contractuelles dûment datées, paraphées et signées par les parties, il ne résulte pas du dossier, avec l’évidence requise en référé que l’indemnisation versée à M. [N] [Z] était indue et, partant, la provision sollicitée par la MAIF est contestable.
C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté les demandes de la MAIF.
L’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Succombante en ses demandes, la société d’assurances mutuelle MAIF supportera les dépens d’appel.
L’équité justifie la condamnation de la société d’assurances mutuelle MAIF à payer à M. [N] [Z] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société d’assurances mutuelle MAIF sera débouté de ses demandes sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne la société d’assurances mutuelle MAIF aux dépens d’appel,
Condamne la société d’assurances mutuelle MAIF à payer à M. [N] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société d’assurances mutuelle MAIF de sa demande sur ce même fondement,
La greffière Le président