Prêt entre particuliers : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04208

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Prêt entre particuliers : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04208

5 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/04208

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 05 JUILLET 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04208 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDG53

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris – RG n° 19/00114

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE POUR LE DEVELOPPEMENT DES OPERATI ONS DE CREDIT-BAIL IMMOBILIER (SOGEBAIL)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Bertrand CHAMBREUIL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0230

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle LECRENAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G1186

INTIMES

Monsieur [A] [B]

[Adresse 5]

[Localité 6]

S.C.I. ALCCAD IMMOBILIER

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentés par Me Jonathan BELLAICHE de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K103 substitué à l’audience par Me Tiphanie, avocat au barreau de PARIS, toque : K103

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, Président, et magistrat en charge de la mise en état Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 mars 2021, la Société générale pour le développement des opérations de crédit bail immobilier (Sogebail) a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 11 février 2021, rendu dans l’instance l’opposant à M. [A] [B] et à la société civile immobilière Alccad Immobilier, jugement dont le dispositif est rédigé en ces termes :

‘DÉCLARE prescrite la créance d’indemnité de résiliation détenue par la société anonyme Sogebail à l’encontre de la société civile immobilière Alccad Immobilier ;

CONDAMNE la société civile immobilière Alccad Immobilier à payer à la société anonyme Sogebail la somme de 234 526,61 euros ;

CONDAMNE M. [A] [B], solidairement avec la société civile immobilière Alccad Immobilier, au paiement de la somme de 198 059,78 euros, en sa qualité de caution solidaire ;

DIT n’y avoir lieu à ordonner la main-levée des hypothèques inscrites par la société anonyme Sogebail sur l’immeuble de M. [B] situé à [Localité 6]) dénommé ‘[Adresse 5]’ ;

DÉBOUTE la société anonyme Sogebail du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE solidairement la société civile immobilière Alccad Immobilier et M. [A] [B] à payer à la société anonyme Sogebail la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement la société civile immobilière Alccad Immobilier et M. [A] [B] aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Bertrand Chambreuil ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.’

*****

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 14 mars 2023, les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 31 mai 2021 l’appelant

en ces termes, demande à la cour :

‘Vu, Les articles 2240 et suivants du Code Civil,

Les articles 1857 et suivants du Code Civil,

L’ordonnance de référé du 10 décembre 2013 signifiée le 4 mars 2014,

L’acte notarié de crédit-bail immobilier du 29 juillet 2010 contenant cautionnement solidaire de Monsieur [B],

DIRE ET JUGER SOGEBAIL recevable en ses demandes, fins et prétentions,

INFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite la créance d’indemnité de résiliation et débouté SOGEBAIL du surplus de ses demandes visant à voir :

– condamner la SCI ALCCAD IMMOBILIER à payer à SOGEBAIL la somme totale de 993 764,22 €,

– condamner solidairement monsieur [B] en sa qualité d’associé de la SCI ALCCAD IMMOBILIER à payer à SOGEBAIL la somme de 983 826,57 €,

ET STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER la SCI ALCCAD IMMOBILIER à payer à SOGEBAIL :

– la somme de 1 000 euros au titre de la condamnation prononcée par l’ordonnance de référé du 10 décembre 2013 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et omise par les premiers juges,

– la somme de 758 237,61 € au titre de l’indemnité de résiliation,

CONSTATER que les poursuites préalablement engagées à l’égard de la SCI ALCCAD IMMOBILIER sont demeurées vaines ;

En conséquence,

CONDAMNER solidairement Monsieur [A] [B] en sa qualité d’associé de la SCI ALCCAD IMMOBILIER à payer à SOGEBAIL la somme de 983 826,57 € ;

CONFIRMER le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

CONDAMNER solidairement la SCI ALCCAD IMMOBILIER et Monsieur [A] [B] à payer à SOGEBAIL la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER solidairement la SCI ALCCAD IMMOBILIER et Monsieur [A] [B] aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Bertrand CHAMBREUIL, avocat au Barreau de Paris dans les conditions de l’article 699 du code civil.’

