Prêt entre particuliers : 5 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04163

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Prêt entre particuliers : 5 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04163

5 juillet 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/04163

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2023

N° 2023/ 318

N° RG 22/04163

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJCYR

[G] [Z] épouse [V]

C/

[U] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gérard D’HERS

Me Alexandra BOUCLON-LUCAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 31 Janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01627.

APPELANTE

Madame [G] [Z] épouse [V]

née le 02 Mars 1982 à [Localité 4] (83), demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Gérard D’HERS, membre de la SELARL CABINET D’HERS, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Madame [U] [P]

née le 13 Novembre 1931 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Alexandra BOUCLON-LUCAS, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2023.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant déclaration enregistrée le 21 mars 2022 au greffe de la cour, Madame [G] [Z] épouse [V] est appelante d’un jugement réputé contradictoire rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Toulon, signifié le 23 février, qui l’a condamnée à payer à Madame [U] [P] la somme principale de 6.900 euros en remboursement du solde d’un prêt, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018, les dépens et une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 28 novembre 2022, elle fait valoir que l’acte sous seing privé aux termes duquel elle a reconnu avoir reçu de Madame [P] la somme de 8.000 euros ne vaut pas comme reconnaissance de dette, que la partie adverse ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une convention de prêt, et qu’il s’agissait en réalité d’un don manuel, comme l’intimée l’a elle-même reconnu dans une lettre datée du 23 mai 2015.

Elle précise que ce n’est qu’à la suite des menaces incessantes de Madame [P] qu’elle a proposé de lui restituer la moitié de cette somme à raison de 100 euros par mois, ce qui a été refusé par l’intéressée.

Elle ajoute enfin que les deux versements de 900 et 200 euros qu’elle a effectués au profit de Madame [P] avaient pour objet de l’aider à surmonter ses difficultés financières.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de débouter la partie adverse des fins de son action et de la condamner à lui restituer les sommes perçues en exécution de celui-ci, ainsi qu’à lui verser une indemnité de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses entiers dépens.

Par conclusions en réplique notifiées le 29 novembre 2022, Madame [U] [P] approuve le premier juge d’avoir retenu qu’elle pouvait se prévaloir d’une reconnaissance de dette matérialisant l’existence d’une convention de prêt. Elle soutient que les deux versements effectués par l’appelante constituent des remboursements partiels.

Elle ne s’explique pas en revanche le sens de sa lettre du 23 mai 2015 évoquant une donation, dont elle affirme n’avoir aucun souvenir, et précise qu’aucune déclaration n’a été effectuée à ce titre auprès des services fiscaux.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la partie adverse à lui payer la somme principale de 6.900 euros, mais de l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de sa demande additionnelle en dommages-intérêts pour préjudice moral et résistance abusive, qu’elle réitère à hauteur de 4.000 euros.

Elle conclut également à la réformation du jugement quant au montant de l’indemnité pour frais irrépétibles qui lui a été allouée en première instance, qu’elle demande à la cour de porter à 2.000 euros.

Subsidiairement, elle demande paiement de la somme de 4.000 euros dont Madame [V] se serait reconnue débitrice dans un courrier daté du 1er septembre 2018, sur le fondement de l’article 1383 du code civil relatif à l’aveu extrajudiciaire.

En tout état de cause, elle réclame une indemnité de 4.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, outre ses dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2023.

DISCUSSION

Contrairement aux motifs retenus par le premier juge, la reconnaissance de dette, acte unilatéral, et la convention de prêt, engagement synallagmatique, ne peuvent être confondus et obéissent chacune à un régime juridique particulier, qu’il convient d’examiner ci-après.

Il y a lieu en outre de faire application des textes du code civil en vigueur à l’époque des faits litigieux, lesquels sont antérieurs à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations.

Sur l’existence d’une reconnaissance de dette :

Suivant l’article 1326 (ancien) du code civil, l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature du souscripteur ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme en toutes lettres et en chiffres.

En l’espèce, force est de constater que l’acte produit par Madame [P] ne vaut pas reconnaissance de dette puisqu’il ne contient aucun engagement de payer de la part de Madame [G] [V], laquelle y reconnaît seulement avoir reçu la somme de 8.000 euros.

Sur l’existence d’une convention de prêt :

En vertu de l’article 1341 (ancien) du code civil régissant la preuve des obligations, il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, à savoir 1.500 euros suivant le décret n° 80-533 du 15 juillet 1980.

L’article 1347 (ancien) admet une exception à cette règle lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit, c’est à dire tout écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée et rendant vraisemblable le fait allégué, à la condition qu’il soit complété par un élément extrinsèque.

Il est constant que l’acte qui ne vaut pas comme reconnaissance de dette peut valoir commencement de preuve par écrit d’une convention de prêt. Toutefois en l’espèce, il est également produit aux débats l’original d’une lettre manuscrite dans laquelle Madame [U] [P] déclare faire une donation de 8.000 euros au profit de Monsieur et Madame [V]. Ce document, dont l’écriture et la signature ne sont pas désavouées par l’intimée, qui indique seulement ne pas en avoir conservé le souvenir, est daté du 23 mai 2015, soit le même jour que l’émission du chèque de 8.000 euros à l’ordre de Madame [G] [V].

Il convient dès lors de considérer que la remise des fonds n’est pas intervenue dans le cadre d’une convention de prêt, mais correspond à un don manuel, peu important que celui-ci n’ait pas été déclaré à l’administration fiscale.

Les deux versements de 900 et 200 euros effectués par Madame [V] les 3 septembre 2017 et 10 avril 2018 ne s’analysent donc pas comme le remboursement d’une dette, mais comme des paiements volontaires.

Sur l’existence d’un aveu extrajudiciaire :

Subsidiairement, Madame [P] se prévaut d’une lettre qui lui a été adressée par Madame [V] le 1er septembre 2018, et dans laquelle celle-ci écrivait : ‘Je n’ai pas normalement à te rembourser car c’est un don, mais pour montrer ma bonne foi je t’ai proposé de te rembourser la moitié de la somme à hauteur de 100 euros par mois, que tu as refusé lors de ma visite chez toi le 7 août 2018.’ Elle en déduit qu’il s’agirait d’un aveu extrajudiciaire de l’existence d’une dette de 4.000 euros.

Aux termes de l’article 1383 (nouveau) du code civil, l’aveu se définit comme la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque Madame [V] réaffirme dans ce courrier avoir bénéficié d’un don, et évoque une offre de paiement volontaire qui a été refusée, de sorte qu’aucune obligation ne peut résulter de cet écrit.

Il convient en définitive d’infirmer le jugement entrepris et de débouter Madame [P] de l’ensemble de ses prétentions.

Sur la demande en restitution des sommes perçues en exécution du jugement :

Le présent arrêt emporte de plein droit obligation pour l’intimée de restituer les sommes perçues en exécution du jugement infirmé, et constitue le titre exécutoire permettant de l’y contraindre, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la demande en répétition formulée par l’appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Déboute Madame [U] [P] de l’ensemble de ses prétentions,

La condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser à Madame [G] [V] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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