Prêt entre particuliers : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00064

·

·

Prêt entre particuliers : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00064

5 juillet 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG
21/00064

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 05 JUILLET 2023

N° RG 21/00064 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L3YD

[T] [D] [C] [Y]

[K] [E]

c/

S.A. CREDIT LOGEMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire d’ANGOULEME (RG : 19/01124) suivant déclaration d’appel du 06 janvier 2021

APPELANTS :

[T] [D] [C] [Y]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7] (16)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[K] [E]

née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 6] (92)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître BRESSOLLES substituant Maître Jérôme DIROU, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A. CREDIT LOGEMENT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 4]

représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Pierre COSSET de la SELARL COSSET-GROSSIAS, avocat plaidant au barreau de la CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Emmanuel BREARD, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : M. Roland POTEE

Conseiller : Mme Bérengère VALLEE

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Greffier : Madame Véronique SAIGE

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Selon acte sous seing privé du 29 décembre 2010, la SA Crédit Lyonnais LCL a consenti à Mme [K] [E] dans le cadre d’une opération d’achat et de travaux d’un bien immobilier :

– une offre de prêt immobilier intitulée « Nouveau Prêt à taux zéro » portant le n° 4005237ZJFRJ11AZ, d’un montant de 12 375 euros remboursable sur 210 mois, à taux zéro, enregistré à la SA Crédit Logement, organisme de caution mutuelle, sous le n° M10116287701

– une offre de prêt immobilier intitulée « Solution projet immo à taux fixe » portant le n° 4005237ZJFRJ12AH, d’un montant de 61 608 euros, remboursable sur 246 mois, au taux de 3,45 %, enregistré à la société Crédit Logement, organisme de caution mutuelle sous le n° M10116287702.

Les deux prêts ont été acceptés le 17 janvier 2011 et la société Crédit Logement s’est portée caution de l’établissement prêteur pour ces deux prêts selon actes sous seings privés du 10 décembre 2010.

Ultérieurement, selon acte sous seing privé du 14 avril 2012, la société Crédit Lyonnais LCL a consenti à M. [T] [Y] :

– une offre de prêt immobilier intitulée « Solution projet immo à taux fixe » portant le n° 40052373N93G11AH d’un montant de 39 500 euros remboursable sur 240 mois au taux de 4,10 % l’an, enregistré à la société Crédit Logement, organisme de caution mutuelle, sous le n° M12032080401.

Ce prêt a été accepté le 7 mai 2012 et la société Crédit Logement s’est portée caution de l’établissement prêteur pour ce prêt, selon actes sous seings privés du 14 avril 2012.

À la garantie du remboursement de ce dernier prêt, Mme [E] s’est portée caution solidaire de M. [Y], selon acte sous seing privé du 17 mai 2012, dans la limite de la somme de 45 425 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 264 mois.

Ultérieurement encore, selon acte sous seing privé du 22 juin 2021, la société Crédit Lyonnais LCL a consenti à Mme [E] et M. [Y] :

– une offre de prêt immobilier intitulée « Prêt personnel solution projet immo à taux fixe » portant le n° 4005237FSMTD11AH, d’un montant de 38 480, 84 euros, remboursable sur 252 mois, au taux de 3,80 % l’an, enregistré à la société Crédit Logement, organisme de caution mutuelle, sous le n° M1205246801.

Ce prêt a été accepté le 26 juin 2012 et la société Crédit Logement s’est portée caution de l’établissement prêteur pur ce prêt, selon actes sous seings privés du 19 juin 2012.

Mme [E] et M. [Y] n’ayant pas respecté les échéanciers des prêts consentis, la déchéance du terme de ceux-ci a été prononcée par l’organisme prêteur, en sorte que la société Crédit Logement, au titre de son engagement de caution, a dû régler à la société Crédit Lyonnais LCL, les sommes dues par les emprunteurs, à savoir :

* 232, 26 euros et 10 295, 14 euros concernant le prêt n° M10116287701 selon deux quittances établies à son profit par la société Crédit lyonnais LCL,

* 1 489, 01 euros et 59 364, 22 euros concernant le prêt n° M10116287702, selon deux quittances établies à son profit par la société Crédit Lyonnais LCL,

* 590, 87 euros et 18 477, 94 euros concernant le prêt n° M 12032080401, selon deux quittances établies à son profit par la société Crédit Lyonnais LCL,

* 1 147, 43 euros et 37 214, 05 euros concernant le prêt n° M1205246801, selon deux quittances établies à son profit par la société Crédit Lyonnais LCL.

