Prêt entre particuliers : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00062

·

·

Prêt entre particuliers : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00062

4 juillet 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
22/00062

ARRET N°

N° RG 22/00062

N°Portalis DBWA-V-B7G-CJMG

M. [O] [F] [Z] [S]

C/

M. [E] [N] [T]

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 04 JUILLET 2023

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 12 Mai 2020, enregistré sous le n° 19/01202 ;

APPELANT :

Monsieur [O] [F] [Z] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Moïse CARETO de la SELARL D’AVOCATS MOISE CARETO, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIME :

Monsieur [E] [N] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Mai 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 04 Juillet 2023 ;

ARRÊT : Réputé contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [F] [Z] [S] a prêté à M. [E] [T] la somme de 25.000 euros, à charge pour ce dernier de rembourser la somme totale de 60.000 euros selon reconnaissances de dette des 27 septembre 2017 et 05 octobre 2018.

Par exploit d’huissier en date du 21 mars 2019, M. [O] [F] [Z] [S] a assigné M. [E] [N] [T] devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins de le voir condamner, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui payer la somme de 60.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 03 novembre 2018 capitalisés, de 30.000 euros en réparation de ses préjudices et de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 12 mai 2020, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :

– prononcé la nullité, dans le contrat du 27 septembre 2017, de la clause suivante : ‘ l’emprunteur s’engage à verser au prêteur la somme de 50.000 euros (CINQUANTE MILLE EUROS) comprenant capital et intérêts. L’emprunteur s’engage à rembourser cette somme au prêteur dans un délai de 15 jours à compter de la date de signature des présentes. Le remboursement du capital et le paiement des intérêts auront lieu au domicile du prêteur ou par virement à son compte bancaire ou postal ‘,

– prononcé la nullité du contrat du 5 octobre 2018,

– débouté M. [O] [F] [Z] [S] de ses demandes et l’a condamné aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2022, M. [O] [F] [Z] [S] a critiqué tous les chefs du jugement rendu le 12 mai 2020, sauf en ce qu’il l’a condamné aux dépens et dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et au prononcé de l’exécution provisoire.

Dans ses conclusions n° 2 du 11 juillet 2022, M. [O] [F] [Z] [S] demande à la cour d’appel de :

‘DECLARER M. [O] [F] [Z] [S] recevable et bien fondé en son appel ;

INFIRMER le jugement rendu le 12 mai 2020 en ce qu’il a d’une part prononcé la nullité, dans le contrat du 27 septembre 2017, de la clause suivante : ‘l’emprunteur s’engage à verser au prêteur la somme de 50.000 euros (CINQUANTE MILLE EUROS) comprenant capital et intérêts. L’emprunteur s’engage à rembourser cette somme au prêteur dans un délai de 15 jours à compter de la date de signature des présentes. Le remboursement du capital et le paiement des intérêts auront lieu au domicile du prêteur ou par virement à son compte bancaire ou postal’ et d’autre part débouté M. [S] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral, financier de perte de chance d’un meilleur placement, du taux d’intérêt légal et sur la capitalisation des intérêts ;

STATUANT à nouveau :

DECLARER que les contrats du 27 septembre 2017 et du 05 octobre 2018 ne sont pas dérisoires.

Par conséquent,

CONDAMNER M. [T] à la somme de 60.000 euros au titre des contrats du 27 septembre 2017 et du 05 octobre 2018.

CONDAMNER M. [E] [T] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral qu’il a subi.

CONDAMNER M. [E] [T] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice financier.

CONDAMNER M. [E] [T] à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de la perte de chance d’obtenir un meilleur rendement.

METTRE à la charge de M. [E] [T] les intérêts de retard au taux légal et ce à compter du jour de la décision à intervenir, conformément aux dispositions des articles 1344-4, 1153-1 et 1231-6 du code civil.

ORDONNER la capitalisation des intérêts, et ce à compter du jour de la décision à intervenir.

CONDAMNER M. [T] à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.’

M. [O] [F] [Z] [S] expose qu’il ne peut être retenu que le prêt de 25.000 euros est dérisoire ou insignifiant par rapport à l’engagement de M. [T] de rembourser la somme de 60.000 euros, étant précisé qu’un prix insuffisant ne remet pas en cause la valeur d’un contrat. M. [S] ajoute que le premier juge devait vérifier s’il y avait une absence de contrepartie au point que cette dernière soit inexistante ou vile.

M. [E] [T] n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel a été signifiée à personne le 29 mars 2022.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.

