30 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/11065
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 30 MARS 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11065 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6TQ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Avril 2022 du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Bobigny – RG n°20/04482
APPELANTS
Monsieur [F] [M]
né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 9]
[Adresse 11]
[Localité 5]
ET
Madame [O] [Z] épouse [M]
née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 7] (MAROC)
[Adresse 11]
[Localité 5]
Représentés par Me Elsa RAITBERGER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0973 Assisté à l’audience de Me Françoise PAEYE, avocat au barreau de MEAUX,
INTIMÉ
Monsieur [N] [S]
né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Vanessa GRYNWAJC de l’AARPI GRYNWAJC – STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1228
Assisté à l’audience de Me Marietta AKA, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été plaidée le 07 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
M. Laurent NAJEM, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame FlorencePAPIN, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
Rappel des faits et de la procédure :
Suivant acte notarié en date du 21 mai 2015, passé par devant maître [C] [B], notaire associé de la SCP [E] [I], [R] [A], titulaire d’un office à [Localité 8], Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M], en leur qualité de débiteurs solidaires, présents à l’acte et Monsieur [N] [S], en sa qualité de créancier, également présent à l’acte, ont consenti à une reconnaissance de dette portant sur la somme de 140.000 euros et à l’affectation de leur bien immobilier, sis à [Adresse 11] à la sûreté et garantie du remboursement de la somme précitée.
Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] ont fait assigner, par exploit d’huissier en date du 22 mai 2020, Monsieur [N] [S] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir prononcer la nullité de la reconnaissance de dette, du prêt ainsi que de l’affectation hypothécaire consentie.
Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bobigny a :
Déclaré Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] mal fondés en leur demande de sursis à statuer et les en déboule,
Condamné Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] à payer à Monsieur [N] [S] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] aux dépens de l’incident,
Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 14 juin 2022 pour conclusions récapitulatives de Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M], et à défaut radiation.
Le 10 juin 2022, Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées par voie électroniques le 31 janvier 2023, Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] demandent à la cour de :
Vu l’ordonnance entreprise,
Vu l’article 378 du code de procédure civile,
Vu l’article 4 du Code de procédure pénale,
Recevoir Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] en leur appel et les y déclarer bien fondés,
Infirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Bobigny en date du 26 avril 2022,
Et statuant à nouveau,
Déclarer Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] bien fondés en leur demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale faisant suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée par eux devant le doyen des juges d’instruction près du tribunal judiciaire de Bobigny,
Surseoir à statuer sur l’action en nullité initiée par acte d’huissier du 22 mai 2020 devant le tribunal judiciaire de Bobigny par Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] dans l’attente de l’issue de la procédure pénale faisant suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée par eux le 30 novembre 2021 devant le doyen des juges d’instruction près du tribunal judiciaire de Bobigny,
Débouter Monsieur [N] [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Et en tout état de cause,
Condamner Monsieur [N] [S] à payer à Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Monsieur [N] [S] à aux entiers dépens et autoriser maître [W] [J], à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l’avance sans recevoir provision suffisante, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir avoir déposé plainte contre Monsieur [N] [S] le 20 mai 2021 auprès du commissariat de Villepinte puis plainte avec constitution de partie civile pour abus de confiance le 30 novembre 2021 devant le doyen des juges d’instruction près du tribunal judiciaire de Bobigny, contestant la réalité du prêt allégué et que le sursis s’impose, leur action tendant à la réparation du dommage causé par l’infraction, ou à tout le moins dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électroniques le 16 janvier 2023, Monsieur [N] [S] demande à la cour de :
Vu les articles 1 et 4 du code de procédure pénale ;
Débouter Monsieur et Madame [M] de l’ensemble de leurs demandes.
Confirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état près du tribunal judiciaire de Bobigny le 26 avril 2022 en toutes ses dispositions.
En tout état de cause,
Condamner Monsieur et Madame [M] à verser à Monsieur [S] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Monsieur et Madame [M] aux entiers dépens.
Il fait valoir que Monsieur et Madame [M] ne produisent pas l’arrêt de la chambre de l’instruction et que le juge d’instruction ayant déclaré leur plainte avec constitution de partie civile irrecevable, ils ne sont pas en mesure de justifier de la mise en mouvement de l’action publique.