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 août 2021 l’intimé

présente ainsi ses demandes à la cour :

‘Vu les articles 1857, 1858 et 2240 du Code civil,

Vu l’article L. 110-4 du Code de commerce,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les motifs exposés, la jurisprudence citée et les pièces produites,

Il est demandé à la Cour d’appel de Paris de :

CONFIRMER le jugement rendu le 11 février 2021 en ce qu’il a déclaré prescrite la créance d’indemnité de résiliation détenue par la société SOGEBAIL à l’encontre de la SCI ALCCAD IMMOBILIER ;

CONFIRMER le jugement rendu le 11 février 2021 en ce qu’il a débouté la société SOGEBAIL de sa demande de condamnation de Monsieur [B] en sa qualité d’associé de la SCI ALCCAD IMMOBILIER ;

DEBOUTER la société SOGEBAIL de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

CONDAMNER la société SOGEBAIL au versement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société SOGEBAIL aux entiers dépens.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Par acte notarié du 29 juillet 2010, la société Sogebail a consenti à la société civile immobilière Alccad Immobilier, un crédit-bail immobilier portant sur un immeuble situé à [Localité 4] (Mayenne) pour une durée de 10 ans. M. [A] [B], associé, s’est porté caution solidaire auprès du crédit-bailleur à hauteur de la somme de

300 000 euros.

L’immeuble a fait l’objet d’un contrat de sous-location, agréé par la société Sogebail, à la société par actions simplifiée Alccad.

Suite à des difficultés de trésorerie de la société Alccad Immobilier, la société Sogebail a accepté, par avenant du 4 juillet 2012, la demande du crédit-preneur de réaménagement du contrat portant sur un gel en capital des loyers des 1er janvier et 1er avril 2012. Les difficultés ne s’étant pas résorbées, la SCI Alccad Immobilier a proposé, en novembre 2012, un repreneur, pour un montant de 900 000 euros hors taxes, auxquels s’ajoutait une somme de 150 000 euros à régler par M. [B] dans un délai de 48 mois. Après avoir refusé cette proposition, la société Sogebail a adressé à la SCI Alccad Immobilier, par courrier du 10 décembre 2012, une mise en demeure de payer la somme de 152 430,41 euros au titre des loyers impayés, outre intérêts et accessoires.

Par exploit d’huissier daté du 4 février 2013, la société Sogebail a fait signifier à la SCI Alccad Immobilier un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Les 24 janvier 2013 et 24 avril 2013, la société Sogebail a inscrit deux hypothèques judiciaires provisoires sur des biens immobiliers appartenant à M. [B], situés à [Localité 7] (Essonne) et [Localité 6] (Seine-et-Marne), dénoncées à l’intéressé le 28 janvier 2013 et le 30 avril 2013, ensuite suivies d’inscriptions définitives.

Le 7 mai 2013, M. [B] en exécution de son engagement de caution a versé à la société Sogebail, par l’intermédaire du notaire en charge de la vente de l’immeuble de [Localité 7], la somme de 101 940,22 euros.

Par acte d’huissier de justice daté du 13 septembre 2013, la société Sogebail a fait assigner la SCI Alccad Immobilier devant le juge des référés d’Evry aux fins de voir acquise la clause résolutoire au 4 avril 2013 et condamner la SCI Alccad Immobilier à lui payer la somme de 107 157,43 euros outre une indemnité d’occupation de 12 830,81 euros par mois à compter du 4 avril 2013. Selon ordonnance du 10 décembre 2013, dont il n’a pas été interjeté appel, le juge des référés a fait droit aux demandes de la société Sogebail et lui a donné acte de ce qu’elle se réservait de poursuivre le recouvrement des autres créances en vertu de l’acte notarié, notamment concernant l’indemnité de résiliation contractuelle.

Par courriel du 7 novembre 2015, M. [B] a proposé à la société Sogebail, le paiement de la somme de 100 000 euros pour solde de tout compte de son engagement de caution de la SCI Alccad Immobilier, sur les 200 000 euros restant dus.

Par courriel du 7 novembre 2018, la société Sogebail a adressé à M. [B] un décompte des sommes dues par la SCI Alccad Immobilier au 4 avril 2013, le total s’élevant à

865 395,04 euros, comprenant outre les impayés, intérêts de retard et frais de gestion, l’indemnité de résiliation d’un montant de 758 237,61 euros.