Faisant valoir qu’elle avait vainement demandé à Mme [E] et M. [Y], selon courriers avec demande d’avis de réception en date des 3, 6 et 16 mars 2017 d’avoir à lui régler les sommes qu’elle avait payées en leurs lieu et place à la société Crédit Lyonnais LCL, la société Crédit Logement a, selon acte d’huissier du 11 mars 2019, assigné devant le tribunal de grande instance d’Angoulême M. [Y] et Mme [E] aux fins de voir condamner Mme [E] au paiement de la somme de 72 308, 73 euros, de voir condamner solidairement M. [Y] et Mme [E] au paiement de la somme de 51 102, 95 euros et de voir ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l’assignation.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire d’Angoulême a :

– déclaré la société Crédit Logement fondée en son action,

– condamné en conséquence Mme [E] à lui payer la somme de 72 308, 73 euros, sauf mémoire, se décomposant comme suit :

prêt n° M10116287701 :

* montant de la créance en principal : 10 307, 36 euros,

* intérêts au taux légal du 27 septembre 2016 au 25 février 2019 : 73,15 euros,

* intérêts au taux légal du 26 février 2019 jusqu’à complet règlement : mémoire

Soit au total la somme de : 10 380, 51 euros.

prêt n°M10116287702 :

* montant de la créance en principal : 60 853, 23 euros,

* intérêts au taux légal du 27 septembre 2016 au 25 février 2019 : 1 074, 99 euros,

* intérêts au taux légal du 26 février 2019 jusqu’à complet règlement : mémoire,

Soit au total la somme de : 61 928, 22 euros

Sous-total : 73 308, 73 euros,

– condamné solidairement M. [Y] et Mme [E], cette dernière tant en sa qualité de co-empruntrice qu’en sa qualité de caution de M. [Y] à lui payer la somme de 51 102, 95 euros, sauf mémoire, se décomposant comme suit :

prêt n° M12032080401

* montant de la créance en principal : 17 745, 59 euros,

* intérêts au taux légal du 27 septembre 2016 au 25 février 2019 : 8,78 euros,

* intérêts au taux légal du 26 février 2019 jusqu’à complet règlement : mémoire,

Soit au total la somme de : 17 754, 37 euros,

prêt n° M1205246801

* montant de la créance en principal : 33 332, 09 euros,

* intérêts au taux légal du 27 septembre 2016 au 25 février 2019 : 16, 49 euros,

* intérêts au taux légal du 26 février 2019 jusqu’à complet règlement : mémoire

Soit au total la somme de : 33 348, 58 euros,

Sous-total : 51 102, 95 euros

– ordonné la capitalisation des intérêts, à compter de l’assignation, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouté Mme [E] et M. [Y] de l’ensemble de leurs demandes,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– condamné in solidum Mme [E] et M. [Y] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 800 euros à verser à la société Crédit Logement en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] et Mme [E] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 janvier 2021.

Par conclusions déposées le 29 janvier 2021, M. [Y] et Mme [E] demandent à la cour de :

– réformer le jugement dont appel,

A titre principal

– débouter la société Crédit Logement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire

– prendre en compte les effacements prononcés et les paliers indiqués dans le plan de surendettement homologué pour M. [Y],

En tout état de cause

– juger que la société crédit Lyonnais a engagé sa responsabilité en proposant aux consorts [Y]-[E] quatre prêts dont le montant cumulé des remboursements dépassaient leurs facultés contributives et qui étaient un engagement disproportionné,

– juger que la banque n’a pas respecté son obligation de conseil et son obligation de mise en garde vis-à-vis des consorts [E]-[Y],

A titre infiniment subsidiaire

– octroyer 24 mois de délais de paiement à Mme [E] et à M. [Y],

– condamner la société Crédit Logement à payer au consorts [Y] ‘ [E] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions déposées le 29 avril 2021, la société Crédit Logement demande à la cour de :

– juger mal fondés en leurs demandes M. [Y] et Mme [E],

– débouter dès lors M. [Y] et Mme [E] de l’intégralité de leurs demandes ainsi que de leur appel,

En conséquence

– confirmer le jugement déféré,

Y ajoutant,

– condamner solidairement M. [Y] et Mme [E] à verser à la société Crédit Logement la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de l’avocat soussigné en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 22 mai 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la procédure de surendettement au bénéfice de M. [Y].

L’article 2305 du code civil applicable au présent litige prévoit que ‘La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.

Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il ya lieu’.

Il est constant que les effets d’une décision prise dans le cadre d’une procédure de surendettement n’a d’effet de force jugée qu’au titre de celle-ci.

Pour contester la décision du premier juge, M. [Y] se prévaut de la décision de recevabilité prononcée en sa faveur le 14 septembre 2016 par la commission de surendettement des particuliers de la Charente et de l’homologation des mesures recommandées du 12 mai 2017. Il estime que la société intimée ne peut demander d’aller au-delà de cette décision.

Il avance que la décision attaquée, en retenant que les prêts concernés par la présente procédure se distingueraient de ceux visés à celle de surendettement, a fait erreur, puisqu’il s’agit des mêmes emprunts. Il ajoute que la caution ne saurait avoir plus de droits que le débiteur principal et ne saurait se retourner contre lui pour des sommes supérieures.

***

Comme le relève à bon droit le premier juge, la mesure de réduction prévue à l’égard du débiteur surendetté par l’article L.331-7 4° du code de la consommation applicable (devenu L. 733-1 de ce code) ne s’applique pas à la créance de la caution qui a payé la dette du débiteur principal.

Dès lors, M. [Y] ne peut se prévaloir de la réduction de sa dette ou d’un éventuel effacement prononcé à l’occasion de la procédure de surendettement pour les emprunts objets du présent litige.

En outre, s’agissant des délais de paiement, il doit être relevé que la décision rendue en matière de surendettement s’applique nonobstant le présent arrêt.

Il s’ensuit que le moyen soulevé sera rejeté.

II Sur le manquement par le prêteur à ses obligations de conseil et de mise en garde.

Vu l’article 2305 du code civil précité.

Les appelants dénoncent le fait que les prêts objets du litige ne correspondaient pas à leurs facultés de remboursement lorsqu’ils ont été souscrits.

Ils soulignent que par différents montages, le prêteur a fait souscrire des obligations à Mme [E] pour un montant total de 123.411,08 €, soit en qualité d’emprunteuse, soit en qualité de caution, aboutissant à des engagements disproportionnés. Ainsi, ils rappellent que l’intéressée percevait entre 2010 et 2012 un revenus variant entre 24.378 € et 23.528 € et M. [Y] une rémunération allant de 29.580 € à 37.593 €. Ils observent que le montant emprunté dépassait le seuil de 60% de leur capacité de remboursement, du fait des manoeuvres de la banque qui les déclarait alternativement emprunteurs ou caution.

Ils considèrent ce montage fautif de la part de leur unique banquier et que cette exception est opposable à la caution qui ne saurait avoir plus de droits que le créancier principal.

Il apparaît que l’ensemble de l’argumentation développée par les consorts [E]-[Y] concerne non pas la caution, mais le dispensateur de crédit, non mis en cause lors de la présente instance.

Mieux, en ce que la société Crédit Logement agit sur le fondement de l’article 2305 du code civil, donc non en tant que subrogée mais au titre de son recours personnel, elle ne saurait se voir opposer les fautes éventuelles du créancier.

Dès lors, les prétentions des appelants seront rejetées et la décision attaquée sera confirmée de ce chef.

III Sur la capitalisation des intérêts.

En vertu de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Les appelants soutiennent que ce chef de demande doit être rejeté en ce qu’il n’est fondé ni en droit, ni en fait au sein de l’assignation.

Néanmoins, comme l’ont exactement retenu les premiers juges, cette capitalisation est prévue par les contrats souscrit et autorisée par l’article 1343-2 du code civil, d’ordre public.

Il s’ensuit que ce moyen n’est pas davantage fondé et qu’il sera rejeté.

IV Sur la demande de délai sollicitée au profit de Mme [E].

L’article 1244-1 devenu 1343-5 alinéas 1 et 2 du code civil énonce que ‘Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital’.

Les consorts [E]-[Y] considèrent qu’au vu des motifs qui précèdent et des justificatifs fournis, ils sont fondés à bénéficier d’un délai de grâce de 24 mois pour s’acquitter des sommes dues, sans intérêts.

***

Il convient de relever, comme l’a exactement fait le premier juge, que les appelants ne justifiant pas de leur situation patrimoniale actuelle, aucun document quant aux revenus ou charges actuels des intéressés ou relatif à leur patrimoine, n’est versé.

Par conséquent, la présente demande de délai de grâce sera rejetée.

V Sur les demandes annexes.

Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, Mme [E] et M. [Y], qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que Mme [E] et M. [Y] soient condamnés in solidum à verser à la société Crédit logement la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Angoulême le 10 décembre 2020 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Mme [E] et M. [Y] aux dépens d’appel ;

CONDAMNE in solidum Mme [E] et M. [Y] à verser à la société Crédit Logement la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Monsieur Roland POTEE, président, légitimement empêché, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x