6 avril 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/13775
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2023
N° 2023/ 111
N° RG 21/13775 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIERI
[D] [T] épouse [R]
C/
S.A. CA CONSUMER FINANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Philippe KLEIN
Me Sylvain DAMAZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité d’AIX EN PROVENCE en date du 03 Septembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11-21-0004.
APPELANTE
Madame [D] [T] épouse [R]
née le 09 Juin 1941, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Séverine PENE, avocat au barreau de TOULON,
assisté de Me Pierre BREGMAN, avocat au barreau d’ANNECY, plaidant
INTIMEE
S.A. CA CONSUMER FINANCE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sylvain DAMAZ de l’AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
M. Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte d’huissier du 24 mars 2021, la SA CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la SA SOFINCO, a fait assigner Madame [D] [R] née [T] aux fins de voir prononcer la résolution d’un contrat de prêt signé le premier février, la voir condamner à lui verser la somme de 86.620, 67 euros avec intérêts au taux conventionnel ainsi qu’à une indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 3 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection d’Aix-en-Provence a :
– dit n’y avoir lieu à ordonner la production de l’original du contrat et de ses annexes
– constaté que le contrat de prêt signé le premier février 2018 est opposable à Madame [R] née [T]
– prononcé la résiliation du contrat de prêt
– condamné Madame [R] née [T] à verser à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 64.348 euros assortie des intérêts au taux légal majorés à compter du jugement
– rejeté la demande de dommages et intérêts
– condamné Madame [R] née [T] à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné Madame [R] née [T] aux dépens.
Le premier juge, après comparaison des pièces dont il disposait, a estimé qu’il n’apparaissait pas que la signature de Madame [R] née [T] ait été imitée. Il a relevé que les échéances du prêt avaient été prélevées sur son compte pendant 18 mois sans que cette dernière n’en conteste l’origine.
Il a estimé que Madame [R] née [T] était bien co-signataire du prêt.
Il a prononcé la résiliation judiciaire du prêt en raison des manquements graves de Madame [R] née [T] à son obligation de paiement.
Il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en raison de l’absence de justificatif, par le prêteur, de la consultation du FICP.
Il a écarté l’application des dispositions de l’article L 313-3 du code monétaire et financier afin de permettre une sanction efficace de la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
S’appuyant sur le montant déclaré des ressources mensuelles du couple et donc celle de Madame [R], le premier juge a indiqué qu’il n’apparaissait pas que le prêteur avait manqué à ses obligations pré-contractuelles de mise en garde et d’information. Il a relevé que Madame [R] ne démontrait pas avoir subi un préjudice particulier lié à l’absence de consultation du FICP et relevé que cette dernière connaissait la situation d’endettement du couple puisqu’elle avait signé le contrat litigieux dans le cadre d’une opération de rachat de crédits.
Le 28 septembre 2021, Madame [R] née [T] a relevé appel de tous les chefs de cette décision, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages et intérêts.
La SA CA CONSUMER FINANCE a constitué avocat.
Par conclusions notifiées le 15 décembre 2021 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Madame [R] née [T] demande à la cour :
– de réformer le jugement
– de débouter la société CONSUMER FINANCE de l’ensemble de ses demandes injustifiées
* à titre subsidiaire :
– de condamner la SA CA CONSUMER FINANCE à lui verser la somme de 86.620, 67 euros de dommages et intérêts avec intérêts de retard au conventionnel
*en toute hypothèse
– de condamner la SA CA CONSUMER FINANCE à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Elle indique n’avoir pas le souvenir d’avoir signé le contrat de prêt.
Subsidiairement, elle reproche au prêteur d’avoir violé son devoir d’information et de conseil. Elle souligne qu’en signant le contrat de prêt, elle s’engageait à reprendre l’endettement de son mari dont elle était séparée de biens. Elle souligne n’avoir jamais été avisée des conséquences possible de la souscription du crédit sur sa situation financière. Elle rappelle qu’elle était âgée de 76 ans lors de son engagement et que le crédit courait jusqu’en février 2024. Elle ajoute que le prêteur n’a pas vérifié sa solvabilité.
MOTIVATION
L’action en paiement de la SA CONSUMER FINANCE est recevable puisque le premier incident de paiement non régularisé date du 15 novembre 2019 et l’assignation du 24 mars 2021.
Madame [T] veuve [R] ne conteste pas formellement avoir signé le contrat de prêt. Elle souligne ne pas s’en souvenir. Elle n’allègue pas non plus de l’existence d’un faux.
Selon l’article 287 du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres (…).
Il ressort des pièces produites que la signature de cette dernière, telle qu’elle est portée sur la copie du contrat de prêt produit au débat, est la même que la signature portée sur le relevé d’identité bancaire fourni au débat.
C’est donc par des motifs pertinents que le premier juge a retenu qu’elle était liée en qualité de co-signataire du prêt.
Selon l’article L 314-10 du code de la consommation, lorsque les crédits mentionnés à l’article L 312-1 font l’objet d’une opération de crédit destinée à les regrouper, le nouveau contrat de crédit est soumis à la législation sur les crédits à la consommation.
Le contrat de prêt souscrit le premier février 2018 par Monsieur [R] (né le 23 mars 1946) et Madame [T] épouse [R] (née le 09 juin 1941) consiste en un prêt personnel de 100.000 euros au titre d’un regroupement de crédits.
L’article L L312-16 du code de la consommation énonce qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier.
Ainsi, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et se renseigner sur les capacités financières de son client en en conservant la preuve.
Il appartient à l’établissement de crédit d’alerter l’emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d’endettement né de l’octroi d’un crédit excessif.
L’emprunteur, qui reproche à un établissement bancaire d’avoir failli à son devoir de mise en garde, doit justifier de l’existence d’un risque de surendettement.
Il n’est pas contesté que la société CA CONSUMER FINANCE (anciennement dénommée SOFINCO) n’a pas consulté le FICP. Le premier juge a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts contractuels en application de l’article L 341-2 du code de la consommation et cette société ne forme aucun appel incident sur ce point. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Le contrat signé par Madame [T] veuve [R] avait pour objet de regrouper des prêts antérieurs en réduisant le montant total de la mensualité sans coût supplémentaire; ainsi, le montant total des échéances antérieures s’élevait à la somme de 2443, 29 euros alors que les nouvelles échéances s’élevaient à la somme de 1643,12 euros; ainsi, ce crédit de restructuration ne créait pas de risque d’endettement nouveau, de sorte que la banque n’était pas tenue d’une obligation de mise en garde.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Madame [T] veuve [R] au titre de la violation, par le prêteur, de son obligation de mise en garde.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Madame [T] veuve [R] est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel seront rejetées.
Pour des raisons tirées de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré, qui a condamné Madame [T] veuve [R] aux dépens sera confirmé. Il sera infirmé en ce qu’il l’a condamnée à verser à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné Madame [D] [T] veuve [R] à verser à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
REJETTE les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d’appel de première instance et d’appel,
CONDAMNE Madame [D] [T] veuve [R] aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,