*****

Par acte d’huissier de justice daté du 20 décembre 2018, la SCI Alccad Immobilier et M. [B] ont fait assigner la société Sogebail aux fins de voir constater l’extinction de la créance de cette dernière résultant de la résiliation du contrat de crédit-bail immobilier, pour cause de prescription.

La SCI Alccad Immobilier et M. [B] faisaient valoir qu’en application de l’article 2240 du code civil, en l’absence d’une quelconque action de la société Sogebail à leur égard, la prescription est acquise à l’encontre de cette dernière, quant au recouvrement de l’indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail immobilier, seule n’étant pas prescrite la créance relative aux sommes visées par la condamnation du 10 décembre 2013, d’un montant de 235 526,61 euros.

La SCI Alccad Immobilier et M. [B] soulignaient qu’aucun acte d’exécution n’a été accompli par la société Sogebail sur le fondement de l’acte notarié.

Ils contestaient que le courriel du 7 novembre 2015 ait pu interrompre la prescription dès lors qu’il s’agissait uniquement pour M. [B] d’envisager le règlement de ses dettes personnelles, à savoir le remboursement de ses crédits immobiliers et ses engagements de caution. Rappelant que la reconnaissance expresse d’un droit doit être claire et que l’aveu ne doit porter à aucune discussion, la SCI Alccad Immobilier et M. [B] exposaient que l’indemnité de résiliation n’était ni déterminée ni fixée par une décision judiciaire à la date du 7 novembre 2015, précision étant faite que s’agissant d’une clause pénale, l’indemnité était réductible.

Subsidiairement, la SCI Alccad Immobilier et M. [B] considéraient que la reconnaissance de dette de M. [B] au titre de son engagement de caution ne pourrait produire effet à l’égard de la SCI Alccad Immobilier quant à la prescription, dès lors que cette interruption ne pouvait s’étendre d’une action à une autre.

Quant aux demandes reconventionnelles de la société Sogebail, M. [B] indiquait reconnaître être débiteur de son engagement de caution de 300 000 euros, somme sur laquelle a été réglé un acompte de 101 940,22 euros, et s’en rapporter à justice sur le montant susceptible d’être appelé par la société Sogebail, à savoir 198 059,78 euros. En revanche, M. [B] et la SCI Alccad Immobilier s’opposaient à la demande de paiement de l’indemnité de résiliation formée sur le fondement de l’article 1857 du code civil pour les mêmes motifs tirés de la prescription non interrompue.

Pour l’essentiel de ses prétentions la société Sogebail demandait au tribunal de juger que les condamnations prononcées par l’ordonnance de référé du 10 décembre 2013 à l’encontre de la SCI Alccad Immobilier se prescrivent par 10 ans ; que la prescription de la créance garantie par M. [B], en sa qualité de caution solidaire de la SCI Alccad Immobilier et comprenant notamment l’indemnité de résiliation, a été valablement interrompue le 7 novembre 2015 par la reconnaissance que M. [B] a faite du droit de la société Sogebail, et que cette interruption de prescription a produit ses effets à l’égard de la SCI Alccad immobilier, de sorte que la créance de la société Sogebail n’est pas prescrite.

À titre reconventionnel, la société Sogebail demandait que M. [B] soit condamné en sa qualité de caution solidaire, et dans la limite de son engagement de caution, ramené à

198 059,78 euros, solidairement avec la SCI Alccad immobilier, à payer à la société Sogebail la somme de 993 764,22 euros, et les poursuites à l’égard de la SCI Alccad immobilier étant vaines, la condamnation solidaire de M. [B] en sa qualité d’associé de la SCI Alccad immobilier à payer à la société Sogebail la somme de 983 826,57 euros.