Il rajoute que le sursis à statuer ne s’impose pas au juge civil, la procédure n’ayant pas pour objet la réparation d’un dommage causé par l’infraction pénale alléguée, que la plainte déposée, plusieurs années après l’acte notarié de reconnaissance de dette, n’est qu’un stratagème pour faire obstacle à la mise en oeuvre de la garantie qui lui avait été octroyée et n’apparaît pas être dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 07 février 2023 avant l’ouverture des débats.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’appel :
La demande de sursis à statuer constituant une exception de procédure, l’ordonnance du juge de la mise en état qui statue sur une telle demande est en application de l’article 795 du code de procédure civile susceptible d’appel dans les 15 jours à compter de sa signification.
L’appel immédiat contre l’ordonnance du juge de la mise en état qui ordonne le sursis à statuer n’est possible que sur autorisation du premier président, en application de l’article 380 du code de procédure civile applicable aux ordonnances du juge de la mise en état.
S’agissant en l’espèce d’une décision refusant le sursis à statuer, l’autorisation n’est pas requise par l’article 380 du code de procédure civile et l’appel immédiat est possible en application de l’article 795 du code de procédure civile.
Dès lors, l’appel des époux [M] est recevable.
Sur la demande :
Le 30 novembre 2021, les époux [M] ont déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Bobigny pour tentative d’escroquerie de Monsieur [S] à leur encontre ‘en couvrant frauduleusement par un acte authentique l’inexistence de la remise de la somme de 70.000 euros et en ne justifiant (pas) de la remise effective de ladite somme dans le cadre de la procédure civile initiée par les époux [M]’ et pour tentative d’escroquerie au jugement ‘en instrumentalisant frauduleusement les avantages d’un acte authentique fondé sur des mensonges’.
Il résulte de l’article 4 du code de procédure pénale que l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
L’article 4 alinéa 2 ne vise que l’action civile exercée devant une juridiction civile indépendamment de l’action pénale.
En l’espèce, les époux [G] n’agissent pas dans le cadre de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction pour laquelle le sursis à statuer est prévu par l’article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale, la procédure civile engagée par eux ayant pour objet de voir prononcer la nullité d’une reconnaissance de dette et de l’affectation hypothécaire qu’ils ont consentie et non la réparation du dommage causé par l’infraction de tentative d’escroquerie pour laquelle ils ont déposé plainte avec constitution civile ; dès lors il appartient à la cour d’apprécier discrétionnairement son opportunité dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
Les époux [G] exposent dans leurs conclusions que la plainte avec constitution de partie civile en date du 30 novembre 2021 devant le doyen des juges d’instruction près du tribunal judiciaire de Bobigny a été déclarée irrecevable le 7 février 2022 par ce magistrat en l’absence de justification requise à l’article 85 du code de procédure pénale, décision dont ils ont interjeté appel.
Ce recours a été évoqué par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris à l’audience du 3 novembre 2022.
En dépit d’une sommation d’avoir à communiquer l’arrêt rendu délivrée le 6 janvier 2023 par Monsieur [S], aucune décision de cette chambre n’est communiquée par eux.
Par conséquent, les époux [G] ne rapportent pas la preuve que l’action publique, dans l’attente de laquelle ils sollicitent qu’il soit sursis à statuer, soit effectivement en cours.
De plus, le tribunal est à même d’apprécier au vu des preuves remises par les parties la validité de la reconnaissance de dette et de l’affectation hypothécaire accordée par les époux [G], litige purement civil, sans qu’il y ait lieu d’attendre l’issue de la plainte déposée par eux en novembre 2021 plusieurs années après l’acte notarié par lequel ils y ont consenti en mai 2015.
Dès lors, il n’est pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer.
La décision déférée, qui a rejeté la demande de sursis à statuer, est confirmée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
A hauteur d’appel, les époux [G] sont condamnés aux dépens et à payer à Monsieur [S] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] à verser à Monsieur [S] une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [F] [M] et Madame [O] [Z] épouse [M] aux dépens de l’appel ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE