Prêt entre particuliers : 30 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02955

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Prêt entre particuliers : 30 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02955

30 mars 2023
Cour d’appel de Rouen
RG
22/02955

N° RG 22/02955 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JFMK

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 30 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00282

Jugement du TRIBUNAL JUDICIAIRE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DU HAVRE du 13 Juin 2022

APPELANTE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE HAUTE NORMANDIE agissant pour suites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Inscrit au RCS de ROUEN n° 384 353 413

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Quentin DELABRE, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur [B] [F]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6] (76)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/010517 du 30/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 02 Mars 2023 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère

DEBATS :

Madame DUPONT greffière

A l’audience publique du 02 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mars 2023

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 30 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Suivant offre préalable acceptée le 18 novembre 2016, la société Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie a consenti à M. [B] [F] un prêt personnel d’un montant de 15 000 euros remboursable en 58 mensualités de 289 euros hors assurance au taux contractuel nominal de 4,61% et au taux annuel effectif global de 5,16%.

Par lettre recommandée distribuée le 26 avril 2019, la banque a mis en demeure M. [F] de lui régler la somme de 11 145,59 euros au titre du solde du prêt.

Une ordonnance d’injonction de payer a été rendue le 16 mars 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Havre et signifiée à M. [F] le 22 juin 2020.

Par lettre du 7 juillet 2020, M. [F] a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.

Par jugement contradictoire du 13 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Havre a :

– déclaré irrecevable comme étant forclose l’action en paiement diligentée par la Caisse d’épargne ;

– condamné la Caisse d’épargne à payer à M. [F] la somme de

700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Caisse d’épargne aux dépens.

Par déclaration du 8 septembre 2022, la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie a relevé appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2023.

Exposé des prétentions des parties

Par dernières conclusions reçues le 17 février 2023, la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie demande à la cour de :

– infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

– débouter M. [F] de ses demandes ;

– juger l’action en paiement recevable ;

– condamner M. [F] à lui verser la somme de 9 720,05 euros en principal, outre les intérêts de retard au taux de 4,61% à compter du 19 avril 2019 ;

– subsidiairement, à défaut de régularité de la déchéance du terme, condamner M. [F] à lui verser la somme de 9 573,80 euros avec les intérêts au taux de 4,61% à compter de l’arrêt ;

– condamner M. [F] à lui verser la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et aux dépens de première instance.

Y ajoutant,

– condamner M. [F] à lui verser la somme de 1 300 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et aux dépens d’appel.

Par dernières conclusions reçues le 16 février 2023, M. [F] demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue ;

A titre subsidiaire, infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

– constater l’absence de déchéance régulière du terme du crédit ;

– débouter la Caisse d’épargne de ses demandes ;

Très subsidiairement,

– prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

– lui accorder les plus larges délais de paiement ;

En tout état de cause,

– condamner la Caisse d’épargne aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l’exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action du prêteur

La banque fait grief au premier juge d’avoir déclaré son action forclose aux motifs que la première échéance impayée était celle du 15 juin 2018 et que la signification de l’ordonnance d’injonction de payer intervenue le 22 juin 2020 n’avait pu interrompre une forclusion déjà acquise alors que l’échéance du mois de mai 2018 a été réglée le 4 juin 2018 et que celle du mois de juin 2018 a été réglée au mois de novembre 2018 de sorte que la première échéance impayée non régularisée est celle du 15 juillet 2018 et que la signification de l’ordonnance d’injonction de payer a valablement interrompu le délai de forclusion.

L’emprunteur soutient que les difficultés de paiement ont commencé à l’échéance du mois d’avril 2017, que des paiements partiels sont intervenus et que la première échéance impayée date du mois de mai 2018 de sorte que l’action engagée est forclose.

Selon l’article R. 312-35 du code de la consommation dans sa version issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 applicable aux contrats conclus à compter du 1er juillet 2016, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

En l’espèce, il résulte du tableau d’amortissement versé aux débats que le prêt, d’un montant de 15 000 euros, devait être remboursé en une échéance de 338,18 euros le 15 janvier 2017 puis en 57 échéances de 299,50 euros.

L’historique du compte établit que :

– la mensualité du 15 janvier 2017 a été réglée à l’échéance,

– la mensualité du 15 février 2017 a été réglée à l’échéance,

– la mensualité du 15 mars 2017 a été réglée à l’échéance,

– la mensualité du 15 avril 2017 a été réglée à l’échéance,

– la mensualité du 15 mai 2017 a été retournée impayée puis régularisée par des versements intervenus le 20 juin et le 11 juillet 2017,

– la mensualité du 15 juin 2017 a été réglée à l’échéance,

– les mensualités du 15 juillet et du 15 août 2017 ont été impayées à leur échéance puis régularisées par des versements intervenus au mois de septembre 2017,

– la mensualité du 15 septembre 2017 a été régularisée le 13 octobre 2017,

– la mensualité du 15 octobre 2017 a été régularisée le 14 novembre 2017,

– la mensualité du 15 novembre 2017 a été régularisée le 14 décembre 2017,

– la mensualité du 15 décembre 2017 a été régularisée le 2 février 2018,

– la mensualité du 15 janvier 2018 a été régularisée le 14 février 2018,

– la mensualité du 15 février 2018 a été régularisée le 14 mars 2018,

– la mensualité du 15 mars 2018 a été régularisée le 13 avril 2018,

– la mensualité du 15 avril 2018 a été régularisée le 4 juin 2018,

– la mensualité du 15 mai 2018 a été régularisée le 6 juillet 2018,

– la mensualité du 15 juin 2018 a été régularisée les 5 novembre et 3 décembre 2018.

– la mensualité du 15 juillet 2018 n’a pas été réglée ni les mensualités suivantes.

Le décompte de la créance fait état d’échéances impayées au mois d’avril 2019 à hauteur de la somme totale de 2 714,80 euros, ce dont il résulte que la dernière mensualité régularisée est celle du 15 juin 2020 et que les 9 mensualités suivantes sont demeurées impayées, le capital non échu réclamé à hauteur de 8 430,79 euros correspondant au capital restant dû au 7 avril 2019, conformément au tableau d’amortissement versé aux débats.

Il s’en déduit que la première échéance impayée est celle du 15 juillet 2018, que le délai de forclusion a été valablement interrompu par la signification de l’ordonnance d’injonction de payer intervenue le 22 juin 2020 et que l’action en paiement engagée par le prêteur est recevable pour avoir été exercée dans le délai de deux ans suivant la première échéance impayée non régularisée.

Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé dans ses dispositions ayant déclaré l’action du prêteur irrecevable comme étant forclose.

Sur la contestation de la régularité de la déchéance du terme

L’intimé soutient que la déchéance du terme du prêt n’a pas été régulièrement prononcée en l’absence d’envoi d’une mise en demeure préalable restée sans effet précisant le montant des échéances impayées et le délai de régularisation et que la demande en paiement formée par l’établissement de crédit est en conséquence irrecevable.

La banque réplique que le prononcé irrégulier de la déchéance du terme a pour seule conséquence de ne pas rendre exigible le capital restant dû de sorte que le prêteur est recevable à solliciter le paiement des échéances impayées.

Si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

L’article IV-9 du contrat relatif à la déchéance du terme prévoit à cet égard que le crédit sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles, sans qu’il soit besoin d’autre formalité qu’une simple notification préalable faite à l’emprunteur en cas de défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et accessoires, quinze jours après mise en demeure.

Il résulte des dispositions contractuelles que la déchéance du terme ne pouvait être valablement prononcée qu’à la suite d’une mise en demeure préalable adressée à l’emprunteur de régulariser les échéances impayées.

En l’espèce, faute pour la Caisse d’épargne de justifier de l’envoi d’une mise en demeure préalable, le prêteur ne peut se prévaloir de la déchéance du terme pour solliciter le paiement de l’intégralité des sommes exigibles.

Contrairement à ce que soutient l’intimé sur ce point, la sanction de l’irrégularité de la déchéance du terme n’est pas l’irrecevabilité de la demande en paiement formée par le prêteur mais seulement l’impossibilité de solliciter le paiement de l’intégralité des sommes rendues exigibles par la déchéance du terme.