L’affaire a été plaidée le 12 mai 2023. La décision a été mise en délibéré au 04 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Par application de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Aux termes des dispositions de l’article 1169 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.

Dans un contrat synallagmatique, l’obligation d’une partie trouve sa cause dans l’obligation souscrite par l’autre partie (Civ. 1ère 25 mai 1988, Bull 149, pourvoi 86-15.683). Le contrat est donc nul pour absence de cause lorsqu’une des obligations n’existe pas ou ne peut être exécutée. L’annulation d’un contrat ne peut être prononcée que pour absence totale de cause.

Il résulte de la reconnaissance de dette du 27 septembre 2017 que M. [S], désigné comme étant le prêteur, a remis à M. [T], désigné comme étant l’emprunteur, la somme de 25.000 euros, et que l’emprunteur s’est engagé à verser au prêteur la somme de 50.000 euros dans un délai de quinze jours à compter de la signature de cet acte sous seing privé.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que le déséquilibre entre les prestations promises n’équivaut pas à une absence de cause pour la partie qui en est victime, ce qui est le cas en l’espèce, M. [T] devant rembourser à M. [S] la somme de 50.000 euros, soit le double du montant du prêt consenti. En d’autres termes, la nullité du contrat n’est encourue qu’en cas d’absence totale de contrepartie à l’engagement d’une partie (Civ. 3ème 3 mars 1993, pourvoi 91-15.613 ; Civ. 1ère 4 juillet 1995, pourvoi 93-16.198 ). Au nom de la sécurité des transactions, on considère que le contractant est le meilleur juge de ses intérêts, de sorte que la contrepartie, dès lors qu’elle existe, si faible soit-elle, caractérise la cause : il suffit que l’obligation du débiteur ait une contrepartie réelle (Cass.com, 31 mars 2009, pourvoi no08-13.560), mais il n’est pas exigé que les prestations réciproques soient équilibrées.

La cour relève également que le courrier adressé le 05 octobre 2018 par M. [T] à M. [S], rédigé conformément aux dispositions de l’article 1376 du code civil, vaut reconnaissance de dette. En l’espèce, M. [T], qui a reconnu avoir reçu la somme de 25.000 euros à titre de prêt, s’est engagé à rembourser à M. [S] la somme de 30.000 euros pour le 31 octobre 2018 et la somme de 30.000 euros le 30 novembre 2018.

La cour en déduit que le contrat synallagmatique du 27 septembre 2017 et la reconnaissance de dette du 05 octobre 2018 ne peuvent être qualifiés de dérisoires et déclare qu’ils sont fondés sur des obligations réciproques entre les parties et sur une cause réelle et licite. Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point.

Tant en première instance qu’en cause d’appel, M. [S] soutient qu’aucun versement n’a été effectué par le débiteur. La cour relève que, en première instance, M. [T] n’a produit aucun justificatif en ce sens.

En conséquence, M. [E] [N] [T] sera condamné à payer à M. [O] [F] [Z] [S] la somme de 60.000 euros au titre des reconnaissances de dette en date des 27 septembre 2017 et 05 octobre 2018 avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision.

Au regard du déséquilibre constaté dans les prestations réciproques des parties, M. [S] ne démontre pas avoir subi un préjudice moral et financier et une perte de chance d’obtenir un meilleur rendement, et ce d’autant que le recouvrement de la somme de 60.000 euros, même obtenu plusieurs années après le terme intialement prévu, apparaît de nature à compenser les pertes financières et préjudices allégués. Dès lors, M. [S] sera débouté de ces chefs de demande.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

Au vu des circonstances de la cause, de la solution apportée au litige et de la situation des parties, il convient de rejeter la demande présentée par M. [O] [F] [Z] [S] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant, M. [E] [N] [T] sera condamné aux dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 12 mai 2020 dans toutes ses dispositionsdont appel ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE que les reconnaissances de dette des 27 septembre 2017 et 05 octobre 2018 sont fondées sur des obligations réciproques entre les parties et sur une cause réelle et licite ;

CONDAMNE M. [E] [N] [T] à payer à M. [O] [F] [Z] [S] la somme de 60.000€ (soixante mille euros) au titre des reconnaissances de dette en date des 27 septembre 2017 et 05 octobre 2018 avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;

CONDAMNE M. [E] [N] [T] aux dépens de la présente instance.

Signé par M. Thierry PLUMENAIL, conseiller, pour la présidente empêchée conformément à l’article 456 alinéa 1 du code de procédure civile, et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, POUR LA PRESIDENTE,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x