La société Sogebail tout d’abord soutenait que la reconnaissance expresse de M. [B] des droits de la société Sogebail a interrompu la prescription de l’ensemble des créances garanties, la reconnaissance, même partielle que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraînant un effet interruptif pour la totalité de la créance, qui ne peut se fractionner. La société Sogebail relevait que dans son courriel du 7 novembre 2015, M. [B] ne conteste en rien les créances de la société Sogebail. Elle exposait qu’en application de l’article 36 du contrat de crédit-bail, M. [B] s’est engagé à régler, dans la limite de 300 000 euros, toutes les sommes qui pourraient être dues au titre du crédit-bail à quelque titre que ce soit, y compris l’indemnité de résiliation. Elle dément qu’une décision de justice doive intervenir pour fixer judiciairement ladite indemnité dès lors que l’acte notarié la prévoyant est revêtu de la formule exécutoire, de sorte que la société dispose d’un titre constatant une créance d’indemnité de résiliation liquide et exigible sans avoir à solliciter du juge un second titre exécutoire. Enfin, la société Sogebail soutenait qu’en application de l’article 2245 du code civil, l’interruption de la prescription à l’égard d’une caution solidaire produit effet à l’égard du débiteur principal, et en concluait que la reconnaissance de M. [B] a interrompu la prescription à l’égard de la SCI Alccad Immobilier.

Ensuite, sur le fond, la société Sogebail soutenait que la SCI Alccad Immobilier est redevable des sommes dues en vertu de l’ordonnance de référé du 10 décembre 2013, d’un montant de 235 526,61 euros, ainsi que des sommes dues au titre du contrat de crédit-bail, s’élevant à 758 237,61 euros, conformément aux articles 27 et 31 du contrat régissant les conditions de l’indemnité de résiliation due de plein droit et la fixant à 75 % du prix de vente à la date de la résiliation, soit un total de 993 764,22 euros. Quant à M. [B], il est redevable de la somme de 198 059,78 euros correspondant au solde de sa dette en sa qualité de caution solidaire, mais également, sur le fondement des articles 1857 et 1859 du code civil prévoyant l’obligation du sociétaire au passif, et les poursuites à l’égard de la société étant vaines puisque celle-ci n’a plus d’activité, de la somme de 983 826,57 euros en sa qualité d’associé de la SCI Alccad Immobilier dont il détient 99 % des parts.

*****

Les prétentions et moyens des parties sont dans leurs grandes lignes, inchangées à hauteur de cour.

I – Sur la prescription de la créance d’indemnité de résiliation

Le premier juge a exactement rappelé qu’aux termes de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

En l’espèce, comme relevé par le tribunal, l’article 27 du contrat de crédit-bail stipule que la résiliation du contrat entraînera de plein droit et sans formalité quelconque, le paiement par le crédit-preneur d’une indemnité calculée en fonction du prix de vente, déterminée à la date de la réalisation effective, qui sera d’un montant égal à 75 % du prix de vente dans tous les cas de résiliation.

C’est ensuite à bon droit, que le premier juge a fixé le point de départ de la prescription quinquennale au 4 avril 2013, date d’exigibilité de l’indemnité de résiliation en ce que la clause résolutoire du contrat de crédit-bail a été acquise à cette date, ainsi que constaté par le juge des référés de Paris dans son ordonnance en date du 10 décembre 2013 – à l’encontre de laquelle aucun appel n’a été interjeté.

Le tribunal a ensuite relevé comme constant que la société Sogebail a formulé sa demande de condamnation de la SCI Alccad Immobilier et de M. [B] en sa qualité d’associé sur le fondement des articles 1857 et suivant, dans ses écritures devant le tribunal de grande instance de Paris notifiées par voie électronique le 18 juin 2019, soit plus de cinq ans après la date d’exigibilité de la dette, le 4 avril 2013.

Puis, examinant le moyen développé par la société Sogebail opposant à l’action des demandeurs le bénéfice des dispositions cumulées des articles 2240 et 2245 du code civil qui énoncent que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription (article 2240) et que l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers (article 2245), le tribunal, tout d’abord, expose qu’en l’espèce, aux termes du courriel du 7 novembre 2015, M. [B] écrit – notamment : ‘Mon engagement de caution de la SCI ALCCAD IMMOBILIER était à hauteur de 300.000,00 euros. Un prélèvement de 100.000,00 euros a été effectué lors de la cession d’un actif à [Localité 7]. Je souhaite vous proposer un montant de 100.000,00 euros pour solde de tout compte des 200.000,00 euros restants’.

Il est à noter que dans cet écrit M. [B] évoque, en tout premier plan, ses difficultés à payer son prêt immobilier personnel, puis sa décision de céder un actif, cela en vue de lui permettre de solder son prêt immobilier personnel ainsi que ses engagements de caution.

La société Sogebail souligne que dans ce courriel M. [B] ne conteste en rien les créances de la société Sogebail. Elle soutient tout autant qu’il s’agit bel et bien d’une reconnaissance de dette, interruptive de prescription au sens de l’article 2240 du code civil.

Ensuite, la société Sogebail critique les motifs du premier juge retenant que si M. [B] dans ce courriel fait état de son engagement de caution, qu’il ne conteste pas, cette reconnaissance ne saurait être interprétée comme ayant inclus nécessairement l’indemnité de résiliation, dont il n’est pas établi par ailleurs qu’elle aurait été, à cette date, déja réclamée, que ce soit au débiteur principal ou à la caution.

Ainsi, la société Sogebail fait valoir que l’indemnité de résiliation est comprise dans un acte notarié, lequel donne force exécutoire à tous les engagements qu’il contient, et qu’il est indifférent que cette créance ait ou non été réclamée.

En outre, selon la société Sogebail, il est erroné de dire qu’elle n’avait pas à cette date réclamé le paiement de l’indemnité de résiliation, dans la mesure elle a envoyé à la SCI Arccad Immobilier la facture s’y rapportant, le 1er mai 2014.

Néanmoins, sur ce, il est à relever que la société Sogebail produit un duplicata de ladite facture, établie par ses soins le 1er mai 2014, à l’adresse de la SCI Alccad Immobilier, mais ne justifie pas de son envoi.

Toutefois, il ne peut être contesté que le cautionnement de M. [B] limité dans son montant à la somme de 300 000 euros, portait sur l’ensemble des sommes dues au titre du crédit-bail, ce que M. [B] ne pouvait ignorer, pour être partie à l’acte authentique, et au surplus, pour avoir reçu de la société Sogebail deux courriers faisant référence à l’étendue de son cautionnement – pièces 6 et 8 de l’appelant. Ainsi, évoquant son engagement et sa dette en qualité de caution, dans le mail du 7 novembre 2015, M. [B] y incluait implicitement mais nécessairement, en son principe, l’indemnité de résiliation, incluse dans la créance qu’il garantissait, quand bien même sa liquidation serait à venir. Le raisonnement contraire du tribunal sur ce point, ne saurait donc être entièrement approuvé.

Ensuite, en droit, une lettre par lequel le débiteur sollicite la remise de sa dette vaut reconnaissance de celle-ci et interrompt la prescription.

En l’espèce, et comme le défend la société Sogebail, M. [B] dans son courrier électronique du 7 novembre 2015, évoque son engagement de caution donné en garantie du remboursement du crédit-bail consenti à la SCI Alccad Immobilier et pris au profit de la société Sogebail, et propose à cette dernière de transiger sur le montant de son propre engagement. Cette proposition ne révèle pas de simples pourparlers, elle équivaut bel et bien à solliciter la remise de la dette. Dès lors ce courriel ne peut que s’analyser en reconnaissance de dette au sens de l’article 2240 du code civil.

Ensuite, la société Sogébail soutient encore que la reconnaissance de dette de M. [B] a produit son effet interruptif à l’égard de la SCI Alccad Immobilier puisque l’interruption de la prescription à l’égard d’une caution solidaire produit également effet à l’égard du débiteur principal.

Sur ce, il résulte des dispositions combinées des articles 1206 du code civil, en vertu duquel les poursuites contre l’un des coobligés solidaires interrompent la prescription à l’égard de tous, et 2246 du même code prévoyant que l’interpellation faite au débiteur principal linterrompt le délai de prescription contre la caution, que l’interruption de la prescription à l’égard d’une caution solidaire produit les mêmes effets à l’encontre du débiteur principal.

En conséquence de ce qui précède, le jugement déféré sera infirmé en ce que le tribunal a considéré que la société Sogebail ne peut se prévaloir d’aucun acte interruptif de prescription en ce qui concerne l’action en recouvrement de l’indemnité de résiliation, et en ce que par conséquent, il a déclaré prescrite la créance de la société Sogebail à ce titre.

II – Sur les demandes reconventionnelles en paiement

Les intimés ne contestent pas le montant de la créance de la société Sogebail tel que retenu par le tribunal à hauteur d’un montant de 234 526,61 euros, n’incluant pas la créance au titre de l’indemnité de résiliation, précédemment déclarée prescrite, ce dont se satisfont M. [B] et la SCI Alccad Immobilier.

La société Sogebail soutient quant à elle que la SCI Alccad Immobilier demeure redevable envers elle, de la somme totale de 993 764,22 euros, dont 235 526,61 euros en vertu de l’ordonnance de référé du 10 décembre 2013, et 758 237,61 euros, en vertu du contrat de crédit-bail. Elle estime que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné la SCI Alccad Immobilier à lui payer la somme de 234 526,61 euros, devant y être ajoutée la somme de 1 000 euros correspondant à la condamnation prononcée par l’ordonnance de référé du 10 décembre 2013, et la somme de 758 237,61 euros au titre de l’indemnité de résiliation. La société Sogebail soutient encore que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné M. [B] à payer solidairement avec la SCI Alccad Immobilier la somme de 198 059,78 euros, et qu’il est tenu, en raison de sa qualité d’associé, à proportion de ses parts, soit la somme de 983 826,57 euros, correspondant à 99 % des sommes dues, pourcentage de sa participation au sein de la SCI Alccad Immobilier.

Sur les demandes en paiement en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de M. [B] en sa qualité de caution

Aux termes de l’acte notarié de crédit-bail, M. [B] s’est porté caution solidaire de la SCI Alccad immobilier en garantie du paiement de toutes les sommes qui pourraient être dues au crédit-bailleur à quelque titre que ce soit, en principal, intérêts, frais et tous accessoires et notamment des loyers, intérêts de retard et autres charges ainsi que toutes indemnités dues en cas de résiliation du crédit-bail avant son expiration normale, dans la limite de la somme de 300 000 euros.

M. [B] ayant déjà réglé la somme de 101 940,22 euros, en suite de la vente d’un bien immobilier, il reste redevable, solidairement avec la SCI Alccad immobilier, à hauteur de la somme de 198 059,78 euros, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas.

Le jugement déféré est donc confirmé des chefs de condamnation concernant M. [B] en sa qualité de caution.

Sur les demandes en paiement en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de M. [B] en sa qualité d’associé

La société appelante conteste la décision du tribunal la déboutant de sa demande, formée sur le fondement de l’article 1857 du code civil, tendant à voir condamner M. [B] en sa qualité d’associé de la SCI Alccad immobilier, dont il détient 99 % des parts (comme il ressort de l’acte de cession de parts sociales en date du 14 juin 2010) et contre laquelle les voies d’exécution ont été vaines.

Aux termes de l’article 1857 du code civil, ‘À l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. L’associé qui n’a apporté que son industrie est tenu comme celui dont la participation dans le capital social est la plus faible.’

L’article 1858 du même code prévoit que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

En l’espèce, la société Sogebail a indiqué au premier juge que les poursuites envers la société civile seraient vaines, la société n’ayant plus d’activité, ce à quoi le tribunal a répondu que la société Sogebail ne justifiait d’aucune mesure d’exécution préalable à l’encontre de la SCI Alccad immobilier.

Selon le premier juge, le seul procès-verbal de recherches infructueuses dressé lors de la tentative de signification de l’ordonnance de référé ne peut constituer une telle mesure et l’affirmation d’une absence d’activité, non établie, n’est pas suffisante à établir l’insolvabilité de la société civile, de sorte que la société Sogebail doit être déboutée de sa demande de condamnation de M. [B] en sa qualité d’associé.

En cause d’appel la société Sogébail réitère avoir préalablement poursuivi la SCI Alccad immobilier, et le commandement de payer délivré le 4 février 2013 étant demeuré vain, elle l’a fait assigner en paiement, ce qui n’a pas abouti, la SCI Alccad immobilier étant insolvable : la société SCI Alccad immobilier n’a plus d’activité depuis que l’immeuble objet du crédit-bail a été restitué. La société Sogebail maintient que dans ces conditions, il est établi que toute nouvelle poursuite contre la SCI Alccad immobilier serait vaine et que la société Sogebail est fondée à poursuivre M. [B] sur le fondement de l’article 1858 du code civil.

Les intimés répliquent que l’insolvabilité de la société doit être prouvée et que cela ne peut se déduire du simple fait que les significations faites par la société Sogebail l’ont été dans les conditions de l’article 659 du code civil. La SCI Alccad immobilier n’a été ni dissoute, ni radiée, ni placée en liquidation judiciaire. En outre, le courrier de M. [B] du 29 mars 2013, dans lequel il fait état de l’incapacité de la SCI Alccad immobilier de respecter ses engagements, versé au débat par la société Sogebail, est antérieur aux poursuites exercées par la société Sogebail, à savoir le commandement de payer et l’assignation en paiement. Enfin, le ‘certificat d’irrécouvrabilité’ ne fait que se référer aux recherches infructueuses de l’huissier de justice dans le cadre des procès-verbaux établis selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. La preuve de poursuites vaines n’est pas rapportée, empêchant la réunion des conditions de l’article 1858 du code civil.

S’il est exact qu’en droit, le seul fait que la société ait été recherchée infructueusement et ait fait l’objet d’un procès verbal dressé par l’huissier de justice en application des prévisions de l’article 699 du code civil, ne suffit pas à établir la preuve de l’insolvabilité de la société débitrice ni le caractère vain des poursuites exercées contre elle, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce il résulte du ‘certificat d’irrecouvrabilité’ établi par huissier de justice cherchant à signifier le jugement dont appel, que la recherche auprès du fichier Ficoba et n’a permis d’identifier aucun compte bancaire ouvert en France. Il n’est d’ailleurs pas contesté que la SCI ne détient plus l’immeuble objet du crédit-bail immobilier, et il n’a jamais été dit qu’elle aurait détenu par ailleurs d’autres biens ou fonds. Dans ces conditions, on voit mal quelles poursuites auraient pu être engagées, et M. [B] ne l’indique d’ailleurs pas.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté la société Sogébail de sa demande de condamnation à l’encontre de M. [B] en sa qualité d’associé.

Ce dernier sera donc condamné dans les conditions de la demande de la société Sogébail, dont elle justifie en versant aux débats les pièces idoines, non contestées par son contradicteur.

En revanche aucune condamnation ne saurait être prononcée en reprise de celle déjà intervenue dans le cadre de l’instance distincte devant le juge des référés ‘ à savoir, ‘la condamnation prononcée par l’ordonnance de référé du 10 décembre 2013 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et omise par les premiers juges’.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [B] et la SCI Alccad immobilier parties perdantes supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Sogebail formulée sur ce même fondement, pour la somme réclamée, de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

CONFIRME le jugement déféré

– en ce qu’il condamne M. [A] [B], solidairement avec la société civile immobilière Alccad Immobilier, au paiement de la somme de 198 059,78 euros, en sa qualité de caution solidaire ;

– condamne la société civile immobilière Alccad Immobilier à payer à la société anonyme Sogebail la somme de 234 526,61 euros ;

– en ce qu’il condamne solidairement la société civile immobilière Alccad Immobilier et M. [A] [B] à payer à la société anonyme Sogebail la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– en ce qu’il condamne solidairement la société civile immobilière Alccad Immobilier et M. [A] [B] aux entiers dépens de l’instance, avec application des dispositions de l’article 699 du code de préocédure civile ;

INFIRME le jugement déféré, en ce qu’il :

– déclare prescrite la créance d’indemnité de résiliation détenue par la société anonyme Sogebail à l’encontre de la société civile immobilière Alccad Immobilier ;

– déboute la société anonyme Sogebail du surplus de ses demandes ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés :

– condamne la société civile immobilière Alccad Immobilier à payer à la société anonyme Sogebail la somme de la somme de 758 237,61 euros au titre de l’indemnité de résiliation ;

– condamne M. [A] [B] engagé en sa qualité d’associé de la SCI Alccad immobilier à payer à la société Sogebail la somme de 983 826,57 euros ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [A] [B] du surplus de ses prétentions ;

CONDAMNE M. [A] [B] et la société civile immobilière Alccad Immobilier à payer à la société Sogebail la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles de l’instance ;

DÉBOUTE M. [A] [B] et la société civile immobilière Alccad Immobilier de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. [A] [B] et la société civile immobilière Alccad Immobilier aux entiers dépens de l’instance.

LE GREFFFIER LE PRÉSIDENT

 


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