La banque demeure fondée à solliciter le paiement des échéances échues impayées exigibles entre le 15 juillet 2018 et le 7 novembre 2021, soit la somme de 9 573,80 euros compte-tenu des versements intervenus.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L’emprunteur soutient que la banque doit être déchue du droit aux intérêts aux motifs qu’elle ne justifie pas de la consultation préalable du FICP ni de la remise d’un contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation, que le contrat n’est pas rédigé en caractères de corps 8 et qu’il n’a pas été tenu compte de ses charges courantes ni des crédits déjà contractés pour apprécier sa capacité de remboursement.

Le prêteur fait valoir qu’il justifie de la consultation du FICP, que l’emprunteur a reconnu rester en possession d’un exemplaire de l’offre accompagné d’un bordereau de rétractation, que la mesure du corps des lettres du contrat établit que l’écart entre la hampe des lettres montantes et le jambage des lettres descendantes n’est pas inférieur à 2,816 millimètres et qu’au vu des informations fournies, M. [F] disposait d’un revenu suffisant pour faire face aux dépenses de la vie courante.

En application des dispositions des articles L. 312-21 et L. 341-4 du code de la consommation dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles.

La reconnaissance écrite par l’emprunteur, dans une clause-type figurant dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre ne permet pas de présumer de sa remise effective à l’emprunteur mais constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En l’espèce, la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis un exemple de l’offre comportant un bordereau de rétractation est insuffisante à elle-seule à établir la preuve de la remise effective d’une offre conforme aux dispositions de l’article L. 312-21.

Est également insuffisante à établir cette remise la référence à la possibilité et aux modalités de rétractation mentionnées dans la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées.

Il convient en conséquence de prononcer la déchéance du prêteur du droit aux intérêts contractuels pour ce motif, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres motifs invoqués.

Contrairement à ce que soutient M. [F] sur ce point, le prêteur précise le montant de sa créance expurgée d’intérêts en effectuant une soustraction entre le capital emprunté et les versements intervenus, sans qu’il y ait lieu de déduire du montant restant dû les cotisations d’assurance dont le remboursement n’est au demeurant pas sollicité par l’emprunteur.

La créance de la Caisse d’épargne expurgée des intérêts contractuels s’établit en conséquence, déduction faite des règlements effectués, à la somme de

7 414,56 euros au paiement de laquelle il convient de condamner M. [F].

Compte-tenu de la déchéance du droit aux intérêts prononcée, la créance sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.

Sur la demande de délais de paiement

M. [F] sollicite les plus larges délais de paiement aux motifs qu’il travaille pour un salaire de 1 500 euros et qu’il doit faire face aux charges courantes.

La banque s’oppose à l’octroi de délais de paiement en faisant valoir que le débiteur ne propose aucun échéancier précis et qu’il ne justifie pas de ce qu’il pourra s’acquitter de sa dette dans un délai de 24 mois.

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte-tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, M. [F] justifie par la production de son avis d’imposition, d’un revenu annuel de 16 729 euros, soit un revenu mensuel de 1 394 euros, lequel ne lui permet pas de s’acquitter des sommes dues dans le délai maximum de 24 mois prévu par la loi.

En outre, le débiteur, qui ne forme aucune proposition concrète de règlement, a déjà bénéficié d’amples délais de paiement de fait compte-tenu de la durée de la procédure.

Il convient en conséquence de le débouter de sa demande de délais de paiement.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.

M. [F] devra supporter la charge de dépens de première instance et d’appel, sera condamnée à verser à l’appelante la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l’action en paiement exercée par la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Haute Normandie ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur ;

Condamne M. [B] [F] à verser à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Haute Normandie la somme de 7 414,56 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute M. [B] [F] de sa demande de délais de paiement ;

Condamne M. [B] [F] aux dépens de première instance ;

Condamne M. [B] [F] à verser à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Haute Normandie la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne M. [B] [F] aux dépens d’appel ;

Condamne M. [B] [F] à verser à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Haute Normandie la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Déboute M. [B] [F] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La greffière La présidente

 


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